
rois ; mais cet ùfage fut introduit peu à peu. Ces
cuirafles, dans les premiers temps, etoient de cottes
de mailles qui couvroient le corps depuis la gorge
jufqu aux cuilfes : on y ajouta depuis des manches
& des chauffures de même. Comme une partie de
l’adreffe des combattans, foit dans les batailles, foit
dans les combats particuliers, étoit de trouver le
défaut de la cuirafle. afin de percer par là l’ennemi,
nos anciens chevaliers s’appliquèrent à rendre les
pièces de leur armure d’une trempe li forte & d’une
union fi parfaite, quelles étoient impénétrables.
Cette manière de s’armer tout de fe r , a duré
long-temps en France ; & elle étoit encore en ufage -
fous Louis XIII, parce qu*il y avoit peu de temps
qu’on avoit ceffé de fe fervir de la- lance dans les
armées. O r , c étoit une néceffité de s’armer de la
forte contre cette efpèce d'arme , dont on ne pou-
voit fe garantir que par la réfiftance d’une forte armure.
Sur la fin du règne de Louis X I I I , notre cavalerie
étoit encore armée de même pour la plupart.
Un officier de ce temps-là, qui fit imprimer un livre
des principes de l’art militaire en 16 41, dit : « Nos
j> gens de cheval font u bien armés , qu’il n’eft pas
» befoin de parler d’autres armes, car ils ont la
31 cuirafle à l’épreuve de l’arquebufe, 6c les taflettes,
» genouillières , hauffe-cols , braffarts , gantelets,
31 avec la falade dont la vifièrè s’élève en haut 6 c
31 fait une belle montre il les faut armer à cru
j> & fans cafque, car cela a bien plus belle montre ;
j> & pourvu que la cuirafle foit bonne , il n’importe
33 du refte : il feroit bon que feùlement la première
5) brigade qui feroit au premier rang , eût des lances
33 avec des piftolets ; car cela feroit un grand effort,
3> foit aux hommes, foit aux chevaux des ennemis;
» mais il faudroit que ces lanciers-là fuffent bien
adroits, autrement ils nuifent plus qu’il ne fer-
3t vent. n
Les chevaux avoient auffi dans les anciens temps
leur armure• On les couyroit d’abord de cuir; on fe
contenta enfuite de les couvrir de lames de fer fur
la tête 6c le poitrail feulement, 6c les flancs de cuir
bouilli. Ces armes défenfives du cheval s’appe-
loient des bardes ; 6 c un cheval ainfi armé, s’ap-
peloit un cheval bardé.
On lit dans les anciens auteurs, que le chevaux
de batailles avoient quelquefois des.’ couvertures
faites de mailles de fen
Par une lettre de Philippe-le-Bel, datée du 20
janvier 1303 , au bailli d’Orléans : Il eft ordonné que
ceux qui avoient 500 liv. de revenu dans ce royaume
en terres, aideront d’un gentilhomme bien armé 6c
bien monté, d’un cheval de cinquante livre tournois,
& couvert de couverture de fer ou couverture de pour-
pointe.
Il eft fait encore mention de Farmure d’un cavalier,
dans une ordonnance de Henri II : «Ledit
v homme d’armes fera tenu de porter armet petit
31 6c grand, garde-bras , cuirafle, cuiflots, devant
31 de grèves ,. avec une groffe , & forte lance ;
n entretiendra quatre chevaux, & les deux de fervicé
11 pour la guerre , dont l’un aura le devant garni dé
» bardes avec le chamfrain & les flancois ; 6c fi bon
11 lui femble, aura un piftolet à l’arçon de la felle. >»
Les flancois étoient l’armure des flancs du cheval;
ces flancois étoient de cuir bouilli, fouvent ornes
d’écuflons ou d’armoiries.
Le chamfrain qui étoit de métal ou de cuir bouilli,
fervoit encore d’armes défenfives au cheval ; il lui
couvroit la tête par devant, 6c c’étoit comme une
efpèce de mafque qu’on y ajuftoit, On voit encore
dans les cabinets qui renferment d’anciennes armures,
des chamfrains ayant dans le milieu un fer rond 6c
large qui fe termine en pointe allez longue, propre
à percer tout ce que la tête du cheval choqueroit.
L’ufage du chamfrain étoit pour garantir le. cheval
de la lance, & même du piftolet. Les feigneurs fran<»
çois fe piquèrent autrefois de magnificence fur cet
article; Le comte de Saint-Pol, au liège- de Harfleur
en 1449, avoit un chamfrain à fan cheval d armes 9
prifé trente mille écus. Mais communément ces chamfrains
étoient de cuivre doré pour la plupart, ou de
cuir bouilli. On trouve dans le traité de la cavalerie
françoife de M. de Mongommeri, que du temps de
Henri I V , on donnoit encore des chamfrains aux
chevaux.'
Cette armure étoit néceffaire pour lés hommes
comme pour les chevaux , afin de les garantir des
coups de lances. Mais depuis que cette arme eft
paflee d’ufage, Y armure a aulfi ceffé d’être- employée.
On a abondonné non-feulement: les chamfrains, mais
encore tous ces harnais à caufe de Ifeur pefanteur a
de l’embarras & de la dépenfe qu’ils caufoient.
Quant aux armes défenfives de l’infanterie-, on
en trouve la defeription dans une. ordonnance de
Jean V , duc de Bretagne, publiée en 1 5 *
« Jean par la grâce de Dieu : Voulons 6c ordom
11 nonsque des gens de commun, de notre pays &
ii duché, en outre les-nobles, fe mettent en appareil
n promptement & fans délai ; lefquels. foient garnis
n d’armes. &. habillement qui enfüivent , fàvoir ;
ir ceux qui ,fauront tirer de Farc , qu’ils aient arc 9
» trouffe,. capelinecouftille , hache , ou mail de
’ 11 plomb, &. fuient armés de farts Jacques garnis
11 de laifçhes, chaînes ou mailles pour couvrir le
11 bras; qu’ils foient armés de Jacques r capelines,
« n haches ou bouges, avec ce ayant paniers.de tremble
j* ou autre bois plus convenable qu’ils- pourrons
» trouver,. 6c foient les paniers affez longspour cou-
: 11 vrîr haut & bas. 11
Les armes défenfives qu’on donne ici aux piétons?
font la capeline, 1 % Jacques 6c le panier„
La capeline étoit une efpèce de cafque de fer ; le
Jacques étoit une efpèce de jufte-au-corps. Les piétons
portoient cet habillement garni de laifçhes, c’eft-à-dire
de minces lames ou plaques de fer entre la doublure
& l’étoffe, ou bien de-mailles.. Ces paniers de tremble.
dont il eft parlé dans l’ordonnance.,, étoient lesbou*
cliers des piétons : on les appelle paniers , parce qu en,
dedans ils étoient' creux 6c faits d’ofier. L’ofier étoit
couvert de b.oi$ de tremble ou de. peuplier qui eft
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J.X. n. ivl
bois blanc & fort léger. Ils étoient affez longs pour
couvrir tout le corps du piéton.
Du temps de François l , les piétons avoient, les
uns des corcelets de lames de fer , qu’on appeloit
hallecrets ; les autres une vefte de maille, comme
nous l’apprenons du livre attribué à Guillaume du
Bellay, « La façon du temps préfent, dit-il, eft d’ar-
>1 mer l’homme de pied d’un hallecret complet, où
31 d’une chemife ou golette de mailles .& cabaffet;
il ce qui me femble, ajoute-t-il , fuffifant pour la
31 défenfe de la perfonne, & le trouve meilleur que
n la cuirafle des anciens n’étoit. 11
L’armure des francs-archers çloit avoir été à peu
près la même que celle du refte *de l’infanterie françoife.
Nous avons vu de notre temps donner encore
aux piquiers des cuirafles de fer, contre les coups
de piftolet des cavaliers qui les attaquoient en caracolant
pour faire brèche au bataillon, 6c enfuite
l’enfoncer. M. de Puyfégur dans fes mémoires, dit
qu’en 1387, les piquiers des régimensLdes gardes 6c
de tous les vieux corps, avoient descorcelets, Sc
qu’ils en portèrent jufqu’à la batailleae Sedan, qui
fut donnée en 1641. Les piquiers du régiment des,
gardes fuiffes, en ont porté jufqu’au retranchement
des piques fous le règne de Louis XIV.
Les deux planches ci-jointes donneront une con-
noiffance plus ample & plus particulière des armes
& armures des anciens François.
Planche I , fig. 1 ; elle repréfente un ejlradiot à
cheval, avec fon arzegaye qu’il tient de la main
droite ; il a les manches 6c les gantelets de mailles ,
& eft revêtu d’une foubrè-vefte. A l’arçon de la felle
pend une maffue ou malle d’armes. Les eflradiots,
les argoulets & les carabins compofoient la cavalerie
légère, & étoient à peu près armés de même. On
donnoit auffi aux eftradiots le nom de cavalerie
albanoife.
Quant aux argoulets, ils étoient armés de même
que les eftradiots, excepté la tête pii ils mettaient
un cabaffet, qui ne les empêchoit point de coucher
en joue.
Leurs armes offenfives étoient l’épée au côté,
la malle à l’arçon gauche ; & à droite une arque-
bufe de deux pieds 6c demi de long, dans un fourreau
de cuir bouilli.
Les armes défenfives des carabins étoient une
cuirafle échancrée à l’épaule droite , afin de mieux
eoucher en joue ; un gantelet à coude pour la main
de la bride , le cabaffet en tête ; 6c pour les armes
offenfives, une longue efcôpette de trois pieds &
demi pour le moins , & un piftolet.
Fig. 2 ; fantaffin arbalétrier avec fon armure.
Il paroit vêtu d’un de ces Jacques de cuir de
cerf, que Louis XI fit prendre aux francs-archers.
Le chaperon qui eft rond 6c le gorgerin étoient
d une pièce. Il eft couvert d’une robe fans manches,
, femblable une cotte d’armes, qui va jufqu’au
oelkms des genoux. Il tient de la main droite une
leche empennée, & de la main gauche une alba-
Les figures du bas de cette première planche, re-
préfentent différentes fortes d’épées anciennes 6c
de diverfes nations, que l’on voit au cabinet d’armes
de Chantilli, telles que fig. 3 , le braquemart ou épée
courte ; fig. 9 9 l’épée de rencontre ; fig. 4, l’eftocade
ou épée de longueur ; fig. 10-10, l’efpadon pour
lequel on fe fert des deux mains ; fig. n , l ’épée
fourrée ou en bâton ; fig. f , l’épée à la fuiffe ; fig 6 ,
l’épée à l’efpagnole ; fig. 7 , le poignard ; fig. 8 , la
baïonnette ; fig. 12 , le îabre ; figi i j , le cimeterre ;
fig. 14 , maffe d’armes de Bertrand du Guefclin ;
fig. /ƒ-/ƒ, maffe d’armes de Roland 6c d’Olivier, fi
fameux du temps de Charlemagne , que l’on voit à
Roncevaux ; fig. 16 , autre maffe , le boulet pèfe
environ huit livres, le manche a deux pieds 6c demi
de long ; fig. 1 7 , maffue ; fig. 18, hache d’arme du
connétable Cliffon.
Planche I I , fig. / ; elle repréfente un gendarme
d’après un monument du commencement du 13®
fiècle. 1 , cafque ou heaume ; 2 , haufle-col ; 3 ,
cuirafle ; 4 , épaulières ; 5 , braffarts ; 6 , gantelets ;
7 , taflettes ; 8 , cuiffarts ; 9 , genouillières ; 10 ,
grèves ou armures des jambes. On voit dans le lointain
le cheval du gendarme ou du chevalier. La
tête du cheval eft couverte par un chamfrain , & le
corps eft bardé. Cette dernière figure eft tirée, de la
médaille de Charles V I I , & de la figure de Philippe-
Ie-Bel, qui eft dans l’églife de Notre - Dame de
Paris.
Les figures 2 , 3 , 4 , repréfentent des cimiers l
c’eft-à-dïre, des ornemens que les chevaliers mettoient
au deflus de leur heaume ou cafque.
La fig. 2 , eft le cimier royal ; c’eft une couronne
placée au deflus du cafque, qui a une yifière remplie
de petites grilles. :
La fig. 3 , eft le cimier du comte de Boulogne
Dammartin, à la bataille de Bovines; c etoient deux
cornes faites de fanons de baleine.
La fig. 4 , eft le cimier du connétable de Cliffon.
La fig. eft un bonnet de mailles que l’on mettoit
fous le cafque.
Les figures dû bas de cette planche I I , repréfentent,
lavoir :
Fig. 6 , le chamfrain, pièce principale du harnois
du cheval ; il y en avoit de métal & d’autres de
cuir bouilli.. Le chamfrain fervoit d’arme défenfive
au cheval, auquel on l’appliquoit comme un mafqua
ou cafque.
Fig. 7 , eft la rondelle ou rondache, bouclier,
Fig. 8 , rondelle ovale , autre bouclier,
Fig. çr, la targe ou le bouclier de piéton.
Fig. 10., autre bouclier de piéton.
Fig. u , bouclier de cavalier,
Fig. 12, grande targe appelée pavois ou tallevas.
Ceux qui les portoient, s’en fervoient pour fe mettre
à couvert des traits que les affiégés lançoient de
deflus leurs murailles, 6c couvroient auffi les archers
des affiégeans, qui, à la faveur de cet abri, pou»
voient tendre leurs arquebufes.
Fig., 13, pertuifane,.
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