
Je donne l’extrémité de ce cordon à un hpmme
qui paffe dans une petite barque à l’autre bord.
Je lui enjoins de s’arrêter dans un endroit où la
rivière ait au moins trois pieds & demi d’eau ; &
j’en fais autant de mon côté , obfervant de me mettre
avec mon fécond dans une direélion perpendiculaire
au cours de la rivière.
Il arrive de ces deux chofes l’une, ou que la dif-
tance qui nous fépare contient 18 pieds un nombre
de fois jufte & fans aucun relie , ou qu’elle contient
18 pieds un certain nombre de fois avec un relie.
Si cette diftance contient 18 pieds un nombre de
fois jufte & fans relie , je laiffe m'a fonde à 3 pieds &
demi de haut où je l’ai pofée ; je regarde ce point
comme le milieu de mon premier bateau , & je fais
planter à 18 pieds de-là vers mon bord trois'trCteaux
félon le cours de la rivière.
Mais fi la diltance qui elt entre mon fécond &
moi n’elt pas d’un certain nombre de fois julte de
18 pieds, je partage l’excès en deux parties égales ,
& je m’avance dans la rivière d’une de ces parties,
■ ou de la moitié de l’excès ; je regarde le nouveau
point où je me trouve comme le milieu de mon
premier bateau , & je fais planter à 18 pieds de-là
vers mon bord trois tréteaux félon le cours de la
rivière.
La diltance qu’on lailfera entre chaque" tréteau
doit être de 7 pieds.
Pendant cette opération on a monté les moutons,
enfoncé un ou plulieurs pieux à différentes diftan-
ce s , félon que la rivière elt plus ou moins large ,
& jetté les bateaux à l’eau.
Ils ont tous au mât de leur pouppe une corde qui
va fe rendre à un cable qui part d’un des pieds d
'fig- 9 9 planche X V : c’elt à l’aide de cette corde &
d’une manoeuvre femblable à celle qui s’exécute
dans nos coches d’eau , qu’ils fe mettent & fe tiennent
à la diltance , dans la direélion & le parallé-
lifme convenables.
Ils viennent fe mettre en ligne vis-à-vis les uns
des autres & de mes tréteaux.
Alors je travaille à placer au niveau de l’eau & fur
une parallèle au premier bateau la pièce 1 1 , arrondie
par fa furface fupérieure , & garnie de 11 goujons ;
voyez la planche X V * f ig . ƒ ; & je fais conftruire l’a-
vant-pont eompofé de lix pièces telles que celles qui
forment les travées 00, planche XIV, fig. y , portant
d un bout fur la terre , & foutenues de l’autre bout
fur la pièce t t , -planche X V I , fig. y.
T entends par une travée cinq ou fix pièces 0 ,0 ,0 ,
planche X IV , fig- y , alternativement, de même longueur
& groffeur, parallèles entre elles, & occupant
un intervalle de 18 pieds.
Tandis que Tavant-pont fe conltruit & fe couvre
des madriers p q, planche XIV,fig. y , qui forment le
commencement de la chauffée , on arrête à la distance
de 18 pieds de la pièce 1 1 , planche XV, fig. y,
portée fur les tréteaux, le premier bateau en place ;
• ce qui fe fait à l’aide de deux chevrons de fapin perces
d’un trou à chacune de leurs extrémités y. & fixés
à la partie la plus élevée de la pouppe 8c de la proue
de d eux bateaux, dans deux goujons deffinés à cet
ufaee.
On fait enfuite porter huit madriers de fapin ,
qu’on appuie d’un bout fur les tréteaux , & de l’autre
fur les rouleaux z z , planche X lV, fig. 2 , du premier
bateau; ils fervent d’échafauds aux pontonniers,
qui apportent en même temps les cinq ou fix pièces
o , 0 , 0 , o , o , qui forment la première travée ;
& qui fervent d’échafaud aux porteurs des 31 madriers
p q , p q , qui couvrent cette travée & font
la chauffée.
Pendant que les 31 madriers formant la chauffée
fe pofent, on fait gliffer les madriers de fapin des
rouleaux du premier bateau fur ceux du fécond bateau
; on pofe les pièces o , o , o de la fécondé tra-
.vée ; on les couvre de madriers p q , & la fécondé
travée eft conftruite.
Les madriers de fapin étant gliffés des rouleaux
du fécond bateau fur les rouleaux du troifième bateau
, alors les pièces 0 , 0 , 0 qui forment la troifième
t r a v é e fe pofent ; elles font fuivies des madriers
p q qui les couvrent ; & la troifième travée
eft conftruite , & ainfi de fuite d’un bateau à un
autre.
Cependant on place les pilaftres , on plante la ba-
luftrade, on met les boulons i i , planche XlVifig. 3,
dans les trous tt-, même planche figt $ ; on ajufte
les attaches l , f , v , planche X IV , fig. 3 , n° t ; on
accroche les barres de fer r ^ s , planche XIV, fig. y ,
& l’on fatisfait au même détail de la conftruélion qui
ne demande prefque aucune force , peu d’intelligence
, & n’emploie point un temps particulier à
celui de la conftruélion du pont, tout fe conftrui-
fant en même-temps.
De l’affemblage de ces différentes pièces, dont le
mécanifme eft fimple, & qui font en affez petit
nombre pour une travée ; favoir de
5 ou 6 pièces de bois. 4 bouts de chaînes^
31 madriers. 4 attaches*
62 boulons. 2 pilaftres.
2.barres de fèr. 2 baluftrades..
réfulte le pont repréfenté planche X V ; ce qui eft
évident.
Or , je foutiens. que ce pont fè conftruit promptement
& facilement, reçoit dix hommes de front,
peut porter les fardeaux les plus pefans qui? fuivent
une armée , & ne fera rompu ni par l’aél-ion de ce§
fardeaux , ni par les mouvemens de l’eau.
C ’eft ce que je vais maintenant démontrer.
Démonfiratlon*
Je divifèrai cette démonftration en trois parties.
Je ferai voir dans la première, que ce pont eft capable
de fupporter les fardeaux les plus pefans qui
fuivent une armée.
Dans la fécondé, que les mouvemens de l’eau les
plus violens & les plus irréguliers ne le rompent
point.
Et dans la troifième, que fa conftruélion eft prompte.
& facile J & , qu’il peut recevoir di* hommes de
front. . _ .
Première Partie.
Le pont propofé eft capable de fupporter les fardeaux
les plus pefans qui fuivent une armée.
i°. La chauffée eft capable de réfifter aux fardeaux
les plus pefans ; car cette chauffée eft compo-
fée de madriers de 19 pieds de long fur 6 pouces de
large & 4 d’épais. .
Ces madriers portent alternativement lut cinq ex.
fix pièces de bois qui forment la travée.
Ces pièces de bois font de 19 pieds de long fur
8 pouces d’écarriffage , & laiffent entre elles 2 pieds
d’intervalle.
Les madriers qui compofent la chauffée font donc
partagés par ces groffes pièces en parties de 2 pieds
de long. »
Or , fi l’on confulte les tables que M. de Buffon a
données en 1741 fur la réfiftance des bois , & que
l’académie a inférées dans le recueil de fes mémoires,
on verra que 30000 pefant ne fuffiroit
pas pour faire rompre des morceaux de chêne de
2 pieds de long fur 8 pouces de large & 4 pouces
d’épais.
Les expériences de M. de Buffon ont été faites
avec tant de foin & de précifion, que j’aurois pu
y ajouter toute la for quelles méritent , & m’en
tenir à fes réfultats ; mais j’a i , pour ma propre fa-
tisfaélion, fait placer un de ces madriers fur 5 pièces
de bois placées à la diftance quelles occupent dans
la travée qu’elles forment , & 11 milliers n’ont
pas fuffi pour produire la moindre inflexion , foit
dans le madrier , foit dans les pièees qui le fou-
tenoient, quoique j’aie obfervé de laiffer repofer
deffus cette charge pendant fix heures de fuite.
20. Les pièces de la travée qui font alternativement
au nombre de 3 & de 6 , font capables de
foutenir la chauffée chargée des fardeaux les plus
lourds.
Car on trouve par les tables de M. de B«ffon,.
qu’une feule pièce de bois de 18 pieds de portée ,
c’eft-à-dire , de la portée de celles qui forment mes
travées ; ( car, quoiqu’elles foient de 19 de long ,
«lies n’en ont réellement que 18 de portée) on trouve,
dis-je , que pour faire rompre une feule de ces
pièces , il faut la charger de 13 500.
Quel énorme poids ne faudroit il donc pas accumuler
, je ne dis pas pour rompre , mais pour en
arcuer cinq qui, pofées parallèles les unes aux autres
, fe fortifieroient mutuellement ? C ’eft ce que
je laiffe à préfumer à ceux qui ont quelque habitude
de mécanique-pratique, & qui connoiffent un peu
par expérience la réfiftance des folides.
Je me contenterai d’obferver que ces cinq ou fix
pièces prifes enfemble ne feront jamais chargées
d’un poids tel que les tables de M. de Buffon l’exi-
gent, pour en faire éclater une ’feule. Voye% les
mémoires de 1741.
3°- Le fommier fupérieur eft capable de fupporter
l a t r a v é e , l a c h a u f f é e & le s p o id s l e s p lu s lo u r d s d o n t
c e t t e c h a u f f é e p u i f f e ê t r e c h a r g é e .
Car ce fommier eft de 18 pieds de long fur 3
pouces d’écarriffage.
Il eft porté fur 9 fupports qui le divifent en 8
parties'de 19 pouces chacune.
O r , conçoit-on quelque force capable de faire
rpmpre un morceau de chêne de fil non tranché,
d’un pied 7 pouces de long, fur 5 pouces d’écar-
riffaee ? S’il avoit 7 pieds de long fur le même écar-
riffage, c’eft-à-dire, que s’il étoit plus de quatre
fois plus long qu’il n’e ft, il n’y auroit qu’un fardeau-
de 11773 livres qui le fît rompre ; encore ne fau-
droit-il pas que l’aétion de ce fardeau fût paffagère»
On voit par les tables de M. de Buffon, qu’il s’eft
écoulé 58 minutes entre le premier éclat & l’inftant
de la rupture.
4*. Les neuf fupports qui foutiennent le fommier
fupérieur les bois de la travée , la chauffée & le
fardeau, dont on la chargera , étant des pièces de 3
pieds 3 pouces de long, fur 4 pouces d’écarriffage ,
placées perpendiculairement & folidement arc-bou-
x tées en tout fens , ainfi que nous l’avons détaillé
dans la conftruélion du bateau , les poids les plus-
énormes ne peuvent , ni les déplacer, ni les faire
fléchir ; cela n’a pas befoin d’être démontré. Il n’y
a perfonne qui ne connoiffe plus ou moins par
expérience , quelle eft la réfiftance desbois chargés
perpendiculairement à leur écarriffage*
50. Le fommier inférieur avec lequel les neuf
fupports font perpendiculairement affemblés , eft
capable de réfifter à l’aélion de toutes les charges qui
lui-feront impofées, au poids des fupports, à celui
du fommier fupérieur, à celui des travées, à celui
de la chauffée &. à celui du fardeau qui paffera fur
la chauffée.
Car ce fommier eft de 27 pieds de long, fur 6
pouces d’écarriffage.
Il porte fur 13 traverfes- qui le divifent en 14
parties de 19 pouces chacune.
On voit par les tables de M. de Buffon , que
quand même le conftruéleur auroit eu la mal-adreffe
de faire porter fes fupports fur les parties du fommier
inférieur comprifes entre les traverfes, ces parties
étant de 19 pouces feulement chacune, fur 6 d’écarriffage,
il eût fallu pour les faire rompre , un poids-
beaucoup plus grand qu’aucun de ceux dont on peut
les fuppofer chargées.
Que fera-ce donc fi les fupports au lieu d’appuyer
dans ces intervalles , font placés fur les parties du
fommier inférieur qui correfpondent aux traverfes?
& c’eft ce qu’il a obfervé dans la conftruélion de fon
bateau: ainfi qu’il paroît à l’infpeélion des fig. 10.
Planche XV.
Mais, me demandera-t-on, qu’eft-ce qui empêchera
l’effort de l’eau pendant l’enfoncement du
bateau, d’en jetter les côtés en-dedans ?
Ce qui- l’empêchera ? ce feront 26 arcs-boutans
horizontaux de 18 pouces de long, fur 3 pouces
d’écarriffage, affemblés d’un bout dans les montans