
Après avoir refait ainfi le premier levain, ona
ce qu’on nomme levain de premier, & non pas premier
levain.
Lorfqu’on renouvelle le levain de premier, on
fait le levain de fécond , autrement, levain du
deuxième.
De ce levain de fécond, on compofe , en le
rafraîchiflant, ce qu’on nomme levain de tout point.
îl eft mieux de renouveler les levains trois fois
que deux : deux rafraîchiffemens de levain ne font
pas allez; trois font fuffifans; quatre font inutiles,.
& peuvent adoucir trop l’acidité des levains.
Quand on renouvelle un levain , on le double
fouvent, on le triple , on va même quelquefois juf- :
qu’à le quadrupler par la quantité d’eau qu’on prend,
qui allie de la farine à proportion.
Les levains doivent toujours être d’une pâte ferme
& renforcée, c’eft-à-dire, d’une pâte à laquelle on
ajoute du gruau ou de la farine. Il faut que les
premiers levains foient d’une pâte plus ferme encore
que les derniers; le levain de chef doit être
plus ferme que celui de premier, le levain de premier
plus foutenu que celui de fécond, & le levain
de fécond plus que celui de tout point.
Il faut plus fortement pétrir les levains, particulièrement
le premier levain, fur-tout fi on l’a
préparé avec du gruau, & fi l’on fe propofe de le
garder long-temps.
Il faut de l’eau chaude fur-tout pour les premiers
levains.
La quantité d’eau pour refaire le levain de chef,
doit être à peu près la moitié du poids de ce chef.
On prend pour la remouillure du levain fuivant,
le double & plus de l’eau qu’on avoit prife pour
le précédent, félon la quantité de pâte & de pain
qu’on veut faire.
La quantité eft moins à confidérer pour les premiers
levains que leur qualité : fi les premiers levains
font trop petits, il n’y a qu’à compofer les
levains fuivans plus grands à proportion , & les
faire plus forts en leur donnant plus de temps pour
fe perfeétionner ; par ce moyen , on parvient à
faire , auffi bon qu’il le faut, le dërnier levain, qui
eft celui de tout point, d’où dépend principalement
la bonté de la pâte & du pain.
On doit préparer les levains plus grands en hiver
par un temps froid & fec , ou quand on eft prefle
de faire le pain , ou quand on a befoin d’en faire
beaucoup.
Au contraire, on fa ite s levains plus petits eh
été par un temps chaud & humide , ou quand on
a tout le temps pouf pétrir ', ou lorfqu’on n’a pas
une grande quantité de pain à faire.
Quoi qu’il en foit, c’en: une maxime.reçue dans
la boulangerie , qu’ezz général il vaut mieux pétrir à,
grand levain qu'avec- un petit levain.
C ’eft,le levain qui donne la qualité au pain. C ’eft
pourquoi, fans y en mettre trop, il faut toujours,
y en mettre allez, & plutôt plus que moins, de
forte que le dernier lpvain avec lequel on pétrit
pour faire le pain, foit au moins le tiers de toute*
la pâte.
On entend par l'apprêt des levains, l’état où ils
font prêts, par la fermentation, à être renouvelés,
ou à être employés dans la compofition de la*pâte
pour faire du pain : on eft plus ou moins de temps
à avoir les levains dans cet état, félon la différente
efpèce de levain, felofi les diverfes faifons, &. félon
la température de l’air du jour.
Il faut douze ou quinze heures au levain de chef
à prendre fon apprêt, avant qu’il foit en état d’être
changé en levain de premier ; on pourroit le laiffer
fe fortifier un jour, même deux, fur-tout en hiver;
mais après ce temps il ne prend plus de force; &
s’il étoit gardé plus de quatre jours fans être renouvelé,
il fe gâteroit, & prendroit une amertume
qui eft un commencement de pourriture.
Pour ce qui eft du levain de premier, après l’avoir
fait, on le laiffe' ordinairement fix ou fept heures
avant que de le rafraîchir pour en faire le levain
de fécond.
On eft quatre ou cinq heures fans renouveler
le levain de fécond, pour en faire le levain de tout
point : il ne faut à ce dernier quelquefois qu’une
demi -heure ou trois quarts d’heure pour prendre
fon apprêt, mais ordinairement on laiffe le levain
de tout point une heure & demie ou deux heures
moins un quart.
On ne fauroit, pour ainfi dire, prendre les premiers
levains trop vieux, & les derniers trop jeunes
, fuivant le proverbe des boulangers : vieilles
remouillures & jeunes levains donnent de bon pain.
On peut connoître par l’odorat l’état des levains.
Les premiers doivent avoir une odeur plus aigre
que les fuivans, qui cependant ont une odeur plus
forte & plus pénétrante, plus volatile & plus fpi-
ritueufe que celle des premiers. Le levain de tout
point doij: avoir une odeur approchante dé celle d’une
pâte fortement levée.
Les derniers levains font plus légers à proportion
que les premiers. Le dernier levain nage fur l’eau
lorfqu’on l’y met pour le délayer, foit qu’on verfe
l’eau deffus, foit qu’on le jette dans l’eau.
11' faut prendrè le levain de tout point comme
tous les autres levains, dans fon plus haut degré
de levement ou de chaleur; çè qu’on reconnoît
^lorfqu’on le fent chaud au bout des doigts , &
qu’après l’avoir prefle, il revient promptement.
Tout le levain en force lève ; & dès qu’il a fon
apprêt, il ceffe de lever , il commence à perdre,
il ne tarde pas à s’affaifler, il fe refroidit, il s’applatit
& il fe gâte alors.
Les levains de pâtes ont befoin d’être couverts
pendant qu’ils prennent leur apprêt ; oh les couvre
dans l’hiver pour conferver leur chaleur , dans l’été
c’eft pour empêcher leur diflipation.
Il fe forme fur les levains une efpèce de peau
qui eft plus molle aux derniers qu’aux premiers :
c’eft une croûte fur les premiers, parce qu’ils font
d’une pâte plus ferme, parce qu’on les gardé plus
long-temps, & parce que la farine & fes principes
y iont moins atténués que dans les derniers. Cette
peau conferve les levains ; elle fe forme par l’air
extérieur qui sèche la furface du morceau de levain.
C ’eft une chofe de grande conféquence que la
confervation des levains. Il faut qu’un boulanger
fâche raccommoder des levains lorfqu’ils font trop
Avancés, ce qui eft très-difficile , qu’il puiffe les
arrêter lorfqu’ils lèvent trop vite.
Lorfque les premiers levains n’ont pafle le point
de leur apprêt que de quelques degrés, on peut
les raccommoder en les rafraîchiflant encore, & en
les étendant avec de la farine & de l’eau moins
chaude.
Quand les levains de premier & de fécond font
devenus trop aigres, il n’y a qu’à les traiter comme
on traiteroit un levain de chef, & prendre l’eau
telle qu’elle eft naturellement, fans la faire chauffer.
L ’acide étant le principe effentiel du levain de
pâte, fon aigreur eft un * défaut facile à corriger
lorfqu’il eft trop fort; il n’y a pour l’adoucir qu’à
le refaire autant de fois qu’il en fera befoin.
Si les levains font fi vieux qu’après avoir aigri
ils aient pourri, cette pourriture ne peut être corrigée.
Si au contraire les levains font trop jeunes, trop
foibles, il faut tarder à les refaire ; ou fi l’on eft
prefle, fi l’on ne peut attendre, il faut les pétrir
plus ferme, &. prendre l’eau un peu plus '
chaude.
Lorfque le levain de tout point eft trop fort ou
trop vieux , & collant aux mains , il faut le délayer
à plus grande èau & plus long-temps pour l’affoi-
blir un peu ; & enfuite faire la pâte plus molle,
en y mettant plus d’eau, parce que la farine augmente
plus la force des levains que ne fait l’eau.
Quand le levain de tout point eft pafle, oh ne
peut jamais faire de bon pain avec ; mais lorfqu’il
n’eft pas encore gâté, il faut en laiffer la diffolution
un quart d’heure ou une demi-heure dans la fontaine
du pétrin, avant que d’y verfer le refte de
l’eau pour pétrir. Enfuite on frafe vîte & Iohg-
temps, ce qui affoiblit le levain lorfqu’il eft plus fort :
qu’il ne faut.
On peut encore raccommoder un levain de tout
point, en le badinant avec de la farine, puis pétrir
tout aiiflitôt, fi on a une grande quantité de
pain à faire..
Une bonne façon de conferver les levains de
tout point, & même de les raccommoder, c’eft d’y
mettre du fel, lequel, en fe fondant, refroidit la
fermentation.
Pour raccommoder les premiers levains, il faut
avoir de la pâte levée & la mêler avec ; c’eft un
moyen très-fimple & très-profitable.
Enfin , on peut dire comme certain , que de la
qualité du levain de chef , dépend la qualité desautres
levains, fur-tout celle du levain de premier
& du levain de fécond. On peut affurer de même
gué de la bonté des levains de premier &. de fécond,
dépend celle du levain de tout point 9 comme du
levain de tout point dépend la pâte.
Du levain de levure.
La bière nouvellement braffée fe gonfle en fermentant
, & il en fort par le bondon de la futaille,
une écume qui dépofe une efpèce de lie qu’on
nomme levure. Lorfqu’on veut avoir cette levure
sèche, on la laiffe égoutter, & on la met à la prefle
dans des facs.
La levure, ou liquide ou sèche, remplace le levain
ordinaire ; elle fait lever plus promptement la pâte ,
&. facilite la fabrication du pain.
Il y a près de deux fiècles, que les boulangers
commencèrent en France à fe fervir de la levure en
faifant le pain..
Le parlement de Paris, en jugeant la conteftation
qui s’étoit élevée au fujet de la levure dans la com-
pofifion du pain , autorifa , par fon'arrêt du 21
mars 1670, les boulangers de cette ville à fe fervir
de la levure, mais mêlée avec du levain naturel ;
& il leur défendit d’employer d’autre levure que
celle qui fe fait à Paris, non corrompue & fraîche.
On apporte à Paris , deux fois la femaine , de
Flandre & de Picardie , de la levure sèche pour
fuffire à la confommation qui s’en fait aujourd’hui
dans cette grande ville.
En Efpagne on ne connoît point la levure ; cependant
on y fait du pain mollet, en prenant le levain
plus jeune , faifant la pâte plus molle, & la battant
davantage qu’on ne le fait communément a Paris.
Il n’y a point de préparation à faire à la levure ,
comme on eft obligé de les faire aux levains de
pâte.
Ce qui a engagé les boulangers à fe fervir de la ,
levure, c’eft qu’elle rend la pâte plus aifée à travailler
, & qu’elle accélère la fermentation. On fait
avec la levure trois fournées de pain contre deux,
fans levure.
Lorfque la levure eft employée à propos, elle
rend le pain plus léger & meilleur au goût.
Le pain fait avec la levure & avec le levain ordinaire
enfemble, a non-feulement meilleur goût, mais aufli
eft moins fujet à fécher que le pain fait ou avec le_
levain fimple feulement, ou avec lalevure feule ; c’eft
pourquoi le gros pain de Goneffe, où il n’y a que
du levain fimple , & le petit pain à café, où il n’y
a que de la levure, féchent plus promptement qu’aucune
autre forte de pain ®ù il entreroit un peu de
levure mêlée avec le levain de pâte.
En général, un quarteron de levure fait autant
d’effet que huit livres de levain fimple : il faut quatre
onces de levure pour vingt livres de pâte, lorfqu’on
l’emploie fans levain de pâte.
' On emploie ordinairement à Paris deux livres &
demie de levure, en la mêlant avec du levain de
pâte, pour fix fournées de pain d’environ neuf cens
livrés de pain.
Au refte, on met plus ou moins de levure en
pétrifiant, félon la différente qualité de la pâte &
K k ij.