et devient excessive; les vents, qui pourraient la tempérer, n’ont aucun accès
dans cette enceinte; on est comme dans une fournaise; on respire un air embrasé :
toutes les fonctions de la vie languissent et sont au moment de s’éteindre. Deux
hommes qui faisoient partie de l’escorte du général Desaix, lorsqu’il visita les
tombeaux des rois, le a septembre 1799, y moururent d’étouffement. Je ne crois
pas qu’il fût possible d’y séjourner vingt-quatre heures, si les catacombes n'offraient
un asile contre cette chaleur accablante.
Un sentier frayé sur les flancs de la montagne, au fond du rameau sud-est de
la vallée, excita ma curiosité; j’entrepris d’en faire la reconnoissance avec MM. les
ingénieurs Corabceuf et Saint-Genis. Nous suivîmes le sentier dans tous ses détours :
après avoir monté et descendu plusieurs pentes difficiles, nous arrivâmes au pied
de la chaîne de rocs qui est assise sur tout le contour du bassin ; un rocher coupé
à pic selevoit devant nous, et formoit une barrière,qui nous sembla d’abord insurmontable.
En approchant, nous reconnûmes, derrière une masse de pierre, un
couloir roide et escarpé, qu’il étoit possible de gravir en s’aidant des mains : nous
suivîmes cette route, et nous arrivâmes, non sans peine et sans danger, sur un
étroit plateau qui forme dans cet endroit le sommet de la chaîne Libyque et qui
domine la vallée de Thèbes. Notre vue embrassoit toute la plaine,où exista cette
grande cité. Le JVLcmnonmnij dont nous pensions etre bien éloignés, se voyoit a une
petite distance au bas de la montagne; les colosses de Memnon et le palais de
Medynet-abou paroissoient plus loin sur la droite; au-delà du fleuve, nous voyions
les ruines immenses de Louqsor et de Karnak avec leurs grands obélisques; dans
le lointain, tout près de la chaîne Arabique, qui borne la plaine du côté de l’orient,
nous apercevions Med-a’moud. Le Nil, portant avec lui l’abondance et la vie,
divise la vallée en deux parties à peu près égales ; les monumens antiques sont
répandus de part et d’autre avec profusion. Il est impossible de décider quelle est
celle des deux rives qui a le plus de droits à la curiosité des voyageurs. Le soleil,
au milieu d’un ciel pur et bleu, étincelant d une clarté inconnue dans nos climats,
embellit cette scène par la chaleur du coloris qu’il répand sur tous les objets et
par l’éclat qu’il communique aux eaux du fleuve. Il n’est, sur le globe, aucun autre
point où l’on puisse contempler réunies autant de choses qui parlent aussi puissamment
à l’aine et qui la remplissent d’aussi grandes pensées. Ce sont les restes
de l’antique Thèbes aux cent portes, de cette ville que les plus anciens poètes
citent comme le séjour des dieux et la merveille du monde. Quelle prodigieuse
antiquité ! Que de générations se sont écoulées depuis que Ces grands édifices sont
debout! Cette ville étoit déserte long-temps avant que l’on songeât à bâtir les
plus anciennes villes qui existent aujourd'hui sur la terre; et depuis que ses ruines
sont l’objet de l’admiration des hommes, on a vu commencer et finir des empires
puissans, qui ont rempli pendant plusieurs siècles l’univers du bruit de leur nom.
. Sur la position élevée où nous étions, on respire un air frais et agréable, bien
différent de l’atmosphère embrasée de la vallée des tombeaux; nos forces abattues
par la fatigue et par l’excessive chaleur se rétablirent promptement, et nous
pûmes jouir, avec toute la plénitude de nos facultés, de la richesse et de la variété
des tableaux que nous offrait ce point de vue. II est impossible d’imaginer un
contraste plus frappant que celui des deux scènes que nous avions alors sous les
yeux : d’un côté, la solitude, l’aridité, la désolation et la mort; de l’autre, des
temples, des palais, un beau fleuve, la verdure, les champs cultivés, des troupeaux,
des hommes et tout le mouvement de la nature animée.
A l’époque où Strabon visita les tombeaux des rois, on connoissoit onze catacombes
que l’on voit encore de notre temps; nous en connoissons aujourd’hui une
douzième dont l’existence a été ignorée de Strabon et de tous ceux qui ont écrit
sur cette partie des antiquités de l’Egypte. Elle est située dans une autre vallée,
à laquelle conduit l’embranchement que nous avons laissé sur la droite avant
d’arriver à la vallée principale. Ce douzième tombeau a été découvert par nos
compagnons de voyage, MM. Jollois et Devilliers, les deux voyageurs connus
qui ont fait le plus long séjour à Thèbes, où ils ont- habité pendant plusieurs
mois.
Les tombeaux des rois sont faits sur un plan à peu près uniforme, moins compliqué
que celui de la grotte Syringe. Il faut se les représenter comme une suite
de longues galeries et de salles de différentes grandeurs. Une de ces salles, qui, par
ses dimensions et par les soins qu’on a donnés à sa construction, se distingue de
toutes les autres, paraît être la pièce principale du souterrain : c’est là que repo-
soit l’ombre royale.
Toutes les catacombes ne sont pas égales en grandeur et en magnificence : leur
longueur varie depuis seize mètres jusqu’à cent vingt (,i); il en est qui sont achevées
et couvertes d ornemens, pendant que d’autres, à peine ébauchées, sont entièrement
nues : c’est annoncer assez que toutes ne présentent pas le même intérêt.
Certainement, si le moins fini et le moins considérable des tombeaux des rois se
trouvoit loin de cette terre, si riche en antiquités, on le regarderait comme une
relique précieuse ; il seroit l’objet de la vénération et des études des antiquaires :
mais le rapprochement d’un si grand nombre de ces monumens, sur un si petit
espace, conduit nécessairement à établir entre eux un ordre de préférence. Il a
donc fallu se borner et ne, parler avec quelques détails que des catacombes qui ont
paru les plus remarquables. Quant aux autres, j’epgage le lecteur à consulter les
planches et leur explication,
c a t a c o m b e d e s h a r p e s .
Cette catacombe est désignée, dans le plan topographique de la vallée et dans
les autres planches, sous le nom de cinquième tombeau de l ’est : la facilité de son
accès, ses grandes dimensions, le nombre de pièces dont elle est composée, la
variété des sujets peints sur ses parois, et la belle conservation des peintures, tout
semble se réunir pour piquer la curiosité ; aussi c’est celui des tombeaux qui attire
le premier l’attention des voyageurs.
Il s’est présenté, dans la confection de cette grotte, un accident assez singulier :
( 1) Q u a ra n te -n e u f pieds jusqu’à trois c e n t s o ix a n te -n e u f pieds.