renfermoit la dépouillé mortelle des rois. La plus grande de ces excavations a cent
onze métrés (i) de profondeur, et il faut se représenter cjue, dans une aussi grande
etendue, il n y a pas un seul coin de mur, pas une seule paroi, pas un seul plafond,
qui ne soient couverts de tableaux allégoriques, de figures hiéroglyphiques et d’orne-
mens multiplies. Ces monumens si dignes d admiration confirment l'opinion que
Diodore de Sicile a voulu en donner, lorsqu’il rapporte que les rois qui les ont
eleves, n ont point laisse a leurs successeurs le moyen de les surpasser (2].
Pour se former une idée complète de leur destination et de leur emploi, il faut
se représenter la pompe funebre dun bon roi (q). Pendant soixante-douze jours,
tout son peuple a cte en proie a la plus vive douleur; les temples ont été fermes,
les sacrifices interrompus, les fetes suspendues; toute i’Égypte a retenti de
chants funèbres et de ces lamentations que l’on composoit à la louange des
vertus du roi. 1. abstinence la plus entiere a succédé a 1 usage de tout ce qui peut
flatter 1 odorat et le goût. De magnifiques funérailles ont été préparées, et, au dernier
jour, le corps du roi est transporté du vaste palais de Karn*ak sur la rive occidentale
du Nil. Il est déposé dans la barque fatale. Il traverse le fleuve qu’il ne doit plus
repasser. Le cortege des pretres qui 1 accompagnent, s’achemine vers la vallée des
tombeaux. Les montagnes qui la forment sont couvertes d’une foule immense. On
arrive enfin au lieu de la sépulture, et le corps est déposé à l’entrée de l’hypogée.
L a , conformément aux lois, s ouvre l’audience publique o.ù l’on doit recevoir les
accusations et les plaintes portées contre le monarque décédé. Les prêtres, en
faisant au peuple 1 expose de sa vie, ny trouvent que des actions vertueuses et
dignes de louanges. Ce jugement favorable est accueilli par les acclamations de la
multitude innombrable qui accompagne le convoi. Aussitôt s’ouvrent les portes
nombreuses qui defenden t au vulgaire 1 approche du lieu sacré. Les prêtres s’avancent,
et leur marche n est eclairee que par la lumière incertaine des lampes sépulcrales.
Ils penetrent dans le lieu le plus recule du monument ; ils déposent dans le sarcophage
la momie du roi. La tombe se ferme pour toujours ; et dans ces lieux où
s’étoit montré un cortège pompeux et bruyant, succède bientôt le silence du
néant et de la mort.
Si les tombeaux des rois méritent à un haut degré l’attention, les nombreuses
grottes dont le reste de la montagne Libyque est percé, donnent lieu à une
foule de remarques curieuses et pleines d’intérêt. On y voit représentés,'dans
des bas-reliefs colories, ou dans des peintures, Jes diflerens travaux auxquels se
livraient lés anciens Égyptiens, tels que la chasse, la pêche, le labourage, les
récoltes, la navigation, le commerce, les exercices militaires, les procédés des arts
et métiers. Les cérémonies nuptiales et funéraires y sont aussi par-tout figurées.
Il s en faut de beaucoup que nous ayons pénétré dans toutes ces grottes, qui mériteraient
elles seules que l’on fît un voyage pour les parcourir et les étudier; mais
parmi celles que nous avons visitées, on doit remarquer plus particulièrement les
hypogées qui renferment encore des momies. Une très-petite ouverture, obstruée
(1) Trois cent qaarante-un pieds. (3) Diod. Sicul. BiUnth. Ijisl. Iib. r , pag. 8 3 , ed.
(2) Diod. Sic. Bibliolh. hist. Iib. i , pag. 56, ed. } 746. *746.
maintenant
maintenant par des débris de pierres et de briques, en forme l’entrée. Ce n’est
qu’en rampant au milieu des restes de momies et des lambeaux, que l’on peut
s’y introduire. On se trouve alors dans un couloir très-élevé, dont les murs
sont décorés d’inscriptions hiéroglyphiques ; ensuite on pénètre dans d’autres
petits passages, avant d’atteindre au fond de la grotte, vers laquelle on arrive
par une pente douce qui commence- dès l’origine. Les momies sont rangées
les unes sur les autres dans des caveaux' creusés de chaque côté des couloirs.
Souvent elles remplissent des puits assez profonds, jusqu’au niveau du sol de
la grotte ; mais elles sont maintenant bouleversées et présentent l’aspect de
la dévastation. Il est impossible de ne pas être vivement ému à la vue de tous
ces corps inanimés qui sont là depuis tant de siècles, et qu’une avarice sordide
et une insatiable curiosité ont troublés dans leur repos qui devoit être
éternel.
Le riche et le pauvre paroissent, au premier coup-d’oeil, confondus dans ces
asiles de la mort; mais bientôt, en examinant les momies avec soin, on reconnoit
que les hommes dont elles offrent les restes, étoient d’une condition différente.
Les distinctions et les richesses les ont encore suivis dans ces demeures sombres, où
ce qui frappe le plus est le néant de tous. Des mains et des pieds, quelquefois des
parties plùs considérables du corps, entièrement dorés, annoncent les débris de
personnages importans. Des enveloppes décorées de dorures et d’hiéroglyphes
peints, des manuscrits en caractères hiéroglyphiques et vulgaires, qui retraçoient
probablement la vie du mort ou des formulaires usités dans les cérémonies funèbres,
sont encore des indices non équivoques de puissance et de richesse. Ce qui
étonne au-delà de tout ce qu’on peut imaginer, c’est la prodigieuse quantité de
bas-reliefs et d’hiéroglyphes sculptés et peints, qui couvrent les parois de ces grottes;
et ces sculptures ne devoient jamais voir le jour! et elles n’ont pu être exécutées
qu’à la lueur des flambeaux ! L ’imagination suffit à peine à se figurer quel temps,
quel nombre prodigieux d’ouvriers, quelle constance a demandés la création de tant
de merveilles.
Au sentiment de curiosité qui conduit le voyageur dans les tombeaux,,succède
une vive inquiétude, lorsqu’il y est entré. Ce n’est pas sans effroi qu’à la lueur
d’un foible flambeau il pénètre dans ces catacombes : la crainte de voir la lumière
s’éteindre, et de se perdre au milieu de ces labyrinthes, n’est pas moins cruelle que
la chance qu’il court d’être victime d’un incendie qu’une étincelle pourrait allumer
au milieu des matières éminemment inflammables dont les hypogées sont
remplis.
Tout ce faste et toute cette magnificence des tombeaux, tous ces soins apportés
à la conservation de la dépouille mortelle de l’homme, seraient entièrement incompréhensibles,
si les moeurs et les croyances religieuses des Égyptiens n’en déve-
loppoient le motif. On sait combien ce peuple se livrait au sentiment de la
reconnoissance, dont les lois mêmes lui faisoient un devoir. Il faut ajouter encore,
si l’on en croit les anciens historiens, que les tombeaux n’étoient pas seulement
des monumens sacrés qui devoient porter aux siècles futurs la mémoire des grands