
Toutes les briques du fourneau, depuis la première
aflife de ces briques'cuites ju {qu’au fommet,
font placées fur le champ , excepté celles qui fe
trouvent autrement pofées aux paremens des foyers
aux angles des contre-forts , & quelquefois aux paremens
du corps carré. Toutes celles de l’intérieur
n’ont d’autre ordre entre elles , que d’être toujours
alternativement croifées à angles droits d’un lit à
l’autre.
On place ainfi les briques fur leur champ , afin
que le feu puiffe embraiïer plus aifément chacune
d’elles. Si elles étoient pofées à plat fur leur lit, il y
auroit moitié moins de joints dans le fens vertical
fuivant lequel fe dirige principalement Faétion du
feu ; & la cuilTon des briques en feroit d’autant plus;
difficile.
Lorfque les foyers font élevés de douze à treize-
pouces, c’eft-à-dire, lorfque toute la baie du fourneau
a déjà acquis la hauteur de trois briques de
champ pofées l’une fur l'autre, le cuifeur charge les
foyers dans toute leur longueur des matières; nicef-
faires pour allumer le fourneau. 11 ne doit pas attendre
plus tard car le nouveau tas que Feniburneur
doit pofer fera la retombée de la petite voûte des
foyers, qui fera totalement fermée par le cinquième.
Lorfque l’enfourneur a recouvert le fourneau du
fixième tas, le cuifeur y répand le premier li: de
charbon dont je parlerai plus bas fur lequel l’en—
fourneur pofe encore une feptième 6c rdermèré aflife
de briques cuites , qui couronne Ôc termine le pied
du fourneau.
Pendant l’enfournage, îe cuifeur, dont la préfente
n’y eft pas néceffaire, va dans la carrière à argile
en démè'er quelques brouettées , 6c-! en forme un
mortier allez liquide. Chaque journée des enfour-
neurs fe termine par crépir tout le parement du
fourneau. en appliquant ce mortier contré fes tas
de la bordure, qui ont été pofés depuis le matin. Le
cuifeur a foin de choifir potir ce mortier Fargile ta
plus maigre , ou d’y mêler fuffifamment de fable;
L ’argilv forte Te gerce auffitôt qu’elle fent le feu ;
elle le détache & laiff les briques à découvert : j’au-
ïai occafion de'parler encore dé ce- plaçage.-
L ’éfablHTement du pi .d dé four eft o-r inairemenr
fini le lendemain de l’arrivée des briqueteurs. Comme
les briques cuites, deftinéês à former le pi ed du
four,.ont été milesTort à , orrée des ouvriers, ri
fuffit dé deux ou de trois entre deux pour lesfervir
de main en main aux enfourneurs. Les : ecb rcheurs
•s’occupent, fous la conduite du cuifeur , à planter fes
fapins des gardes-vents. Ils ont foin aufli de former
îe petit rétabliffemenr de la baraque pour mettre
toute la troupe à l-’abri.
t e même foir on met le feu dans les foyers., & ,
a l’exception de cette feule nuit, que quatre hommes
veillent pour l’attifer & 1; entretenir, pérfonne ne
travaille depuis fept heures du foir, jusqu’au lendemain
un.' heure avant le jour.
Le cuifeur vient reconnoître, avant le jour, l’état
fte fon fourneau ; il y répand une fuffifante quantité
de nouveau charbon, & tout le monde fe remet à
l’enfournage. L’un des deux enfourneurs commence
alors à former le premier tas de briques que l’on
veut faire cuire. Il place d’abord celle de la bordure
fur une certaine étendue, forme encore ordinairement
la bordure du tas fuivant, puis remplit le derrière
de la bordure du premier tas, jufqu’à ce qu’il
ait couvert de briques pofées de- champ la moitié
de la furface du fourneau.
Une partie du talent de Fènfourneur eft de construire
cette bordure avec foin. Un parement construit
à-plomb fans aucune matière qui en lie les briques
entre elles, 6c feulement enduit d’un léger
placage, qui, comme je le dirai plus bas, ne les;
affermit prefque point, doit cependant contenir un'
édifice de vingt à vingt-deux pieds de hauteur, 6c
fouffrir quelques efforts, litron par la pouffée de la'-
charge, au moins par celle du feu. Il eft donc important
que Fenfourneur y apporte plus d’attention'
qu’au, refte de fon travail. Cette attention confifte-
principalement à faire la bordure bien- ferrée , le
parement bien à-plomb , & à en bien affeoir toutes;
lès briques. Leur arrangement eft alternatif, de manière
que les différentes alfifès ou les différens tas fe'
croifenc dans le corps carré du fourneau : les bor—
dures font aufli alternativement' compofées de briques
bout-jfesy c’eft-à-dire, dé briques qui préfen-
tent en dehors un de leurs bouts au parement du*
fourneau ; & dè briques rann rejfes, c’eft-à-dire ,,
de briques qui préfenrent au parement un de leurs:
longs panneaux , foit leur l i t fo i t un de leurs longs:
cotés.
Comme la brique pannereffe du parement ne peut
avoir beaucoup d’afliette ou de folidité, ne portant:
que de deux- pouces de large fur le fourneau, &C
qu’elle fenoit facilement renverfée par les briques-
boutiffes' qui doivent la* rencontrer lfenfo. rneur
place d’abord les briques bontilles de derrière à deux
pouces dedistance du parement, & dé pofe fur leur
champ la pannereff. avec laquelle il vient dë former
le purement ,• lorfqu’il a fini le refte de fa tâche : il
laifîe de-même quatre pouces de retraite au parement
pour en affeoir deux pannereffes-.
Sam examiner encore ici les effets du feu fur ce
fou rneau , ri eft né< effaire d’obferver en ; allant,
que les b c dures ou paremens ne cuifem p. s au'
même point que le refte. Les briques de l’intérieur
diminuent lus dë volume par la euilfon'. & perdent
davantage fur les dimenfions du moule que celles de'
la bordure. O’ailleur- le charbon fe réduit totalement
en cendres dans l’intérieur du fourneau ; au
lieu que près- des borés, il n’eft’ pas toujours par-
faitemenr conflimé. Il arrive dë' là que le fourneau'
reçoit un affaiffement plus confidérable dans fora-
corps qu’aux paremens, & qu’il prendroifà fa for-
face' fopérieure la forme d’un balfin carré a bords
en fa lu t ^ fi Penfourneur navoit loin *i’y pourvoir
il en réf'Ireroit un grand inconvénient. Les briques'
de bordure ne cOnfervant plus leur parallélifme ni
j leur aflfette horizontale , puifqu’elles feroient £o&?
‘d e s éc inclinées par celles de derrière, bientôt les
paremens fe détacheroierit du corps carré, 6c l’édifice
s’écroùlèrôit. .. , , -
Pour prévenir cet accident, des que latrailiement
commence à paroîtrë, Fenfourneur forme un des
tas de la Bordure un peu moins élevé qu’à 1 ordinaire
, ce qu’il appelle fairë un faux tas, c’eft-à-dire,
qu’au lieu d’y placer la brique boutïffe verticale fur
fon champ, il l’incline plus ou moins fur l’une des
arêtes. enforte qu’il abaiffe cette bordure de fix ,
douze ou dix-huit ligues fuivant que l’exige l’affaif-
fement du fourneau. Si l’affaiffemefit allort à deux
pouces,- ce qui arrive rarement, l’ën fou rneur for-
tfieroit le tas de la bordure d’une briqu- mife à plat,
au lieu d’une de-champ. Toutes les fois qu il abaiffe
a-infi la bordure, il eft obligé d:’incliner à proportion'
les premières rangées de briques qui la rencontrent
for le même tas. C’eft par ce moyen que fe rétablit
& s’entretient le niveau de la furface fupëïfeure d;u
fourneau'. %
Les briques du corps carré , au-delà des dix-huit a
vingt pouces de la bordure, n’exigent pas tant de
foin. Il fuffit de remarquer que,- comme de trois en
trois tas- on- répand un lit général de charbon fur le
fourneau , les briques du tas qui doit recevoir cette
charbonnée, doivent être à peu près jointives, 6c
beaucoup plus ferrées les unes près des autres que
celles des deux autres tas. afin que leurs joints ne
kiffent pas tomber, le charbon fur les tas inferieurs :
les briques de ceux-ci peuvent être efpacées d’un
pouce entre elles, fans inconvénient;
C ’eft une manoeuvre très-animée que celle de l'enfournage
fenfourneur eft celui dont le travail eft le
plus fatigant. J’ai dit qu’il ne charge que la^ moitié
de la furface du fourneau. Il entre ordinairement
près de dix milliers de briques a chaque tas complet ;•
les cinq, milliers de la tâche d un des enfourneurs
lui font fournis deux à deux par les entre-deux, en
cinq quarts .d’heure de temps ; il les rrfet en place
tantôt quatre, tantôt moins à-la-fois, félon- que l’ef-
pace le lui permet; il fe Baille' 8c fe relève treize à
quatorze cents fois en cinq quarts d heure, 8c cela
fur un. atelier ou il fait chaud. Les entre-deux ont
Jj>ien moins de peine:-ris tiennent a leurs fonélions
tout le long du jour. #. . .
Au commencement dë la conffruélion' du^ fourneau
, les rechercheurs font occupés toiït fept a aller
chercher' les briques , & ils commencent par tranf-
porter les plus éloignées. La longueur du roulage1
diminuant donc à mefure que le fourneau s’eleve ,
& qu’il y faut élever des échafauds pour le tranf-
port de main en main,; ce que le roulage exige de'
moins des rechereheurs, fe place' en relais fur les
échafauds, & i's gardent entre eux tous un ordre
proportionné à la fatigue des différens poftes qu’ils
occupent.
Le feu qui monte continuellement dans fe fourneau
, s’éteint en même temps vers le bas ; enforte
que celui des rechercheurs qui eft placé au relais le
plus élevé, en relient toute l’incommodité. U ne
pêut relier qu’eriviron une demi-heufe à cette place ;
& quand il a fervi fes deux milliers de briques, fai-
fant quarante brouettées qu’il compte exactement,
il retourne^ à la brouette. Le fuivant le relève ; 6c
s’il y a plufieurs relais d’échafauds, chacun d’eux
remonte d’urt étage, au moyen de quoi toute la
fatigue eft également partagée;
Le fourneau a deux femblables accès dé rampes
& d’échafauds fur fes côtés oppofés. Sitôt qiie le
demi-tas de Fenfourneur eft achevé, tout le monde
fe préfente à l’autre bord, 6c la même manoeuvre
fe répète.
Le premier travail du cuifeuf eft de charger les
foyers du pied du four. Il y couche obliquement
quelques gros paremens de fagots, puis des fagots
entiers d’environ trente-fix pouces de tour , 6c il
charge chaque fagot de trois ou quatre bûches de
quartier, 6c y ajoute quelques morceaux de charbon.
Tout le refte’ du charbon qui entre dans îe four-:
neau a été réduit en pouffier ,à peu près comme celui
des forges. On le pafie en claie, 6c Fon écrafe
tous les morceaux avec une batte garnie d;* fer. G iï
en fait un amas au pied du fourneau, d’ou les re-
chercheufs le jettent dans des manelettes aux entredeux
, qui vont le porter au cuifeur. Celui-ci l’étend
for le lit de. briques en fe’coüant fa manelette fans
fe baiffer, afin que fe choc du charbon tombant de
haut fur le fourneau , l’émiette 6f le répande également
par-tout. T elfe eft la manoeuvre pour toutes
les charbonnées qui fe font fur le fourneau , depuis
celles for le fixième tas du pied du four, 6c fur le
feptième, jufqu’à fon entier achèvement: par oîi
l’on voit que le travail dû Cliifeur eft un des plus
Amples ; mais fon art n’en eft pas plus facile.
fl eft très-effentiel que fe cuifeur ait une grande
expérience de la conduite du^feu ; qu’il foit un excellent
chauffeur : les moindres inattentions ou défauts
de jugement de fa part, peuvent faire manquer
l’opération 6c l’entreprife de la briqueterie en
tout ou en grande partie. Ce chauffeur, en plein air,,
a bien d’autres obftacles à furmonter que ceux d’un,
laboratoire commodément monté.
Il faut- huit à dix heures- d?un temps favorable *
pour que le feu des foyers puiffe fe communiquer à-
la charbonnée du fixième tas. Cet' efpace de temps
néceffaire eft ce qui détermine le plus fouvent les
br:quêteurs à mettre le feu dans les foyers vers le;
foir. D’ailleurs, l’air eft ordinairement plus calme
pendant la nuit que de jour.: la tranquillité de l’air
favorife l’égalité de l’inflammation dans- tous les
foyers. If n’y a donc que le mauvais temps qui les
oblige quelquefois à différer au lendemain..
Les quatre hommes qui veillent cette première’
nuit' fourniffent bois- de corde aux foyers, en y
enfonçant de groffes bûches avec de longues perches,
aufli long-temps qu’il eft néceffaire pour enflammer
la charbonnée du fixième tas : c’eft ce
qu’ils appellent affurer.le feu, c’eft-à-dire, lui don-
\ ner par-tout une force égale > ôt capable de réfiftes