
guère poffible de connoître bien le fond de cet art,
que par la connoiflance des pratiques différentes des
ouvriers.
Dabord , & pendant un ou deux jours, ils font
«n petit feu de gros bois vis - à - vis le' fommier ;
en fuite ils feparem le feu en deux, & ils mettent
chaque moitié vis-à-vis lès arches, & l’entretiennent
avec de gros bois.
On y met quelqùes petites bourrées avec quelques
bûches bien sèches. Quand la braife de ce bois
eft en partie confumée, on y ajoute quelques.aütres
bourrées & -quelques bûches. On entretient ce feu
modéré pendant trente -fix heures, en fourniffant
toujours un peu de bois ; on examine enfuite le |
deffus du four , pour connoître fi la fumée'fort également
dans, toute fon étendue, ou par tous les fou-
piraiïx fl on en à pratiqué : le quatrième jour on
augmenté, un peu le nombre dés bourrées qu’on fait
entrer fous les arches, & on continué à en augmenter
peu a peu le nombre jufqu’au feptième ou huitième
jour ; alors , au lieu de ces bourrées , on emploie
de bons fagots , dont on augmente le nombre1 pendant
deux jours pour établir lé grand feu ; fi ' on
n’apperçoit plus fortir par le haut du four une fumée
très-noire & épaiffe, mais feulement celle du bois ,
on juge que l’humidité dés terres s’eft-diffipée j &
1 ouvrage eft en cuiffon; alors on-augmente le feu
de fagots pendant environ deux jours.
_ Il y a des briquetiers qui mettent le petit feu au
fond des arches, & qui l’attirent peu à peu vers lé
devant : ils font durer ce petit feu quinze à féize ■
jours , en l’augmentant toujours peu à peu , de forte
qu ils confomment cinq à fix cordes de bois avant
que de mettre le grand feu. Alors ils ferment avec
des briques & de la terre la moitié de la hauteur
de la porte qui communique de la chaufferie à la
bombarde. Le grand feu fe fait avec des fagots
allumes dans la bombarde ou fournaife; on les porte
fous les arches avec des fourches de fer qui ont
douze a quatorze pieds de longueur : ce grand feu
dure quatre à cinq jours & autant de nuits, & con-
fomme quatre à cinq milliers de fagots.
s ^ le feu paroiffoit s’animer plus d’un côté que
a 1? a|Itf e » on l’augmenteroit dans les arches du
cote ou il eft le moins v i f , & on couvriroit de terre
au deffus du four les endroits par où la chaleur s’é?
chapperoit en plus grande quantité ; car la vivacité
du feu fe porte toujours vers l’endroit où le courant
de la chaleur s’établit.
Quand on ne voit plus fortir par le haut du fourneau
qu une fumee claire , on augmente vivement '
le feu ; & au bout de deux ou trois jours, quand
on voit le feu s’élever fort au deffus du four, on
maçonne entièrement la porte qui communique de
la chaufferie a la bombarde : on ferme auffi les fou-
piraux ou lumières du deffus , fi cette partie eft
voutee ; ou bien fi le four eft découvert, on couvre
1 ouvrage d’un pied d'épaiffôur de terre & de gazon.
La chaleur étant ainfi retenue, la terre continue à
fe cuire. Il eft important de laiffer refroidir fou- J
vrage peu à peil ; un refroidiffement trop précipité
romproit toutes les briques ou toutes les tuiles ; c’eft
ppur cela qu’il ne faut ouvrir & vider le four que
quand l’ouvrage a prel'q'ue entièrement perdu fa
chaleur ; ce qui n’arrive dans les grands fours qu’au
bout de cinq à fix femaines,
Il eft très-important que toute l’humidité de la
terre foit diflipée , & que la chaleur ait pénétré
jufqu’au centre des briques , avant de donner le
grand feu ; car on trouve des briques vitrifiées à la
luperficie , & dont la terre n’a pas perdu intérieurement
fa couleur naturelle : ces fortes de briques
ne valent abfolument rien.
Pour faire une.bonne cuiffon, il ne faut pas que
le feu foit jamais interrompu; il doit toujours augmenter
d’âélivité depuis le commencement de la
cuiffon jtîfqü’à-la fin.
Quand dans une partie du fourneau les briques
né paroiffent pas affez cuites , on en met tremper
quelques-unes dans l’eau. Alors, fi elles s’y atten-
driffent, on les met à part pour les remettre une
féconde fois au four : ordinairement ces briques
recuites font excellentes. .
Voici ce que lès tuiliers de Grandfon obfervent
en c,uifant leurs briques & leurs tuiles. Ils enfument
d’abord leurs fours ', en ne faifant qu’iin très -petit
feu avec de gros quartiers de bois de chêne , qui ne
donne prefque point de flamme ; on continue ce feu
de bois de chêne, qui eft placé fous les voûtés, en
l’augmentant infenfiblement, jufqu’à ce que la fumée
blanche celle, que la fumée noire vienne & que l’ois
n’apperçoive plus fortir de fumée par les voûtes ou
par les bouches ; car l’humidité qui fort de la brique
s’échappe auffi par-là. On continue ce feu pendant
deux fois vingt - quatre heures dans les fours qui
contiennent vingt-cinq à vingt-fix milliers, tant
briqués que tuiles. Alors la tuile & la brique ont
rendu toute leur humidité, & l’on peut commencer
à faire un feu plus vif & qui donne plus de flamme.
Pour .cet effet, on ne met plus de bois de" chêne
fous’les voûtes, ou dans les fournaifés ; mais on brûle
alors du bois de fapirr Un peu fec, qui, comme l’on
fait, produit un feu vif accompagné de beaucoup
de flamme ; on l’augmente infenfiblement jufqu’à
un certain point, qui dépend de la' connoiflance que
les ouvriers ont de la terre , & du plus ou moins de
facilité qu’elle a à cuire ; enforte qu’on ne peut pas
bien le déterminer. Lôrfqu’on ne brûle plus de bois
de chêne, mais du fapin ; on élève un petit mur de
briques jufqu’au miliéu'de la bouche du four, enforte
qu’il n’y a que la partie fupérienre qui foit ouverte :
on introduit le bois par deffus ce mur, qui en fou-
tient une des extrémités ; on pratique feulement au
bas du mur un évent pour donner paffage à l’air,
afin que les charbons qui tombent au fond fe con-
fument. On né met jamais ni'bràife, ni bois fous les
arches ; le courant d’air qui s’établit dans ces longues
voûtes, fiiffit pour, y porter fuffifamment de chaleur
;.car elle eft plus grande & fe porte avec plus
de forçe dans lé fond du four , que vers le côté
oppofé ; enforte que. fans une précaution que les
ouvriers prennent, qui eft d’élever-le feu dans les. >
voûtes de façon qu’il touche prefque le deffus , les '
briques & les tuiles rangées près de ce côté ne
feroient pas affez cuites. Leur manière d:’élever le
feu au deffus de la voûte eft bien fimple ; ils brûlent
de longues pièces de fapin , dont une partie excède
le .mur qui ferme la bouche ; on charge avec
des pierres cette extrémité , enforte que l’autre
s’élève jufqu’à ce qu’elle touche la voûte, alors la
flamme qui fort de la voûte monte en plus grande
quantité du côté oppofé au fond, que dans le fond.
Il faut environ quatre fois vingt-quatre heures
pour cuire une fournée de vingt - cinq à vingt-fix
milliers, tant briques que tuiles. Les ouvriers recon-
noiffent que l’ouvrage eft cuit, lorfque , comme ils.
difent , les pièces qui font au deffus du four ont,
acquis une couleur de cerife d’un rouge-clair. Au
refte, ce deffus du four eft couvert avec des tuiles
pofées de plat, comme cela fe pratique par-tout. On
gouverne auffi le feu ic i, comme on l’a dit ailleurs ,
en couvrant ou découvrant à propos le deffus du
four. Et quand l’ouvrage eft cuit, on le couvre de
fable & de terre, & on achève de murer les bouches '
& les évents.
Voilà ce que nous aviohs à dire fur la manière de
cuire la brique avec le bois. Il nous refte encore à
parler , pour terminer cet article, de la manière de
cuire la brique avec le charbon de terre & avec la.,
tourbe. Mais comme cette opération de cuire avec
la houille, comme l’on fait en Flandre , demande un
affez grand détail, que M. Fourcroy rapporte avec
beaucoup de clarté , nous avons cru devoir donner
ici cette partie de fon mémoire, telle que lui-même
l’a donnée , crainte d’en rendre quelques endroits
peu intelligibles en cherchant à l’abréger.
Manière de'cuire la brique avec le charbon de terre &
avec la tourbe.
Les ouvriers qui enfournent & font cuire la brique ■ .
au charbon de terre, font ceux que l’on appelle proprement
briqueteurs ; apparemment parce que tout
le fuccès de l’entrepriie dépend d’eux. Quand on
parle d’un bon briqueteur dans toutes les provinces
du nord de la France, où l’on fabrique une grande
quantité de briques , on entend un bon conducteur
de fourneaux.
Un atelier de ces ouvriers ou une main-de brique-
leurs, comme ils parlent entre eux, confifte en une
troupe de treize hommes., qui conftruifent en quinze
à.feize jours, fi le temps eft favorable, .un fourneau
de cinq cents milliers de briques. Les rangs entre
eux font le cuifeur ou chauffeur , qui commande les
autres & conduit le feu ; deux enfourneurs qui arrangent
les briques fur le fourneau ; trois entre-deux
qui fervent les premiers dans leurs opérations fur le
fourneau, & font paffer les briques & le charbon de
main en main ; enfin, fept rechercheurs ou brouet-r
teurs, qui voiturent au fourneau tout ce qui entre
dap? fa çonftruÇfcion. L’entrepreneur leur fournit un]
ou deux journaliers furnuméraires y pour écrafer 1©
charbon s’il en eft befoin.
Les différentes manoeuvres de tous ces ouvriers
font,continuellement entremêlées, parce que tous,
contribuent également à la conftru&ion du fourneau»
Cependant , comme le travail des enfourneurs &
celui du cuifeur demandent des attentions particulières
, je çônfidérerai féparément leurs fondions
en indiquant la liaifon qui fe trouve entre celles du
cuifeur. & des enfourneurs.
Les briqueteurs ayant reconnu que les briques font
sèches & prêtes à être cuites , ce qu’ils apperçoivent
en en caffant quelques-unes, & en jugeant à la couleur
qu’il n’y a plus d’humidité, ils établiftent le pied
de leur fourneau. Dans les grandes manufa&ures %
telles que celles d’Armentîères , d’où il fort neuf à
dix millions de briques par an, deftinées pour Lille,
Douay, Tournay, Gand. , & toutes les villes qui
font fur la Lys & l’Efcaut, les pieds des fours font
faits d’une maçonnerie très-folide de briques & d’argile,
qui fert à toutes les fournées. Pour les particuliers
qui ne travaillent point tant en grand , on
conftruit, fans argile , un pied de four exprès pour
chaque fournée , qui s’établit tantôt dans un canton ,
tantôt dans un autre, félon que l’on peut rencontrer,
les veines d’argile.
On choifit, pour affeoir le fourneau, un terrain
uni près des haies des briques, avec la feule attention
que les eaux ne puiffent y féjourner , ni ÿ former
de courant quand il pleut. Sans peller ce terrain %
& fans aucune autre préparation , on y décrit au
cordeau un carré de trente- fix à trente-huit pieds
de côtés, ou environ , pour la bafe du fourneau.
Les briqueteur« précautionnés font aux quatre
angles du fourneau, faillir de neuf à dix pouces les
côtés du corps carré , fur environ cinq pieds de
longueur, en y formant à chaque angle une efpèce
de contre-fort pour le rendre plus folide. Ils-élèvent
ces contre-forts en talut, enforte qu’ils fe perdent
& finiffent dans le corps carré du fourneau, à cinq
ou fix pieds au deffus de la bafe.
Sur ce tracé, on décrit encore au cordeau l’emplacement
des foyers deftinés à recevoir le bois'qui doit
allumer le fourneau ; ce font de petites voûtes de
quatorze pouces de large, & environ dix-huit de
hauteur , efpacées à trois pieds de milieu en milieu ,
dont la cavité règne d’un côté du fourneau jufqu’à
l’autre, 61 dont les figures font affez connoître la
conftruéfion. .
Auffitôt que les cordeaux font placés, les enfourneurs
commencent, leur travail ; on leur fournit pour
le pied de four, des briques cuites & des meilleures ;
fi l’on y en employoit de médiocrement cuites , le
feu pourroit les faire éclater, ou la charge pourroit
les écrafer : le pied de four ne feroit point folide. Ils
bordent les cordeaux en arrangeant les premières
briques avec foin , de façon qu’elles foient jointes
& bien affifes fur leur plat le long des foyers: en-
fuite ils rempliffent les intervalles avec un peu moins
de précaution..