
Et le poids d’un bateau avec fa travée ,'
& le fardeau le plus pefant qui fuive communément
une armée , favoir une pièce
de canon de 241. de balles, avec fon affût,
eft donc de 22028.
Maintenant, pour déterminer de combien ces poids
font enfoncer le bateau, je confidère qu’il ne peut
être entièrement enfoncé , qu’en déplaçant autant
d’eau qu’il occupe d’efpace ; mais pour cet effet, il
faut qu’il pèfe du moins autant qu’une maffe d’eau
de pareil volume que lui.
Mais j’aurai le poids d’une maffe d’eau ide pareil
volume que le bateau , en prenant la folidité du
bateau , en cherchant combien cette folidité donne
de pieds cubiques , & en multipliant ce nombre de
pieds cubiques, par 70 liv. poids d’un pied cubique
d’eau.
Pour avoir la folidité du bateau, je le transforme
en- un folide, dont les tranches aient les mêmes di-
menfions dans toute fa hauteur.
Pour cet effet, je prends une bafe moyenne entre
fon fond & fon ouverture.
Je trouve par un calcul fort fimple , que cette
bafe moyenne a les dimenfions fuivantes :
Safurface eft donc de 2,633,760 lignes carrées.
Mais la hauteur perpendiculaire du bateau , y
compris l’épaiffeur du fond, étant de 43 £ pouces,
ou de f22 lignes.
La folidité du bateau fera donc de 1,374,822,729
lignes cubiques.
Mais le pied cubique contient 2,985,984 lignes
cubiques.
Donc, divifant 1,374,822,720, par’ 2,985,984,
j ’aurai le nombre de pieds cubiques auquelil équivaut.
Je trouve pour ce nombre 460 avec environ ^ ,
c eft-à-dire, que le pied d’eau cubique pefant 70 liv .,
le bateau ne peut être entièrement enfoncé , qu’en
le chargeant affez pour que fon propre poids &
celui de fa charge, foit de 460 fois 70 liv., plus
ou de 32,217 liv. & environ
Pour favoir maintenant combien le bateau enfonce
par fon propre poids, qui eft de 14,028 liv.
Il ne s’agit que de favoir quelle eft la hauteur
qu’il faut donner à la bafe moyenne dont je me fuis
fervi, pour que le produit de cette bafe que je con-
nois , multipliée par cette hauteur que je cherche,
foit un folide d’eau de 14,028 liv.
Pour trouver cette hauteur, voici comment je
raifonne.
Il y a 144 lignes dans le pied linéaire.
Il y a 20,7 36 lignes carrées dans le pied carré.
Je dis, s’il faut donner 144 lignes de hauteur à
20,736 lignes carrées, ou au pied carré , pour avoir
un folide qui pèfe 70 livres , quelle hauteur faut-il
donner à la même furface, pour avoir un parallélipipède
dont la bafe foit un pied carré, & qui pèfe
14,028 livres , ou 70 liv. 144 lignes : : 14028 liv. à
cette hauteur. '
Elle me vient de 28857 lignes fy.
Je dis enfuite, pour que ma bafe moyenne fafle
un folide de 14,028 , il faut lui donner d’autant
moins de hauteur qu’au parallélipipède que j=e viens
de trouver, que cette bafe moyenne eft d’un plus
grand nombre de pieds carrés que celle du parallé-
lipipède, c’eft-à-dire, qu’il faut chercher combien
il y a de fois 20,736, dans 2,633,760, ou divifer
2,633^760 , par 20 ,7 3 6 .... 20,736 , c’eft le pied
carré en lignes.
2,633,76° eft ma bafe moyenne en lignes, à
divifer par ce quotient, 28,857.
2,633,76°, divifé par 20,736, donne 12 7 , plus
j z ; & 28,857, divifé par 12 7, donne 227 lignes,
plus y£î , ou 18 pouces, plus n lignes.
C ’eft-à-dire, que fi je donne à ma bafe moyenne
18 pouces 11 lignes de hauteur, j’aurai un folide
du poids de 14,028 liv.
Donc le bateau enfonce de 18 pouces 11 lignes
par fon propre poids & celui de fa travée.
Pour favoir combien il enfonce lorfqu’il eft chargé
en fus d’une pièce de canon de 24 livres de balles
avec fon affût ; le poids d’une pièce de 24, qui eft
8000 livres, & celui de 14028 livres, mis enfemble,
font 22028 liv.
Je commence donc par dire, 70: 144: : 22028
à la hauteur qu’il faut donner à un parallélipipède
d’un pied carré de bafe , pour qu’il pèfe 22,028
livres.
Je divifé cette hauteur par 127 le nombre de fois
que le pied carré eft contenu dans ma bafe moyenne,
& j’ai la hauteur qu’il faut donner à cette bafe pour
avoir un folide qui pèfe 22,028 liv.
Je trouve pour cette hauteur 356 lignes, plus
•fff- » ou 357 lignes, à caufe de la grandeur de la
fraâion yff.
L’enfoncement eft donc dans le premier cas où
l’on confidère la pefanteur feule dn bateau, ou
plutôt la partie du pont qu’il occupe & qu’il forme,
de 18 pouces 11 lignes.
Et dans le fécond cas , ou l’on ajoute à ce poids
le plus grand fardeau qui fuive ordinairement une
armée, de 29 pouces 8 lignes.
Donc , dans le premier cas, il refte 24 pouces 7
lignes de bateau perpendiculairement au deflùs de
l’eau. .
Et dans le fécond , il en refte 13 pouces ï©
lignes. _
Hauteur plus que fuffifante , & très-confidérable
relativement à celle du bateau, qui n’eft en tout que
de 43 pouces 6 lignes.
Remarquez qu’en eftimant les enfoncemens par
une bafe moyenne, fi cette bafe me favorife lorfque
les enfoncemens ne paffent pas le milieu du bateau ;
elle m’eft au contraire défavantageufe dans les autres
enfoncemens ; c’eft-à-dire , que je ne me fuis écarte
de la dernière précifion qu’à mon défavantage, ainfi
que je m’y étois engagé ; puifqu’il m’importe peu
que l’enfoncement foit un peu plus grand ou un
peu plus petit que le calcul ne le donne , lorfqu’il ne
paffe pas le milieu ; & qu*il m’importe beaucoup
qu’il ne foit pas exagéré lorfqu’il paffe le milieu. Ce
qui m’arrive toutefois , puifque j’ufe alors dans mon
calcul d’une bafe plus petite que celle qui enfonce
dans l’eau , & qui doit par conféquent me donner
l’enfoncement plus petit qu’il n’eft, de même qu’elle
ne donne l’enfoncement plus petit qu’il n’eft , lorfqu’il
ne paffe pas le milieu, puifqu’alors j’ufe dans
mon calcul d’une bafe plus grande que celle qui
enfonce.
Donc le bateau , ou plutôt la partie du pont qui
lui répond, qu’il forme & qu’il foutient, peut porter
le fardeau le plus lourd qui fuive ordinairement une
armée : ce qui faifoit l’objet de la première partie
de ma démonftration.
Paffons à la fécondé partie.
Seconde partie.
Les mouvemens de l’eau les plus violens & les
plus irréguliers ne rompront point le pont propofé.
Je diftribue les mouvemens de l’eau en deux ef-
pèces, en mouvemens conftans, & en mouvemens
inftantanés.
J’entends par mouvemens conftans ceux que l’eau
continue d’avoir, quels que foient les mouvemens
inftantanés.
Et par mouvemens inftantanés , ceux qui naiffent
des caufes accidentelles & paffagères.
Je diftribue ces derniers en mouvemens inftantanés
qui naiffent du v en t, & en mouvemens inftantanés
qui . naiffent des poids qui paffent fur la chauffée.
Et je fous-divife, pour plus d’exaélitude encore,
les mouvemens inftantanés qui naiffent du v ent, en
mouvemens dont la direélion fuit celle du cours de
la riviè>re , & en mouvemens dont la direéhon eft
contraire , ou croife , de quelque manière que ce
foit, le cours de la rivière.
Or je dis que le pont ne fera rompu par aucun
de ces mouvemens.
1°. Le pont ne fera point rompu par les mouvemens
conftans de l’eau.
Pour que ces mouvemens rompiffent le pont ,
il faudroit ou qu’ils écrafaffent le bateau, ou qu’ils
le déplaçaffent. Or je prétends qu’ils ne produiront
ni l’un ni l’autre, de ces effets.
Ils ne l’écraferont point, parce qu’on a obfervé
de donner au bateau beaucoup de longueur, afin
de ne rien perdre dç fa capacité, & d’expofer à
l’aftion du courant le moins de furface qu’il feroit_
poffible ; de former la pouppe & la proue de pièces
de bois folides, &. d’arcbouter fortement ces pièces
& les planches de chêne dont elles font revêtues.
Ils ne le déplaceront point, car il eft fortement
attaché par les cordes qui partent de fon mât, &
qui fe rendent aux différens cables qui tiennent aux
pieux qu’on a enfoncés fur l’un & l’autrfe rivage,
que par la manoeuvre que l’on pratique dans nos
6* Métiers• Tome J, Partie l l %
coches d’eau, & que tout le monde connoît, il gardera
conftamment la direéhon que les pontonniers
mariniers auront eu ordre de lui donner.
Il eft donc évident que les mouvemens conftans
de l’eau ne déplaceront point le bateau, tant que
la corde qui part de fon m â t, & qui fe rend au
cable qui tient au pieu, ne fe rompra point. Auflï
fuppofai-je qu’On aura foin de la prendre bonne &
bien filée.
Mais quand il arriveroit à cette corde de caffer,
& au bateau de demeurer expofé aux mouvemens
conftans de l’eau , ou à fon courant, fans cette attache
, je foutiens qu’il ne feroit point déplacé.
Car il ne peut être déplacé que ces deuxchofes
ne fe faffent en même temps.
i° . Que les 11 pieds de bois de fa travée 0 0 0 ,
voyez planche X lV , fig. $ » ftui f° nt fixées fur le
fommier fupérieur f g , ne foient auflï déplacées.
2°. Que les quatre diagonales de fe r , r s , r s ,
ne fe rompent.
O r il eft évidemment impoflible que les pièces o o
& c. foient déplacées par le mouvement confiant de
l’eau ; car ce mouvement fe fait dans la direélion
du fommier inférieur a b , planche X IV , fig 1 , &
les pièces 0 0 , 0 0 , &c. même planche , fig. 7 , ne
peuvent être dérangées que par une aélion perpendiculaire
au fommier fupérieur f g , fig. s » parallèle
au fommier inférieur a b , fig. 1 : tout ce qui pourroit
arriver au bateau, ce feroit peut-être de reculer
ou defcendre un peu , prefque imperceptiblement ,
fi les diagonales de fer r s , r s , fig. ƒ , planche X lK 9
ne s’oppofoient point à ce petit dérangement. Mais
ces diagonales ne le permettent pas, & on les a
prifes d’une force à réfifter , en cas de befoin, à un
pareil nijiis.
11°. Le pont ne fera point rompu par les mouvemens
inftantanés qui ont pour caufe accidentelle le
vent qui agite les eaux, & les poids quipèfent fur
la chauffée.
Car ces mouvemens ne peuvent occafionner la
rupture du pont, ni par la rupture d’un bateau , ni
par le déplacement d’un bateau dont l’enfoncement
dans l’eau eft alors plus grand qu’il n’étoit.
Car l’effet de ces mouvemens n’eft nulle part plus
confidérable qu’entre deux pilaftres fur l’endroit de
la travée qui correfpond aux onze extrémités des
pièces placées fur le fommier fupérieur; alors le bateau
eft le plus enfoncé qu’il eft poflible qu’il le foit,
parce qu’il foutient feul toute l’aélion du fardeau 3
mais nous avons démontré plus haut qu alors fon
enfoncement ne paffoit pas 29 pouces 8 lignes.
Mais puifqu’il enfonce déjà par fon propre poids
de 18 pouces 11 lignes, il n’eft donc tire , par le
mouvement accidentel & inftantane de la charge
furvenante, du niveau des autres bateaux, ou de
l’état où il étoit auparavant, que de 10 pouces
9 lignes.
Or cet enfoncement de 10 pouces 9 lignes fe fait
fans occafionner la rupture du bateau ; nous l’avon^
Ç c c c