
9) que les Turcs ne les inquiétaffent par de nouveaux
» impôts. On entre d’abord dans une caverne, d ou
„ Ton pafle dans d’autres cavités qui ont été creüfées
j> autrefois à mefure que l’on en tiroit 1 alun. Ces
» cavités font en forme de voûtes , hautes feule-
j> ment de quatre ou cinq pieds, fur neuf ou dix
» de largeur. L’alun eft incrufté prefque par-tout
» fur les parois de cesrfouterrains. Il fe détache en ■
» pierres plates dé l’épaiffeur de huit ou‘neuf lignes,
„ & même d’un pouce. A mefure qu’on tire ces
3> pierres , il s’en trouve de nouvelles par deffus.
33 La folution de cet alun naturel eft aigrelette &
>» ftyptique : elle fermente avec l’huile de tartre 8c
33 elle la coagule. Ce mélange ne donne aucune
*3> odeur urineufe.
33 On trouve aufli dans ces cavernes de Y alun de
3> plume ; il vient par gros paquets compofes de
33 filets déliés comme la foie la plus fine, argentes,
3> luifans, longs d’un pouce & demi ou deux. Ces
33 faifceaux de fibres s’échappent à travers des pierres
33 qui font très - légères 8c friables. Cet alun a le
33 même goût que l’alun en pierre dont on vient de
'm parler, 8c il produit le même effet quand on le
33 mêle avec de l’huile de tartre 33.
Il ne faut pas confondre Yalun de plume avec
Xamiante caffante ou Yasbefte , efpèce de pierre ïn-
■ combufiible , compofée pareillement de petits filets
déliés comme ceux de cet alun.
On diftingue encore Yalun naturel 8c Yalun faElice,
quoique ce dernier foit aufli naturel que l’autre dont
on vient de parler ; mais on a voulu faire entendre
qu’il faut faire plufieurs opérations pour tirer l’alun
de la mine, & que ce n’eft qu’après avoir été travaillé
qu’on l’obtient en criftaux ou en mafles
falines. 1 #
Les mines d’alun les plus ordinaires font , i ° . les
focs un peu réfineux ; 20. le charbon de terre j 3°*
toutes les terres combuftibles, brunes 8c feuilletées
comme l’ardoife. La mine de charbon de terre de
Laval, au Maine , a donné de l’alun en affez grande
quantité , dans les eflais qu’en a faits M. Hellot de
l’académie des fciences de Paris.
40. Plufieurs autres terres tirant fur le gris-brun.
Il y en a une veine courante fur terre dans la
viguerie de Prades en Rouffillon , qui a depuis une
toife jufqu’à quatre de largeur, dans une longueur
de près de quatre lieues, 8c qui eft abondante. ^
En général, lorfque le minerai qui contient l’alun
a été mis en tas & long - temps expofe a 1 air, on
voit fleurir l’alun à la furfacé d,u tas. Pour effayer
ces matières, on en fait une leflive , qu’on réduit
par ébullition dans une petite chaudière de plomb ;
& on pèfe Yalun qui s’y trouve après l’avoir fait
fécher.
L’Angleterre , l’Italîe , la Flandre & la France,
font les principaux endroits oh l’on fait l’alun.
Nous avons parlé plus haut de l’alun de Rome
& de Pouzzole.
Les mines d’alun d’Angleterre ,* qui fe trouvent
dans les provinces d’Torck 8c de Lancaftre, font en
pierres bleuâtres , afîez femblables à l’ardoife. Ces
pierres contiennent beaucoup de foufre ; c’eft une
efpècë de pyrite qui s’enflamme au feu, & qui fleurit
à l’air : on pourroit tirer du vitriol de fon effloref-
cence. On fait des monceaux de cette pierre, 8c on
y met le feu pour faire évaporer le fer qu elle contient.
Le feu s’éteint de lui-même après, cette^ évaporation
; alors on met en digeftion dans 1 eau ,
pendant vingt-quatre heures, la pierre calcinée : on
verfe dans des chaudières de plomb, 1 eau chaînée
d’alun. On fait bouillir cette eau avec une leflive
d’algue marine, jufqu’à ce qu’elle foit réduite a un
certain degré d’épaifliffement. On y verfe une afîez
grande quantité d’urine , pour précipiter au fond du
vaiffeau le foufre, le vitriol, & les autres matières
étrangères. Enfuite on tranfvafe la liqueur dans des
baquets de fapin. Peu à peu l’alun fe criftallife &
s’attache aux parpis des vaiffeaux. On 1 en retire en
criftaux blancs 8c tranfparens, que Ion fait fondre
fur le feu dans des chaudières de fer. Lorfque l’alun
eft en fufiori, on le verfe dans des tonneaux ; il s’y
refroidit, & on a des mafles d’alun de la meme forme
que les tonneaux qui ont fervi de moules.
On à aufli appellé cet alun, alun de roche 1 peut-
être parce qu’il eft en grande ronfle, ou. parce qu il
eft tiré d’une pierre,. comme 1 alun de 1 aluminiere
délia Tolfa.
Dans ces mines d?alun d’Angleterre , on voit
couler fur les pierres alumineufes , une eau claire
' d’un goût ftyptique ; on tire de l’alun de cette eau en
la faifant évaporer.
On trouve en Suède une forte de pierre dont on
peut tirer de l’alun , du vitriol 8c du foufre. C eft
une belle pyrite , fort pelante 8c fort dure, dune
couleur d’or brillante, avec des taches de couleur
.d’argent. On fait chauffer cette pierre, & on l’arrofe
avec de l’eau froide pour la faire fendre 8c éclater.
Enfuite on la cafte aifément; on met les morceaux
de cette pierre dans des vaiffeaux convenables , fur
un fourneau de réverbère. Le foufre que contient
la pierre fe fond, 8c coule dans des.récipiens pleins
d’eau. Lorfqu’il ne tombe plus rien , on retire la,
matière qui refte dans les vaiffeaux , 8c on l’expofe
à l’air pendant deux jours. Gette matière s échauffé
beaucoup , jette de la fumée , 8c meme une petite
flamme que l’on apperçoit à peine pendant le jour ;
enfin , elle fe réduit en cendres bleuâtres, dont on
peut tirer du vitriol par les lotions, les évaporations
& les criftallifations. Lorfque le vitriol eft criftallife,
il refte une eau craffe & épaiffe , que 1 on fait bouillir
avec une huitième partie d’urine & de leflive de
cendres de bois : il fe précipite au fond du vaiffeau
beaucoup de fédiment ronge 8c grofîien On filtre la
liqueur , 8c on la fait évaporer jufqua un certain
degré d’épaifliffement ; enfuite il syTorme des criftaux
d’alun bien tranfparens, que l’on appelle alun
de Suède.
A Gypsèle en Thrace , on prépare lalun en
faifant .calciner lentement les marcaflites , & les
laiflant enfuite diffoudre à l’air par la rofée 8c la
pluie ; après quoi on fait bouillir dans l’eau & on
laifle criftallifer le fel.
On trouve aufli de l’alun en France proche les
montagnes des Pyrenees ; on le tire de la mine, 8c
on l’exploite à peu près comme dans les procédés
fuivans.
Nous allons donner un exemple de l’exploitation
des mines d’alun , en décrivant dans un certain
détail la manière de faire l’alun, qu’on fuit à Dauge,
à trois lieues de Liège & deux lieues d’Hui ; nous
donnerons en même temps des figures qui ont été
deflinées &..gravées fur des plans exécutés en relief
par les ordres de M. le comte d’Hérouville, lieutenant
général. Ces plans ont ete pris fur les lieux :
mais avant que d’entrerdans la manufacture de l’alun,
le le&eur ne fera point fâché fans doute de defcèndre
dans la mine, & de fuivre les préparations que l’on
donne à la matière que l’on en tire, fur le chemin de
la mine à la manufacture ; c’eft ce que nous allons
expliquer , 8c appliquer en même temps à des plans
fur l’exa&itude defquels on peut compter.
Les montagnes des environs de la mine de Dauge,
font couvertes de bois de plufieurs fortes ; mais on
n’y trouve que des plantés ordinaires,, des genièvres,
des fougères & autres. Les terres rapportent des
grains de plufieurs efpèces, 8c donnent des vins.
L ’eau des fontaines eft légère ; la pierre des rochers
eft d’un gris bleu célefte ; elle a le grain dur 8c fin ;
on en fait de la chaux. C ’eft derrière ces rochers
que l’on trouve les veines de foufre , d’alun , de
vitriol, de plomb 8c de cuivre.
Plus on s’enfonce dans les profondeurs de la terre,
plus les matières font belles. On y defcend quelquefois
dé 80 toifes ; on fuit les veines de rochers
en rochers; on rencontre de très b eaux minéraux,
quelquefois du criftal. Il fort de ces mines des vapeurs
ou mofettes qui produifent des effets furprenaios.
Une fille s’étant trouvée à l’entrée de lamine, fut
frappée d’une de ces vapeurs mal-faifantes, & elle
changea de couleur d’un côté feulement.
On trouve dans les bois, fous les hauteurs, à dix
pieds de profondeur, plufieurs fortes de fables dont
on fait du verre, du criftal, 8c de la faïence.
Trois hommes commencent une bure, ( c’eft un
puits qui defcend de la furface de la terre dans l’intérieur
de la mine ) ; ils en tirent les terres , & les
«rançonnent ou étayent avec des perches coupées
en deux. Quand le percement eft pouffé à une certaine
profondeur , on place à fon entrée un tour
avec lequel on tire les terres dans un panier qui a
trois pieds de diamètre , fur un pied & demi de
profondeur. Six femmes font occupées à tirer le
panier, trois d’un côté du tour, trois de l’autre. Un
brouetteur reçoit les terres au fortir du panier 8c les
emmène.
On conçoit que plus la buré avance, plus il faut
de monde. Il y a quelquefois fept perfonnes dedans
& fept au dehors. De ceux du dedans , les uns
minent,les autres chargent le panier, quelques-uns
Rançonnent,
Quand on eft parvenu à cinquante pieds de profondeur
, les femmes du tour tirent jufqu’à deux
cents paniers en huit heures. A dix pieds, on commence
à rencontrer de la mine qu’on néglige : on
ne peut bien la recueillir qu’à la profondeur de vingt
à vingt-cinq pieds. Lorfqu’on la trouve bonne, on
la fuit par des chemins fouterrains qu’on fe fraye en
la tirant ; on étançonne tous ces chemins avec des
morceaux de bois qui ont fix pouces d’écariffage ,
fur fix pieds de haut ; on place ces étais à deux pieds
les uns des autres fur les côtés ; on garnit le haut
de petits morceaux de bois & de fafeines : quand les
ouvriers craignent de rencontrer l’eau, ils remontent
leur "chemin.
Cependant, fi l’on ne peut éviter l’eau , on pratique
un petit canal fouterrain pour conduire les eaux
dans une bure ou puits de quatre - vingt - dix pieds
de profondeur. Enfuite on établit fur quatre baflïns
étagés, dix pompes ; favoir , quatre au niveau de
l’eau, trois au fécond étage , 8c trois au troifième.
Des canaux de ces pompes, les uns ont deux pieds
de hauteur, les autres quatre, ou même cinq. Ces
pompes vont par le moyen de deux grandes roues
qui ont quarante-fix pieds de diamètre, 8c qui font
mifes en mouvement par des eaux qui fe trouvent
plus hautes qu’elles, & qui font dans les environs.
Cette machine , qui meut les pompes , s’appelle
engin. La première pompe a dix toifes, la fécondé,
dix, & celle du fond dix. Les^trois verges de fer
qui tiennent le pifton ont cinquante pieds , & le
refte eft d’afpiration. La largeur de la bure a huit
pieds en carré. L’engin & les pompes font le même
effet que la machine de Marly , quoiqu’ils foient
beaucoup plus fimples.
On jette le minéral qui contient l’alun, en gros
tas, qui ont vingt pieds de haut, fur foixante eh
carré. Voyez la planche ; A , A , A , font ces tas.
On laifle le minéral dans cet état pendant deux ans ,
pour qu’il jette fon feu, difent les ouvriers.
Au bout de deux ans on en fait, pour le brûler,
de nouveaux amas qu’on voit même planche , en
B , B , B , B. Ces amas font par lits de fagots & lits
de minéral, les uns élevés au deffus des autres, au
nombre de vingt en forme de banquettes, comme
on les voit dans cette planche. On a foin de donner
de l’air à ces amas dans les endroits oii l’on s’ap-
perçoit qurls ne brûlent pas également c’eft ce que
fait avec fon pic,lafig. 1. Pour donner de l’air , l’ouvrier
travaille ou pioche , comme s’il vouloit faire
un trou d’un pied carré ; mais , ce trou fa it , il le
rebouche tout de fuite. On laifle brûler le minéral
pendant huit à neuf p u r s , veillant à ce qu’il ne foit
ni trop cuit, ni pas affez cuit ; dans l’un 8c l’autre
cas, on n’en tireroit rien.
Quand on s’apperçoit que la matière eft rougeâtre
8c qu’elle fonne , on s’en fert d’un côté ,
( celui où l’on, a commencé de mettre le feu ) tandis
que de l’autre côté on continue d’ajouter à peu
près la même quantité ; enforte que l’amas fe reforme
à mefure qu’il fe détruit ; c’eft ce que font les deux: