dans les pierres du plafond, et tracées avec soin et précision. C’étoit peut-être un
moyen que l’on s’étoit ménagé pour élever momentanément au-dessus du palais
un second étage qui n’étoit construit qu’en charpente et en toiles.
En faisant des fouilles à l’extrémité du palais, dans l’angle le plus rapproché du
Nil, on a retrouvé un soubassement que l’on verra profilé dans la coupe que nous
en avons donnée (i) : il devoit environner entièrement le monument, puisqu’il est
inférieur au sol de toutes les parties de l’édifice, et même des obélisques. Il a un
mètre soixante-cinq centièmes de hauteur, sans compter un double socle d’un
mètre, sur lequel il est posé ; il est couronné d’une corniche de quatre-vingts centimètres
de hauteur : le socle inférieur est composé de gros blocs de grès de quatre-
vingts centimètres d’épaisseur, posés à plat sur un remblai de trois mètres soixante-
• un centièmes, au-dessous duquel on trouve le terrain primitif
On remarque à Louqsor une preuve bien convaincante d’un exhaussement
considérable du sol de l’Egypte. Nous venons de voir que les assises de fondations
du soubassement ont été posées, à trois mètres soixante-un centièmes au-dessus du
terrain primitif, sur un lit de décombres : or le niveau de la plaine est actuellement
à deux mètres vingt-cinq centièmes au-dessus de cette assise; le sol s’est donc
exhaussé de cinq mètres quatre-vingt-six centièmes.'
On sait, d’après le témoignage des anciens auteurs, que les Égyptiens bâtissoient
sur des remblais ; on en trouve ici la preuve.
Depuis-les temps les plus anciens, le Nil menace le rivage de Louqsor, vers
l’extrémité méridionale du palais. Les Egyptiens, pour se défendre des envahissemens
du fleuve, ont construit un mur de quai en pierres de grès semblables à celles qui
ont été employées pour le palais; ce mur a soixante-cinq mètres de longueur environ
: il y manque plusieurs assises, et cependant il s’élève encore à la même hauteur
que le premier socle du soubassement. Il a très-bien résisté à l’effort direct
des eaux. Seulement, pour éviter qu’il ne fût tourné par le fleuve, on a senti lanéces-
sité de le prolonger; ce que l’on a fait en maçonnerie de briques cuites : mais une
particularité difficile à croire, c’est que, l’étendue de cé mur ayant encore été
jugée insuffisante, on l’a prolongé de nouveau en briques crues. Les épaisseurs de
ce mur n’ont point été constatées; mais elles sont considérables. Nôus n’avons pu
observer les moyens employés pour en consolider les fondations; nous n’en avons
jamais vu le pied : d’ailleurs ces fondations, qui sans doute ont été établies au
niveau des plus basses eaux du N il, à l’époque de leur construction, sont au-
dessous des plus basses eaux actuelles ; car le fond du fleuve s’est exhaussé dans
la même proportion que le niveau moyen de la plaine (2). Quoique nous n’ayons
pu vérifier l’état des fondations des murs de quai, nous pouvons cependant assurer
qu’ils sont très-solides sur leurs bases, et qu’ils seront plutôt rongés par la force
du courant que renversés. On croira sans peine que la partie construite en briques
crues a considérablement souffert, tant parce qu’elle est plus exposée-, qu!à cause
de la nature des matériaux qui la composent; ce qui en reste est peu de chose,
et ne s’aperçoit même que lors des basses eaux. Le Nil a tourné successivement
(1) Voyez planche 8 , A . vol. I I I . (2) Voyc7 la section 11 de-ce chapitre, §. II.
toutes ces portions de quai, qu’il faudrait prolonger dé nouveau. Dans leur état
actuel, elles forment une espèce d’épi, en sorte qu’on peut espérer qu’elles finiront
par détourner le courant, et que cette construction des Égyptiens protégera longtemps
encore, contre l’effort des eaux, l’antique palais des rois de Thèbes.
Les édifices de Louqsor sont disposés sur trois axes différens : l’axe du premier
péristyle fait un angle de cinquante-huit degrés avec le méridien magnétique ; celui
de la grande colonnade, un angle de quarante-neuf degrés trente minutes ; celui de
la partie méridionale du palais, un angle de quarante-six degrés vingt-une minutes.
Ces trois parties bieii distinctes du palais doivent être considérées isolément.
Elles paroissent avoir été exécutées à des époques éloignées les unes des autres ; la
première, à la disposition près des obélisques, et la dernière, sont construites
sur des plans qui, par leur régularité et leur simplicité, ne le cèdent point aux autres
monumens de l’Égypte. 11 est probable que les appartemens qui environnent la salle
en granit, auront été construits les premiers : ce sont les seuls édifices indispensables;
le reste ne sert qu’à l’embellissement du palais, et aura été ajouté à différentes
époques. On sait que les rois d’Égypte signaloient leur grandeur et leur piété en
ajoutant des portiques, des statues et des obélisques aux anciens temples (i) : les palais
devoient aussi éprouver des effets de leur magnificence. Les rois honoraient les
dieux en décorant les temples; ils rendoient hommage à leurs/ancêtres par la restauration,
l’embellissement et l’agrandissement de leurs anciens palais, et ils satis-
faisoient leur vanité personnelle en surpassant leurs prédécesseurs en luxe et en
somptuosité.
Le fondateur du palais de Louqsor aura construit les édifices qui environnent la
salle en granit, jusqu’au portique à quatre rangs de colonnes, et peut-être les deux
portiques latéraux; son successeur se sera distingué en faisant élever la colonnade
qui les précède; un roi plus magnifique encore aura construit le grand péristyle et
les pylônes, en les enrichissant des colonnes et des obélisques, si toutefois il n’a ¡»s
laissé cette gloire à un quatrième souverain, qui, paï ces monumens seuls, a égalé
ou même surpassé ses prédécesseurs.
Il est bien difficile d’excuser et même d’expliquer l’irrégularité vraiment choquante
avec laquelle sont ajustées les belles parties du plan du palais. Pourquoi les ÿchi-
tectes n’ont-ils pas suivi la direction des édifices construits les premiers! On pouvoit
en établir toutes les parties sur le même axe, sans être gêné par le fleuve. Le seul
motif que l’on aperçoive, peut avoir été de présenter la façade du pylône aux édifices
.de Karnak, afin de réunir ces deux quartiers de Thèbes par l’allée de sphinx
dont nous avons parlé. Peut-être aussi les deux extrémités du palais de Louqsor ont
été construites séparément, et sans qu’on ait prévu la possibilité de les réunir par
la suite: ce ne serait que très-postérieurement que l’on aurait opéré cette réunion,
au moyen de la colonnade intermédiaire. Ce qui tendrait à faire rejeter cette opinion
, c’est que l’inclinaison de l’axe de la colonnade sur les deux autres axes n’est
pas égale, comme cela aurait dû avoir lieu pour rendre l’irrégularité moins sensible.
Nous ne devons pas négliger de dire que, si l’on en juge par l’apparence extérieure
(i) Herod.Hist. Iib. I l , cap. 10 1 , 10S, n o , 1 2 1 , 15 3 , 175 ; et Biod. Sic. Biblioth. hist. lîb. II.