
Sa fonderie & fon blanchiment requièrent beaucoup
d’a rt; & cet art a é té , dit-on, apporté e n
France par les Vénitiens.
Nous allons ci-après en décrire les procédés ; mais
il faut encore auparavant dire quelques particularités
fur la cire.
En fondant la cire blanche, avec un peu de
térébenthine , on en fait la cire jaune molle qu’on
emploie en chancellerie. On la rougit avec du vermillon
, ou la racine d’orcanette ; on la verdit avec
du verd-de-gris , on la noircit avec du noir de
fumée ; ainfi on la colore comme on v e u t, & on
îa rend propre à gommer avec de la poix graffe.
Les tapifliers font ufage de cette dernière pour
gommer leurs coutils.
Les parfumeurs font ufage de la plus belle cire,
qu’ils prennent pour l’employer dans leur pommade,
en la battant avec des verges, & y ajoutant
de temps en temps un peu d’eau fraîche pour en
augmenter la blancheur.
Il eft certain que cette fubftance vifqueufe réunit
diverfes qualités qui lui font particulières. Elle n’a
rien de défagréable, nia l’odorat, ni au goût : le
froid la rend dure & prefque HFragile, & le chaud
l’amollit & la diffout. Elle eft entièrement inflammable
, & devient prefque aufli volatile que le
Camphre, par les procédés chimiques.
La cire eft devenue d’une fi grande néceflité
dans plufieurs arts, dans plufieurs métiers & dans
la vie domeftique, que le débit qui s’en fait eft
prefque incroyable , fur-tout aujourd’hui, qu’elle
si’eft plus uniquement réfervée pour l’autel & pour
le louvre, & que tout le monde s’éclaire avec des
bougies.
Plufieurs provinces de France fourniffent de la
cire jaune ; favoir, la Champagne, l’Auvergne ,
l’Anjou, le Bordelois, la Normandie , la Bretagne,
la Sologne : on en fait aufli venir du Nord ;
mais l’Europe ne fournit point affez de cire pour
le befoin qu’on en a.Nous en tirons de Barbarie,
de Smyrne , de Conftantinople , d’Alexandrie, &
de plufieurs îles de l’Archipel, particulièrement de
Candie, de Chio & de Samos. On peut évaluer
dans le feui royaume de France , la confommation
de cette cire étrangère, à près de dix mille quintaux
par année.
Aufli le luxe augmentant tous les jours enFrance
la grande confommation de la cire des abeilles ,
quelques perfonnes ont propofé d’employer pour
les cierges & les bougies une cire végétale de Mifli-
jffipi, que le hafard a fait découvrir , & dont on a
la relation dans les mémoires de l’académie çles
fciences, année 1722. Voici ce que ç’eft. '
Cire de la Touifiane.
Dans tous les endroits tempérés de l’Amérique
feptentrionalè, comme dans la Floride, à la Caroline
, à la Louiflane, il y a un petit arbrifleau qui
croît à la hauteur de nos cerifiers, qui a le port
myrthe, & dont les feuilles ont aufli à peu
près la même odaur. Ces arbres portent des graines
de la grofleur d’un petit grain de coriandre dans
leur parfaite maturité, vertes au commencement %
enfuite d’un gris cendré. Ces graines renferment
dans leur milieu un petit, noyau offeux, aflez rond,
couvert d’une peau verte, chagrinée, & qui contient
une femence. Ce noyau eft enveloppé d’une
fubftance vifqueufe, qui remplit tout le refte de
la grain« ou fruit : c’çft-là la cire dont il s’agit.
Cette cire eft luifante, sèche, friable, difpofée en
écailles fur la peau du noyau.
Il eft très-aifé d’avoir cette cire: il.n’y a qu’à
faire bouillir des graines dans une quantité fuffi-
fante d’eau , & les écrafer groflièrement contre les
parois du vaiffeau pendant qu’elles font fur le feu ;
la cire fe détache des graines qui la renfermoient,
& vient nager ,fur la Turface de l’eau. On la ra-
maffe avec une cuiller, on la nettoie en la paffant
par un linge, & on la fait fondre de nouveau
pour la mettre en pain.
Plufieurs perfonnes de la Louiflane ont appris
par des efclaves fauvages de la Caroline, qu’on
n’y brûloit point d’autre bougie que celle qui fe
fait de cette cire.Dans les pays fort chauds, où de
la chandelle de fuif fe fondroit par la trop grande
chaleur, il eft fans comparaifon plus commode
d’avoir de la bougie ; & celle-là feroit à bon marché,
& toute portée dans les climats de l’Amérique qui
en auroient befoin.
Un arbrifleau bien chargé de fruit peut avoir en
fix livres de graine & une livre /de fruit, un quart
de livre de cire. Il eft difficile de déterminer au
jufte combien un homme pourroit ramaffer de
graines en un jour ; parce que ces arbres, qui
croiffent fans culture & fans ar t, font répandus
çà & là , tantôt plus, tantôt moins écartés les uns
des autres, félon que différens hafards les ont
femés : cependant l’on juge à peu près qu’un homme
ramafferoit aifément en un jour feize livres de
graines ; ce qui donneroit quatre livres de cire.
Cette grande facilité , qui deviendroit beaucoup
plus grande par des plantations régulières de ces
arbres, & le peu de frais qu’il faut pour tirer la
cire, feroit fort à confidérer fl cette matière de-
venoit un objet de commerce.
La cire qui fe détache par les premières ébullitions
eft jaune comme celle qui vient de nos
abeilles ; mais les dernières ébullitions la donnent
verte, parce qu’alors elle prend la teinture de la
peau dont le noyau eft couvert. Toute cette cire
eft plus sèche & plus friable que la nôtre. Elle a
une odeur douce & aromatique aflez agréable.
On .a vu à Paris des bougies vertes de cette
cire , que le miniftère avoit reçues du Mifliflipi *
& qui étoient fort bonnes. Le temps apprendra fl
l’on regarde la matière de ces bougies comme un
objet aflez conftdérable de commerce, pour nous
difpenfer de tirer des cires des pays étrangers,
autant que nous le faifons pour notre confommation
de cierges & de bougies.
De la cire des îles Antilles.
On trouve aux îles Antilles, dans les troncs
d’arbres, une cire aflez flngulière, formée en
morceaux ronds ou ovales, de la grofleur d’une
noix mufeade. Cette cire eft l’ouvrage d’abeilles
plus petites , plus noires & plus rondes que celles
d’Europe. Elles fe retirent dans le creux de vieux .
arbres , où elles fe fabriquent des efpèces dé
ruches de la figure d’une poire, dans le devant
defquelles elles portent toujours un miel liquide !
de couleur citrine , de la confiftance de l’huile
d’o live, d’un goût doux & agréable. Leur cire eft
noire , ou du moins d’un noir foncé. Nous n’avons
pas pu parvenir’ au fecret de la blanchir, de la
faire changer de couleur , ni de la rendre propre
à la fabrique des bougies, parce qu’elle eft trop
molle. Les Indiens, après l’avoir purifiée , s’en
.fervent à faire des bouchons de bouteilles : ils en
font aufli de petits vaiffeaux , dans lefquels ils
recueillent le baume de Tolu, quand il découle -
par incifton des arbres qui le répandent.
De la cire de la Chine.
La cire blanche de la Chine eft différente de
toutes celles que nous connoiffons , non-feulement
par fa blancheur , que le temps n àltère point, mais
par fa texture. On diroit qu’elle eft compofée de
petites pièces éc-ailleufes, femblables à celles du
blanc de baleine, que nous ne faurions mettre
en pains aufli fermes que les pains de ciré de la
Chine.
Autre Angularité de la cire blanche de la Chine ;
c’eft qu’elle n’eft point l ’ouvrage des abeilles elle
vient par artifice de petits vers que l’on trouve
fur un arbre dans une province de cet empire. Ils
fe nourriffent fur cet arbre ; on les y ramaffe ; on
les fait bouillir dans-de l’eau, & ils forment une
efpèce de graiffe , qui, étant figée , eft la cire
blanche de la~Chine.
Différentes fortes de cires.
Dans les fabriques des ciriers, on appelle cire
brute la cire jaune , telle que la font les abeilles ,
qui eft formée de cire blanche, & d’une fubftance
colorante, laquelle donnant à la cire plus d’onc-
tuofité, eft regardée par les naturàliftes comme une
huile graffe, moins fixe que la cire à certains
égards. C ’eft cette même cire què l’on nomme communément
cire vierge. Entre les gâteaux nouvellement
faits, il y en a de très-blancs, & d’autres
d’un jaune clair & ambré , & cela dans une même
ruche & dans la même faifon. Tous jauniffent avec
le temps ; & ceux qui font placés au haut de la
ruche , deviennent d’un brun noirâtre ; c’eft ce
qu’on appelle cire maurine ou maurefque. Mais ces
cires de différentes couleurs peuvent, pour l’ordinaire
, devenir également blanches en demeurant
Arts O Métiers. Tome I. Partie ƒ/•
expofées à l’atr, avec certaines précautions. Lors
de la récolte du miel,on les pétrit toutes enfemble.
Il y a néanmoins certaines cires qui ne blanchif-
fent jamais parfaitement ; ce que l’on croit pouvoir
attribuer à la qualité des pouffières des étamines
que les abeilles ont travaillées : tell e eft , comme on
vient de le remarquer , la cire que de petites abeilles
fauvages de l’Amerique font dans des creux d’arbres,
qui eft très-noire, & que l’on n’a pas encore fu blanchir
: telle eft fouvent encore la cire des pays où
il y a beaucoup de vignes.-
Une ruche bien remplie de rayons , mais dont
l’effaim, quoique beau, n’a qu’un an, peut donner
feize ou dix-huit onces de cire. Si on ne fait cette
récolte qu’au bout de deux ou trois ans , le nombre
des rayons demeurant toujours le même, on ne
laiffe pas d’en retirer deux livres , ou même un
peu plus, vraifemblablement parce que la partie
j^une eft devenue plus abondante. Au refte, on ne
doit compter pour le produit moyen, que fur douze
onces de cire par ruche..
La couleur brune ou noirâtre que les anciens
rayons acquièrent dans nos ruches par le féjour
du miel & du couvain dans les alvéoles, fe dif—
fipant aifément, elle ne doit faire aucune diminution
fur le prix de la cire; mais il. n’en eft pas
de même de celles dont le jaune eft adhérent, à
caufe de la qualité des plantes qui l’ont fourni aux
abeilles.
En général, on eftime la cire qui vient des pays
où il croît'du farrafln , ou de ceux qui font remplis
de landes garnies de genêts, bruyères , genévriers ,
&c. ; & on n’eftime pas les cires recueillies dans les
pays des grands vignobles.
Le plus fur eft de conftater par des épreuves
faciles à exécuter, la difpofition que les cires ont
à blanchir, & celles qui peuvent acquérir le plus
beau blanc. Une de ces épreuves conflfte à racler
des pains de cire jaune avec un couteau, pour en
détacher des feuillets très - minces , qu’enfuite on
expofe à l’air en forme de petits flocons : les perfonnes
expérimentées jugent bientôt par le changement
de couleur, quelle peut être la qualité de
ces cires;
La cire s’attendrit à la chaleur, jufqu’à fe fondre ;
& au contraire, elle fe durcit au froid, & devient
prefque friable. En brûlant, elle fournit une flamme
claire, fans prefque donner de fumée, & fans répandre
de mauvaife odeur, fi on ne l’a pas alliée
de graiffe.
En plufieurs endroits on appelle marc de mouches,
& dans d’autres fabriques on nomme entorfes , ce
qui refte dans les facs après qu’on en a exprimé la
cire par la preffe. Les chirurgiens fe fervent de ce
marc dans les maladies des nerfs. Les maréchaux
l’emploient aufli pour les chevaux.
Les chirurgiens fe fervent encore, dans les
mêmes maladies, du propolis ou cire rouge , qui
eft une efpèce de maftic dont fe fervent les abeilles
pour boucher les fentes &. trous de leurs ruches.
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