
. Elle eft fortie des mains de fon inventeur dans
l’état de perfeéfion oh nous la voyons; 8c comme
cette circonftance doit ajouter beaucoup à l’admiration
, on a préféré le métier tel qu’il étoit d’abord,
8c l’on a obfervé feulement les petits changemens
qu’on y a faits à mefure qu’ils fe font préfentés.
Après ce qu’on vient de dire de la forme & de
la liaifon des parties du métier à bas , on voit qu’en
vain on fe promettroit d’acquérir une connomance
parfaite de la machine entière , fi l’on n’entroit pas
dans le détail de chacune de fes parties. La liaifon
de ces parties fembloit exiger qu’on dît & qu’on
montrât tout à - la - fois leur multiplicité & leur
grand nombre, qu’on les repréfentât fous plufieurs
afpeéls ; ce qui auroit demandé une infinité de planches
: c’eft pour éviter tous ces inconvéniens qu’on
a cru devoir fuivre une efpèce d’analyfe de la
machine, qui confifte à la diftribuer en plufieurs
affemblages particuliers ; repréfenter au deffous de
ces affemblages les parties qu’on n’y appercevroit
pas vdiftinéfement ; réunir fucceffivement ces affemblages
les uns aux autres , 8c former ainfi peu à
peu la machine entière. On paffe de cette manière,
d’un affemblage fimple, à un compofé ; de celui-ci,
a un plus compofé ; & l’on arrive , fans obfcimté
ni fatigue, à la connoiffance d’un tout compliqué.
Pour cet effet, nous divifons-le métier à bas en
deux parties : le fût ou les parties en bois qui fou-
tiennent le métier , & qui fervent à placer l’ouvrier
& à fes diverfes opérations & manoeuvres ; enfuite
vient la defcription. du métier lui - même , ou des
parties en fer 8c autres qui le eômpofent.- Nous
, nous propofons de traiter chacun de ces- objets fépa-
rément.
. Mais avant que d’entrer dans- ce détail, nous-rapporterons
le jugement que faifoit de cette machine,
un homme qui a très-bien fenti le prix des* inventions
modernes. Voici comment M, Perrault s’en
exprime dans un ouvrage qui plaira d’autant plus,
qu’on .aura moins de préjugés : « Ceux qui ont allez
»> de génie, non pas pour inventer de lemblables
» chofes, mais pour les comprendre , tombent dans
un profond étonnement à la vue des refforts-
» prefque infinis dont la machine à bas eft compolee,
» 8c du grand- nombre de fes divers & extraordi-
» naires mouvemens. Quand on voit tricotter des
bas , on admire la foupleffe & la dextérité des
mains de l’ouvrier, quoiqu’il ne faffe qu’une feule
j» maille à-la-fois :•qu’êft - ce donc quand on voit
» une machine qui forme des centaines de mailles
» à-la-fois ; c’eft-à-dire i qui fait en' urr moment
« tous les divers mouvemens que les mains ne font,
» qu’en plufieurs heures ? Combien de petits refforts
» tirent la foie à eux, puis la laiffent aller pour la
» reprendre, & la faire paffer d’une maille dans
l’autre d’une manière inexplicable ; & tout cela
» fans que l’ouvrier qui remue la machine y com-
3> prenne rien, & même y fonge feulement ; en
»•quoi on la peut comparer à la plus excellente
» machine que Dieu ait- faite*
b II eft bien fâcheux 8c bien injufte , ajoute
» M. Perrault , qu’on ne fâche pas les noms de
» ceux qui ont imaginé des machines fi merveil-
» leufes, pendant qu’on nous force d’apprendre les
» noms des inventeurs de mille autres machines qui
» fe préfentent fi naturellement à l’efprit , qu’il
» fuftirpit d’être venus des premiers au monde
» pour,les imaginer. »
11 eft confiant que le métier à bas a pris nai{Tance
en Angleterre , 8c qu’il nous eft venu par une de
ces fupercheries que les nations fe font permifes de ■
tout temps les unes envers les autres. On a fait fur
fon auteur 8c fur fon invention , des contes puérils
qui amuferoient peut-être ceux qui, n’étant pas en
état d’entendre la machine, feroient bien aifes d’en
parler , mais que les autres mépriferoient avec
raifon.
L’auteur du Dictionnaire- du -Commerce, dit que les
Anglois fe vantent en vain d’en être les inventeurs,
8c que c’eft inutilement qu’ils en veulent ravir 1$
gloire à la France ; que tout le monde fait maintenant
qu’un François ayant trouvé ce métier fi
utile 8c fi furprenant, 8c rencontrant des difficultés
à obtenir un privilège exclufif qu’il demandoit pour
s’établir à Paris, paffa en Angleterre , oîi la machine
fut admirée 8c l’ouvrier récompenfé. Les Anglois
furent fi jaloux'de cette invention, qu’il fut longtemps
défendu, fous peine de la v ie , de la transporter
hors de l’île, nbd’en donner de modèle aux
étrangers. Mais un François les avoit enrichis de ce
préfent, un François le reftitua à fà patrie par un
effort de mémoire 8c d'imagination qui ne fe concevra
bien qu’à la fin de cet article. Il fit conftruire
à Paris , au retour d’un voyage à Londres, le premier
métier , celui fur lequel on a conftruit ceux
qui font en France 8c en Hollande. Voilà ce qu’on
penfe parmi nous de l ’invention du métier à bas
J’ajouterai feulement au témoignage de M. Savari,
qu’on ne fait à qui l’attribuer en Angleterre , le pays
du monde oh les honneurs qu’on rend aux inventeurs
qui font de la nation, leur permettent le moins
de reffer ignorés.
La defcription que nous allons donner ici du
métier à bas, contiendra d’abord les noms des parties
de la machine , avec l’indication de leur pofition
8c de leur jeu ; on verra enfuite leur ufage 8c leur
application à la faéfure des mailles, que nous n’avons
pas cru devoir féparer de cette defcription.
D u f u t du métier à bas.
La vignette, ou le haut de la planche I , repréfente
l’ouvrier qui travaille fur le métier à bas. ( Fig. y , )
l’ouvrière qui charge les roehets ou bobines de la
foie qui eft en écheveaux fur les ghindres , ( fig. i , )
8c au milieu le rouet pour doubler les foies, (fig. a. )
Du.fut.
Le fut de bois eft deftiné pour foutenir le métier
à bas 8c pour placer l’ouvrier. C ’eft un bâti très-
folidement affemblé, parce qu’il doit réfifter coiiti?
jîuellement au« feçouffes qu’il reçoit des manoeuvres
de l’ouvrier 6c des mouvemens du métier. On voit
dans la fig. t planche 1 , HH
i , les deux pieds de devant qui foutiennent le liege
de l’ouvrier.
а , les deux pieds de derrière.
3 , la traverfe d'en'bas, à laquelle eft attachée la
patte qui arrête les marches dont nous parlerons par
la fuite,. A
4, la traverfe du haut du fiège;
K, la traverfe allégie : on pratique ordinairement
à fa îurface fupérieure $ , une efpèce de rainure affez
large, fur laquelle l’ouvrier placé les chofes qui lui
font commodes en travaillant.
б , la traverfe du contre-poids , parce que c’eft fur
cette traverfe que le contre - poids vient fe repofer.
Nous l’indiquerons par la fuite.
7 , la traverfe £ en bas.
8 ,8 , les deux têtes du fût; leur partie antérieure
doit être en bifeau.
9 ,0 , deux pattes de fer qui fervent à fixer le métier
en place par les deux pieds de devant.
10 9fiège de l'oùvriep.
1 1 , i i , deux goujfets qui fervent à- foutenir le
Cège.
14^ fupport du goujfet.
1 5 , 1 5 , . traverfes qui fervent de fupports aux
gouffets.
16 , 16 , fupports des rnontans de devant,
1 7 , 1 7 , les deux rnontans de devant.
18 , rB, goujfets des montons & des pieds de derrière.
19 , 1 9 , 8c 19 , 19, ouvertures pratiquées à chaque_
tête pour y fixer les grandes pièces du métier.
20, 20, 20, 20, &c. les vis avec leurs oreilles qui
fervent à tenir les extrémités des goujfets & des tra-
verfes fortement affemblées ayeç les pieds & les
montons.
2 1 , Y arrêtant. C’eft un morceau de fer fendu d’une
ouverture oblongue qui lui permet d’avancer ou de
reculer à difcrétion fur la tête de la vis, qui l’attache
aux côtés intérieurs des deux montons de devant, 8c
terminé d’un bout par une pointe dont Tufage eft
d’arrêter le crochet Inférieur de la pièce du métier
qu’on nomme abattant ; c’eft de cet ufage que cette
pièce a pris le nom d’arrêtant : on ne peut pas voir
l’autre arrêtant placé à la même hauteur correfpon-
dant.e fur la face de l’autre montant,
22, le petit coup ; c’eft une efpece de vis donç la
tête à line éminence à laquelle on porte le bout du
crochet inférieur de Y abattant, quand par de petits
coups on affemble les mailles. L’éminence de la tête
de la vis , eft coupée en plan incliné vers le fond
du métier , çe qui permet au crochet de s’échapper
de lui-mêmé.
23,23 , les écrous 4 oreilles de l'arrêtant & du petit
coup. ,
24, 24 , deux broches de fer dpftinées à recevoir
.chacune une bobine chargée de foie.
25 , bobiné chargée de foie fur fa broche.
36 , 26 , deux pajfo-foie : ce font deux morceaux
de fer rectfurbés & percés de trous, par lefquels on
fait paffer les fils de foie, de coton ou de laine
pour en régler la direction vers les points de travail.
2 7 , le rouloir avec les crochets qui le fufpen-
dent ; c’eft un inftrument fufpendu au devant du
métier , & qui fert à plier 8c à rouler l’ouvrage
comme fur une efpèce d'enfuble , à mefure qu’il fe
fabrique.il faut y diftinguer plufieurs parties qui
rempliffent cet objet. { Voyez dans la figure 2, ) la
barre plate 1 , 2 , qui fert à maintenir les côtés 3 ,4 ,
par leurs extrémités fupérieures. La barre ronde 5 ,
6 , qui s’ajufte dans les trous percés aux extrémités
inférieures des côtés avec les pièces que nous allons
détailler ; favoir , ( figure 4 & ƒ , ) .la noix 7 , la
gâchette 8 , le rejforl 9 , le bouton 10, la tringle 13 ,
14. ( Fig. 3. ) La barre ronde eft faite en douille par
les deux bouts ; la noix 8c 1 q bouton ont chacun une
éminence ou efpèce de tourillon, par lefquelles ils
s’adaptent l’un à un bout 8c. l’autre à l’autre bout.
Ces efpèces de tourillons font percés d’un trou qui
ont leurs correfpondans à la douille qui les reçoit ;
on voit ces trous 11 8c 12 , (fig.3. ) On place dans
chacun une goupille qui -traverfe la douille 8c les tourillons
j 8c qui fixe le bouton à l’une des extrémités
de la barre ronde 8c la noix à l’autre extrémité , d’oh
il arrive que cette barre, paffée dans les ouvertures
pratiquées au bas des côtés du rouloir, peut tourner
dans ces' ouvertures, mais ne peut s’en échapper ;
8c que la noix eft tenue appliquée au côté 3 , ( fig 2 : )
.c’eft là que l’extrémité de la gâchette entre dans fes
dents , 8c y refte engrenée en vertu du rejfort qui
pouffe fon autre extrémité. ( V oyez fig. ƒ. )
Mextrémité de la gâchette peut bien s’échapper des
dents de la noix , ce qui laiffe tourner la barre ronde
dans un fens 8c non dans l’autre, c’eft-à-dire , que
l’ouvrage peut s’envelopper fur cette barre, 8c y refter
tendu comme il convient , mais ne peut fe dérouler,
à moins qu’on n’agiffe fur le rejfort de la gâchette »figs-
La tringle plate 13 ôt 14 (fig‘ 3 ) fert à diriger 8c
à maintenir l’ouvragé.
Vue e u FU T dont on a féparé un des cotes, pour mettre
4 découvert les parties fuivarites. PI. I I » fig. 1.
On voit 1 , 2 , 1 , les trois marches.
3 , 3 , carrés de bois qui les fépâfent.
4 , carié de bois percé par le milieu, qui écarte d i
Ja marche du milieu les deux autres.
5 , 5 , extrémités des deux marches.
6 , 6 , traverfe de bois fur laquelle les marches 5, 5
peuvent agir. ,
7 , traverfe de derrière.
8 , crochet de fer qui part d’un bout de l’anneau de
l’extrémité de la marche du milieu, 8c qui embraffe
de l’autre bout la partie la plus baffe de la petite anfe*
' 9 ,9 » tordes qui partent de l’extrémité des marches
3 , 5 , paffent fur le tambour de la roue 1 3 , 8c la
font mouvoir de gauche à droite , 8c de droite à
gauche , à difcrétion.
10 , 10 , cordes qui partent des extrémités de b?
A | i| •. ,