
antre-mouvement fur la pelle ; c’eft ce qu'on nomme
jeter le pain fur la pelle.
Pouf ce qui eft. des petits pains ronds qui font dans
les febilles, on les verfe dans la main pour les ren-
verfer aufïi fur la pelle, de forte que le côté du pain
quitouchoit le fond de la febille, touche la pelle &
enfuite l’âtre. Il n’y a que le pain à potages qu’on
renverfe immédiatement de la febille lur la pelle.
Si l’on veut donner de la couleur au pain , ce
qu’on appelle le dorer, il faut le mouiller fuperfi-
ciéllement de lait : de l’eau & du miel, ou de l’eau
avec un jaune d’oeuf, ou l’eau feule, donneraient un
mauvais goût & une mauvaife couleur au pain.
En Allemagne les boulangers entretiennent la
braife allumée vers la bouche du four. S’ils voient
que le pain ne prend pas affez de couleur , ils répandent
un peu d’eau fur les charbons. La vapeur qui
s’élève & que la chaleur du dôme fait rabaiffer fur
le pain , lui donne une belle couleur.
Quand on enfourne les pains , il faut prendre
garde de les fatiguer & de les déformer. On fait
ieulement avec le pouce des enfoncemens fans ouverture
fur les pains, pour que là croûte ne s’en
détache point en cuifant.
On eft environ une demi-heure à placer le pain
& à emplir un four de fept à neuf pieds de diamètre,
qui peut contenir plus de trois cens livres de pain
en gros pains ÿ & deux cens livres en petits pains.
Ôn proportionne la quantité des pains à la grandeur
du four ; peu de pains dans un grand Four ,
fécheroient & brûleroient : il ne faut pas non plus
qu’ils y foient trop preffés; ils y euiroieht mal &
inégalement.
Lorfque tout eft enfourné, on ferme le four après
en avoir retiré le porte-allume ; & l’on met aux jointures
du fermoir & de la bouche de petits drapeaux
& de la cendre mouillés enfemble, ou l’on a des fermoirs
de fer battu qui joignent exa&ement.
Le temps à cuire le pain.
Le pain eft plus ou moins de temps à cuire, dans
le four, félon la nature de la farine, félon la qualité
de la pâte, félon la groffeur des pains, & félon leur
forme.
En général, il faut faire cuire plus le pain -bis que
le pain blanc.
Le pain de pâte molle cuit plus promptement
que le pain de pâte ferme.
Une demi-heure fuffit pour cuire les pains mollets
d’une livre, pourvu qu’ils foient fans lait , parce que
le lait fe détache moins de la pâte par le feu que ne
fait l’eau.
Il faut autant de temps au pain à café pour cuire
à caufe du lait, qu’au pain -mollet d’une livre.
Plus lès pains ont de furface , plus aifément ils
cuifent.
Le pain de douze livres rond , doit être environ
trois heures dans le four ; celui de huit livres, deux
heures ; de fix livres, une heure ; de trois livres,
cinquante minutes; celui de deux livres, trois quartsd’hôure
au moins ; le pain rond d’une livre & demie,
trente-cinq minutes ; & celui d’une livre , une demi-
heure.
On doit, autant qu’on le peut, cuire le pain à
four fermé , il en eft meilleur ; mais il faut pour cela
que le four ait chauffé fi à propos , qu’il ne foit pas
befoin de tenir le fermoir du four baiffé.
On abat quelquefois le bouchoir, pour voir dans
le four l’état du pain ; & même on eft obligé de le
tenir ouvert quelque temps , fi les pains ou les levains
n’avoient pas eu affez d’apprêt, ou fi on avoit à
craindre que le pain ne cuisît trop promptement
dans le quartier de la bouche du four.
Si au contraire les pains ne cuifent pas affez à k
bouche du four, & que ceux du fond cuifent trop à
proportion, on ferme le four après avoir pofé fur
les pains qui cuifent trop, un ou deux morceaux de
bois, ce qui eft une pratique bien fingulière.
Lorfque le four eft trop chaud, ji faut le déboucher
plus tôt qu’à l’ordinaire, & cependant y laiffer
le pain aufii long-temps qu’on a coutume dé l’y
laiffer. Lorfque le four n’eft pas au degré de chaleur
convenable ,-il faut le laiffer fermé plus long-temps.
Cependant la pâte sèche plutôt qu’elle ne cuit dans
un four qui n’eft point affez chaud.
Lorfque les boulangers cuifent peu le pain, c’eft
pour qu’il perde moins de fon poids ; mais un
pain qui n’eft point affez cuit eft mal-fain.
_ . Tirer le pain du four.
Il faut commencer par tirer du four le pain le1
plus cuit ; & le plus cuit fe trouve à l’entrée du four
lorfque les pains font inégaux, & que ce font les
plus petits qui font vers la bouche, quoiqu’ils aient
été enfournés les derniers.
Lorfqu’au contraire les pains font égaux, on les
tire du four dans le même ordre qu’on les a enfournés
, commençant par le côté par lequel on a
commencé d’enfourner.
On met ordinairement quinze à vingt minutés à
tirer tout le pain d’un four de huit à neuf pieds de
grandeur, II faut, pour bien faire cette opération ,
être deux; l’un reçoit le pafn & l’arrange, pendant
que l’autre le tire du four.
A mefure qu’on tire les pains du four, on les place
avec ménagement les uns contre les autres. Si on
n’avoit pas cette attention, Iespains tendres &. chauds
fe déformeroient.
On range fur le côté les pains ronds , & l’on pofe
debout les pains longs.
On doit obferver en rangeant les pains chauds au
fortir du four de mettre des intervalles entre , pour
qu’ils fe reffuient en exhalant une bonne odeur particulière
au pain chaud , qu’il tient de la farine, du
levain , & de la cuiïïon.
Il faut prendre garde aufii que le pain chaud,
au fol-tir du four, ne foit faifi par un air trop froid.
Le pain qui fe refroidit par degrés infenfibles eft
meilleur , il fe perfe&ionne & le conferve enfuite
plus frais.
Quand les pains ont été tirés du four & quand ïis
font refroidis , on les broffe pour en détacher le
fleurage ou la cendre qui eft deffus, enfuite on les
place dans des paniers ou fur des planches. On doit
couvrir le pain & le garder dans un lieu fec qui ne
foit pas chaud, afin de le conferver frais, & qu’il
sèche moins.
Choix du pain.
On fait que le meilleur pain eft celui qui eft fait
de farine de froment.
Il faut choifir le pain- relevé dans fa forme, fans
baifure, dont la croûte foit unie & point éraillée,
d’une couleur jaune , ni trop claire , ni trop brune.
On doit le prendre d’une pâte ni trop cuite, ni
trop /natte.
La mie d’un pain tendre fe relève comme un
reffort quand on la preffe, & elle a quantité d’yeux
petits &. en grand nombre.
Il faut que le pain n’ait aucun goût d’aigreur, ni
d’amertume, ni de pouffière, ni de farine echauffee.
On dit communément que le pain pour être bon
à manger, doit avoir un jour ; comme la farine pour
faire la pâte , doit avoir un mois ; & le grain 9 avant
de le faire moudre, doit avoir un an.
En général, l’état où le pain eft le meilleur , c’eft
lorfqu’il eft tendre & tout-à-fait refroidi.
Il n’y a que le pain de millet qui n’eft bon que
Iqrfqu’il eft mangé chaud. ,
Police pour le pain.
Quàfit à la police du pain, le magiftrat veille à ce
qu’il y ait toujours affez de pain chez les boulangers
pouf fournir à la confommation du lieu , pour qu’ils
foient affortis de manière à pouvoir contenter le
pauvre comme le riche , & qu’ils vendent à un prix
fixé & proportionné à celui du grain & aux autres
frais.
Il a été ordonné aux boulangers d’imprimer fur le
pain qu’ils font, les lettres initiales de leurs noms , &
de marquer en même temps la pefanteur de chaque
pain, par autant de points que le pain pèfe de livres,
afin d’avoir recours contre le boulanger dans le cas
de défeéhiofité ^ foit par la mauvaife qualité du pain ,
foit par la fauffeté du poids marqué. Cette ordonnance
de 1546, eft encore obfervée fur le pain de
pâte ferme, le gros pain & le pain bis, & ne l’eft
pas & ne peut l’être fur le pain de pâte molle.
A Leipfick, la police oblige^tous ceux qui viennent
de la campagne apporter du pain au marché,
démarquer leur pain d’autant .de points qu’il doit
valoir de grofches, fuivant la taxe. Les vendeurs
font tenus de préfenter tout leur pain à un homme
affermenté, qui le pèfe & qui marque avec de la
craie , ce que chaque pain vaut à proportion, de fon
poids. Au lieu du nom, chaque pain porte un numéro
qui indique le boulanger.
Nous ne pouvons mieux terminer cet art de la
boulangerie, que de rapporter ici en entier un excellent
mémoire que M. Tille*, chevalier de l’ordre
de S. Michel , de l'académie royale des Sciences,
-a lu au comité de la boulangerie , le 15 novembre
1781 , dans lequel il rapporte des expériences &
obfervations fur le poids du pain au fortir du four , &
fur le règlement par lequel les boulangers font ajfujettis
à donner aux pains quils expofent en vente un poids,
fixe & déterminé. * t
Ce mémoire préfente d’ailleurs aved une précifioit
à laquelle on doit avoir toute confiance, les principaux
procédés de k boulangerie, & réunit linf-
tru&ion & le raifonriement à l’habileté du travaille
à une' ^expérience confommée,
Plufieurs des principaux boulangers de Paris, Tentant
l’extrême difficulté de donner au pain le poids
jufte fur ie piesd duquel il eft .expofé en vente,
defirant de n’être plus expofés aux amendes qu’on
prononce contre eux , lorfque le pain n a pas le
poids preferit, préfentèrent un mémoire , en 1778,
à M. le Lieutenant général de police, par lequel ils
demandèrent que le pain ne fût vendu quau poids:
non qu’ils vouluffent s’écarter de lufage ou ils font
j de faire des pains de quatre, de deux & d’une livre-,
& de les .maintenir, autant qu’il eft poffible, dans
ces poids différens ; mais ils repréfentoient combien
il étoit affligeant pour eux de fe trouver garais ,*
fous des peines humiliantes , d’une preçifion qui ne
dépendent pas d’eux ; & ils offroient, ou de fup-
pléer, en pain , à ce qu il y auroit de moins fur
ceux .qu’ils vendroient , ou d accorder une diminution
pr.oportio'nnelle., fur ie prix courant , aux
particuliers qui acheteroient.ces pains.^
Le mémoire des boulangers de Paris occafionna
bientôt des difeuffions : les boulangers forains en
eurent connoiffance, & furent d’un fentiment oppofé
à celui des boulangers de Paris-: les rai fon s qu’ils
donnèrent,. furent appuyées par des per.fo.nnes inf-
truites , mais attachées à l’ufage aêtuel de vendre le
pain ; tandis que d’un autre côté des citoyens éclairés
fe déclarèrent avec zèle en faveur du mémoire des
boulangers de Paris , & répondirent à tout ce
qu’avoient dit les boulangers forains pour juftifier.
leur oppofition.
Les chofes êtoient dans cet état, lorfque le comité
de boulangerie fut établi. Un des premiers
objets dont on s’y occupa , fut de faire des expériences
authentiques fur le point effentiel auquel
tenoit cette difeuffion ; ce fut d’examiner avec le
plus grand foin, s’il eft poffible , ou non, à un bou-
! langer de donner conftamrïient à cinquante ou foi-
xante pains , dépendans d une meme fournee , le
poids jufte que chacun d’eux doit avoir. Tel eft le
fujet des expériences dont on va expofer le detail-,
du projet qu’elles ont fait naître pour l’intérêt du
peuple, & des vue s , en général, fur la vente du
pain , que le comité de boulangerie foumet avec
confiance aux lumières du public.
Expériences & obfervations fur le poids du pain du
fortir du four.
Ayant été chargés par le comité de boula«-
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