
forme d’une S , & l’une de fes deux arches a pour
le moins trois fois l'épaiffeur de l’autre. Cette arche
épaiflè fe pofe toujours par deffus , & l’arche mince
d’une autre tuile couvre la carne de l’arche épaifle
de la première. Elles ne font point percées pour
des clous, mais elles font pendues aux lattes par un
bouton de leur propre terre. Elles ont pour 1 ordinaire
quatorze pouces & demi de long , & dix
pouces & demi de large.
Quand elles font cuites, elles ne peuvent avoir
moins de treize pouces & demi de long, fur neuf
& demi de large, & un demi-pouce d épais.
Les tuiles lucamièrcs confident dans une mile plate ,
& une pièce triangulaire d’une même mile, dreflee
en refiangle fur un côté de la tuile plate, & contournée
en arche d’un autre côté qui fe termine en
pointe. Ces tuiles font de deux fortes; dans lune,
la pièce triangulaire fe lève du coté droit, & dans
l’autre du côté gauche de la tuile plate. Ces deux
fortes ont chacune deux efpèces, quelques-unes
ayant une tuile plate en entier, & d'autres n’ayant
qu’une demi-tuile plate. Mais dans toutes ces efpeces
la tuile plate a deux trous pour des clous , du cote
où eft le large bout de la pièce triangulaire.
On les met dans les gouttières, entre le toit & les
côtés des lucarnes , la partie plate étant pofee fur
le toit, & la partie triangulaire étant dreffee perpendiculairement
aux côtés de la lucarne. Elles font
excellentes pour garantir les chambras de 1 humidité,
& cependant l’ufage n’en eft peut-être connu que
dans le comté de Suffex. Les dimenfions de la partie
plate font les-mêmes que celles de la tuile plate ; la
partie triangulaire eft de la même longueur ; une de
fes extrémités a fix pouces de large, & 1 autre na
point de largeur , étant terminée en pointe.
Les tu,les allragules reffemblent, a tous égards ,
aux miles plates, fi ce n’eft que leurs parties inferieures
font en forme d’aftragale, ceft-a-dire, en
demi- cerele, avec un carre de chaque cote.
Les tuiles traverjïères font des efpèces de tuiles
irrégulières, dont on a rompu les trous , ou 1 un
des bas angles. On les pofe par le bout rompu en
haut, fur les folives auxquelles on ne fauroit pendre
des tuiles.
Les tuiles hollandoifes ou flamandes lont anciennes
ou modernes ; les premières fervoient à garnir ou
paver les âtres, eftrades & coins des cheminees :
elles étoient peintes, & repréfentoient des figures
antiques , & le plus fouvent des foldats. Quelques-
unes étoient en compartimens , & quelquefois avec
des devifes morefques; mais leurs deflins St leurs
couleurs n’approchent point de la beauté des mod6En
Angleterre les âtres font élevés d’un, deux ou
trois pieds, fur-tout dans lescuifines; 8c la plupart
des cheminées des chambres n ont point de manteau
ou chambrale : ces fortes de tuiles s’appellent à Paris
des carreaux de faïance. ;
Celles-ci fe maçonnent communément dans les
jambages des cheminées, au lieu d’y mettre des
pierres angulaires : elles font bien vernies , quelques
unes font toutes blanches ; mais celles qui font
peintes font infiniment mieux deflinées 6c colorées
que les anciennes. L’une 6c l’autre efpèce femblent
être faites de la même argile que notre poterie de
terre blanche & vernie. Quelques-unes des anciennes
ont quatre pouces 6c un quart en carré , & plus de
trois quarts d’un pouce d’épais ; quelques-unes des
modernes ont fix pouces 6c demi en carré, 6c trois
quarts d’un pouce d’épais.
On a vu dans la defcription de l’art du briquetier ;
& -par les procédés qui y font rapportés, d’après les
mémoires de MM. Duhamel, Fourcroy, Gallon
& Jars, que la tuile eft faite de femblable terre que
la brique, qu’elle fe travaille de la même manière,
à la différence près de la forme, & qu’elle fe cuit
fouvent dans le même four & en même temps que
la brique ; mais pour compléter cet article, nous
ajouterons ici ce que M. Jars rapporte d’une fabrique
particulière de tuiles 6c de carreaux,
. Fabrique de tuiles & de carreaux.
Dans une des tuileries, près la ville d’Utrecht,
on fabrique trois efpèces de .tuiles ; des plates, des
creufes, mais en plus grande quantité de celles
formées en S : on en fait aufli de ces dernières dans
le milieu defquelles on laiffe une ouverture carrée
& cintrée dans le haut, pour pouvoir y fixer un
verre de vitre ; celle-ci fervent à éclairer des bâti-
mens qui ne prennent de jour que par le toit.
On en fabrique de rouges, de grifes., 6c d’autres
verniffées feulement d’un côté.
Quant aux carreaux, dont les dimenfions font
de huit pouces en carré, fur un pouce d’epaiffeur,
& qui fervent à paver les citernes & les fours de
boulanger , on en ifit des rouges 6c des gris. On
verra ci-après d’où vient cette différence-, 6c comment
on leur donne la couleur.
La terre deftinée à fabriquer les tuiles & les carreaux,
fe prépare avec beaucoup plus de précautions
que celle que l’on emploie à'former les briques.
On la broie dans un moulin qui confifte en une
efpèce de.tonneau immobile, dont le diamètre eft
d’environ deux pieds & demi, 6c la hauteur ou
profondeur de quatre pieds. Il y a un anneau de fer
placé verticalement dans fon milieu, duquel il part
à différentes hauteurs des branches de bois, formant
des rayons qui vont répondre tous a des points
différens de la circonférence du tonneau ; ces branches
font armées chacune de fix couteaux, dont trois
fixés de haut en bas, & trois de bas en haut : ainfi
ils font dans une pofition parallèle à l’axe ; ceux qui
font à l’extrémité des rayons ne laiffent pas plus
d’une ligne d’intervalle entre le couteau & les parties
intérieures du tonneau. Cet axe eft entouré par un
bras de levier d’environ douze pieds de longueur ,
à l’extrémité duquel eft attaché un cheval qui, en
marchant dans le manège, fait agir tous les couteaux
dont il eft armé, 6c coupe ainfi en différens fens
I la terre que l’on a mife dans le moulin, déjà imbibée
B R !
d’eàu ,& telle qu’on l’apporte à la tuilerie ; de cette
façon tous les filamens , herbes 6c graines qui' fe
trouvent dans la terre, s’attachent aux couteaux, que
l’on a foin de nettoyer dé temps en temps. Au bas
du tonneau on a laiffé une ouverture par où la terre
tombe par fon propre poids : fi on ne la juge pas
allez broyée, on lui fait fubir de nouveau la même
opération.
Cette terre, au fortir du moulin ,'eft mife à côté
fous le même hangar ; elle eft alors d’une ccnfif-
tance pareille à celle de la terre dont on fait la
poterie.
Lorfqu’on veut fabriquer des tuiles, une femme
prend un paquet de cette terre, le met fur une table
laupoudrée de fable, 6c le pétrit en roulant comme
fi c’étoit de la pâte; elle étend enfuite cette terre,
fans chercher à la rendre unie, mais feulement à
lui donner à peu près l’épaiffeur que doit avoir
chaque tuile ; elle jette un peu de fable par deffus,
& la divife en quatre ou fix pièces, deftinées chacune
à donner une tuile; elle entaffe toutes ces
pièces à côté d’elle ; auflitôt un ouvrier en charge
la brouette, & les porte au mouleur; deux fuffifent
pour cette manoeuvre, 6c font placés avec leur table
entre deux étagères ; l’un deux a un châflis de bois
dans lequel il met chacune des pièces çi-deffus,la
preffe dedans, pour qu’elle en rempliffe tout le vide,
on coupe l’excédent, & avec de l’eau &.la plane il
la rend fort unie ; il la tranfporte enfuite fur un
moule de bois, qu’a le fécond ouvrier, dont la for-
eft eh S , telle que celle que doit prendre la tuile,
& dans le fond duquel on a creufé une entaille pour
former le crochet; l’ouvrier avec fon pouce y fait
entrer la terre, 6c remplace auflitôt avec un morceau
de la nouvelle, le vide qu’il a fait : il prend
alors un morceau de bois arrondi qu’il place dans la
concavité de la tuile, tourne fon moule par deffus,
6c la porte ainfi de la main droite fur une planche
de l’étagère qui eft à côté de lui ; en même temps
avec la gauche il prend une petite palette de bois
qu’il appuie deffus, afin qu’elle puiffe mieux fe féparer
& coftferver fa forme lorfqu’il retire le morceau de
bois ; ils continuent l’un 6c l’autre de la même manière,
& vont fort vite. C ’eft fur ces étagères qu’on
fait fécher les tuiles à l’ombre, jufqu’à ce qu’elles
aient pris une confiftance ferme 6c folide. On achève
de les faire fécher au foleil.
En Suiffe & en Alface , lorfqu’on veut fabriquer
des tuiles, on fq fert de moules de fer. Le pureau ou
le côté par où l’eau s’écoule , fe termine en pointe
obtufe, formant un triangle, dont la perpendiculaire
n’a qu’un pouce & un quart de hauteur. Il y a au
milieu du côté oppofé au pureau un crochet pour les
retenir à là latte. Le mouleur voulant fe mettre au
travail, on difpofe la table, & on la charge comme
pour faire des briques. Au lieu de placer le moule
fur la table, on le met fur une efpèce de pupitre
de planche , fait en plan incliné 6c un peu plus grand
que le moule. On met par deffus une toile groflière
& forte, clouée fur le bord à la gauche du mouleur;
BRI gij
le côté droit eft garni arec une baguette qui déborde
la planche. L’ouvrier faupoudre la toile fur
laquelle il place fon moule ; la pointe tournée vers
le haut du pupitre, après l’avoir trempé dans l’eau
ÔC poudré de labié. Il prend de la terre autant qu'il
lui en faut pour remplir le moule , 6c il l’étend avec
force également par - tout ; il ôte enfuite avec la
main une partie de l’excédentaprès quoi il prend
la plane qu’il paffe deffus pour unir la tuile. Il finit
par faire le crochet. Pour cet effet il applique un
peu de terre à l'endroit où il doit être, & lui donne
la figure convenable.. Le crochet eft aufli folide que
fi on l’eût relevé de la tuile même, comme cela fe
fait en France. Pour enlever la tuile de deffus la
toile , l’ouvrier pofe fur la tuile une planchette , de
façon que le crochet paffe dans la taille faite pour
le recevoir ; puis, appuyant cette planchette de
la main gauche, 6c prenant avec la droite la baguette
qui eft. au bord de la toile , il la foulève
doucement , & renverfe ainfi la tuile fur la planchette
; il met le tout fur le banc, & , faififfant le
moule par le manche, il le détache de la tuile. C ’eft
au porteur à finir l’ouvrage. Il trempe pour cet effet
fes mains dans l’eau, il les paffe fur la tuile pour
l’unir, 6c il y fait du bout du doigt des raies qui
vont fe réunir vers la pointe. Après en avoir fini
trois ou quatre, il les porte toutes à-la-fois fur les
étagères. Il y a plufieurs avantages dans cette méthode.
Les tuiles ainfi travaillées font liffes par dehors
, & ne famaffent pas de gravier , comme celles
qui font féchées à terre; les raies que l’on fait le
long de la tuile facilitent l’écoulement des eaux: les
tuiles féchées à terre fe tourmentent & deviennent
courbes, ce qui eft beaucoup plus rare quand on
les féche fur les étagères.
Les carreaux font faits avec la même terre.
Lorfqu’elle’a été paffée au moulin, des ouvriers la mettent
dans un châflis au moins d’un pouce plus grand
que ne doivent l’être les carreaux, 6c un peu plus
épais ; ils les moulent de la même manière que les
briques, 6c les rangent de champ fous un hangar 9
pour commencer a les faire fécher ; dès qu’ils le
font au point que le doigt peut à peine y faire im-
preflion , on les porte à un ouvrier qui eft occupé
à les perfectionner ; cela fe pratique comme il fuit.
Il prend un de ces carreaux 6c le met fur une table
fort unie , fur laquelle il a auparavant répandu
un peu de fable ; 6c avec une maffe de bois plate,
6c plus large que n’eft le carreau, il frappe deffus
afin de les comprimer 6c d’en rendre les grandes
furfaces égales ; deux ou trois coups fuffifent pour
cela : il applique enfuite par deffus un morceau de
planche carré , revêtu de fer autour de fon épaif-
feur, 6c dont les dimenfions font les mêmes que
celles que doivent avoir les carreaux ; on y a aufli
fix é,à diftances égales, quatre petites pointes.Taillantes
qui fervent à le tenir folidement, de façon
qu’il ne puiffe pas varier ni d’un côté ni de l’autre :
cet ouvrier, auflitôt avec un tranchoir femblable à
celui d’un cordonnier, coupe autour la terre qui