
Les fig. 134&C 13$,planche VI, Cont l’élévation & le
plan d’un autre pont tournant, ouvrant aufli en deux
parties compofées chacune d’un plancher, fig. 133,
garni de' longrines a , traverfines b, & coyers c, fur
lefquelles font pofées plufieurs plate-formes ou madriers
d * pour la facilité du paflage ; la portée ne pouvant
être foutenue par deffous comme'au précédent,
l’eft au contraire par deffus par une efpèce de ferme,
fig. 134, compofée de tirants e, de poinçon ƒ , arbalétriers
g ., contrefiches h , & jambes de force i.
C e plancher, furmonté d’un appui ou garde-fous ,
compofé de poinçon k , fommiers inférieurs l , fom-
miers fupérieurs m, roule fur un pivot placé au
milieu, à quelque diftance duquel font pluiieurs
poulies n arrêtées au châffis du pont.
Des ponts fufpendus.'
Les ponts-fufpendus font d’un très-grand avantage
pour lespays montagneux, oùils font plus en
ufage que dans les autres, puifqu’ils ouvrent un paf-
fage entre deux provinces , fermé par des fleuves ou
précipices entre des rochers efcarpés ou tout autre
pont feroit impraticable. Celui que l’on voit dans la
vignette de la planche VI, en eft un de cette efpèce,
qui, au rapport de Ficher, liv. I I I , eft exécuté en
Chine près la ville de Kintung ; c’eft un compofé
de plufieurs planchers garnis chacun de longrines
8c traverfines bien arrêtées enfemble , fufpendues
fur environ vingt fortes chaîner attachées aux extrémités
de deux montagnes : ce pont, quoique chancelant
lors du paflage des charois, ne iaiffe pas
d’être encore très-folide.
Des pilotis & échafaudages pour la confiruElion des
ponts.
L’art de piloter dans le fond des rivières pour la
jconftruâion des piles de ponts en pierre, n’eft pas
une chofe des moins intéreffantes, pour ce qui regarde
la charpenterie, puifqu’eile feule en fait la
principale partie. Nous-ri’avons eu jufqu’à préfent
qu’une feule & unique manière de le faire, & qui
coûte confidérablement: en effet, couper des rivières,
conftruire des batardeaux, établir des pompes
pour l’épuifement des e a u x u n e grande quantité
d’hommes que l’on eft obligé d’employer pour toutes
ces manoeuvres , un nombre infini d’inconvéniens
prefqu infurmontables, & qu’il eft impoffible de prévoir
en pareil cas, font autant de confidérations
qui ont fouvent empêché de bâtir des ponts en
pierre. Nous verrons dans la fuite, des produ&ions
admirables d’un homme de génie qui vient de nous
apprendre lés^gjoyens de les conftruire fans le fe-
çours de toutèsces dépenfes immenfes.
Manière ancienne de piloter.
Les moyens que l’on a employés jufqu’à préfent
pour conftruire les piles des ponts font de deux
fortes ; la première, en détournant, s’il eft- poflible,
le cours de la rivière fur laquelle on veut faire un
pont, alors on diminue beaucoup la dépenfe, toutes
les difficultés font levées, & l’on bâtit à fec ; fans
avoir à craindre aucun inconvénient ; la fécondé,
après avoir déterminé le lieu où l’on veut conftruire
le pont, & en conféquence plante ,tous les repaires
& les, alignemens néceffaires, on conftruit les piles
l'unè après l’autre ; on commence d’abord par environner
celle que l’on veut élever d’un batardeau
compofé de deux files de pieux A B , planche VII,
diftans d’environ huit à dix pieds l’un de l’autre,
& éloignés entr’eux d'environ quatre pieds, battus
& enfoncés dans la terre , fort près de chacun def-
quels, & à environ quatre pouces de diftance intérieurement
, font d’autres pieux battus légèrement
pour procurer le moyen d’enfoncer de part & d’autre
jufqu’au fond de l’eau, des madriers C pofés de champ
les uns fur les autres , dont on remplit enfuite l’intervalle
D de bonne terre graffe, après avoir retenu la
tête despieux A B de fortes moifes E boulonnées : ce
circuit de glaife fait, forme dans fon milieu un bâffin
rempli d’eau que l’on épuife alors à force de pompe,
jufqu’à ce que le fond foit à fec, & que l’on entretient
ainfi par leur fecours, jufqu’à ce qu’après avoir
enfoncé plufieurs files de pieux F jufqu’au bon ter-
rein , & au refus du mouton G , les avoir recouverts
d’un grillage de charpente compofé de longrines H ,
8c traverfines I , entaillées les unes dans les autres,
moitié par moitié, & recouverts enfuite d’un plancher
de plate-formes K attachées de dou x , on élève
deffus la maçonnerie qui forme la pile : ceci fait, on
défait le batardeau pour le placer de la même manière
dans l’endroit où l’on veut conftruire une autre
pile.
Manière moderne de piloter.
L’art de piloter félon la nouvelle manière, pour
la çonftruâion des piles de poutre en pierres , eft
d’un très-grand avantage. M. Belidor, célèbre ingénieur
, connu par plufieurs excellens ouvrages,
confidéroit & fe plaignoit même déduis long-temps
de toutes les dépenfes qu’on étoit obligé de faire
| lors de la conftru&ion des ponts en pierre, fâchant
| bien qu’il étoit poflible de piloter fans détourner
le cours des rivières, & fans le fecours des batardeaux
, comme on le fait pourries ponts de bois; la
difficulté ne confiftoit qu’à fcier lés pieux dans le
fond de l’eau horizontalement & à égale hauteur,
d’y pofer un grillage de charpente recouvert de plateformes,
& d’y placer les premières aflifes des piles;
il avoit en conféquence tenté' les moyens d’imaginer
une fcie qui pût fcier au fond de l’eau horizontalement
, dans l’efpérance de trouver l’invention des
autres chofesqui paroiffoient bien moins difficiles: fes
recherches n’ayant pas été haureufes, M. de Vauglie,
infpeéteur des ponts & chauffées de France, homme
induftrieux & connu par fes talèns, s’attacha beau-
k coup à cette partie, & nous donna,en 1758 , des
fruits merveilleux de fon génie.
Lors donc que l’on veut conftruire une pile en
pierre , on commence, pour la facilité des opérations
, par environner lé lieu où l’on veut l’élever
d’un échafaud pu phnchet folide compofé de plufieurs
files de petits pieux b , planche V I I I , fur lesquels
font appuyées plufieurs pièces de bois c affem-
blées entr’elles , & arrêtées fur des petits pieux b ,
furmontés de madriers ou plate-formes 1 & fn , fondement
attachés fur les pièces de bois c ; enfuite on
plante plufieurs files de gros pieux d au refus du
mouton e , à environ 3 pieds de diftance l’un de
l’autre, & autant qu’il en faut pour foutenir la pile
avec folidité ; tous ces pieux ainfi enfoncés plus ou
moins, félon la profondeur du bon terrain, fe ré-
cèpent tous au- fond de l’eau , à la hauteur que l’on
juge à propos, & de niveau avec une fcie mécanique
dont nous allons voir la defcription.
Defcription des moyens mis en ufage pour fonder fans
batardeaux ni épuifement les piles du pont de Saumur
furie grand bras de la rivière de Loire, en 1737 6»
années fuivantes.
l’approbation des infpeéteurs généraux des ponts &
chauffées, nommés par le miniftre pour examiner
cette nouvelle méthode de fonder, ne laiffent aucun
doute ni inquiétude tant fur la folidité des ouvrages
que fur les avantages & l’économie confi-
dérable qui en réfultent. On va donner les détails
de ces différens moyens imaginés & mis en ufage
par M. de Vauglie , ingénieur du roi en chef pour
les ponts & chauffées de la généralité de Tours ,
& par M. de Ceffart, ingénieur ordinaire des ponts
& chauffées au département de Saumur.
Avant cependant d’entrer dans aucun détail fur
cette nouvelle méthode, il paroît indifpenfable de
donner une idee’ de la manière de conftruire avec
batardeaux & épuifemens , pour mettre toute per-
fonne en état de juger plus fûrement de l’une ôc
de l’autre méthode.
Manière de fonder avec batardeaux & épuifemens. -
La rivière de Loire fe divife à l’entrée de la ville
de Saumur en fix bras ou canaux, fur lefquels font
conftruits cinq ponts & une arche.
Le mauvais état de ces ponts, & principalement
de celui conftruit en bois , fitué fur le grand bras de
la rivière, ayant déterminé le confeil à en ordonner
' la reconftruâion en pierre, il fut fait en 1753 & 1754
un projet général par le fleur de Vauglie, ingénieur
du roi en chef pour les ponts & chauffées de la généralité
de Tours, par lequel il réduit les fix bras
* a trois, en augmentant néanmoins confidérablement
le débouché de la rivière.
; Ce projet général fut approuvé par le miniftre,
& la conftruâion du pont fur le grand bras , com-
pôfé de douze arches de dix toifes chacune de diamètre
, jugée îa plus urgente,
i : L’ingénieur forma les devis & détails des ouvrages
| a faire pour la conftruéfion de ce pont ; il en entama
même l’execution dans le courant de l’année 1756 ,
avec batardeaux & epuifement, fuivantl’ufage adopté
K jufqu’à ce jour ; mais il ne tarda pas à reçonnoître
r les difficultés prefqu’infurmontables que devoit oc-
| cafionner ce travail, par la profondeur de l’eau fous
1 etiage, où les baffes eaux étoient en quantité d’endroits
de.ï 5 à 18 pieds : on Iaiffe à juger de là dif-
I ficulté de trouver des bois propres à la conftruâion
des batardeaux, de celle de ..les mettre en oeuvre
& encore plus du peu de folidité de ces mêmes bà-
I tardeaux, toujours expofés à des crues fortes & fréquentes;
ce qui, en rendant le fuccès des épuifemens
f fort douteux, en auroit augmenté confidérablement
la dépenfe, & n’eût jamais permis de defcendre les
[ fondations de ce pont à une profondeur fuffifante
fousrétiage. L’ingénieur, convaincu de tous ces in-
} convenions, crut donc devoir recourir à des moyens
! Je conP:rU(^ion plus fimplès , plus fur s & moins
I mfpendieux, en ne f aifant ufagè ni de batardeaux
d’épuifemens..
Lé fuccès de-deux campagnes & dès fondations de
trois piles,, le fuffrage de plufieurs ingénieurs, 6c
Pour conftruire un pont , ou tout ouvrage de
maçonnerie, dans l’eau , foit fur pilotis , foit en
établiffant (les fondations fur un fond reconnu bon
& folide , on n’avoit point trouvé de moyen plus
fûr pour réuffir , que celui -de faire des batardeaux
& des épuifemens. Ces batardeaux ne font
autre chofe qu’une enceinte formée de double ran<r
de pieux battus dans le lit de la rivière fur deux
files parallèles, de palplanehes ou madriers battus-
jointivement & debout au devant de chacun defdits-
rangs de pieux, de terre glaife dans l’intérieur de
ces palplanehes, & de pièces de bois tranfverfales-
qui fervent à lier entr’eux les pieux & madriers pour
en empêcher l’écartement par la pouffée de la glaife.
Cette, enceinte comprend ordinairement deux piles 3,
& lorfqu’elle eft exactement fermée, on établit fur
le batardeau même un nombre fuffifant de chapelets
, ou autres machines femblables, propres à enlever
toute l’eau quelle contient à la plus grande-
profondeur poflible. Cette opération une fois commencée,
ne difeontinue ni jour , ni nuit, jufqu’à ce-
que les pieux de fondation fur Jefquels la pile doit
être affife foient entièrement battus au refus du-
mouton très-pefant ,.que ces.mêmes pieux foient
recépés de niveau à la plus grande profondeur pof-
fible, & qu’ils foient coiffés d’un grillage compofé*
de fortes, pièces de bois recouvertes elles-mêmes de
madriers jointifs ; c’eft fur ces madriers ou plateformes
qu’on pofe la première afliffe en maçonnerie s,
qui, dans tous les ouvrages faits dans la Loire, n’a;
jamais été mife plus bas qu’à fix pieçls fous l’étiage r
par la difficulté des épuifemens. Lorfque la maçonnerie
eft élevée; au deffus des eaux ordinaires , oir
ceffe entièrement lë travail des çhapelèts Qu autres»
machines Hydrauliques, on démolit le batardeau &
l’on arrache tous Jes pieux qui le compofoient. Cette*
opération fë répète toutes les fois qu’il eft queftion»
de fonder. On imagine fans peine les difficultés, les»
dépenfes & l’incertitude du fuccès de ces fortes
d’opérations,;