
commencer. On s’en fert pendant quatre heures : on
lui fait fuccéder un fécond marteau qui pèfe quatre
à cinq liv ., qui porte deux pouces de diamètre à la
tête, & qui eft encore plus convexe que les précé-
dens : on l’appelle marteau à chajjer, & l’on s’en
fert pendant une demi-heure : on reprend enfuite le
marteau à commencer; on revient au marteau à chaffer
dont on fe fert pendant encore une demi-heure, &
l’on paffe enfin au marteau à achever. Le marteau
à achever porte quatre pouces de diamètre à la tête ,
eft plus convexe qu’aucun des précédens, & pèfe
douze à treize livre. On a eu raifon de l’appeler
marteau à achever, car c’eft en effet par lui que finit
la batte.
La raifon de ces différences & de ces changemens
de marteaux eft fenfible ; le marteau qui a la tête
plus étroite , frappe des coups plus profonds fur
moins d’efpace de la matière ; le marteau dont la tête
eft plus large, embraffe plus de parties & doit les
étendre ; & le marteau d’une pefanteur & d’une
dimenfion plus grandes , doit planer & égalifer les
furfaces.
Qn obferve pendant la batte de la moule , de la
frapper tantôt fur une face,tantôt fur une autre ; de
défourrer de temps en temps, & d’examiner fi les
feuilles défafleurent : quand elles défafleurent toutes,
la batte eft finie. Il ne s’agit plus que de tirer l’or
battu d’entre les feuillets de la moule ; & c’eft ce que
fait la fig. 3 , & de les placer dans les quarterons.
Pour cet effet, on fe fert de la tenaille de la fig. 9:
on ferre avec elle la moule par l’angle, & l’on en
fort les feuilles battues le s ,unes après les autres, à
l’aide de la pièce de bois de la fig. 10. On les pofe
fur le couffin ; on fouffle deffus pour les étendre ;
on prend le couteau fait d’un morceau de rofeau ,
fig. ly. On coupe un morceau de la feuille en ligne
droite : ce côté de la feuille qui eft coupé en ligne
droite, fe met exactement au fond du livret & du
quarteron, que la feuille déborde de tous les autres
côtés; on continue de remplir ainfi le quarteron;
quand il eft plein , on en prend un autre, & ainfi de
fuite. Lorfque la moule eft vide, on prend un couteau
à lame d’acier, fig, /ƒ, a; l’on enlève tout
l’excédent des feuilles d’or qui paroît hors des quarterons
ou livrets ; & l’on emporte ce que le couteau
a laiffé, avec un morceau de linge qu’on appelle
frottoir. -
Les quarterons dont on voit un fig. ƒ , font des
livrets de 2$ feuillets carrés : il y en a de deux
fortes, les uns dont le côté eft de quatre pouces ;
d’autres dont le côté n’eft que de trois pouces &
demi. Un livret d’o r , dont le côté eft de quatre
pouces, fe vend 40 fous ; un livret pareil d’argent,
le vend 6 fous.
Quatre onces d’or donnent les cinquante-fix quartiers
avec lefquels on a commencé le travail. Il y a
eu dans le cours du travail, tant en lavures qu’en
rognures ou autrement, dix-fept gros de déchet.
Ainfi, quatre onces moins dix-fept gros pourroient
fournir trois mille deux ççnts feuilles c a r ré s , de
chacune trente-fix pouces de furface, mais elles në
les donnent que de feize pouces en carré ; car les
feuilles qui iortent de la moule de trente-fix pouces
en carré, s’enferment dansun carteron de feize pouces
en carré. Ainfi, l’on ne côuvriroit qu’une furface de
41200 pouces carrés avec quatre onces d’or , moins
dix-fept gros, ou deux onces un gros : mais on en
pourroit couvrir une de 115200 pouces carrés.'
Pour avoir de bons cauchers, il faut choifir le
meilleur vélin, le' plus fin , le plus ferré & le plus
uni. 11 n’y a pas d’autre préparation à lui donner,
que de le bien laver dans de l’eau froide , de le
laiffer fécher à l’air, & de le paffer au brun : on
verra plus bas. ce que c’eft que /e brun.
Quant à la baudruche ou à cette pellicule qui
fe lève de deffus le boyau de boeuf, c’eft autre chofe ;
elle vient d’abord pleine d’inégalités & couverte de
graiffe ; on enlève les inégalités en paffant légèrement
fur fa furface, le tranchant moufle d’un couteau.
Pour cet effet, on la colle fur les montans verticaux
d’une efpèce de chevalet : le même inftrument
emporte auffi la graiffe. Quand elle bien égale &
bien dégraiffée, onThume&e avec un peu d’eau; &
l’on appliqueTune fpr l’autre , deux peaux de baudruche
humides ; l’humidité fuffit pour les unir in-
divifiblement. Le batteur d’or paie foixante-quinze
livres les huit cents feuilles ; cela eft cher, mais elles
durent quatre mois : fix mois, huit mois de travail
continu les fatiguent, mais ne les ufent point.
Avant que de les employer , le batteur d’or donne
deux préparations principales : l’une s’appelle le
'fond, & l’aütre confifte à les faire fuer. Il commence
par celle-ci ; il s’agit d’en exprimer ce qui peut y
refter de graiffe. Pour cet effet, il met chaque feuille
de baudruche entre deux feuillets de papier blanc.
Il en fait un affemblage confidérable qu’il bat à grands
coups de marteau. L’effort du marteau en fait fortir
la graiffe, dont le papier fe charge à l’inftant.
Donner le fond aux feuillets de baudruche, c’eft les
humefter,avec une éponge, d’une infufion de canelle,
de mufcade , & autres ingrédiens chauds & aromatiques
: l'effet de ce fond eft de les confolider & d’en
refferrerles parties. Quand on leur a donné le fond
une première fois, on les laiffe fécher à l’air, & on
le leur donne une fécondé fois. Lorfqu’elles font
sèches , on les met à la preffe & on les emploie.
Les batteurs donnent en générai le nom d'outils
aux affemblages, foit de vélin, foit de baudruche;
& quand ces affemblages ont beaucoup travaillé, ils
difent que les outils font las ; alors ils ceffent de s’en
fervir. Ils ont de grandes feuilles de papier blanc qu’ils
humeâent les unes de vinaigre, les autres de vin blanc.
Ils prennent les feuillets de baudruche las ; ils les
mettent feuillets à feuillets entre les feuilles de.papier
blanc préparés ; ils les y laiffent pendant trois
ou quatre heures : quand ils s’apperçoivènt qu’ils
ont affez pris de l’humidité des papiers blancs , ils les
en retirent & les diftribuent dans un outil de parchemin
, dont chaque feuillet eft un carré dont le
côté à douze pouces. Ils appellent cet outil plane.
Pour
potir faire fécher les feuillets de baudruche enfermés
entre ceux de la plane , ils battent avec leur marteau
la plane pendant un jour^ Puis ils les brunijfent
ou donnent le brun ; c’eft-à-dire qu’ils prennent du
gypfe ou de ce foffile qu’on appelle miroir d’âne ,
qu’on tire des carrières de plâtre ; ils le font
calciner ; ils le broient bien menu ; &. avec une
patte de lièvre , ils en répandent fur les feuillets de
baudruche, d’un & d’autre côté. ,
Le brun fe donne auffi aux outils de vélin.
Il faut que les outils de baudrüche foient preffés
& féchés toutés les fois qu’on s’en fert ; fans quoi
l’humidité de l’air qu’ils pompent avec une extrême
facilité, rendroit le travail pénible. Il ne faut pourtant
pas les faire trop fécher. X a baudruche trop
sèche eft perdue.
On a , pour preffer & fécher en même temps la
baudruche, un inftrument tel qu’on le voit planche I ,
fig. 4. La partie m, n , o , p , peut contenir du feu :
c’eft une efpèce de vaiffeau de fer ; le fond q eft une^
plaque. Ce vaiffeau & fif plaque peuvent fe baiffer"
& le hauffer, en vertu de la vis t , u ; la bride a ,
b, c, eft fixe fur la plaque intérieure q9r , s ; on
infère entre ces plaques les outils enfermés entre
deux voliches ; on ferre la preffe ; on met- du feu
dans le vaiffeau fupérieur , dont la plaque m,, n ,
0, p, fait le fond; & l’on pofe la plaque inférieure
q, r, s 3 fur une poêle pleine de charbons ardens : les
outils fe trouvent, par ce moyen, entre deux feux.
Quant aux outils de vélin, quand ils font très-
humidés, on les répand fur un tambour ; c’eft une
boîte faite comme celle où l’on enfermeroit une
chaufferette , avec cette différence qu’elle eft beaucoup
plus grande & plus haute ; & qu’au lieu d’une
planche percée, fa partie fupérieure eft grillée avec
du fil d’archal ; on étend les feuillets de vélin fur
cette grille, & l’on met du feu dans fe tambour.
Nous rapporterons ici l’explication fuivie des deux
planches de cet art , qui rappellera les procédés
que nous venons de détailler, & qui rapprochera,
fous un même point de Vue , tout ce qui eft relatif
aux opérations du batteur d’or.
Planche 1. La vignette ou le haut de la planche ,
repréfente la boutique d’un batteur d’or.
Fig. 1, ouvrier occupé au fourneau à faire fondre
de l’or, (a) lingotière. Ce fourneau eft développé
dans la planche I I , fig. zo.
Fig., 2 , ouvrier qui bat l’or. Les chaudrets &
les moules fe battent ainfi. Les fig. 22, 23 & 24 de
splanche 11 , font voir les différens marteaux dont
on fe fert dans cette opération.
, Fig. 3 , ouvrière qui retire les feuilles d’or du
chaudret, pour les rogner avec le couteaux qu’on
voit fig. t f Cette ouvrière a fur fes genoux le
couffin 1 & 2 ou b, même fig. 13; & devant elle, fur
Ifcbanc qui lui eft deftiné, une tenaille repréfentée
*rgrand fig.p. , .
Fig. 3 , n°.2, font deux ouvriers qui font paffer
a v laminoir a un lingot d’or. Ce laminoir eft repré-
fenté plus en grand dans la pl. I l , fig. 2^ & 26%
Arts & Métiers. Tome I. Partie 1.
Bas de la planche 1.
Fig. 4, c’eft l’inftrument propre à preffer & fecher
en même temps la baudruche. La fig. d et eft la clef
de cette preffe.
Fig. 1 , livret.
Fig. 6 , caucher.
Fig. 7 & 8 , fourreaux du caucher.
Fig. p , tenaille avec laquelle on foutient le chau-,
dret d.
Fig. 10 , pince de bois dont fe fert l’ouvrière 3 de
la vignette , pour pofer les feuilles d’or fur fon
couffin. '
F ig *u, a , baudruches apprêtées pour être fe-
chées. b , b, deux voliches fort minces. '
Fig. 123 feuille de vélin ou de baudruche.
Fig. 13 , inftrument pour cadrer les cauchers, les
chauclrets & les moules, a b c d , plaque de tôle
bien drefféje, formant un carré parfait dont le cote
a fix pouces, e f , g h , petites règles de cuivre qui
fe meuvent parallèlement à elles-mêmes , de a en b
& de d en b , dans les couliffes o , 0, o, 0, dont la
plaque a b c d eft percée. Chaque règle peut fe
mouvoir librement le long de fes couliffes , fans en
fortir, par le moyen de deux boutons rivés fur elle ,
dont les têtes font de l’autre côté de la plaque. Par
le moyen de ces règles, on peut réduire le côté
a b à une certaine diftance eb ou i b ; ce qui produit
des livrets & des feuilles de différentes grandeurs
, dont la moindre eft toujours i b.
Fig. 14, pot à la gomme pour coller les fourreaux.
Fig. i f 9a, couteau à lame d’acier ; b, couffin dont
fe fert la fig. 3 de la vignette.
Fig. 16, a , patte de lièvre pour ramaffer les lavures
qui peuvent tomber fur le marbre , ou fur le
banc, b , cifeaux.
Fig. ly , couteau fait d’un morceau de rofeau.
Fig. 181 compas.
P l a n c h e I L
Fig. 19 ,,banc à l’ufage de l’ouvrière, fig. 3 de la
vignette, planche I.
Fig. 20 , fourneau de la fig. 1 de la vignette, p!. 1.
a, plaque de fer courbée pour contenir le charbon
fur toute la hauteur du çreufet b. c , d , deux
creufets.
Fig. 21, tenaille pour retirer le creufet du fourr
neau, & le verfier dans la lingotière.
Fig. 221 marteau à chaffer.
Fig. 23 3 marteau à commencer.
Fig. 24 3 marteau à achever.
Fig. 2ƒ , vue perfpe&ive du moulin ou laminoir.
a , bs deux cylindres de fer bien polis, c , d, e,
f , g, h , jumelles ou montans de .fer formant le
châffis affujetti fur le banc i par de fortes vis. I ,
platine de fer faifant le couronnement du moulin.
m, m9m 3 m, écrous des montans du châffis. n , n ,
deux fortes vis pour faire defcendre plus ou moins
le cylindre a fur celui b. 0, fupport de l’arbre du