
tion de la terre abforbante , & que la pâte s’affine
également dans toute la malle. Je ferai remarquer
ici une vérité affez importante | prouvée par tous
ces effais multipliés , qui eft que l’air agit moins efficacement
& moins promptement que la matière brute
8c sèche, pour dégager l’eau de la craie imbibée.
Enfin l’ouvrier Forme avec les mains feules des
pains de la pâte de craie, dont la figure eft celle
d’un parallélipipède émoufle par les côtés ou arêtes ;
les plus gros n’excèdent pas trois livres : pour le débit
en détail, on en fait des pains arrondis en forme
de mamelle.
Il ne refte plus maintenant qu’à expofer la manière
dont on fait fécher les pains nouvellement formés;
& il y a encore une petite manipulation fort fine &
fort phyfique. Comme les pains ont fix faces, il n’y
en a que cinq qui puiffent être expofées à l’air, le
pain étant pofé.fùr la fixième ; fi celle-ci ne féchoit
pas dans la même progreffion que les autres, peut-
être y auroit-il à craindre des gerçures, ou au moins
on feroit dans la néceffité de retourner fouvent les
pains. Mais par une fuite de procédés 8c de réflexions
, l’ouvrier a fenti qu’il éviteroit tous ces
inconvéniens 8c ces embarras, en pofant ces pains
nouvellement formés fur des moëllons fecs de la
craie de Villeloup , de trois ou quatre pouces d’épaif-
feur : le moëllô'n sèche l’humidité, & en enlève autant
que l’air ; ils en prennent une fi grande quantité,
qu’il leur faut un beau jour d’été pour fe fécher , &
être en état de recevoir de nouveaux pains. C’eft dans
l’endroit le plus élevé des maifons, 8c le plus expofé
à l’aâion de l’air , que les vinaigriers ( car ce font
eux qui à Troyes font attachés à cette befogne )
préparent le blanc, 8c qu’ils confervent la vieille
eau blanche qui doit détremper le blanc brut; ils
ne travaillent à cette fabrique que depuis le mois
d’avril jufqu’à la fin du mois d’o&obre: la moindre
geléedérangeroittoutletravail, 8cdiflbudroit même
lesJ.pains nouvellement formés.
Les pains, une fois féchés, font extrêmement fragiles
, les molécules qui les forment n’ayant point
naturellement de vifcofité qui puiffe les lier entre
elles, & les ouvriers ne faifant entrer aucune efpèce
de colle dans leur préparation , il eft néceflaire que
les parties crayeufes foient unies feulement par une
juxtapofition , qui eft l’ouvrage de l’eau *. cette non
vifcofité paroît même un point important par rapport
à la bonté du blanc.
De toutes les différentes carrières de craie qui fe
trouvent aux environs de T roy es , & qui fourniffent
des matériaux propres pour les édifices, il n’y a que
celle de Villeloup dont la craie ait été jufqu’à préfent
accueillie par les ouvriers, comme ayant toutes les
qualités requjfes pour fe prêter à toutes les opérations.
Quelques-uns, ayant voulu épargner les frais
de voiture, avoient tenté de préparer la craie tirée
des carrières plus voifines de Troyes ; mais ils ont
trouvé plus de difficulté à lafaçonner qùe la matière
de Villeloup , 8c moins de blancheur dans les pains
qui çn provenaient. Quelques cantons de Villeloup
fourniffent même de la craie dans laquelle lés ouvriers
rencontrent des marques de vifcofité fenCibles , qui
l’empêche de palTer facilement au moulin, 8c qui,
en général, la rend peu fufceptible de fe prêter à
toutes les manipulations.
Il paroît donc que toutes les qualités requifes par
nos ouvriers pour la matière du blanc , font, i°,
qu’elle foit très-blanche ; 2°. qu’elle foit tendre 8c
friable ; 30. qu’ellenefoit point vifqueufe ; 40. qu’elle
foit exempte de toute, terre ou pierre étrangère r
tels que les petits graviers ou molécules ferrugineufes:
les ouvriers prétendent qu’il ne faudroit qu’un grain
de gravier, gros comme une tête d’épingle, pour arrêter
l’ouvrage du moulin , 8c les obliger à le démonter.
La craie de Villeloup réunit toutes ces qualités ;
elle donne le plus beau blanc ; elle eft fans aucun
mélange , 8c fe prête à tous les procédés effentiels
dont nous venons de donner les'détails.
Ces confidérations nous conduifent naturellement
à faire mention du blanc qui fe façonne au Cavereau,
village à neuf lieues au deffous d’Orléans fur îa Loire,
&dont M. Salerne, médecin à Orléans, & correfpon-
dant de l’académie des fciences de Paris, parle dans
un difcours inféré tom. I I , pag. $ des mémoires pré-
fentés à cette académie ; il nous apprend que cette
craie de Cavereau eft grade 8c liée » propre à fe
détacher en malle comme la marne, & que les ha-
bitans de Cavereau la mêlent par petits tas qu’ils
pétrifient à pieds nus , en ôtant toutes les petites
pierres , 8c en y jetant de l’eau à différentes reprifes.
Après cette première opération , ils en forment des
rouleaux gros comme le bras ; puis ils les coupent
au couteau par morceaux de la longueur d’enviroi.
quatre à cinq pouces, pour les mouler carrément &
uniment en les tapant fur une petite planche. Tel
eft , ajoute-t-il, le blanc d'Efpagne qu’ils nomment
grand blanc ou blanc carré, à la différence d’une autre
forte qu'ils appellent petit blanc ou blanc rend. Le
dernier eft effeélivement arrondi en forme de mamelle
; il eft plus fin & plus parfait que le précédent
, parce qu’étant façonné à la main, il contient
moins de gravier ou de pierreries. Ce travail dure
jufqu’à la vendange , ou jufqu’au commencement dçs
froids 8c des mauvais temps ; alors ils le ceflènt,
parce qu’il faut un beau foleil pour fécher le blanc.
En comparant enfemble les effets du blanc de Troyes
avec ceux du blanc d'Orléans, 8c d’après la. plus légère
infpeéfion & les ufages les plus communs, il
n’y a pas lieu d’héfiter à donner la préférence à celui
de Troyes. Les couches du blanc de Troyes font plus
uniformes, plus brillantes, plus blanches, parce que
les molécules en font plus fines, 8c fans aucun mélange
de grumeaux pierreux , tels qu’on les découvre
aifément à l’oeil dans les pains d’Orléans. Enfin , fi
l’on emploie le blanc de Troyes comme terre abforbante,
il y a tout lieu de croire que la matière, n’ayant
aucune vifcofité , & étant d’ailleurs réduite en molécules
plus fines que celles du blanc clOrléans , doit
avoir des effets beaucoup plus complets 8c beau??
coup plus prompts ; car les terres abforbantes agiffeiit j
en proportion de la divifion de leurs parties ; d’ail- !
leurs les petites pierres 8c filex du blanc d'Orléans ;
peuvent déchirer les étoffes, & les parties ocreufes
les tacher , lorfqu’on emploie le blanc pour les dé-
graiffer.
Depuis quelque temps on débite à Paris des pains
de blanc encore plus groftier que celui d’Orléans,
fous le nom abufif de blanc d’E[pagne. La matière de
ce blanc fe tire proche de Marly 8c au deffous de
Meudon ; on la détrempe dans des tonneaux ; on la
brade , & l’on tire l’eau chargéedes molécules crayeufes
qu’ori laiffe repofer enfuite ; on forme les pains
du fédiment qu’on fait fécher comme ceux du Cavereau
:1a craie paroît fort graffe au toucher, 8c eft
mêlée de matière ôcreufe.
L’ufage du blanc eft affez connu ; on en blanchit
les appartemens ; il fert de terre abforbante pour
dégraiffer les ferges , les draps, les couvertures , au
lieu de les blanchir au foufre : on en met aufli une
première couche avec de la colle, fur les moulures ,
cju’on fe propofe de dorer : il fert aufli de bafe pour
etendre certaine préparation terreufe colorée.
La matière brute voiturée à Troyes vaut 4 à 5 fous
le boiffeau du pays. Les ouvriers prétendent qu’il
en faut trois boiffeaux pour un cent pefant ; mais on
en peut douter , fi l’on confidère que le boiffeau de
Troyes contient vingt pintes du pays qui correfpon-
derit à vingt-quatre pintes de Paris ; 8c comme on
mefure comble la matière brute du blanc , il eft à préfumer
que le boiffeau contient alors vingt-fix pintes
de Paris : il ne paroît pas vraifemblable qu’ils emploient
foixante-dix-huit pintes de blanc pour un cent
pefant : quoi qu’il en foit, le blanc d’une médiocre
qualité fe vend 2.5 à 30 fous le cent ; 8c le plus parfait
quelquefois jufqu’à 40 8c 45 fous le cent pefant,
pris en gros. Cette marchandife eft plus cnère en
temps de paix ; le blanc brut augmente aufli de prix
à proportion.
Les vinaigriers en font des envois dans tout le
royaume, & même en A llemagne & pays étrangers.
Le blanc de chaux eft le meilleur qu’on puiffe employer
dans la peinture à frefque. Il fe mêle aifément
avec toutes les autres couleurs" ; l’ufage en eft bon
& facile , pourvu qu’ff foit compofé d’excellente
chaux éteinte depuis un an ou fix mois tout au moins :
on la délaye avec de l’eau commune ; enfuite on ia
verfe doucement dans un vafe ; on y laiffe dépofer
ce blanc qu’on emploie après avoir ôté l’eau qui le
couvre.
Quelques auteurs font mention de la poudre faite
avec du marbre blanc pilé. On mêle un tiers de cette
poudre avec deux tiers de chaux ; mais il eft à craindre,
fi la proportion, qui doit varier à caufe des différentes
qualités de la chaux, n’eft pas jufte, qu’il n’en réfulte
des inconvéniens.
Voici une autre compofition de blanc qui peut être
utile dans la peinture à frefque.
On raffemble une grande quantité de coquilles
d'oeufs,* on les pile, on les nettoie en les faifant
bouillir dans de l’eau avec un morceau de chaux
vive ; on les met dans la chauffe, 8c on les lave,
avec de l’eau de fontaine ; on recommence enfuite
à les piler pour en compofer une poudre encore plus
fine , qu’on fait tremper de nouveau, jufqu’à ce que
l’eau avec laquelle on lave cette poudre foit fi claire,
qu’elle n’ait aucune empreinte de malpropreté. Lorsqu'elle
eft à ce point, on fe fert de la pierre & de
la molette pour broyer cette poudre avec de l’eau
commune , autant qu’il eft néceflaire, 8c l’on en
forme de petits pains qu’on laiffe fécher au foleil. Il
faut remarquer que fi ces coques reftoient trop longtemps
dans la même eau, elles exhaleroient une odeur
entièrement fétide & infupportable , qu’on ne pour-
roit difliper qu’en les faifant cuire dans un fourneau,
après les avoir enfermées dans un vafe de terre bien
luté.
Le blanc de plomb , ou cérufe , eft une forte de
rouille que donne le plomb, ou plutôt c’eft du plomb
diffous par le vinaigre. Cette couleur eft d’un grand
ufage pour les peintres : ce blanc eft parfaitement
beau. Dans les ouvrages à détrempe , où il y a plu-
fieurs teintes ou nuances à faire , on mêle le blanc
de plomb avec le blanc d'Efpagne ou de Troyes, car
il a plus de corps 8c fe travaille plus facilement. Mais,
pour la peinture à l’huile , on n’emploie que du blanc
de plomb.
Il y a deux manières de faire le blanc de plomb.
1°. Dans la première, on réduit le plomb en lames
qu’on trempe dans du vinaigre fort, 8c qu’on gratte
tous les jours pour en ôter la rouille formée fur la
furface, répétant cette opération jufqu’à ce que le
plomb ait entièrement difparu.
2°. Dans la fécondé , on forme, avec de petites .
lames de plomb, des rouleaux femblables à des rouleaux
de papier, obfervant feulement de laiffer un
peu d’efpace entre chaqüe feuille du rouleau. On
fufpend ces lames dans le milieu d’un pot de terre ,
au fond duquel eft du vinaigre ; on ferme enfuite
exaéiement ce p o t, & on l’enferme dans du fumier
pendant trente jours ; après quoi on l’ouvre & on
y trouve le plomb comme calciné, & réduit en ce
qu’on appelle cérufe ou blanc de plomb ; on le divife
en monceaux , 8c on le fait fécher au foleil.
On fe fert du blanc de plomb dans la peinture à
l’huile 8c dans la peinture en détrempe.' La couleur
qu’il donne eft belle ; ;mais il eft un peu dangereux
pour ceux qui le broient 8c pour ceux qui l’emploient.
Le blanc de plomb eft aufli employé comme un
cofmétique pour blanchir te peau ; & on en fait le
fard.
On fait le blanc de plomb pour le fard, en mettant
du vinaigre & d e l’orge perlé le plus beau, dans
un vaiffeau qui ait un couvercle de plomb. On place
le tout en cet état dans un lieu chaud : la vapeur du
vinaigre calcine le plomb, 8c forme un blanc qu’on
détache pour en faire le fard. On prétend que l’orge
joint au vinaigre, empêche les mauvais effets du
blanc de plomb ; faute d’orge, on y fubftitue du riz ;