qui m’ont fourni plufieurs bonnes remarques affu-
rées fur leur longue & intelligente pratique, 6c
m’ont procuré toutes fortes de facilités à leurs fours
pour mes épreuves. .La houille doit être diftribuée
dans le four par couches d’une épaiffeur proportionnée
à fon degré de bonté 6c à la mafle des
morceaux, de pierre. Si les pierres ne font pour la
plupart à-peu-p rès égales , les plus grofles ne
feront pas encore pénétrées de feu, lorfque les moindres
feront déjà calcinées : il faudroit donc obferver
dans les charbonnées de donner plus de houille à
celles-là qu’à celles-ci ; ce qui, outre la grande fu-
jétion, produiroit fouvent de l’inégalité dans la cal- '
cination, beaucoup de noyaux, que les chaufourniers
appellent auffi rigaux 6c marrons dans les groffes
pierres, 6c confommeroit beaucoup de houille
inutile autour des petites. O r , quand la pierre eft
chère, on ne laiffe perdre ni les éclats des motions ,
ni les recoupes de la taille , 6c il fe rencontre nécef-
fairementbeaucoup de menus morceaux dans la pierre
à calciner. Pour qu’il y ait plus d’undormité dans
le total, il convient donc de brifer les moilons, 6c
de n’admettre dans le four que des morceaux de pierres.
au deffous de vingt pouces cubes.
D ’ailleurs, la houille que l’on tire de loin , n’eft:
pas toujours de la meilleure, fur-tôut fi elle vient
de houillères qui n’aient pas un grand débit. Comme
alors il s’y en trouve fouvent d’anciennement
-tirée de la mine, ôc par conféquent éventée ou fort
affoiblie , les débitans ne manquent guère de la mêler
avec la nouvelle, 6c l’envoient ainfi détériorée à
-ceux qui ne font pas à portée.d’y veiller. 11 faut, en
employant cette houille , faire les charges de pierres
plus minces ; la menue pierraille y convient mieux.
Quand on a la houille dans toute fa force , 6c mêlée
de morceaux avec le pouflier, comme à Tournay,
Valenciennes , &c. on peut épargner une partie
des frais de la débiter fi menue : la groffe houille
donne un feu plus v i f , parce qu’elle s’évente moins
à l’air, 6c eft plus chère à poids égal. Mais on a re-
.marqué par-tout que les moilons angulaires 6c.min-
-ces, au moins par un côté, fous la forme irrégulière
d’un coin; en un mot, ce que l’on appelle des éclats,
fe calcinent mieux que ceux de forme cubique ou
•arrondis, qui ne réunifient pas dans les fours.
On fait aufii plus minces les charges du fond du
four, parce qu’il faut au commencement de l’opération
, plus de feu pour faire fuer 6c recuire le four,
fur-tout s’il eft récemment.conftruit; ôc malgré cette
•.augmentation^ de feu, le pied du four fournit ordinairement
quelques mannes de pierres mal calcinées.
.
Du feu de ce four & de fa conduite.
Il n’ eft pas indifférent de mettre le feu au four ,
lorfquil n’eft chargé qu’en partie, ou d’attendre qu’il
le foit totalement. Si, dans ce dernier cas, le feu
par quelque accident ne prenoit pas bien ôc s’étei-
gnoit, il faudroit décharger tout le four, 6c perdre
un temps confidérable de tous les journaliers : ainfi,
la prudence exige dé l’allumer lorfque le bois eft
recouvert feulement de deux à trois pieds.de hauteur
par les charges. Pour l’allumer , on jette dans
le cendrier une botte de paille que l’on y charge de
quelques morceaux de bois fec : on obferve'de
choilir celle des gueules, fur laquelle le vent fouffle
le plus dire&ement. Si le vent étoit trop violent, on
boucheroit celles des autres gueules, par lefquelles
la flamme fortiroit du cendrier. En quelques minutes,
le bois qui eft fur le grillage fe trouve enflammé :
lorfqu’il l’eft fuffifamment, 6c que la fumée commence
à fortir par le fommet du four, on bouche toutes
les gueules avec des pierres 6c de là terre ou des gazons
, afin que le feu ne s’élève pas trop vite , ôt
c’eft alors que l’on continue les charges jufqu’au
fommet du four.
11 feroit fans comparaifon plus commode au chau~
fournier , que ces gueules fuffent garnies chacune
d’une porte de tôle. Il eft fouvent néceffaire de les
ouvrir ou fermer pour bien conduire lé feu , ôc
rendre la calcination égale dans toutes les parties du
four ; mais comme il faut du temps , ôc quelques
peines pour arranger 6c déplacer cet amas de pierres
ôc de gazons , dont on fe fert ordinairement, les
ouvriers conviennent qu’ils fe les épargnent quelquefois
mal-à propos ; au lieu que des portes de fer
avec regiftres, comme à nos poêles d’appartemens ,
leur donneroient le moyen de gouverner le feu
avec la plus grande facilité. J’en ai fait faire de telles
en faveur d’un vieux chaufournier, praticien de quarante
ans, qui m’en a remercié plufieurs fois comme
d’un grand préfent.
Les gueules par lefquelles on tire toute la chaux
du four , à mefure qu’elle eft faite , font füjettes à
de fréquentes dégradations. Leur cintre, qui n’eft
porté que fur une feule barre, fe brife à force d’être
heurté par le manche d’une pelle que l’on enfonce
dans la chaux , comme un levier pour la faire tomber
dans le cendrier ; leurs pieds droits s’écornent 6c fe
détruifent par les coups fréquens de la même pelle
qui ramaffe ta chaux. Il faudroit, dans le cas d’une
exploitation fuivie plufieurs années , que les gueules
fuffent garnies d’un châffis de fer , qui, en les défendant,
ferviroit de battée à la porte de tôle.
Il ne fuffit pas toujours, pour opérer l’égalité du
feu dans tout le cercle du four , de bien ménager le
, courant de l’air bu tirage par le cendrier. Il fe 'rencontre
dans le maffif des pierres , fur-tout auprès
des parois du four, des endroits où le feu ne pénètre
pas comme ailleurs ; ce qui vient en partie de ce
que la pierre , en tombant des mannes , fe trouve
plus entaflee dans quelques points que dans d’autres,
6c moins garnie de Houille dans fes joints. Ces endroits
font remarquables à la furface du four par la
couleur des pierres , qui ne font pas imprégnées de
fuie, comme celles fous lefquelles le feu a fait plus
de progrès. Il faut y donner un peu de jour, pour
que le feu s’y porte davantage ; c’eft à quoi fert la
lance , figure 6 , planche II du chaufournier. Le chaufournier
dreffe la lance fur fa pointe, 6c en l’agitant,
la fait entrer 6c pénétrer à travers les pierres de
toute fa longueur ; il la retire ôc la replonge plufieurs
fois de fuite dans le même trou, pour y former un
petit canal, 6c en pratique plufieurs femblables dans
le voifinage, s’il le juge néceffaire. Il n3en faut pas
davantage pour déterminer le feu vers ces parties,
& rétablir l’égalité. Ces coups dë lances font fort
rarement néceffaires ailleurs qu’auprès des parois de
l’entonnoir, 6c m’ont fait juger que les fours moins
évafés font plus favorables que ceux qui le ■ font
davantage, dans cespremiers le feu devant atteindre
plus aifément toute la circonférence.
Lorfque le feu approche du haut du four, il faut
en garantir l’orifice par des abri-vents de planches
de quatre à cinq pieds de hauteur pour les petits
fours, ôc un peu plus élevés pour les grands. On
les dreffe entre quelques piquets ; on les change de
place, félon que le vent tourne , 6c on les abat
chaque fois qu’il faut recharger le four. Il n’y a pas
d autre opération à faire à ce four , jufqu’à ce que le
feu foit parvenu à l’orifice fupérieur, Ôc ait enflammé
le dernier lit de houille fous la dernière charge de
pierres , enforte que l’on en voie la flamme, ce qui
arrive le troifième ou quatrième jour , fuivant la
grandeur du four, 6c que le vent a été plus ou moins
favorable par fa médiocrité. ,
Le feu, à mefure qu’il s’élève , abandonne le bas
du four, dont il a cônfumé toute la houille, ôc qui
fe refroidit totalement-. Alors le chaufournier jette
une bonne charbonnée fur la furface de fon four -,
6c commence enfuite à tirer par le cendrier, la chaux
qui eft faite.
Il y auroit de l’inconvénient à déranger le pied
du four avant que le feu fût arrivé jufqu’au fommet ,
la cliute ou l’affaiffenient des pierres feroit pénétrer
oc tomber entre leurs joints les charbonnées du
rommet qui ne feroient pas encore enflàmmées : il
fe trouveroit par-là des efpaces de pierres dépourvus
d^houille, ÔC d’autres, qui en feroient furchargés.
Ceft par cette raifon qu’il faut jetter mne charbonnée
avant de tirer la chaux faite ; le. feu, quoi-
qu il fe montre autour de l’axe à la furface fupé-
rieure du four, n’eft ordinairement pas encore fi
eleve près la circonférence ; il faut y fournir de la
«ouille pour remplacer celle qui tombera plus bas ,
pendant le mouvement que vont faire toutes les
pierres dont le four eft chargé.
Pour tirer la chaux, le/chaufournier arrache les
barreaux^vqlans du grillage : la chaux tombe auffi
tôt dans le cendrier ; ou fi elle reffe fufpendue dans
ie rotrr , il raide à tomber avec le manche de fa
pélle ; il l’enlèVe à la pelle par. toutes les- gueules
une après l’autre. Ces ouvriers prétendent que s’ils
«roient la-diaux par une feule gueule , il n’y auroit
qn un coté du four qui fe videroit de la-chaux faite ,
que les pierres du four ne s’affailTeroient pas également
; au lieu qu’en tirant par toutes les gueules ,
a mafle entière defeend uniformément fans fe déranger.
jt Ceci me paroît vrai dans les fours de
Tournai, qui font beaucoup plus grands qu’ailleurs,
& dont le pied eft autrement difpofé ; mais j’ai foui
vent obfervé comment fe fait cet affaiffement dans
les fonts coniques de la Flandre , pendant l’extraction
de la chaux. Comme l’entonnoir n’a qu’en-
viron .vingt-quatre pouces d’orifice parle bas, ce
font toujours les pierres les plus voifines de fon’dxe
qui tombent le plus vite, & fur un diamètre à peu-
près égal à cet-orifice inférieur, par quelque gueule-
que ion décharge le four; enforte qu’il fe forme-
toujours à la furface fupérieure un encuvement de
hutt a dix pouces plus profond auprès de l’axe que-
vers les bords, fur _ un affaiffement total de dix-huit
pouces réduits ; en même temps toutes les. autres,
pierres de la furface voifina des bords fe retournent
& font un mouvement comme pour rouler vers.
I,3“ ; Cela eft arrivé de même & devoit être-, lorfque
j ai fait, ttrer-la chaux par une feule gueule- Leur
multiplicité eft donc utile par la facilité qu’elle donne-
pour gouverner le feu félon les vents, & fur-tout
pour dépofer la chaux, à couvert, tout autour d'un-
grand four.; mais une. feule géueule fuffiroit pour
tirer la chaux. r
Le chaufournier continue à tirer la chaux., fufqu’ai.
'ce qu’il la voie tomber mêlée de feu : c’eft à cet-
tndice qu’il reconnoîf ordinairement la quantité de-
chaux faites qu’iljpeut enlever de fon four : le feu ne
pourrait par aucun moyen rétrograder vers le bas
dont toute la houille eft confumée & le phlogiflique^
di hpe : la pierre d’en bas eft donc ou totalement.
calcinée, ou hors d’état de l’être mieux à cette place
lorfque le feu l’a 'abandonnée : on peut la retirer’
Cependant quand il a fait un grand vent & de.durce
le feu. peut etfe monté ïrop. rapidement, & avoir
abandonne le pied du four fur une fi grande hauteur,.
qutl y aurait de l’inconvénient à en retirer toute la-
chaux- qui fe trouve refroidie; Alors la première qui
eft encore enflammée, s'approchant fort près de ■
1 orifice inferieur oh le tirage de l’air froid fait fon
împuluon la plus y iolente, feroit auffi trop tôt aban-
donnee par le feu.; la houille qui l’accompagne feroit
confumée trop vite : le feu continuant à monter ra-
pidement, une grande partie de la pierre ne feroit
pas bien calcinée', comme il arrive aux premières que
1 on tire de ce four. Le ch m fo u r n ie r connoît le produit
ordinaire de fon four & les accidens de l’air
n en retire donc alors que ce qui leur eft proportionné’
& a. foin de mouiller la houille fi le feu va trop vite!.
Le vide que laiffe au fommet du four la chaux
tiree par les gueules-, fe remplit auffitôt par de nouvelles
charges & charbonnées.; mais U faut en réparer
auparavant la furface inégale. :I1 y jette d’abord
une charbonnée ; puis il enfonce fa lance de quelques
pieds le long.des* parois, du four-, & en la faififfant
par fon oeil , il s’en, fert comme d’un, levier avec
lequel il foit effort-contre le bord du four pour foule-
ver & retourner les pierres , qui par-ce moyen fe
rapprochent de 1 axe & recomblent l’èncu vement qui
s’-y étoit. formé. Ces efforts de. la lance exigent ua