
derrière le milieu du théâtre , eu égard a la face qui 1
etl expofée à la vue de la perfonne la plus diftinguée
parmi les fpeftateurs, afin qu’elles lui paroiffent fortir
du milieu du théâtre , ou à quelque diftance de ce
milieu, lorfqu’on les fait partir en fymétrie par
paires de chevalets placés de part & d’autre.
La figure des chevalets ( dont nous avons parle
plus haut ) peut varier fuivant l’ufage qu on le propose.
Si Ton en veut faire partir une douzaine en
même temps, il faut qu’il porte un cerclé polé de
niveau par le haut, & un autre par le'bas, l’un pour
les fufpendre, l’autre pour tenir leurs baguettes en
fituation d’à-plomb, par des anneaux ou des tetes
de clous. Si l’on veut qu’elles partent a quelque
diftance les unes des autres, on doit faire la tetedu
chevalet en triangle, à-plomb par le haut , & mettre
une tringle avec des anneaux ou des clous par le
bas , pour y faire paffer les queues des baguettes.
.Voyez la forme ordinaire d’un chevalet, fig.
Lorfqu’on veut tirer fucceilivement les fulées fans
beaucoup d’intervalle, il faut que les chevalets foient
plus étendus ; alors un poteau montant ne fuffit pas ;
il en faut au moins deux , trois ou quatre plantes en
terre pour y attacher des traverfes , l’une a la hauteur
de fix ou neuf pieds, & l’autre à un pied de terre,
auxquelles on plante des clous efpaces à un pied de
diftance les uns des autres , plus ou moins , fuivant
la groffeur des fufées. . A
Ces clous, pour plus de commodité, doivent etre
plantés par paires faillans d’un pouce .* ceux d en haut
fervent à foutenir la gorge de la fufee, & ceux de la
traverfe d’en bas , pour faire paffer entre deux le
bout de la baguette ; c’eft pourquoi ceux-ci doivent
•être pofés fur les autres , & nôtre éloignés que de
l ’épaiffeur de la baguette , pour y faire la fonftion
d’un anneau dans lequel on l’engage pour la tenir
à-plomb fous la fufée, au moyen de quoi on tire les
fjifées fucceffivement , & pendant auffi long-temps
qu’on en a pour remplacer celles qui ont parti. A cet
égard il y a une précaution à prendre pour prévenir
la confufion & le défordre ; c’eft d’écarter un peu du
chevalet, & de couvrir foigneufement les caiffes oit
l ’on va prendre les fufées , pour les y fufpendre &
les faire partir. On doit ufer de pareilles, précautions
envers ces groupes de fufees en caiffes qu on fait partir
enfemble pour former de grandes gerbes. Lorfque
les fufées font petites , du nombre de celles qu’on appelle
de caiffe. qui n’ont que neuf lignes de diamètre,
& que la caiffe n’en contient que trois ou quatre
douzaines , on peut les placer fur les angles faillans
des théâtres , & les faire partir feulement à la fin^,
après que les autres artifices ont joue ; mais lorfqu elles
font plus groffes & en plus grand nombre, il faut
écarter les caiffes du théâtre , parce qu’il en fort une
fi prodigieufe colonne de flamme , qu elle eft capable
d’embrâfer tout ce qui eft aux environs.
L a f é c o n d é a t t e n t i o n q u e d o i t a v o i r u n a r t i f i c i e r
d a n s l’e x é c u t i o n d ’u n f e u , e f t d e b i e n a r r a n g e r l e s
p i è c e s S artifice d o n t i l a f a i t p r o v i f i o n , p o u r q u e l l e s
o f f r e n t a u x y e u x u n e b e l l e f y m é t r i e d e f e u x a é t u e l s
& de feux fucceflifs. On a coutume de border de
lances à feu les parties faillantes des entablemens,
particulièrement les corniches, en les pofant près a
près de huit à dix pouces, pour en tracer le contour
par des filets de lumières qui éclairent les faces d un
feu brillant ; on en borde auffi les baluftrades St les
angles faillans des parties d’architeéture.
Pour empêcher que le feu qui fort des lances ne
s’attache au théâtre, on les met quelquefois fur des
bras de bois faillans , & dans des bobèches de fer
blanc, comme fi c’étoient des chandelles ou des bougies
. auxquelles elles reffemblent beaucoup .par la
heure &- la couleur de leur cartouche ; fi l’on veut
épargner cette dépenfe , on fe contente de les attacher
par le moyen d’un pied de bois, qui n elt autre
chofe qu’une efpèce de cheville qn on introduit un
peu à force dans le bout du cartouche , de la longueur
d’un pouce, qu’on laiffe vide pour le recevoir,
6t l'on plante cette cheville dans des trous pratiques
dans les pièces de bois qui doivent les porter; ou
bien on applatit l’autre bout de cette cheville,. &.
l’on y fait un trou pour la clouer fur la piece de
bois où elle doit être attachée.'. _
Comme toutes ces lances à feu doivent aire une
illumination fubite , quand on veut les allumer, il
faut faire paffer une étoupille bien affuree fur leurs
gorges , qu’on arrête avec deux pointes enfoncées
dans le cartouche, 8c on leur donne le feu par le
milieu de chaque face. Les appuis des baluftrades des
galeries qui doivent régner autour du theatre pour
la commodité de la communication, font ordinairement
deftinés à être garnis de pots a fauciflons 8c a
aigrettes ; ceux-ci conviennent particulièrement aux
angles , tant pour la beauté de leur figure, que pour
éloigner le feu : on peut auffi y mettre des pots d ef-
copéterie. , ,
Nous avons dit qu’il convenoit de mettre dans
les angles 8c les places ifolées , des caiffes de fufées
volantes, qui doivent partir enfemble pour former
des gerbes de feu : ces caiffes peuvent être déguifées
fous les figures de gaînes , de termes portant des
vafes d’efeopéterie, ou des bafes.de termes pleins
Xartifices, qui communiquent le feu aux caiffes en
finiffant. .
Les places les plus convenables aux girandoles
faites pour tourner verticalement, font les milieux |
des faces , lorfqu’on n’en veut faire paroître qu’une
à chacune. A l’égard du foleil brillant qui doit imiter
le vrai foleil qui nous éclaire, & qui eft unique dans
fon efpèce , il doit auffi, pour la jufteffe de l’imita-
j tion, paroître feul dans l’endroit le plus apparent &
| le plus éminent du théâtre. Les courantins qu’on def- |
I tine ordinairement à porter le feu depuis la maifon où
eft placée la perfonne la plus diftinguée^, doivent,
pour fa commodité, être placés à une fenêtre fur leur
. corde , & aboutir à l’endroit du théâtre où répondent
les étoupilles deftinées à former la première illumination
des lances à feu.
Les trompes peuvent être placées au devant des
baluftrades fur les faillies de la corniche , en les inr
clinant
clrftant un peu en dehors, d’environ douze ou quinze
degrés, pour qu’elles jettent leurs garnitures un peu
loin du théâtre. Cette pofition eft convenable auffi
pour la commodité de l’artificier qui a , par ce moyen,
la liberté de les aller décoiffer pour y mettre le feu
quand il juge à propos, parce que leur fommet eft
à la portée de fa main, 8c un peu écarté des artifices,
dont l’appui de la baluftradea été bordé ; 8c c’eft par
la raifon de cette proximité , qu’on a dû les couvrir
d’un chaperon ou étui de carton , qui empêche que
les feux dont la trompe eft environnée, n’y puiffent
pénétrer avant qu’on ôte le couvercle ; ce qu’on
appelle décoiffer.
Lorfqu’on a plufieurs trompes fur une face, on
peut les faire jouer par couples, à diftance égale du
milieu ; & afin de les faire partir en même temps, on
les allume par le moyen des bouts de lances à feu
ajoutées au deffus du chapiteau , dont la longueur
égale ou inégale , comme on le juge à propos , fait
qu’elles partent en même temps ou fucceffivement,
fuivant la durée de . ces bouts de lances qui ont dû
être mefurées pour cet effet. C’eft un moyen sûr 8c
commode pour allumer toutes fortes d’artifices à point
nommé, y ajoutant la communication du feu par des
étoupilles qui le portent fubitement à la gorge des
lances à feu. On conçoit bien que les étoupilles de
communication ne peuvent être mifes à découvert
que pour les premiers feux, 8c qu’il faut les enfermer
foigneufement dans des cartouches ou des communications
, s’il s’agit d’une fécondé fcène de diffé-
rens feux.
La fymétrie des jeux d’artifices qui doivent paroître
en même temps, eft principalement néceffaire
pour ceux qui fontfixes & s’élèvent beaucoup,comme
les. aigrettes ôc les fontaines, parce qu’on a le loiïir
de les comparer : c’eft pourquoi il faut quelles commencent
8c finiffent enfemblè.
La troifième attention que doit avoir un bon
artificier , 8c celle qui lui fait le plus d’honneur,
parce qu’elle fait connoître fon génie , eft de dif-
pofer fes artifices fur le théâtre , de manière que
leurs effets produifent une grande variété de fpec-
tacle, 8c tout au moins trois fcènes différentes ; car
quelque beaux que foient les objets , on s’ennuie
de les voir toujours fe répéter, ou paroître trop
long-temps dans le même état.
De l'exécution ou de l'ordre qu'on doit garder pour faire
jouer un feu £ artifice.
Suppofé qu’on faffe précéder le feu d’un bûcher
avant celui des artifices, on commence le fpe&acle
dès avant la fin du jour , par allumer le bûcher à
une diftance convenable du théâtre : pendant que
les voiles de la nuit tombent 8c que les fpectateurs
s affemblent > on les divertit par une fymphonie de
ces inftrumens qui fe font entendre de loin , comme
trompettes, tymbales, cornets, fifres, hautbois,
baffons, 8cc. auxquels on peut cependant mêler par
intervalle 8c dans le calme, ceux dont l’harmonie eft
Arts & Métiers. Tome I, Partie /.
plus douce, comme les violons, flûtes, mufettes, clarinettes,
8cc. Par ces accords des fons, on difpofe l’efprit
à une autre forte de plaifir qui eft celui de la vue, du
brillant 8c des merveilleufes modifications du feu.
Lorfque la nuit eft affez obfcure pour qu’on ait be-
foin de lumière, on allume des fanaux 8c des lam pions
arrangés où on les juge néceffaires pour éclairer,
ce qui doit fe faire fubitement par le moyen des
étoupilles ; 8c lorfque la nuit eft affez noire pour
que les feux paroiffent dans toute leur beauté, on
donne le fignal du fpeâacle par une falve de boîtes
ou de canons, après quoi l’on commence le fpec-
tacle par des fufées volantes qu’en tire à quelque
diftance du théâtre des artifices , ou fucceffivement
ou par couple , 8c même quelquefois par
douzaines, mêlant alternativement celles dont les
garnitures font différentes, comme en étoiles , fer-
penteaux, pluies de feux, 8cc. allant par gradation
des moyennes aux plus groffes, qu’on appelle fufées
£ honneur.
Après ces préludes , on fait ordinairement portée
le feu au théâtre par un courantin au vol de corde ,
mafqué de la figure de quelque animal, lequel partant
de la fenêtre où eft la perfonne la plus diftinguée
qui y met le feu quand il en eft tèmps , va tout
d’un coup allumer toutes les lances à feu qui bordent
le théâtre, pour l’éclairer 8c commencer le fpeç-
tacle.
Décorations des théâtres d'artifices.
Les décorations des théâtres d’artifices doivent,
fans doute , avoir rapport au fujet de la fête. Si
c’eft à l’occafion d’une paix avantageufe, on repré-
fentera le temple de Janus , ou le temple de la
paix, ou un arc de triomphe; fi c’eft pour célébrer
un grand mariage, il eft naturel que la décoration
repréfente le temple de l’hymen , 8cc. mais nous
donnerons mieux l’idée de ce qu’on peut faire en ce
genre , en rapelant quelques-uns de ces beaux fpec-
tacles qui ont été exécutés.
Exemples de plufieurs feux',
Lorfque le roi Henri II fit fon entrée dans la
ville de Rheims, on avoit figuré fùr le bord de la
rivière de Vefle un rocher entr’ouvert, qui ren-
fermoit dans fes antres des mo’nftres marins , des
firènes 8c des fatyres ; dans le fond, paroiffoit un
navire conduit par des fauvages. Ce navire fembla
être lancé en l’air, tandis que ceux par qui il étoit
monté.lançoient des feux d’artifices fur les monftres
matins , qui plongoient dans l’eau pour éviter les
flammes,
•En 1606, le duc de Sully fit ériger aù levant
dans là plaine de Fontainebleau, un fort plein de
toutes fortes d’artifices, qui fut affiégé 8c pris par
des fatyres 8c des fauvages.
En 16 1 ? , Morel, commiffaire d’artillerie, imagina
unfpe&acle qui fut très-applaudi. Il fortit de l’arfenal
fur un çhar triomphai, orné de trophées d’armes ,
; remplis de feux d’artifices, 11 fut attaqué fur le quai