fera bien broyée , ajoutez-y environ tin litron de
cérufe'pilée 6c palTée au tamis de foie : rebfoyez le
mélange à la molette avec'de l’urine , puis ajoutez
une douzaine de blancs d’oeufs.
Pour faire l’eau de fiente de cheval dont on vient
de parler , rempliffez- un tonneau de cette fiente ,
jetez deffus de l’eau jufqu’à ce que l’eau fumage ;
'•Çaiffez tremper quelque temps , ôc vous aurez de
J-eau de fiente.
t Quant à la terre qu’on emploiera fur cette potée
, on la compofera d’un muid de terre graffe ,
de quatre féaux de fiente de cheval , 6c d’autant de
forte urine qu’il en faudra pour détremper la terre
6c la bourre , & battre le tout enfemble.
On prend une pièce de bois de fapin, bien droite,
6c à plufieurs pans , .ou même toute unie 6c plus
longue que la pièce ne peut être , c’eft-à-dire, de
12 pieds 8c plus : cette pièce de bois s’appelle trouffeau.
On couche ce trouffeau tout de fon long, 6c
l’on en appuie les bouts fur des tréteaux ou chantiers.
V oyez planche X I , fonderie des canons , fig. / ,
le trouffeau de bois A fur les chantiers B b. La partie
C du trouffeau s’appelle-le moulinet 9 lequel fert à
tourner le trouffeau lôrfqu’on met la natte, 6c que
l’on applique la terre qui doit former par fon enduit
le moule ou la chape.
On graiffe le trouffeau avec du vieux oing , on
roule par deffus, 6c l’on attache avec deux clous
une natte de paille , qui couvre le trouffeau, 6c qui
lui donne une groffeur relative à celle que doit avoir
la pièce de canon.
Sur cette natte on applique plufieurs charges ou
coupes d’une terre graffe détrempée avec de la
poudre de brique, 6c l’on commence à former un
modèle de canon.
On met enfuite une autre couche, dont la terre
eft bien battue, 5c mêlée avec de la bourre 6c de
la fiente de cheval : on en garnit le modèle , jufqu’à
ce qu’il foit de la groffeur dont on veut la pièce.
En appliquant toutes ces couches de terre, on
entretient toujours fous le trouffeau un feu de bois
ou dé tourbes, fuivant les lieux, afin de faire fécher
la terre plus promptement.
Après cela, on fait toutes les parties de la pièce,
comme le bourrelet, le collet, les aftragales, les renforts,
les plates-bandes, ôcc. ce qui fe fait d’une
manière fort fimple, 6c néanmoins fort ingénieufe.
Lorfque la dernière terre appliquée eft mife toute
molle, on approche du moule qui eft brut ce que l’on
appelle Xéchantillon: c’eft une planche de douze pieds
ou environ, dans laquelle font entaillées toutes les
différentes moulures du canon ; on affure cette planche
bien folidement fur les deux chantiers, enforte
qu’elle ne puiffe recevoir aucun mouvement.
On tourne après cela à force le moule contré Pé-
thantillon, par le moyen de petits moulinets qui
font à l’une des extrémités. Le moule frottant ainfi
entre les moulures de l’échantillon, en prend l’im-
preflïon, enforte qu’il reffemble entièrement à une
$ièce de canon finie dans tontes fes parties.
Au lieu des terres fufdites, on emploie dans quelques
fonderies du plâtre bien fin ; mais ce plâtre a
un inconvénient, c’eft de fe renfler inégalement, ce
qui rend la furface des pièces moins parfaite; ce
qu’on pourroit pourtant corriger en finiffant le moule
un peu plus menu, laiffant faire au plâtre fon effet;
le recherchant enfuite avec du fuif, ôc le repaffant
a l’échantillon jufqu’à ce qu’il eût la groffeur requife.
Lorfque-le moule du canon eft formé avec fes
moulures , on lui pofe les anfes, les devifes, les
armes, le baflinet, le nom ; l’ornement de volée,
ce qui fe fait avec de la cire ôc de la térébenthine
mêlées , qui ont été fondues dans des creux faits de
plâtre très-fin, où ces ornemens ont été moulés.
. Les tourillons fe font enfuite ; ce font deux morceaux
de bois de la figure que doivent avoir les
tourillons ; on les fait tenir au moule avec deux
grands clous ; il faut avoir foin de renfler les renforts
avec de la filafle ; car faute de cette précaution, ils
font creux à caüfe des moulures qui raillent.
Après avoir ôté le feu de deffous le moule , on
le frotte par-tout avec force fuif, afin que la chape
qui doit être travaillée par deffus, pour le couvrir,
ne s’y attache point. On paffe enfuite le moule par
l’échantillon, pour faire coucher le fuif également
par-tout.
Cette chape fe commence d’abord par une couche
ou chemife.de terre graffe, mais très - fine , qui
s’appelle potée.
On a déjà dit que cette potée eft une terre paffée
& préparée avec de la fiente de cheval, dé l’argile ,
Ôc de la bourre.
T)n laiffe fécher la première couche fans feu ; ce
qui s’appelle à l ’ombre.
Quand elle' eft sèche , on met par deffus d’une
terre plus graffe ; mêlée aüfli de bourre ôc de fiente
de cheval. La proportion eft demi-livre de terre,
demi-livre de fiente de cheval, & un tiers de bourre
ou environ.. Quand c’eft d’une certaine terre rouge
comme celle qui fe prend à Paris auprès des Chartreux
, elle fuffit feule en y mêlant un peu de
bourre.
Après que la chape a pris une épaiffeur de quatre
pouces, 6c. qu’elle a été bien féchée au feu, on tire
les clous qui ^rrêtoient les anfes 6c les tourillons;
on en bouche les entrées avec de la terre, puis l’on
bande ce moule, ainfi bien couyert de terre , avec
de bons bandages de fer paffés ep long 6c en large ,
6c bien arrêtés ; par deffus ce fer on met encore de
la groffe terre.
La chape des gros moules a ordinairement cinq
ou fix pouces d epaifleur.
Quand le tout eft bien fec , on ôte les clous de
la natte ; on donne quelques coups de marteau fur
les extrémités du trouffeau , lequel étant plus menu
par un bout que par i’autre, fé détache infenfiblé-
m.ent du milieu du moule, qu’il tràverfe de bout en
bout; ce que l’on appelle être en dépouille ; 6c en
retirant ce trouffeau ,4a natte vient à mefure, 8c fe
défile avec beaucoup de facilité.
Ce moule , ainfi vidé par dedans , on le porte
tout d’un coup dans la foffe qui eft devant le fourneau
, 6c où le canon doit être fondu.
L’on jette force bûches allumées dans ce moule,
jufqu’à ce qu’il foit parfaitement fec ; c’eft ce qu’on
appelle le mettre au recuit.
L’ardeur du feu opère deux effets : elle fond le
fuif qui fépare la chape d’avec le moule ; 6c elle
sèche en même temps les terres de ce moule, de
manière qu’on les caffe facilement avec des ferre-
mens , afin qu’il ne refte en entier que la chape
feule , laquelle dans fon intérieur a confervé Pim-
preffion de tous les ornemens faits fur le moule.
A la place du moule que l’on vient de détruire,
l’on met une longue pièce de fer cylindrique qu’on
.appelle le noyau ; elle fe pofe très-jufte dans le
milieu de la chape, afin que le métal fe répande
également de côté 6c d’autre.
Le noyau eft couvert d’une pâte de cendre bien
recuite au feu , comme le moule, 6c arrêtée avec
du fil d’archal, auflî bien recuit le long 6c à l’entour
par trois fois en fpirale , couche fur couche jufqu’à
la groffeur du calibre dont doit être l’ame de la
pièce ; enforte qu’il refte un efpace -vide entre le
noyau 6c le creux de la chape, qui doit être rempli
par le métal, ce qui fait l’épaiffeur de la pièce. Cette
précaution de couvrir ce noyau , s’obferve pour
empêcher que le métal ne s’attache , 6c pour pouvoir
enfuite le retirer aifément du milieu de la
pièce ; comme en effet on l’en tire quand le pièce
eft fondue.
Pour faire tenir ce noyau bien droit, on le fou-
tîent du côté de la culaffe par des barreaux d’acier
paffés en croix ; ç.’eft ce qu’on appelle le chapelet.
Du côté de la bouche de la pièce, le noyau eft fou-
tenu par une meule faite de plâtre ôc^de tuiles ,
dans laquelle paffe le bout oppofé au chapelet.
Lorfque le noyau eft placé , on attache la culaffe
au moule. Cette culaffe eft faite à pgrt de la même
compofition 6c de la même manière que le moule
du corps de la pièce. Elle eft aufli bien bandée de
lames de fer, 6c elle s’enchâffe proprement au bout
du moule, où elle s’accroche avec du fil d’archal
aux crochets des bandages de la chape.
On coule ordinairement les pièces de la culaffe
en bas, ôc on laiffe au bout du moule qui eft en
haut, un efpace vide d’environ deux pieds ôc demi
de haut, lequel fert à contenir la. majjelotte , c’eft-
à-dire , l’excédent du métal de la pièce qui pèfe
quatre milliers au moins : ce poids fait ferrer le
métal qui compofe la pièce , 6c il le rend moins
poreux , 6c moins fujet à avoir des chambres ou
crevaffes.
Suppofant qu’on veuille fondre plufieurs pièces
à-la-fois, au haut du moule font djfpofés plufieurs
tuyaux creux 6c godets de terre répondarts à l’intérieur
du corps du moule , par où le métal doit
couler ; 6c l’on laiffe aufli plufieurs tuyaux pour
fervir d’évent. Quand tout eft bien préparé , la foffe
fe remplit de terre bien sèche, que l’on bat avec
Arts & Métiers. Tome /. Partie U
grand foin , couche fur couche , autour du moule
jufqu’en haut, les godets, tuyaux 6c évents fur-
paflant de quelques pouces l'aire ou la fuperficie du
deffus de la foffe. On forme des rigoles tout autour
avec une terre graffe que l’on sèche parfaitement ;
elles fe nomment échenos9& elles fervent à conduire
le métal du fourneau dans le moule des pièces. ,
On décrira ci-après le fourneau propre à la fonderie
des canons ; il fuffit de dire ici qû’il y a à fes
fondations , voûte fous la chauffe, 6c voûte fous le
fourneau, avec évent pour donner fortie à la fumée.
Il y a en outre au rez- de-chauffée des âtres de fer
pour remuer le métal en fufion, avec une ouverture
pour jeter le bois dans la chauffe. Gette ouverture
fe bouche avec une pelle de fer.
Quand le métal eft chaud à un certain degré
connu par le fondeur, c’e f t -à -d ir e , fort fluide 6c
non empâté, à quoi l’on emploie ordinairement 24
à 30 heures ou environ, obfervant de tenir les morceaux
de rofette , dans le fourneau, élevés fur des
grès , 6c ne pofant pas fur l’âtre ; on difpofe des
nommes qui tiennent des pinces ou éclufes de fèr fur
tous les trous qui communiquent dans les moules ,
afin que quand le métal vient à fortir du fourneau ,
il rempliffe également toutes les rigoles , 6c qu’il foit
également chaud en defcendant dans toutes les parties
du moule.
On débouche le trou du fourneau avec une longue
ôc groffe pièce de fer appelée la ferrière. Ce trou,
eft fermé en dedans avec de la terre graffe. Auflitôt
qu’il eft ouvert , le métal, tout bouillonnant, fort
avec impétuofité, 6c il remplit toutes les rigoles ;
alors les hommes qui tiennent les petites éclufes de
fer fur les trous , les débouchent deux à deux , 6c à
mefure que les trous fe rempliffent, ils fe retirent ,
6c le métal, tombant avec rapidité dans le moule *
forme la pièce.
Pour éviter les foufflures que le métal forme dans
fon bouillonnement 6c dans la chute précipitée qui
preffe Pair dans les canaux, les Keller avoient
imaginé un tuyau qu’ils difpofoient à côté de leur
moule : le métal entroit par ce tuyau ; 6c comme il
faifoit le chemin de defcendre avec violence au fond
de ce tuyau, qui avoit un trou pour communiquer
dans le moule, il remontoit dans le moule par ce
trou , de la même manière que Peau qu’on verfe
dans une branche d’un fiphon remonte dans l’autre :
par-là il chaffoit Pair devant lui, 6c il étoit moins à
portée d’en conferver des parties. Mais l’ufage de
ces habiles fondeurs fur ce point, n’a pas été généralement
fuivi.
Lorfque les moules font rétirés de la foffe , on les
caffe à coups de marteau pour découvrir la pièce
qu’ils renferment. La figure fe montre enfuite ; ôc
comme elle eft brute en plufieurs endroits, on fe
fert de cifeaux bien acérés 6c de marteaux pour
couper toutes les fuperfluités 6c les jets du métal ,
6c avec le temps, on donne à la pièce toute la per-
feélion que l’on veut. Lorfqu’elle commence à avoir
une forme un peu régulière , ce qui s’appelle être