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vu des fourneaux où ce défaut de côfiduitS & ces
accidens étoient remarquable s; le feu trop long-temps
retenu dans une couche de quelques pieds d’épaif-
feur, après en avoir vitrifié les briques, & s’étant
ouvert des iflùes par les endroits foibles de la couche
fùpérieure, avoit traverfé toute celle-ci trop promptement
, & les briqués en étoient prefque crues.
Lorfque toutes les briques font enfournées, on cou-
yre .entièrement le fourneau du même placage que l’on
applique aux paremens à la fin de chaque journée.
Mais les briques des tas près delà furface fupérieure ,
ne font jamais cuites à leur vrai point non plus que
celles des paremens, enforte quelles tombent en
déchet fur la fournée : elles ne compofent que de
inauvaifes conftru&ioils fi on les emploie dans les
maçonneries. Le feu ne peut jamais acquérir près de
Ja furface du fourneau, le même degré d’intenfité que
dans le corps carré, parce qu’il s’échappe de tous
pôtés, & que fesfurfaces font continuellement expo>-
fées aux acciçjens de l’air extérieur.
J’ai fouvent remarqué quatre & cinq tas de briques
très-mal cuites , & quelquefois beaucoup plus , qui
couronnoient les fourneaux : ce qui donne communément
plus de quarante milliers de briques défiec-
tueufes.au Commet d’un fourneau de cinq cens milliers.
J’évalue encore à trente milliers au moins les briques
mal cuites des paremens : j’eftime donc qu’il fe trouve
environ un fixième de briques mal fabriquées dans
les fourneaux qui réuffiffent le mieux.
Je fuis perfuadé que l’on éviteroit un déchet auffi
jconfidérable, fi l’on n’pmployoit que des-briques
cuites aux paremens & au couronnement des fourneaux.
Il eft vrai qu’il en faudroit payer la manutention
aux briqueteurs , comme on le fait pour les briques
du pied de four : mais, calcul fait ; il y auroit
encore beaucoup à gagner.
Il eft bon de faire encore mention d’une méthode
économique de cuire Iabrique,ufitée â-Gefle en Suède,
On choifit, pour établir le fourneau, une place
bien égale fur un terrain folide que l’on couvre de
briques à niveau de terre. On bâtit auffi en briques
les murs du faîte & les deux murs de côté de deux
aunes d’épaiffeür, & à fix aunes de diftance l’un de
l ’autre. On pratique de part & d’àutre les bouches
voûtées, qui ont trois quarts d’aune de large fur cinq
quarts de haut, avec des piliers de cinq quarts entre
deux. On çonftruit par deflùs une voûte avec les
çvents ordinaires, enforte que le fourneau ait intérieurement
fix aunes de hauteur depuis le fol jufqu’à
la voûte.
Pour diminuer les frais' & pour pouvoir plus commodément
charger & décharger le fourneau, on fait
une porte dans le mur du faîte.
On a établi en bois une allée ouverte qui fert de
communication entre deux hangars. Ceuxrci n’ont que
cinq à fix aunes de large, mais le fourneau peut être
auffi long que l’on voudra. Plus il aura de longueur,
& plus on pourra économifer de bois à proportion
de la quantité de briques. Pour commencer, on peut
fe .contenter de trois bouches, enforte que le four-
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neau aura intérieurement fix aunes étt cïrrê. On yh
ajoutera chaque aunée deux bouches de pierres ré-/
fraélaires, en pouffant plus loin les appentis & en
agrandiffant les hangars dans la même mefure que les
fourneaux. Le toît eft pofé fur des piliers : on pratique
au bas du fourneau une banquette d’une aune y
& les bouches ont encore une aune de large.
On arrange les briques sèches fur les premières
banquettes ; après quoi l’on remplit entièrement la
bouche depuis un des murs de flancs jufqu’à l’autre,
avec des bûches refendues & bien sèches. On recouvre
le tout en rond avec du même bois jufqu’à
la hauteur d’une aune & un quart; par deflùs tout
cela on ferme le canal à l’ordinaire. On remplit de
la même manière la fécondé bouche ; on la couvre
on paffe à la troifième & ainfi de fuite. Enfin, on
remplit le refte du fourneau jufques fous la voûté.
On ferme auffi le faîte ; & tant que le fourneau eft
carré, pn l’enduit de t,erre graffe, mais lorfqu’il a
été prolongé, on fe difpenfé de cette dernière opération.
Les briques qui forment le faîte doivent être
pofées en croix, pour quelles puiffent tenir d’elles-
mêmes. Il faut faire mettre devant toutes les ouvertures,
des plaques de fer fondu avec un anneau
rond au milieu, pour y paffer une barre de fer quand
on aura befoin de remuer la plaqué. Si l’on n’a pas
de plaque, on leur fubftitue dé Amples briques,
Tout éfatat prêt, on met le feu à l’entrée de la
première bouche. On commence, fuivant l’ufage,
par un feu très-doux ; & dès qu’il eft bien allumé ,
on ferme exa&ement la plaque pour qu’il ne faffe
pas une flamme claire : on puvre peurà-peu cette
beuche, ppur que les charbons puiffent s'éteindre £
pn les charge de nouveaux bois, & l’on attend que
le bois de la bouche voifine s’allume de lui-même 9
obfervant dç le laiffer brûler & s’abattre comme le
précédent.
On continue à pouffer le feu dans la première
bouche , jufqu’à ce que les briques foient entière»-
ment rouges jufques fous la voûte, enforte qu’on
les diftingue dans l’obfcurité en haut comme en bas.
Alors on ferme les évents, & l’on bouche les ouj-
vertures inférieures avec de la terre graffe. Si le feu
fe montre par en haut d’un côté plus tôt que d’un
autre, ou fi les briques paroiffent plus rouges, on ne
ferme que d’un côté , & l’on continue le feu de
l’autre jufqu’à ce que les briques foient par-tout
d’une couleur uniforme ; alors on ferme aiiffi par en
haut & par en bas. On a des évents ouverts des
deux côtés, afin que les briques foient également
pénétrées par le feu. On fuit les mêmes règles pour
allumer le feu dans la troifième 8t la quatrième
bouches.
11 faut obferver que la fécondé & la troifième
bouches prennent moins de bois que la première ;
la quatrième & la cinquième n’en ont guère avec le
menu bois qu’on met pour remplir ; dans les autres,
il ne faut que du bois de fagots, quelle que foit la
longueur du fourneau. On conçoit qu’il eft plus,avantageux
d’avoir des four^çaux longs. Cette méthode a
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ùncôtè ceci d’utile, c’eft qu’on n’a befoin que de la
première bouche pour fécher toute la fournée &
diffiper l’humidité , ce qui confume beaucoup de
bois fuivant la méthode ordinaire. L’effentiel eft
d’avoir du bois bien fec; autrement l'humidité qu’il
renferme fe communique à la briqùe.
C ’eft ainfi, à ce qu’on affure , qu’on cuit la brique
en Angleterre avec du charbon de pierre, ou avec
de la tourbe.
Les briques étant cuites, on les affortit en quatre
claffes de qualité & de prix différens.
Celles qui font-d’un rouge foncé , font les mieux
cuites ; elles rendent un ion clair quand on les
frappe. Les rouges font bonnes auffi, mais elles ont
déjà un fon plus grave ; celles qui font d’un rouge
pâle , font les moins bonnes & rendent le fon le plus
lourd. Les briques vitrifiées qui font près des bouches
, font à la vérité les plus durables ; mais comme
elles font caftantes, courbes , & difficiles’ à tailler,
on les regarde comme les plus mauvaifes. Cependant
ces briques vitrifiées font propres à être employées
dans l’eau ; mais comme elles- ne prennent1
pas la chaux, on garnit les joints avec du gypfe, ou
on les bouche avec de la moufle.
Toutes les briques fêlées qui n’ont aucun fon ,
paffent pour être de la plus mauvaife forte , quelque
couleur qu’elles aient. » ,
Les-briques d’un rouge foncé font les meilleures
pour des cheminées dans la partie qui eft par deffus
le toit , comme auffi pour tous les murs qui font
expofés au grand air ; les rouges font pour les murs
ordinaires ; les pâles font mieux placées dans les
lieux où le feu , l’eau & la gelée ne peuvent pas fe
^ire fentir.
J’âi dit que la trop grande quantité de charbon
perdroit le fourneau. C ’eft une expérience conftatée
journellement dans les briqueteries où on l’emploie,
que le feu , lorfqu’il eft pouffé à certains degrés de
force, fait entrer la matière des briques en ïùfion ,
la bourfouffle d’abord, la fait champignoner , réunit
& foude plufieurs briques enfemble, les attache les
unes aux autres, forme ce qu’on appelle des roches,
du bifeuit y des vareç crues ; enfin, change totalement
leur forme , au point de n’y plus reconnaître les
tracés du moule , & la fait couler quelquefois1 par
les foyers comme des ruiffeaux que l’on m’a dit avoir
vu s’étendre jufqu’à plufieurs toiles de diftance des
fourneaux, dont toute la maffe fe trouve enfuite
prefque d’un feul morceau fans aucuns intervalles :
j’en ai vu qu’il falloit brifer, à forcé de coins & de
maffes , par morceaux dé trois quatre pieds
cubes.
En général la converfion de la brique en verre
eft regardée comme le maximum des accidens de
cette manufafture ; car il eft évident que toute brique
qui a bouilli dans le fourneau , a acquis plus ou
moins de vitrification. J’ai fouvent trouve dans les
fourneaux des tubercules de verre tranfparent, fort
reffemblant à celui du fond des pots de nos verreries.
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Ainfi, l’idée générale que l’on fe forme ordinal-
rement des caratlères de la meilleure briqué , c’eft
d’être très-dure & fonore fans être brûlée. On
appelle brique brûlée , celle qui reffemble plus ou
moins à du mâche-fer, ou aux feories des métaux;
celle où la couleur noire & l’abondance des cavités
fphériques indiquent qu’elles ont fouffert l’ébullition
: les briques de cette efpèce font toujours dé-
forméés, fouvent jointes inséparablement avec d'autres
; elles font luifantes dans toutes leurs caffures,
& donnent du feu fous les coups de briquet. Je ne
prétends pas dire ici qu’elles foient moins bonnes
dans les conftruélïons , que celles qui font moins
cuites ; mais elles ne font pas propres à être placées
aux paremens des édifices ; & fi l’on vouloir pouffer
la pluralité des briques d’un fourneau jufqu’à ce
degré de cuiffon , on tomberoit fouvent dans un
excès ruineux pour les entrepreneurs.
On juge trop peu cuite au contraire , la brique
dont la matière ne s’eft point affez durcie dans le
feu, enforte qu’elle s’écrafe facilement fous le marteau
, qu’elle rend un bruit fourd quand on la frappe r
& paroît avoir encore retenu une partie des caractères
de l’argilé crue.
"Je n’ai pu rafiembler affez d’obfervations fur les
anciens édifices, pour être parvenu à fa voir à quel
degré de cuiffon avoient été portées les briques qui
fe font le mieux liées avec les mortiers, pour recon-
noître f i , comme je le foupçonne , des briques peu
cuites ne s’y font pas durcies avec le temps ; s’il n’y
a pas quelque aâion réciproque entre la concrétion
des mortiers bien conditionnés , & les matières plus
ou moins folides dont ils fe faififfent. Au défaut de
ces lumières , qu’il pourroit être important d’acquérir
, le j ufte milieu, ou le degré de cuiffon que
l’on juge communément convenir le mieux à ces
matériaux fa&ices, c’eft celui que je crois réfulter
de la plus grande chaleur que leur matière pùiffe
foutenir fans ébullition , puifque les briques bien
formées, très - dures & fort fonores , ne manquent
jamais de fe rencontrer dans les fourneaux, auprès
de celles qui font empreintes de quelques marques
d’ébullition.
. Mais quel que doive-êtrë le point de chaleur le
plus propre à nous fournir les meilleures briques ,
il eft vraifemhlabié que l’on peut, avec juftice, attribuer
à la négligence ou à l’impéritie du cuifeur , la
plupart des,défauts que l’on remarque dans les fourneaux
lorfque l’on en enlève les briques.
Si , par exemple , le cuifeur s’abfente pendant
l’enfournage, & que le vent s’élève ou change de
direction, comme on n’aura pas affez tôt ajufté les
paillaffons de l’abri-vent fur cette variation de l’air ,
le feu fe portera totalement fur l’un des flancs dû
fourneau , la brique s’y brûlera, & celle du flanc
oppofé ne cuira jamais.
La fabrication de ces matériaux en plein air eft
foumife à un grand nombre d’accidens qui dépendent
prefque tous de la mauvaife volonté des ouvriers ,
& du pei^ de vigilance des gens prépofés à les fur-
Arts & .Métiers. Tome T. Partie L Ss