
Si nous paffons à la partie (upérieure du (échoir,
nous verrons cju’il eft néceflaire d ouvrir une fécondé
porte, afin que l’on puiffe y entrer pour placer les
châtaignes (ur la claie , & les retourner pendant
l’opération.
A côté de cette porte , à laquelle on monte par
un efcalier extérieur , on pratique à hauteur ƒ appui
du perron, une fenêtre pour verfer les châtaignes
fur la claie. Par-là on évite d’ouvrir trop fouvent la
porte 8c de refroidir le fechoir. Cette fenetre ,
d’ailleurs, peut fervir au befoin, comme toutes celles
dont nous allons parler, pour'donner iffue à la fumée.
De l’autre côté de la même porte , à trois pieds
au deffus de la claie , on pratique une ouverture
d’environ quinze pouces de hauteur, fur huit pouces
■ de largeur. jjj
Dans la face du bâtiment, oppofée à celle ou 1 on
a ouvert la porte« on ménage deux ouvertures ,
auffi de quinze pouces de hauteur , fur huit pouces
de largeur-, qui côrrefpondent exactement, 8c quant
auxdimenfions,& quant à l’emplacement, aux deux
précédentes ; & enfin on en ouvre une troifième
vis-à-vis la porte, à deux pieds plus haut que celles
des côtés : dans le milieu de chacun des deux autres
murs-, on pratique une ouverture de même grandeur
que celles dont nous venons de faire mention,
aufïî à trois pieds au deffus de la grille.
Enfin, on réferve près du toit & dans le milieu
de chacune des quatre faces du bâtiment, une ouverture
d’un demi-pied en carré.
Ces ouvertures font percées vis-à-vis les unes
des autres , parce qu’il eft très-effentiel que le vent
qui s’introduit dans le fechoir par une ouverture,
trouve fur la même direftion une iffue par laquelle
i l entraîne & chaffe la fumee : fans cela, elle fe rabat-
troit fur les châtaignes* & par fon féjour les rouffiroit,
&. leur-communiqueroit un mauvais goût; c’eft auffi
par cette raifon qu’on multiplie, ainfi ^ que nous
l ’avons marqué, toutes ces iffues , 8c qu on les distribue
régulièrement dans tout le corps du fechoir.
Si l’on plaçoit la claie dans une cage de murs où
Ton ne pourroit pas percer des ouvertures aux
quatre faces , il faudroit alors en pratiquer feulement
fur les Faces libres & oppofées , 8c en augmenter
le nombre particulièrement vers le toit.
On ne perd pas de vue la facilité de la circulation
de la fumée , dans l’arrangement des planches dont
;on forme le toit du féchoir. On les difpofe les unes
•fur les autres en recouvrement, de manière à JaiiTer
:1e plus de jour qu’il eft poflible, fans cependant que
l’eau des pluies puiffe pénétrer & tomber dans le
féchoir : on y pratique auffi deux lucarnes d’une
grandeur médiocre fur chaque côté.
1 Lorfqii’on conftruit exprès un bâtiment pour fervir
de léchoir , on a foin de l’orienter de manière qu’il
préfente fes angles 8c non fes faces aux vents les
plus violens qui régnent dans le pays : on a auffi
l ’attention que la porte d’entrée ne fe trouve pas
«xpoféeà ces vents, ce quipourroit fouvent troubler
P opération du féchoir.
A R T . II. M a n iè r e d e f i c h e r le s c h â ta ig n e s , & c fa dm i*
n iflrer le f e u d e jjo u s la c la ie .
Avant de placer les châtaignes fur les lattes de la
claie, on a foin de la nettoyer par deffus & par
deffous, & d’en enlever la fuie ; 8c ces attentions ont
lieu chaque fois qu’on y met de nouvelles charges
de châtaignes : meme pendant que dure un féchage,
il convient que les perfonnes prépofées à la conduite
du féchoir , balayent chaque jour le deffous
des lattes de la claie & des poutres qui les Soutiennent,
tant pour procurer un paffage plus libre a la
: fumée , que pour prévenir les accidens du feu.
Dans les provinces où l’on eft curieux de con-
ferver aux châtaignes toute leur qualité, on fe garde
bien de mettre des porcs & des brebis dans la partie
inférieure du féchoir lorfqu’on n’en fait plus d’ufage ;
car les fels des excrémens de ces animaux pénétrant
le .terrein , & l’a&ion du feu les développant & les
faifant évaporer avec la fumée , ils communique-
roient un goût défagréable aux châtaignes placées
fur la claie.
Par les mêmes raifons, quelque avantage qu il y
eût de fe fervir de ces bâtimens pour l’éducation des
vers à foie, on doit éviter d’en faire ufage ; l’odeur
forte que le féjour de ces infeâcs , qu’on y placeroit
au fortir de la fécondé ou de la troifième mue , y
laifferoit, pourroit altérer le goût des châtaignes.
On place les châtaignes par lits fur la claie, & ,
fuivant la quantité qu’on fe propofe d’en fécher, on
en garnit une partie ou bien la totalité. L’on peut
placer fur la claie que nous avons décrite , quatre à
cinq facs de châtaignes , fuivant l’épaiffeur qu’on
donne aux lits. Dès qu’on a difpofé ainfi les châtaignes
5 on allume le feu fous le.milieu du grillage, en
obfervant de placer dans le commencement le foyer
ou le fourneau toujours fous une des poutres du
plancher, 8c de le changer de temps en temp's , afin
que toutes les châtaignes pofées fur les différentes
parties de la claie , reçoivent une égaie impreffion
du feu.
On ne brûle d’abord que l’écorce des châtaignes
que Ton a ramaffées l’année précédente, après qu’on
dépouillé les châtaignes féchées, de la manière que
nous l’expliquerons plus bas : on augmente enfuite
le feu cinq ou fix jours après, en y mettant de groffes
fouches dé châtaignier, que l’on enfevelit dans la
pouffière de l’écorce des châtaignes ou dans de la
fciure de bois : on ne ménage au feu qu’une petite
ouverture au milieu du tas.
Dans certains cantons du Rouergue, on fait ufage
çharbon de terre comme aliment du feu qu’on en-
tretîei?t4 ans le féchoir. On a pour fourneau un grand
chaudron’ cm l’on metdu bois de châtaignier, qu’on
recouvre avec* du charbon qui a déjà fe rv i, & qui
e f t ™ en form- de braif?ou de coak , pour qu’il
ne flambe pas. Effe&iVement, le feu que produifent
toutes ces matières , dorJ Éf réduire a un torrent
continuel de fumée, qu’on entffîtfSJ11 nul? Ve- )Aour Pen*
dartt quelque temps, &dont la chateW» extrememen
douce, pénètre peu à peu toute la maffe des cha- ’
taignes, ouvre les pores de leur écorce, & fait fortir
une partie confidérable de l’humidité qui entre dans
leur compofition ; c’eft ce que l’on appelle faire fuer
les châtaignes. On lés difpofe ainfi à fe débarraffer,
fans obftacle, du refte de cette humidité, lorfqu’on
augmente le feu pour achever leur deffîccation.
Pendant que les châtaignes fuent , ce qui dure
environ quinze jours, on les voit dans un état de
moiteur générale , couvertes d’eau de tous côtés :
on a grand foin pour lors de ne pas pouffer le feu ,
& de ne pas remuer les châtaignes avant qu’elles
foient effuyées totalement.
L’attention de ménager le feu pour faire fuer les
châtaignes comme iTconvient, eft une de celles qui
contribuent le plus au fuccès de l’opération. Dans
certaines provinces , j’ai été témoin du mauvais
effet que produifoit le feu pouffé trop vivement
dans les comméncemens. J’ai vu qu’une chaleur trop
forte faififfoit les châtaignes, refferroit les pores de
leurs écorces, qui, dans cet état, étoient moins propres
à laiffer évaporer l’eau dont le développement
& le féjour corrompoit bientôt la fubftance fari-
neufe des châtaignes.
Lorfque les châtaignes ont ceffé de fuer, & qu’elles
«’ont plus de moiteur à leur furface , on commence
à les remuer dans .tous les fens avec une pelle de
bois, en ramenant à la furface celles qui font deffous :
l’on recommence cette manoeuvre tous les deux
jours ; 8c l’on a foin pour lors d’augmenter le feu par
degrés, en obfervant cependant qu’il produife beaucoup
de fumée 8c peu de flamme.
On doit avoir attention de ne pas chargér le
grillage d’une trop grande quantité de châtaignes :
on n’en met pas ordinairement plus d’un pied &
demi d’épaiffeur fur toute la furface ; quand on en
met davantage, l’a&ion du feu 8c de la fumee n atteignant
qu’une partie du tas , il en refulte plufieurs
inconvéniens. Alors il eft difficile que les châtaignes
fuent bien également ; & comme on eft obligé de
preffer le feu pourvue la chaleur pénètre à un certain
degré dans les couches fapérieures , les châtaignes
de la première couche qui repofent fur les
lattes, & qui font les plus expofées au feu, s’échauffant
trop , s’altèrent, prennent une couleur rouflatre,
& font amères 8c de mauvais goût après qu’on les a
fait cuire. Il vaut donc mieux , lorfqu’on a recueilli
une grande quantité de châtaignes , les fecher a deux
fois, que de s’expofer à les gâter en chargeant trop
le féchoir.
On évite en partie ces inconvéniens par cette
méthode : on met d’abord fur la claie une couche
peu épaiffe de châtaignes : on les fait fuer avec les
précautions que nous avons expofées ci-deffus. Des
qu’elles ont fué, on fufpend le feu une demi-journee
pour laiffer refroidir les châtaignes. Le lendemain
on les lève par tas, & l’on couvre les parties de la
claie dégarnies de châtaignes qui ont lue avec de
nouvelles châtaignes fraîches ; enfuite on etend les
Arts 6* Métiers. Tome I. Partie II,
châtaignes qui ont fué par deffus les châtaignes fraîches
; puis on recommence à faire le feu , & on le
gouverne comme il convient pour faire fuer les nouvelles
châtaignes. Par ce moyen , une quantité confidérable
de châtaignes placées fucceffivement 8c par
parties fur la claie, fe trouve avoir fué également,
parce qu’elle a éprouvé de la meme manière les
effets d’un feu doux ; 8c comme , par la fuite, on
remue chaque jour la maffe totale des châtaignes ,
elle peut, par un feu gradué & foutenu, éprouver,
dans toutes fes parties un égal degré de deffîccation.
Pour rëconnoître fi les châtaignes font sèches, on
en prend au hafard fur la claie quelques-unes qu’on
dépouille, de leur peau laquelle doit être caffante
& fe détacher aifément : on met cçs châtaignes
fous la dent, & fi elles réfiftent fans céder à l’effort
que l’on fait | pour les partager , elles ont acquis
le degré fuffifant de deffîccation. Il eft encore plus
fur d’en foumettre une certaine quantité , comme
un boiffeau, à une opération que nous allons^ décrire
, 8c par laquais on dépouille les châtaignes
sèches de leurs peaux.
Je dois faire remarquer ici que les particuliers qui
n’ont pas une grande récolte de châtaignes , fup-
pléent au féchoir en garnifl’ant de claies la cheminée
de leur cuifine, dont Je tuyau, fort large, sNévafe
beaucoup par la partie inférieure : on place fur ces
claies autant de châtaignes qu’elles en peuvent* contenir
, 8c l’on fe règle fur ce que nous avons dit
ci-deffus pour totit ce qui concerne i’adminiftration
du feq.
A r t . III. Maniète de dépouiller les çhâtaignes sèches
de leurs peaux.
Après que les châtaignes font sèches, on éteint-
le feu 8c l’on bouche exa&ement les ouvertures du
féchoir : on ouvre enfuite la portion de grille mobile
dont nous avons parlé *, 8c l’on fait tomber à 1 un
des coins du féchoir une certaine quantité de châtaignes.
Dans les provinces où l’on conferve les
châtaignes sèches avec leurs peaux, on les enlève à
mefure ; mais dans celles où on les bat pour les dépouiller
de leur peau , on les laiffe entaffées, afin
qu’elles cpnfervent leùr chaleur plus long-temps, 8c
qu’elles ne foient pas refroidies 8c un peu ramollies
lorfqu’on exécute le battage ; auffi cette opération fe
fait-elle avec le plus de célérité qu’il eft poffible.
Pour cela, on dreffe dans le féchoir & fur la
même ligne des troncs de châtaigniers en forme de
tables bien unies, dont le nombre , ainfi que
celui des hommes employés à cette opération ,
foit proportionné à 1r quantité de châtaignes qu’il
faut dépouiller de leurs peaux. On a l’attention de
multiplier les ouvriers de manière que les châtaignes
foient dépouillées de leur peau dans deux fois vingt-
quatre heures, pour que les peaux fe brifent plus
aifément & fe détachent plus complètement de la
fubftance des châtaignes ; c’eft pour cela qu on renouvelle
le tas dô châtaignes à mefure qu’il diminue
& avant qu’il foit épuifé , 8c qu’on a foin auffi d en?
Eeeee .,