
en fait une pâte molle ; on met le tout dans uti
vafe bien bouché, qu’on laifle en repos pendant
quelques jours, & l’opération eft faite.
5°. Autre. Prenez tes ujlum & lie de vin de chacun
deux onces , de foufre une once ; réduifez en
poudre Vas ujlum 8c le foufre ; verfez par deflus
du vinaigre ou de l’urine ; mettez le mélange dans
un pot vernifle, 8c laiffez-le bien bouché pendant
quinze jours.
6°. Vojci le procédé que donne Agricola pour
obtenir le bleu d'azur du vif-argent & du plomb.
On prend trois parties de vif-argent, deux parties
de foufre, & une partie de fel ammoniac; on met
au fond d’un plat de la fitharge, 8c l’on fait fondre
par deflus le foufre pulvérifé ; on y jette en-
fuite le fel ammoniac en poudre, 8c le vif-argent ;
on remue toutes ces matières avec un petit bâton,
afin qu’elles fe mêlent exa&ement ; on laifle refroidir
le mélange, qu’on réduit en poudre ; on met
cette poudre dans un maîras bien luté , qu’on biffera
un peu ouvert. Lorfque le lut fera fëché,
on mettra le matras fur un trépied & fur un feu
modéré , on couvrira l’ouverture d’une lame de
fer , & on regardera de temps en temps le deftous,
pour voir s’il ne s’y forme plus d’humidité. Il faut
alors boucher l’ouverture avec du lut ; on poulie le
feu pendant une heure; on l’augmente encore juf-
qu a ce qu’il s’élève une fumée bleue; cela fait, on
trouvera un beau bleu au fond du matras.
Bleu d’ém a il , bleu de c o b a l t , smalt bleu
ou sa fr e ; toutes ces dénominations défignent une
couleur d’un grand ufage pour les émailleurs. Voici
la façon de la préparer fuivant Neri, dans fon art de
la verrerie.
On prend quatre livres de la fritte ou matière
dont on fait l ’émail, quatre onces de fafre réduit
en poudre, qui n’eft autre chofe qu’une préparation
du cobalt, & quarante-huit grains d’#Sr ujlum,
ou de cuivre calciné par trois fois ; on mêle exactement
ces trois matières ; on les met au fourneau
de verrerie dans un pot vernifle en blanc. Lorfque
le mélange eft bien entré en fonte ,= il faut le verfer
dans de l’eau claire pour le bien purifier ; on le ;
jemet enfuite fondre de nouveau; on réitéré l’ex- i
tinélion dans l’eau & la fonte deux ou trois fois.
L’on obtient de cette façon un très-beau bleu
et émail.
Kunckel, dans lès remarques fur Néri, ofiferve
' qu’il n’eft guère poflible de prefcrire exactement la
dofe de fafre qu’on doit employer pour faire le
lieu cfémail. Il eft bon de commencer par faire des
épreuves en petit, fuivant les différentes nuances
qu’on cherché : fi on trouve le bleu trop clair, il
faut augmenter petit à petit la doté du fafre ; fi au
contraire elle eft trop foncée, il faut remettre plus
de la fritte de l’émail. C ’eft en fuivant ainfi certaines
proportions, qu’on peut produire dans Fémail les
differentes nuances du bleu.
S i, par exemple , on vouloit un bleu d’émail cé-
Jadonou dç couleur d’aigue-marine, il faudroit ren- |
verfer les dofes données ci-deffus, 8c l*on prendroît
alors quatre livres de la fritte d’émail, deux onces
d'as ujlum, 8c feulement quarante-huit grains de
fafre ; on mêleroit bien ces trois matières ; du refte
on fuivroit exa&ement la méthode précédente, pour
leur fonte 8c leur purification.
Il faut bien obferver que toutes ces opérations
font fort délicates, & demandent une attention
toute particulière; car, pour peu qu’on ne faffe point
attention aux circonftances, il fe produit des effets
tout différens de ceux qu’on veut chercher. C ’eft
ce que Kunckel avoue lui être arrivé dans l’opération
du bleu cl émail céladon ,' que nous venons de
donner. Il avoit éprouvé cette méthode, qui eft de
Néri ; mais comme elle ne put pas d’abord lui réuflir,
il crut que cet auteur s’étoit trompé : ayant enfuite
réitéré l’opération, 8c regardé la chofe de plus près,
il découvrit qu’elle n’avoit manqué la première fois,
que parce qu’il n’avoit pas bien pris fon temps pour
: retirer la matière du fourneau, êc qu’il l’avoit laiflee
trop long-temps au feu.
Plus le grain d’émail eft gros, 8c plus le bien eft
v if , 8c tire un peu fur le violet, comme l’azur;
mais l’émail eft d’un plus beau bleu cèlejle. Le grain
d’azur à poudrer eft fi gros, qu’on ne peut 1 employer
que très-difficilement, 8c feulement en détrempe
ou à frefquè, ou pour mettre dans l’empois
ou amidon, avec lequel il fe lie fort bien.
On l’appelle açur à poudrer, parce que pour faire
un beau fond d’un bleu turquin, on le poudre fur
un blanc à l’huile couché médiocrement épais Sc ie
plus gras qu’on peut. On l’y étend auffitôt avec une
plume ; mais il faut l’avoir bien fait fécher auparavant
fur un papier au deflus du feu, On y en met
affez épais, 8c on l’y laifle jufqu’à ce que le fond
foit bien fec ; 8c ainfi le blanc en prend autant qu’il
peut. Enfuite on le.fecoue, 8c on en ôte tout ce
qui ne tient pas au blanc, en le frottant légèrement
avéc une plume ou une broffe douce» C ’eft Une
couleur très-vive, 8c qui dure long-temps, quoique
expofée à l’air 8c à la pluie. *
Le bleu d’émail x qui eft” d’autant plus pâle qu’il
eft plus fin, fert dans la détrempe 8c à frefque ;
mais on ne s’en fert guère à l’huile , parce qu’il
nuiroit, à moins qu’il ne fût mêré avec beaucoup
de blanc.
Bleu de pastel. P aßet, ingrédient colorant
pour le bleu affeéïé au bon 8c grand teint.
‘ Le paftel vient d’une graine qu’on, sème toutes
les années en Languedoc. Le meilleur eft celui qui
croît dans le diocèfe d’Alby. Sa feuille eft fèm-
Êlable à celle du plantain : on le sème ordinairement
au commencement de mars , 8c fl s’en fait quatre
récoltes, quelquefois cinq.
Le paftel ne doit être cueilli que îbrfqn’il eft
bien mûr. On laifle flétrir fa feuille quelque temps
après qu’elle éft ramaflee ; après quoi on la met fous
la roue pour la faire piler , ce qui n’eft que pour l’a
faire mûrir davantage, 8c lui faire perdre une partie
de fon fuc huileux qui pourront nuire à fa bonté.
Après qu’il eft moulu, on le laifle huit ou dix jours
en pile, ayant foin de boucher les fentes 8c cre-
vaffes qui s’y font journellement, pour le laiffer
égoutter du refte de cette humeur fuperflue. .
Après que le paftel eft égoutté , on en fait de
petites boules,'que l’on appelle cors ou coraigncs ,
qu’on met fécher à l’ombre , fur des claies qui font
tnifes exprès ; on les retire enfuite pour les garder
en magafin, jufqu’à ce qu’on veuille les piler ou
mettre en poudre, ce qui fe fait ordinairement aux
mois de janvier, février 8c mars.
Le paftel étant rompu avec des maffes de bois,
on le mouille avec de l’eau la plus croupie, pourvu
qu’elle ne foit pas infe&ée, fale ou graiffeufe, étant
toujours la meilleure ; 6c après l’avoir bien mouillé
& mêlé, pour lui faire perdre également fon eau,
on le remue de temps en temps pendant quatre
mois, du moins trente-fix fois, même jufqu’à quarante,
afin qu’il ne s’échauffe pas 8c qu’il prenne également
fon eau par-tout; après quoi il eft en état
d’être emballé 8c employé dans la teinture, quoiqu’il
foit meilleur d’attendre qu’il foit plus vieux
avant de l’employer, le bon paftel augmentant toujours
de force 8c de fubftance pendant fix, fept,
8c même jufqu’à dix ans.
Bleu $Indc 8c Indigo.
llinde eft plus claire 8c plus vive que 1 * indigo,
ce qui vient feulement du choix de la matière dont
on les fait ; car au fond, c’eft la même ; c’eft la
feuille de l’anil. On en fait tremper les feuilles dans
l’eau pendant deux jours ou environ ; enfuite on
fépare l’eau, qui a une légère teinture de bleu verdâtre
; on bat cette eau avec des palettes de bois
durant deux heures, 8c l’on ceffe de battre quand
elle moufle. On y jette alors un peu d’huile d’olive
on afpergeant.
On voit auffitôt la matière de l’inde qui fe fépare
de l’eau par petits grumeaux , comme quand le lait
fe tourne ; -8c l’eau étant bien repofée, elle devient
claire , 8c l’inde fe trouve au fond comme de la lie
qu’on ramafle après avoir ôté l’eau, 8c qu’on fait
lech er au foleil.
llinde fe faft avec les jeunes feuilles 8c les plus
belles, 8c l’indigo avec le refte de la plante. Cette
plante croît dans les Indes orientales 8c occidentales.
llinde eft ordinairement par petites tablettes de deux
à trois ligues d’épaiffeur, 8c d’un bleu aflez beau :
mais Yindigo eft par morceaux irréguliers d’un bleu
brun tirant fur le violet.
Le bop indigo ppn falfifié avec de l’ardoife pilée
ou du fable, brûle entièrement lorfqu’on le met fur
une pelle rouge : il eft léger, flottant fur l’eau ; 8c
fi on le rompt par morceaux, l’inférieur .doit être ne.t,
d’un beau bleu très-foncé , tirant fur le violet, 8c
parodiant cuivré, fi on le frotte avec un corps poli
pu le deflus de l’ongle,
On fait aufli beaucoup, de cas de l’indigo far-
quiffe, qui fe tire d’un village de même nom, fitué
dans les Indes orientales.
L e prix de cette marchandife varie beaucoup.
Indigo bâtard ; plante extrêmement répandue
dans les îles de l’Amérique, reflemblant beaucoup
au véritable indigo, qui donne aufli,par la fermentation,
Celui qu’on nomme guatimalo eft fort eftimé; il
fe fabrique aux envirçns de Guatimala , yille de la
nouvelle Efpagne.
une belle couleur bleue, mais en fi petite
quantité, que les habitans la négligent.
La couleur d’indigo eft excellente pour la peinture
à détrempe, tant pour le brun des bleux que
des verds, en y mêlant pour le verd de la teinture
de graines d’Avignon, ou du verd de veflie.
On pourroit fe fervir de l’inde à l’huile, 8c elle a
beaucoup de corps avec le blanc ; mais elle fe décharge
en féefiant, 8c perd la plus grande partie
de fa force ; c’eft pourquoi on n’en ufe pas, à
moins que ce ne foit en draperies, qu’on glace àloutremer
par deflus.
Il y a un bleu de tournefol qui peut être d’ ufage
dans la peinture à détrempe , 8c dans l’enluminure.
Le tournefol eft une pâte* qu’on forme ordinairement
en pains carrés, avec le fruit de la plante
appelée heliotropium tricoccum. Cette plante croît
en France. On met tremper cette pâte dans l’eau,
8c elle donne une aflez belle teinture bleue. Il arrive
£ufli qu’elle eft rouge ; ce qui eft occafionné
par le mélange d’acide ; mais on lui rend fa couleur
bleue, en y mêlant de l’eau de chaux.
L’arbre aux pois croît, fans culture , en Sibérie ,
8c il eft du genre du pfeudo-acacia. M. Bielke, Suédois,
a trouvé que les feuilles de cet arbre pour-
roient, à l ’aide de la putréfa&ion, donner une couleur
bleue, aufli propre à la teinture que l’indigo & le
paftel.
Bleu d’anate ou attole. Vanate ou attole eft
une forte de teinture quijfe prépare aux Indes orientales,
à peu près comme l’indigo. On la tire d’une
fleur rouge qui croît fur des arbriffeaux de fept à huit
pieds de haut : on cueille cette fleur quand elle eft
dans fa force, on la jette dans des cuves ou dans des
citernes; on l’y laifle pourrir ; quand elle eft pourrie,
on l’agite ou à bras, ou avec une machine telle que
celle qu’oa emploie dans les indigoteries. Onia réduit
ènfui,te en une fubftançe épaiffe ; on la laifle un peu
fécher au foleil, 8c on en forme des gâteaux ou des
rouleaux. Les ,teintiîrie.rs préfèrent l’anate à l’indigo*
On la tire de la baie de Honduras.
Bleu d’outremer. La bafe de cette couleur eft
le lapis la^uli : c eft aufli ce qui la rend fort chère ,
indépendamment des opérations qu’il faut pour en
tirer le bleu, qui ne laiftent pas d’être longues 8c
pénibles. On e,n jugera par ce qui fuit.
Pour connoître fi le lapis lazuli dont on veut tirer
la couleur eft d’une bonne qualité , 8c propre à
donner un beau bleu, il faut en mettre des morceaux
fur des charbons ardens, 8c les y faire rougir :
s’ils .ne fe caftent point par la calcination, 8c fi après
les avoir fait refroidir ils ne perdent rien de l’éclat
de leur couleur, c’eft une preuve de leur bonté*
E e ij