
tous deux armés d’une verge; et ces trois figures se dirigent en sens inverse des neuf
personnages. Quand j’ai vu pour la première fois cette peinture sur place, il ma
paru que c’étoit l’image frappante de la transmigration des ames dans les corps des
animaux; et quelque étude quejen aie faite depuis, j’avoue que rien ne s’est offert
à mon esprjt sous une couleur plus vraisemblable. Je pense qu-d!e peut sintei-
préter de la manière suivante; le dieu vient de juger une airie, il l’a trouvée coupable,
et il l’a condamnée à retourner sur la terre pour y habiter dans le corps d un
pourceau ou d’un hippopotame (i).
Autre circonstance marquante : le ministre du roi des dieux, Mercure •iv^otcop.-mi
ou conducteur des ames, qu’Homère nous représente une verge à la main, conduisant
les ombres dans les enfers, paroît lui-même ici, exerçant ses fonctions
sous la figure du cynocéphale ; car, en Egypte, cet animal étoit consacré à Mercure
ou à Hermès Égyptien (2).
*Eppéni KuMhvios cîjgxscAgns
’A /M’Wpñfa'l ■ fUitk XipolV
K c t À n v , xpv<re h iv . . . ...............................
T r i 0 ¿ y i juvrfo-cii ..........................
..... *.............
*Üpjjeicus et>(90x^770. y g / r evpá>€V7x xeÁevjzc.
Odyss. lib. x x iv (3).
Les Latins ont adopté la même fiction, que les Greps avoient empruntée des
Égyptiens ; témoin ce que Virgile dit de Mercure :
Tunt virgam capit ; hàc animas Ule evocat Orco
Patien te s, a lia s sub tris fia Tartara mittit.
Æ n e ïd . lib . IV .
Si l’on doutoit de la source de cette fable, il suffirent, pour dissiper le doute,
du passage où Diodore de Sicile fait 1 énumération des Grecs qui, a 1 exemple
d’Orphée, sont allés en Egypte puiser les opinions religieuses et les principes des
sciences. Suivant Diodore, Mercure, le conducteur des ames, a son origine dans
cette ancienne pratique des Égyptiens, où un homme etoit charge de conduire le
corps d’Apis, et de le remettre à un autre qui portoit le masque de Cerbere.
Orphée ayant transmis aux Grecs cette fable Égyptienne, Homere, a son imitation,
(1) Comme ily a d e la ressemblance, à quelques Égards, un cynocéphale tenant un volume d une main, et prêt à
entre ces deux animaux, il est aisé de confondre l’un avec écrire de l’autre. Voyez la planche t j, Jig ; J , A . vol./.
l’autre. Le pourceau étoit un animal immonde chez les (3) “ Mercure le Cyllenien appelle Ies ames des
Égyptiens ; l’hippopotame étoit le symbole deplusieurs »amans de Pénélope; il porte dans les mains une belle
vices, tels que l’ingratitude, l’injustice et la violence, et » verge d’or.... avec laquelle il les conduit et presse leur
il étojt pour ce peuple un objet d’aversion. Voyez Hora- » marche.... ou bien s’avance à leur tête à travers des chepollon,
lit. I , Hier, l v i , et lib. 1 1 , Hier. X X X V I I . » mins hideux. »
Voyez aussi la Description d’EdfoÛ, A . L). ch. V ,p . } + On a révoqué en doute l’authenticité de ce passage et
(2) Horapoll. Hierogl. X IV , lib. I. même du chant entier, parce que nulle part ailleurs Ho-
Diodore ( Bièlioth. Ust. lib. 1) et Plutatque (Sympos. mère n’a donné à Mercure les noms de Cyllenien et 4e
lib. IX, q 11 test. 3 ) disent que Mercure inventa en Égypte conducteur des ames. Ces objections,« d autres pareilles
les lettres et l’écriture : un bas-relief de Philae représente ne font rien quant à l’ancienne origine de cette fable.
la fit entrer dans son poëme. A l’appui de son opinion, Diodore cite les vers
mêmes que j’ai cités plus haut (1).
A ce rapprochement, qui paroît fixer le sens de notre peinture, on peut ajouter
des indications accessoires qui confirment le fait principal. Dans les hiéroglyphes
du tableau, est une petite figure d’homme, de la tête de laquelle on voit jaillir un.jet
de sang. Or on voit une quantité de figures pareilles peintes en grand dans le même
hypogée, les mains liées, et à genoux, comme des criminels condamnés 9 la peine
capitale. Ne seroit-ce pas un de ces coupables dont le jugement seroit représenté
dans notre tableau, puisque les ame.s des médians dévoient passer dans le corps
des animaux immondes ou féroces ■
Parmi ces hiéroglyphes, on voit encore la forme de l’oeuf, que je regarde comme
un des emblèmes de la fécondation ; c’est encore ici le signe de la nouvelle carrière
que ce personnage va parcourir.
L ’épervier à face humaine, les ailes déployées, est répété quatre fois dans le
haut du tableau: cet oiseau symbolique est, ainsi qu’on l’a vu, l’une dès images Jes
plus fréquentes dans les hypogées ; et comme les scènes où il joue un pôle sont
de Ja nature de celle qui nous occupe, on ne peut s’empêcher de lui assigner un
objet relatif à la régénération et à la transformation des corps. Il seroit téméraire
de prononcer sur le sens précis de cette figure : mais, quand on la voit, dans le
papyrus hiéroglyphique, enfermée au-dedans d’un temple monolithe ; ensuite sortant
de ce temple, lès ailes déployées; plus loin, planant au-dessus du corps d’une
momie, comme pour y entrer (2), on ne peut se défendre de concevoir une
idée peut-être un peu hardie, mais qu’il est presque aussi difficile de combattre
que de soutenir. Les Égyptiens, qui croyoient à l’immortalité de famé (3), et qui
peignoient tout par des images, n’auroient-ils pas essayé, par cette figure complexe,
de peindre.le trajet d’une ame humaine, traversant les espaces çélestes
pour aller animer un nouveau corps i Toujours est-il bien remarquable qu’on voit
quatorze de ces mêmes figures dans un tableau bien intéressant d’Hennonthis, que
j’ai déjà eu l’occasion de décrire, et qui représente certainement la naissance d’Ho-
rus (4). Le scarabée qui plane sur le nouveau-né, ne laisse pas d’incertitude. D’un
autre côté, Platon (in Phoedro), parlant de la métempsycose, représente les ames
avec des ailes et volant dans l’espace. Mais ce qu’il y a de plus fort à l’appui de
cette conjecture, c’est le passage d’Horapollon, qui nous apprend positivement
que l’épervier étoit le symbole de l’ame (voyez ci-dessus p. 37j ). Maintenant c’est
au lecteur à juger s’il y a de la vraisemblance dans cette hypothèse , et sj l’épervier
à face d’homme peut faire naître une idée qui soit plus probable que celle d’une
nouvelle existence sous la figure humaine.
(1) J ’évite de transcrire ici le passage de Diodore sur
les funérailles des Egyptiens : aucun morceau n’a été cité
plus souvent.
(2) Voyez la planche p j , A . vol. I I , co l.y y , S i , 9 1,
et ci-dessus page 36 6 , où l’on a décrit l’épervier à face
humaine. Pour ne pas mêler de conjectures à une description,
on n’a pas dit qu’il entroit dans le corpsi mais
on l’a représenté s’élevant au-dessus du corps de la
momie, et semblant s’en échapper, parce que c’est en
effet la première idée qui vient à l’esprit.'
(3) Selon H érodote,les Egyptiens ont dit les premiers
que l’ame de l’homme est immortelle. Clément d’Alexandrie
dit que Platon a emprunté de Pythagore, et celui-ci
des Egyptiens, l’opinion de l’immortalité de l’ame.
(4) Voyez la planche 96, fig. 1, A . vol. 1, et la Description
d’Hermonthis, A . D . çhap. v m , pag. 10 et u .