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Il n’eft pas moins dangereux de laiiïer tfop vieillir
les arbres, que de les couper trop jeunes , puifque
dans le premier cas , ils n’ont plus ni force , ni
vigueur, & que dans le dernier , ils font trop petits
& fans force ; c’eft donc depuis cent vingt jufqu’à
deux cents ans , qu’eft le temps le plus propre pour
la coupe.
•JD es temps propres pour lu coupe des bois , & de la
manière de les couper.
Pour éviter de tomber dans l’inconvénient d’employer
les bois trop vieux ou trop jeunes , il faut,
avant que de les couper , avoir une connoiffance !
exaéle de leur âge, en s’informant d’abord aux gens
des environs, du temps de leurs différentes-plantations
&. de celui de leur dernière coupe , ou bien
encore par foi-même , en en fciant quelques-uns
par le pied, figure première, pi. I de la Charpenteri e,
& comptant les années de leur- pouffe par le nombre
de cercles A , qui fe trouvent marqués fur le tronc
B , depuis le centre C.
Il eft aifé de concevoir que tous les végétaux reçoivent
leur nourriture de la terre ; que c’eft par le
plus ou moins de cette nourriture qu’ils accroiffent
ou dépériffent, puifque l’automne les dépouille toujours
des fruits & des feuilles qu’ils avoient reçus
du printemps : la raifon eft que la fraîcheur de ce
temps venant à diffiper la sève qui les entretenoit,
empêche le cours ordinaire de leur nourriture, ce
qui fait qu’ils demeurent dans l’inaclion pendant les
hivers ; c’eft alors que les pores du bois fe refferrent
& fe raffermiffent, jufqu’à ce que la terre venant à
s’échauffer de nouveau par les douceurs du printemps,
fournit une nourriture nouvelle , qui ,, travaillant
avec une telle vivacité entre les bois & l’écorce-,
forme autour de l’arbre une ceinture d’un nouveau
bois , qui eft un des cercles dont nous- venons de
parler, & celui de la dernière année-.
Le temps le* plus propre pour la coupe des bois ,
dit Vitriive', eft depuis le commencement de l’automne
jufqu’au printemps , c’eft-à-dire, depuis le
mois d’oélobre jufquau mois de mars, & fur-tout
dans les derniers quartiers de la lune, afin qu’ils ne
foient pas fi fujets à être mangés des vers ; parce
que, dit-il, au printemps-, la tige de tous les arbres
eft comme enceinte des feuilles-& des fruits qu’ils
doivent produire,. en quoi ils emploient toute la
vertu de leur fubftance ; & l’humidité dont la dif—
pofttion du temps les emplit infailliblement r les rend
alors beaucoup plus foibles-, femblables à des femmes
dont la fanté eft reconnue imparfaite pendant le
temps de leur groffefTe. La raifon, ajoute encore cet
auteur, eft que ce qui a été conçu* venant à croître',
attire à foi la meilleure partie de la nourriture ,
enforte que tandis que le fruit-fe fortifie en-mûriffant,
ce qui l’a produit perd fa-forte & de fa fermeté, ce
que les arbres ne peuvent recouvrer qu’en automne
par le fuc qu’ils retiennent, lorfque les fruits font
mûrs & que les feuilles commencent à fe flétrir : c’eft
alors que , comme les femmes qui ont accouché %
ils reprennent leur première force , & le froid de
l’hiver furvenant, les refFerre & les affermit..
Des bois propres à la Charpenterie..
Le fapin étoit autrefois fort en ufage dans la charpenterie
, à caufe de fon peu de poids dans les bâti-
mens ; mais ayant reconnu que ce bois étoit très—
foible , fpongieux, fujet à fe pourrir promptement *
& fort dangereux dans les incendies,- on l’a abandonné.
Le châtaignier étoit auflr fort en ufage, parce
qu’il ne fe pourriflbit point, & qu’il étoit ferme &.
folide; mais étant devenu très-rare en France, on
lui a préféré le chêne, qui eft fans contredit meilleur „
& prefque le feul maintenant que. l’on emploie dans
cet art.
On divife- communément le bois de charpente en
deux- efpèces ; l’une fe nomme bois de brin, & l’autre
bois de fciage. Le Bois de brin, fig-2, planche l , qui
eft le plus folide , eft celui qui, demeurant dans fi
grofleur naturelle , ëft- écarri fur quatre face s A , en
lupprimant les quatre do-ffes B de l’arbre qui peuvent
fervîr à faire des plates-formes ; c’eft ainfi que l’on
fait les plus-groffes pièces de bois, appeléespoutres-T
qui ont toujours befoin de folidité pour porter les*
folives, comme nous le verrons dans la fuite. Ces
pièces ©nt environ deux pieds de grofleur , fur fe.pt
à huit toifes de longueur ; d’autres, diminuent en
proportion de grofleur St de longueur jufqu’à quinze
à feize pouces de gros , & environ vingt - quatre
pieds de long, qu’on appelle petites poutres ou pou~
trelles : H en eft encore d’autres qui n’ont qu’un pied
de grofleur;. celles-là fervent dans les combles &
dans les planchers des grands appartemenss
Le bois de fciage, fig. y , planche l y eft celui qui
eft refendu en plufieurs morceaux, à là fcie, pour
en faire des chevrons , poteaux , ' folives , limons
d’efcaliers , ainfi que des plates-formes , madriers,.
& autres ; il- eft moins-folide que le précédent-,,
parce que les fibres du bois n’étant pas: ordinairement
parallèles entreelles, il arrive rarement qu’une pièce
de bois refendue ne foit traverfée de quelques fils
qui la coupent , ou affamée par quelques; noeuds
vicieux ; c’eft avec celles-ci que l’on fait toutes les*
pièces qui n’ont pas befoin d’une grande folidité.
- Le» plus belles- pièces & les* mieux faites font
les plus droites-, d'égale grofleur, fans aubier,flache,
ni noeuds vicieux U & dont les arêtes font vives:
lorfqu’elles font tortueufes , remplies de fia eh es ,
dlaubiet, ou de noeuds vicieux, emles-réferve pour
les courbes.
Tous les bois de charpente arrivent à Paris en
pièces de différentes-fortes ; la première , font les
poutres & poutrelles ; la fécondé , les poteaux ; la
- troifième, les folives*; la quatrième , les chevrons;
& la; cinquième , les limons & quartiers tournans
des efealiers.- ........
Les poutres & poutrelles font toujours en chene
& en bois de brin pour plus de folidité ; elles ont de
grofleur depuis 15 pouces en carré, fur environ^4'
pieds de long.,, jufqu’à a p ied s& 7 à 8 toifes d«
langueur; on s’en fert dans les planchers dès bâti- !
mens pour, foutenir la portée des folives.
Les poteaux font aufli toujours en chêne, & por- j
tent depuis 4 pouces ’jufqu’à environ 9 pouces de
grofleur ; on s’en fert dans les pans de bois pour
les huifferies des portes & croifées.
Les folives fe faifoient autrefois en bois de fapira ;
mais depuis que l’on a reconnu que ce bois étoit
très-foible, & fujet au feu & à fe pourrir, on lui a
fubftitué le chêne ; ces pièces portent ordinairement
iix à fept pouces de grofleur ; mais ayant toujours
plus de largeur que d’épaiffeur,elles fervent à foutenir
les aires dans les planchers des bâtimens.
. Les chevrons font quelquefois en bois de châtaignier
, & le plus fouvent en bois de fapin ou-
de chêne : le premier eft fans contredit le, meilleur ,
parce qu’il ne fe pourrit point , qu’il n’eft pas fort
pefant , & qu’il eft folide ; mais depuis qu’il eft
devenu rare , on ne s’en fert plus : le fécond, plus
léger, eft aufli le plus foible; on ne laiffe pas néanmoins
de s’en fervir : le dernier , quoiqu’un peu plus
nefant que les autres, eft néanmoins beaucoup plus
fort & folide. Leur grofleur eft ordinairement de
quatre à cinq pouces en carré ; on s’en fert pour la.
(couverture des bâtimens.
Les limons & quartiers tournans d’efcaliers font
ordinairement des pièces de bois courbes & tortueufes
de différente grofleur , raifon pour laquelle
on les réferve pour ces fortes d’ouvrages.
Il faut obferver que la longueur des bois diffère
toujours de trois en trois pieds , & leur grofleur à
proportion., depuis 6 pieds jufqu’à 30; c’elt-à-dire,
qu’ils font de 6, 9 , 12 3 15,18, 21 , 24, 27, 30
pieds & plus ; paffé cette mefure, leur longueur eft
indéterminée : tous ces bois fe vendent fur les ports
de la Râpée & de l’hôpital à Paris.
En général, le meilleur bois eft celui qui eft fain,
net & de droit fil, dont toutes les fibres font à peu
près parallèles aux deux bords des pièces, qui n’a
aucuns noeuds vicieux, tampons , aubiers, ni malan-
•dres : on peut le connoître après l’avoir fcié par les
deux bouts, en prêtant l’oreille d’un côté , tandis
que l’on frappe de l’autre ; fi le fon eft clair, c’eft
une marque que la pièce eft bonne ; s’il eft fourd
& caffé, c’eft une marque que la pièce eft gâtée :
quelques-uns prétendent qu’avec un peu d’huile
bouillante, on en peut connoître les différentes propriétés^
Il faut que le bois de charpente foit coupé longtemps
avant que d’être employé. S’il eft verd , il
fera fujet à fe gercer & à fe fendre. Il ne le faut
prendre ni flaçheux , ni plein d’aubier , ni roulé.
Préférez le chêne, foit que vous bâtiffiez fur terre,
foit que vous bâtiffiez dans l’eau. Le châtaignier
b aime pas l’humidité ; le fapin fera de bonnes-folives.
Prenez garde lorfque vous emploierez des ouvriers,
quils ne mêlent du bois vieux à du bois neuf. Si
yous faites marché au cent, ils pourront en employer
plus qu’il ne faut ; en bloc, ils tâcheront de gagner
** la grofleur & fur là quantité i a la toife, ils profiteront
de la connoiffance des avantages- de cette
mefure pour y réduire les bois & s’emparer du fur-*
plus. On entend par un cent de bois, cent pièces de
bois , dont chaque pièce a douze pieds de long
fur fix pouces-d’écarriffage , ou trois pieds cubiques.
Du bois félon fes efpèces.
On appelle bois de chêne rufiies ou durs, ceux
qui, étant venus dans un terrain ferme , pierreux,
fablonneux, &. fur le bord des forêts , eft par con-
féquent d’un fil gros Si dur ; c’eft de celui - là que
Von fe fert dans la charpenterie.
Sois de chêne tendre , eft celui qui , étant venu
dans un terrain humide, & à l’abri du foleil, eft
gras, moins poreux que le précédent, & qui a fort
peu de fils ; c’eft pour cela qu’on l’emploie dans la
menuiferie & la fculpture ; on l’appelle encore bois
de Vofge ou de Hollandet
Bois précieux & durs, font des bois très-rares de
plufieurs efpèçes & de différentes couleurs , qui
nous viennent des Indes, qui reçoivent un poli très-
luifant, & que l’on emploie dans l’ébénifterie & la
marqueterie.
Bois légers, font des bois blancs dont on fe fert
au lieu de chêne , tels que le fapin, le tilleul &
quelques autres , que l’on emploie dans les planchers
, les cloifons, &c. pour en diminuer le poids.
Bois tortueux, eft celui qui, étant de différente
; formé , & dont les fils étant courbés ,- eft réfervé
pour faire des courbes & autres parties ceintrées.
Du bois félon fes façons.
On appelle bois en grume, un bois- ébranché, dont
la tige n’eft point écarrie ; on l’emploie de fa grofleur
pour les pieux &. palées de pilotis.
Bois de brin ou de tige , eft celui' dont- on a ôté
feulement les quatre dqffes Haches.-
Bois de fciage ; celui qui eft propre à refendre ,
ou qui eft débité à la fcie, pour en faire des membrures
, chevrons ou planches^
Bois d’écarrijfage, eft celui qui eft écarri, & qui
au deflus de fix pouces-de grofleur , change de nom;
félon les dimenfions.-
Bois- de refend, eft celui que l’on refend par éclat
pour en faire du mairrain, des lattes , contrelattes*,
éçhalas -, bois de boifleaux, & autres chofes fein-
blables.
Bois méplat, eft celui'qui a beaucoup plus de largeur
que d’épaiffeur, tels que les membrures de
menuifepie, &c.
Bois d'échantillon, font dès pièces de bois des
grofleur & longueur' ordinaires , telles qu’on les-
trouve dans les chantiers des marchands.-
Bois refaity eft celui qui , de gauche & de flache
qu’il étoit, eft écarri & drefle fur fes faces* au>
cordeau.
Bois lavé, eft celui dont on a ôté tous les traits
avec la befaiguë ou le rabot.
Bois corroyé, eft celui qui,eft repaffé au rabot.
Bois affowli y eft un bois dont on a beaucoup}