côtés de longues galeries, et renfermant dans son enceinte des temples et des habitations.
Au milieu est une avenue de colonnes qui ont jusqu'à vingt-trois mètres (1}
d élévation : ruinées dans leurs fondemens, la plupart d’entre elles sont tombées
d une seule pièce, et étendent au loin les troncs de leurs assises, encore rangés dans
leur ordre primitif. Une seule reste debout, comme pour attester une magnificence
que 1 on ne peut plus que deviner. Up second pylône, précédé de deux statues
colossales, sert d entrée à une grande salle, qui a cent trois mètres (2) dans sa plus
grande dimension, et cinquante-un (3) dans sa plus petite. Les pierres de plafond
reposent sur des architraves portées par cent trente-quatre colonnes encore debout.
Les .plus grosses n ont pas moins de trois mètres soixante centièmes (4) de diamètre,
et plus de vingt-deux mètres et demi (y) d’élévation. Les chapiteaux ont
près de vingt-un-mètres (6) de développement, et leur partie supérieure présente
une surface où cent hommes pourroient tenir aisément debout.
En passant sous un autre pylône, on arrive dans une espèce de cour, où il existoit
autrefois deux obélisques en granit, de vingt-deux mètres quarante centièmes (7V
d élévation : un seul reste encore élevé sur sa base. Une grande porte et un autre
pylône conduisent à une salle détruite jusque dans ses fondemens; elle avoit des
galeries formées de piliers cariatides, et elle renferme le plus grand des obélisques
qui existent encore dans toute l’Égypte. Cet obélisque a trente mètres (8) de hauteur:
ses sculptures sont d’une exécution parfaite, et semblent être au-dessus de tout ce
que pourroient produire en ce genre les arts perfectionnés de l’Europe. Une autre
porte conduit à des constructions en granit, qui paraissent les plus soignées de tout
ce vaste édifice. Plus loin, on aperçoit encore une multitude de colonnes et un
grand nombre d’appartemens. Les couleurs qui sont appliquées sur toutes les sculptures,
et qui devraient avoir le plus éprouvé les ravages du temps, brillent presque
par-tout du plus v if éclat
Tant de grandeur et de magnificence laisse dans l’esprit des impressions
vives et profondes. Un spectacle si extraordinaire paroît être moins une réalité
que le produit d’une imagination disposée à s’environner d’objets d’une grandeur
fantastique. Au milieu de ces belles ruines, le voyageur est frappé d’abord
delà solitude qui 1 entoure; mais bientôt des souvenirs sans nombre se présentent
en foule à sa pensée. Tout alors s’anime autour de lui : les batailles sculptées
sur les murs du palais ne sont plus de vaines images; il se reporte aux lieux
memes ou elles ont été livrées ; il suit les mouvemens des années qui sont
en présence; il s intéresse vivement au héros qui, par l’impétuosité de' son courage,
décide la victoire. Ces édifices mêmes, objets de son étonnement, il se les
représente a 1 époque de leur construction première, remplis d’une multitude
nombreuse, occupée à soulever ces-énormes pierres qui forment! les architraves
et les plafonds. 11 cherche à deviner par quel art merveilleux, et maintenant
( .) SoixanEe-dix pied,. (s) Soixante-dix pieds.
2 T r° B É g f d lI-huit Pi«*- (6) Soixante-quatre pieds.
2 „ c,n(l uante-tieuf pieds. (7) Soixante-neuf pieds.
nze pie s. .(8) Quatre-vingt-onze pieds.
oublié, ces obélisques si élevés et ces statues si colossales ont été amenés de la
carrière et placés sur leurs bases.
Lorsqu’on a pu saisir toute la distribution du plan du palais de Karnak, on ne
se lasse point d’en admirer la régularité; on remarque sur-tout la belle ordonnance
et la symétrie de toutes les parties de ce vaste édifice.
Au nord du palais, on voit encore une porte triomphale, encore des avenues
de sphinx, encore des débris d’obélisques. Aucun endroit de Thèbes ne réunit
plus de fragmens de granit. Il semble qu’ici la barbarie ne se soit pas lassée de
détruire ; rien n’est entier : on ne voit plus que les fondations d’édifices qui durent
être considérables.
Après avoir montré les habitations des anciens rois de Thèbes, il nous reste à
jeter un coup-d’oeil sur les hypogées qui furent leurs dernières demeures. C’est
derrière le palais de Qournah, que s’ouvre la vallée qui conduit aux tombeaux des
rois. Elle est formée par deux chaînes de montagnes qui sont à pic dans presque
toute leur étendue. Elle se dirige d’abord entre le septentrion et le couchant; puis
elle tourne de plus en plus vers l’occident, et prend successivement toutes les
directions, jusqu’à ce Qu’enfin elle occupe une position intermédiaire entre le sud et
l’ouest. C’est là que l’on voit les hypogées qui ont servi de sépultures aux anciens
souverains de l’Égypte; c’est là qu’étalant une magnificence vraiment royale, ces
monarques ont fait concourir tous les arts à l’embellissement de leurs dernières
demeures. L ’architecture leur a fourni des distributions sages et une exécution soignée;
la sculpture, des sujets naïfs et gracieux; la peinture, des couleurs.pleines de
fraîcheur et d’éclat. Si parmi cette foule d’ornemens dont les parois des tombeaux
sont couvertes, il en est quelques-uns qui paraissent extraordinaires , ce n’est sans
doute que parce qu’on ne peut pénétrer aujourd’hui les motifs de leurs formes
bizarres.
On peut regarder ces tombeaux comme le dépôt de toutes les connoissances de
l’antique Égypte. On y voit en effet une multitude de tableaux dont les uns ont
trait à des scènes domestiques, les autres à la religion, à l'astronomie, et en général
aux sciences et aux arts. Les rois reposoient dans ces demeures sombres, au milieu
de tout ce qui pouvoit les recommander à la postérité. On y avoit consigné les
services qu’ils avoient rendus à la patrie, les actions d’éclat qui les avoient illustrés
à la guerre, les tributs qu’ils avoient levés sur les peuples vaincus, les arts et les
sciences qu’ils avoient encouragés et protégés.
Ces tombeaux sont construits sur un même plan; mais ils offrent presque tous
des particularités remarquables. Une porte taillée verticalement dans le rocher sert
d’entrée à une longue galerie ou couloir qui se dirige vers l’intérieur de la montagne,
suivant un plan incliné à l’horizon, et qui constitue,àproprement parier, toutl’hypo-
gée. Ces couloirs sont entrecoupés, tantôt par de simples encadremens ou chambranles
taillés dans le rocher et destinés à recevoir des portes, tantôt par de petites
pièces carrées ou rectangulaires., et tantôt encore par de grandes salles oblongues,
soutenues par des piliers élevés sur un stylobate qui règne dans tout le pourtour. C’est
dans ces grandes pièces que se trouve ordinairement un sarcophage de granit, qui