
P L A TRIER. (A n du)
L e plâtre tire fou nom du mot grec xXot?<&,fi£lUis,
propre à être formé.
La pierre à plâtre diffère de celle avec laquelle
on fait la chaux : celle-ci eft une terre calcaire pure ;
l'autre eft une félénite ou un fel vitriolique à bafe de
terre calcaire.
La pierre à plâtre fe trouve fous deux formes
.differentes dans les carrières dites plâtriêres 3 fur-tout
dans les carrières de Montmartre près de Paris ,
qui font les plus abondantes. L’une de ces formes
eft difpofée en grandes lames minces brillantes,
appliquées par feuilles les unes fur les autres : c’eft
le gypfe que le vulgaire appelle talc, 8c que les na-
turaliftes nomment pierre fpèculaire, & le peuple miroir
des ânes , lorfqu’il eft en maffes prefque aufli
tranfparentes que le criftal ;.sal eft criftallifé en filets
appliqués fuivant leur longueur, il porte le nom de
gypfe ftrié ou à filets•
La fécondé forme eft en maffes irrégulières grenues,
demi-tranfparentes, plus ou moins groffes:
cette pierre eft grisâtre, & a de petits grains dont
les furfaces font polies ; elle porte fpécialement le
nom de pierre à plâtre, & d1albâtre gypfeux.
L’une 8c l’autre nature de ces gypfes ou de la
pierre à plâtre, eft abfolument la même : on en fait un
plâtre également bon. Cependant les plâtriers ne fe
fervent pas ordinairement du gypfe’tranfparent pour
faire du plâtre, parce qu’il n’eft pas en aufli grande
abondance que la pierre, & que fur-tout il eft plus
dur à cuire; ce qui occafionneroit conféquemment
une plus grande confommation & une plus grande
dépenfe de bois.
Le gypfe qui a été calciné , pulvérifé & mouillé,
prend la confiftance d’une pierre ; 8c c’eft alors du
plâtre. Dès qu’on l’a employé, il ne fe décompofe
point a l’air, il ne fe réduit point en pouflière3 on
ne peut ni le calciner de nouveau, ni le ramollir
avec de l’eau.
Ce gypfe devenu plâtre eft employé/de préférence
à la pierre à plâtre, pour crépir’lès apparte-
mens , pour modeler les ftatues, pour mouler de λetites figures , &c. il fert même comme blanc dans
a peinture à paftel & en détrempe..
Il eft effentiel de bien faifir les différences qui fub-
fiftent entre les pierres à plâtre & les pierres à
chaux , afin de ne les point confondre.
Les pierres à chaux ne fe diffolvent point dans
telle quantité d’eau que ce foit. Au contraire les
pierres à plâtre fe diffolvent en entier dans l’eau
bouillante ; mais i f faut beaucoup d’eau pour en dif-
foudre une petite quantité.
Les pierres à chaux fe diffolvent avec effervef»-
<pence dans de l’eau-forte. Cet acide nitreux na
point d’avion fur les pierres à plâtre, & n ’a d’autre
| effet que de faciliter la diffolutionMin peu mieux qué
J ne le feroit l’eau pure
Le plâtre cru eu la pierre à plâtre qui n’a pas été
calcinée.
Le plâtre cuit eft celui qui a été calciné dans un
four, qui a été enfuite battu & réduit en poudre,
& qui fert de liaifon 8c comme de ciment aux ouvrages
de maçonnerie & d’architeéfure.
Un diftingue le plâtre blanc 8c le plâtre gris. Le
blanc.eft celui qui a été râblé, ou dont on a ôté le
charbon dans la plâtrière. Le gris eft celui dont on
n’a rien ôté. On appelle plâtre gras celui qui, étant
cuit à propos, prend mieux, fait une liaifon plus
forte, & durcit plus aifément.
Le plâtre trop ou trop peu cuit eft également mauvais.
On connoît fi la cuiffon a été bien faite, lorfque
le plâtre a une certaine on&uofité & une graiffe
qui colle aux doigts quand on le manie.' Par une
raifon contraire , le plâtre mal cuit eft rude, 8c ne
s’attache point aux doigts comme l’autre.
La propriété fingulière du bon plâtre, eft de fe
durcir & d’acquérir beaucoup de corps après qu’il
a été délayé dans l’eau ; ce qui provient de ce que
la pierre à plâtre eft un fe l, 8c qu’il entre dans la
compofition de ce fel une certaine quantité d’eau.
Pour employer le plâtre avec toute fa bonne qualité
, il ne faut pas trop l’écrafer , 8c s’en fervir le plus
tôt qu’il eft polfible après fa cuiffon ; car,.étant cuit,
il devient une efpèce de chaux dont les efprits ne
peuvent jamais être trop tôt fixés. Du moins,fi on
ne peut l’employer fur le champ , faut-il le tenir à
couvert dans des lieux fecs 8c à l’abri du foleil :
l’humidité diminue fa force, Pair diflipe fes efprits,
& .le foleil. 1’échauffie. & le fait fermenter ; reffem-
blant en quelque forte, fuivant M. Belidor, à une
liqueur qui n’a de faveur qu’autant qu’on a eu foin
d’empêcher fes efprits de s’évaporer.
Lorfqu’on eft éloigné des fours à plâtre, ou qu’on
eft obligé d’ en faire à-la-fois une provifion «onfidé-
rable, il faut l’enfermer dans des tonneaux bien
fecs, pour le conferver bon. En effet, le plâtre
éventé perd de fa qualité, fe pulvérifé, s’écaille,
ne prend pas ; enfin, il n’eft bon à aucun ufage lorfqu’il
a été mis dans un lieu trop humide.
On emploie fe plâtre en toute faifon ; cependant
en hiver 8c en automne il n’eft pas d’un bon ufage ,
& tombe par éclats, parce que le froid faififlant
promptement, 8c glaçant l’humidité de l’eau avec
laquelle il doit s’incorporer, empêche qu’il ne puiffe
fe lier ni durcir comme il faut.
Pendant la calcination de la pierre à plâtre, elle
perd l’eau de fa criftallifation, & fa fubftance ter-
reufe fe réduit en chaux vive. Or, le plâtre réduit
en poudre étant délayé dans de l’eau dont il eft
avide,
avide, il réfult.e que la terre calcaire qui s’eft convertie
en chaux pendant la calcination, s’échauffe
dans l’eau, mais infiniment moins que la chaux
vive ordinaiîe, parce que la félénite du plâtre étant
combinée avec de l’acide vitriolique, empêche un
peu l’a&ion de la chaux, laquelle rèfte toujours dans
l’état falin.
La matière faline du plâtre, un inftant après s’être
échauffée, abforbe l’eau qu’on lui a jetée , & forme
un corps folide qui acquiert de plus en plus de la
folidité.
C ’eft un effet ordinaire du plâtre, après qu’il eft
pris, de fe gonfler confidérablement ; ce qui provient
fans doute de ce que fes molécules fe combinent
toutes fucceflivement avec l’eau. C ’eft la
caufe encore que le plâtre qui fe trouve employé
dans les endroits humides, occafionne des pouffées
confidérables, parce que l’humidité agit jufques fur
fes plus petites molécules, y excite une extenfion
fucceflive, & un gonflement nuifible. Par cette raifon,
le plâtre ne vaut rien pour la bâtiffe des fon-
demens de caves , & dans tous les endroits où il eft
expofé à la pluie & aux inondations : les eaux décom-
pofent le plâtre , 8c dégradent entièrement les murailles
qui en ont été bâties.
Si l’on avoit quelque ouvrage de conféquencea
faire, 8c qu’il fallût pour cela du plâtre cuit à propos
, il faudroit-alors envoyer à la carrière prendre
celui qui fe trouve au milieu du four, étant ordinairement
plus tôt cuit que celui qui fe trouve aux extrémités
; je dis au milieu du four, parce que les ouvriers
ont bien foin de ne jamais le laiffer trop cuire,
étant de leur intérêt de confommer moins de bois.
Sans cette précaution, on rifque d’avoir toujours
de mauvais plâtre ; car, après la cuiffon , ils le mêlent
tout enfemble ; 8c quand il eft en poudre, celui
des extrémités du four &. celui du milieu font confondus.
Ce dernier, qui eût été excellent s’il avoit
été employé à part, eft altéré par le mélange qu’on
fin fait, & ne vaut pas, à beaucoup près, ce qu’il
.valoit auparavant.
Le plâtre qui fe tire des carrières de Montmartre,
de Belleville, Menilmontant ôc autres coteaux de
fi même chaîne, eft eftimé le meilleur qu’on p uiffe
employer dans les bâtimens.
Il s’en fait auffi d’affez bon à Gagny, Montreuil,
Saint-Maur & autres villages des environs de Paris.
Celui qui vient par la rivière eft moins eftimé , à
caufe de l’humidité qu’il contraire.
Après que les carriers ont tiré de la-carrière la pierre
propre à faire du plâtre, 8c qu’elle a été portée
près des fours, les plâtriers la difpofent ainfi qu’il
va être expliqué.
1 ^our * plâtre eft un parallèlipipède vide ,
c eft*à*dire, qu’il a intérieurement fix faces parallèles
& correfpondantes entre elles. 11 eft forpné de trois
murs de neuf à dix pieds de hauteur ; les deux plus
grands ont environ vingt pieds de largeur : le troi-
Arts & MétUrs. Tome /. Partie l l%
fième eft un carré. Par deffus on met ordinairement
un comble en patte d’o ie , pour empêcher la pluie
de tomber fur le plâtre. Le plâtrier y difpofe les
pierres en forme de pont de plufieurs arches, chacune
affez grande pour qu’ un homme ordinaire puiffe
y marcher ën s’appuyant fur les genoux & fur. les
mains : le vide de chacune de cës arches, forme
un berceau qui s’étend jufqu’au fond du four. Lorfque
le four eft rempli, on met du bois fous les ar-
cades ou berceaux, & on y met le feu qu’on entretient
jufqu’à ce que le plâtre foit calciné.
La manière de faire cuire le plâtre confifte â
donner un degré de chaleur capable de deffécher
peu à peu l’humidité qu’il renferme, de faire évaporer
les parties qui le lient, & de difpofer aufli
le feu de manière que la chaleur agiffe toujours également
fur lui.
Il faut encore arranger dans le four les pierres
qui doivent être calcinées, en forte quelles foient
toutes également embrafées par le feu, & prendre
garde que le plâtre ne foit trop cuit ; car alors il devient
aride 8c fans liaifon , 8c perd la qualité que les
ouvriers appellent Xamour du plâtre. La même chofe
peut encore arriver à celui qui auroit confervé trop
d’humidité, pour s’être trouvé pendant la cuiffon à
une des extrémités du four.
On laiffe refroidir le four pendant plufieurs jours :
lorfqu’il eft refroidi, les plâtriers reviennent pour le
battre 8c le réduire en poudre ; alors le plâtre eft
entièrement achevé , & en état d’être vendu. Les
plâtriers le mettent dans des facs qui doivent
contenir chacun deux boiffeaux. Voyez planche du
carrier-plâtrier, fig. ƒ , un fac rempli de plâtre & lié
avec fon cordon ’,fig. 6 , un fac vide ; 8c fig. 8 , la
pelle qui fert à mettre le plâtre dans les facs 8c à le
remuer.
La vignette de la même planche repréfente une
partie de carrière dans une colline efearpée. La maffe
en eft percée par différentes rues, d’où l’on a tiré
la pierre de plâtre que l’on conduit fur des bêtes de
fomme, fig. 16, au four, fig. 17. ■ ; ,
Les plâtriers font de la communauté des maîtres
mâçons.
Il eft défendu par une ordonnance de la ville de
Paris, de 1672 , à tous les marchands qui amènent
leur plâtre par la rivière, de le vendre ailleurs quau
port à plâtre.
La même ordonnance enjoint aux mefureurs de
cette marchandife d’avoir des mefures juftes, & de
ne point permettre qu'on vende du plâtre défectueux.
Les mefureurs de plâtre, qu’on nomme plus
ordinairement toifeurs, furent fupprimés en 17*9»
8c rétablis en titre en 1730.
Le mont ou muid de plâtre, paie 1 livre pou*
droits d’entrée, 8c trois fous pour droits de fortie.
Le plâtre cuit fe vend 10 à 11 livres le muid^
contenant 36 facs ou 7 1 boiffeaux mefure de Paris 9
qui valent 24 pieds cubes.
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