
on en a une fécondé beaucoup plus petite, ou l’on
fait fondre l’alun ôc le vitriol, & après leur fufion
on verfe les deux liqueurs dans une jane ou tonneau
préparé exprès. La fermentation s’y fait quelquefois
Il v iv e , que les liqueurs s’exhalant en écume, for-
tent en partie du tonneau ; on remue enfuite la
fécule avec un gros bâton , afin que les deux liqueurs
s’incorporent mieux , ôc pour lors le bleu fe trouve
fait.U
n quart d’heure après, on le fort de la jane pour
le mettre dans des futailles , où on le lave jufqu a
ce que l’eau loit infipide. Quand on le tire de la
jane, il eft de couleur de caté au lait ; le lendemain
qu’il eft dans les futailles , fa furface eft verte ; &
la couleur bleue ne vient qu’après la diflolution des
fels, qui eft occafionnée par les divers lavages, &
que l’eau entraîne avec elle.
Dès que la fécule eft bien lavée & réduite à un •
beau bleu , on la paffe dans un tamis de crin à
demi fin , qu’on met fur des lattes tranfverfales qui
appuient fur des tréteaux où font des toiles bien propres
, fur lefquelles on la laiffe pendant quatre ou
cinq jours, ôc jufqu’à ce qu’il n’en coule plus d’eau.
La fécule devenue en pâte , on la coupe par
petits morceaux , on la met fur des planches ; c e ,
pour lui donner une couleur plus v iv e , on la fait
fécher à l’ombre autant que faire fe peut.
Le marc de la calcination , c’eft-à-dire , ce qui
refte de la leflive du fang de boeuf, après avoir paffé
fur les toiles & en avoir extrait toute la liqueur , eft
infiniment meilleur à brûler que les mottes & la
tourbe, ne fume jamais & ne donne aucune odeur
défagréable : on le met ordinairement en petits pains
pour le faire fécher ; les cendres qui en proviennent,
après qu’ils ont été brûlés , font excellentes pour les
blan chiffe ufes de linges; elles les préfèrent même à
la foude.
Le bleu de Pruffe , préparé & calciné , fert auffi
à faire l’encre bleue pour écrire.
Bleu de Saxe , ou bleu cCa^ur de Saxe.
Pour faire ce bleu, on mêle le fafre, ( qui eft une
efpèce de chaux de cobalt d’une couleur grife un
peu rougeâtre ) ; on mêle , dis-je, le fafre avec une
partie & demie de cendres gravelées , ôc on fait
fpndre ce mélange dans des creufets, jufqu a ce qu il'
foit parfaitement vitrifié ôc réduit en un beau verre
blanc.
Il fe fait, pendant la fufion , une féparation de
matière étrangère noirâtre, qui eft rejetée au milieu
de la furface de la matière; onia nomme fpeis.
On fépare avec grand foin cette fubftance, parce
qu’elle gâte le bleu du verre ; on donne même une
rétribution aux ouvriers par chaque livre qu’ ils en
retirent, afin de les engager à la féparer le plus qu’il
leur eft poffibie : alors on remue le verre fondu
dans le creufet , afin qu’il foit bien mêlé ; on le
chauffe de nouveau pendant un quart d’heure ou
une demi-heure ; on le puife enfuite avec des cuillers
jje fer , ôc on le jette tout rouge dans des baquets
pleins d’eau, afin d’étonner le verre, ôc qu’il puiffe
le réduire en poudre plus facilement. Après l’avoir
pulvérifé , on le paffe au travers d’un crible de
cuivre femblable à celui dont on fe fert pour le fafre ;
alors on en fixe le prix Ôc on le met dans des tonneaux.
Voici de quelle manière on établit le prix de
cette marchandife.
Dans toutes les manufactures où l’on fait de l’azur,
on en a des échantillons de différentes nuances &
de différentes beautés, dont les prix font fixés, 6c
qui reftent entre les mains du directeur de la manufacture
; on compare le bleu*d’azur qu’on vient de
faire avec ces échantillons ; ôc après avoir reconnu
celui auquel il reffemble, on le fixe au même prix
que celui de l’échantillon.
On marque fur les tonneaux , avec un fer rouge,
différentes lettres qui défignent la qualité ÔC le prix
du quintal comme il fuit :
O , H , 36 livres argent de France.
F , H , 62 liv.
F , F , F, F , 158 lir.
O , C , 34 liv.
O , E , 42 liv.
M , E , 50liv.
F , E , 70 liv.
F , F , E , 94 liv.
M , C , 42 liv.
F , C , 62 liv.
F ,F ^ C , 90 liv.
F , F , F , C , 140 à 160 liv. (Diêl. des A . & M.)
Safre ou bleu d'azur de Bohême, de Wiriemberg, de
Sainte*Marie aux Mines , ÔCc.
On fait auffi du fafre ou bleu d'azur de cobalt en
Bohême , dans le duché de Wïrtemberg, à Sainte-
Marie aux Mines en Lorraine, &c. 11 eft vrai que
l’on donne la préférence à celui des Saxons.
11 y a lieu de croire que cela vient de leifr grande
expérience , de la bonté du cobalt qu’ils emploient,
ôc du choix des matières dont ils font le verre.
Comme ce cobalt eft une fubftance minérale qui fe
trouve très-abondamment prefque par-tout où il y
a des mines, il eft à préfumer qu’on réuffira auffi
bien que les Saxons , en apportant à ce travail la
même attention qu’eux. i° . Il faut bien choifir les
cailloux dont on fera la fritte du verre ; fouvent des
cailloux qui paroîtront parfaitement blancs ôc purs,
contiennent des parties ferrugineufes*que l’aélion du
feu développe ; alors ces cailloux rougiront ou jauniront
par la calcination, 6c ils pourront nuire à la
beauté de la couleur du fafre. D ’un autre côté , il y
a des cailloux qui, quoique naturellement colorés ,
perdent cette couleur dans le feu ; ceux-là pourront
être employés avec fuccès. On voit par-là qu’il faut
s’affurer par des expériences, de la qualité des cailloux
qu’on emploiera. Au défaut de cailloux , on
pourra fe fervir d’un fable blanc ÔC bien pur ; 20. il
faut que la potaffe, la foude ou le fel alkali fixe
que l’on mêlera dans la fritte du verre, foit auffi
parfaitement pur ; 30. il ne faut point négliger l’eau
dans laquelle on éteint le verre blanc au fortir du
fourneau, afin de pouvoir le pulvérifer pins facilement
; fi cette eau étoit impure ÔC mêlée de particules
étrangères, elle ppurroit nuire à la beaute
du fafre. ,
En général, ce travail exige beaucoup de nettete
ÔC de précaution.-
Bleu tenant lieu d'outremer dans le lavis.
Pour fuppléer à l’outremer ,,qui eft d’un troP
grand prix , Ôc qui a trop de corps pour être employé
en lavis, on recueille en été une grande quantité
de fleurs de bluets ou de barbeaux qui viennent
dans les bleds ; on en épluche bien les feuilles , en
ôtant ce qui n’eft point bleu ; puis on met dans de
l’eau tièdé , de la poudre d’alun bien fubtile ; on
verfe de cette eau imprégnée d’alun dans un mortier
de marbre , on y jette les fleurs ; ôc^ avec un
pilon de marbre ou de bois , on pile jufqu a ce que
le tout foit réduit de manière qu’on puiffe aifement
en exprimer tout le fuc , que l’on paffe a travers
une toile neuve, faifant couler la liqueur dans^ un
vafe de verre , où on a mis auparavant de 1 eau
gommée , faite avec de la gomme arabique bien
blanche. Remarquez qu’il ne faut guère mettre d alun
pour conferver l’éclat, parce qu’en en mettant trop
on obfcurit le coloris.
On obtient, par*ce procédé, un bleu très-durable ,
tranfparent, d’une couleur éclatante, ôc qui le cède
peu à l’outremer.
Quand on ne vent extraire des feuilles qu’une
«couleur propre à teindre en bleu, on prépare un
fourneau femblable à celui dont on fe fert pour le
iafran : de peur de brûler les fleurs , ôc puifqu il
en ré fuite une plus belle cou:eur, on allume un
petit feu de charbon de bois , pour communiquer
*une chaleur douce au haut du fourneau , qu on
couvre d’une peau fur laquelle on met plufieurs
feuilles de papier blanc. Sur ces feuilles on oe:t
deux ou trois pouces d’épaiffeur de fleurs , qu’on
arrofe d’eau un peu gommée, après les avoir preffées
ÔC applaties avec un couteau. On couvre ces fleurs
de deux ou trois feuilles de papier, fur lefquelles on
met une planche chargée de quelque poids léger.
Quelques minutes après cette opération, on lève
la planche , on prend le papier avec les deux mains
pour retourner les fleurs fur le fourneau, ôc les
arrofer de nouveau avec de l’eau gommée. On continue
jufqu’à ce que les feuilles s’unifient comme un
gâteau, ôc on vo it, chaque fois qu’on les retourne ,
qu’elles deviennent'plus obfcurts. On les retire lorf-
que le gâteau de fleurs paroit d’un bleu très-chargé ,
tirant fur le noir, ôc on en compofe enfuite une
très-bonne teinture.
On peut de même faire des couleurs de toutes
les fleurs qui ont un grand éclat, obfervant de les
piler avec de l’eau d’alun qui empêche que la couleur
ne change. Pour rendre ces couleurs portatives,
on les fait fécher à l’ombre dans des vaiffeaux
de verre ou de faïence bien couverts.
Un naturalifte Suédois, a reconnu que la tige de
bled farrazin qu’on a laiffé mûrir ôc fecher fur
pied, lorfqû’elle fe pourrit, devient bleue ôc donne
même en teinture une couleur bleue. Cette couleur
végétale, ne change ni dans le vinaigre ni dans 1 ef-
prit de vitriol. . L’eau forte la fait difparoître comme
celle de l’indigo, fans cependant qu’elle jette, comme
lui, cette efpèce d’écume qu’on appelle fleur bleue. La
couleur de la tige de bled farrazin n eft .pas auffi
tenace que celle de l’indigo ; mais elle a affez de
folidité pour certains ufages.
Bleu de kali <£Alicante.
Kali d’alicante. Si l’on fait fécher par évaporation
le fuc de cette plante après que l’on a féparé tout
le fel marin , Ôc qu’on en calcine le réfidu, on aura
finalement une fubftance sèche, terreufe , qui tient
de la fubftance lixivielle , mais qui ne fond point en
liqueur étant expofée à l’air. Cette fubftance calcinée
étant mêlée avec quelque efprit acide, Ôc fur-
tout avec l’efprit de vitriol, devient d’un bleu admirable
qui ne le cède point au plus bel outremer. -
' Bleues. ( cendres ) Elles font d>n grand ufage dans
la peinture à détrempe. Il y en a qui font très-vives
en couleur ; mais à l’huile elles noirciffent ôc deviennent
verdâtres, carpelles tiennent de la nature
du verd-de-gris ; Ôc de plus, quand on les met à
l’huile, elles ne paroiffent pas plus brunes ou foncées
en couleur. On les trouve en pierre tendre dans les
lieu«: où dl y a des mines de cuivre ou de rofette,
ôc l’on ne fait que les broyer à l ’eau pour les réduire
en poudre fine.
Cette efpèce de bleu doit être employé fur-tout
dans la peintpre en détrempe qu’on ne voit qu’aux
lumières , comme les décorations de théâtres ; car ,
quoiqu’on y mêle beaucoup de blanc , il ne laiffe pas
de paroître fort beau. SI tire pourtant un peu fur le
verd , tout au contraire de l’émail qui eft fort v if
au jour, ôc qui paroît gris aux lumières.
On trouve quelquefois des cendres bleues qui paroiffent
auffi belles que l’outremer ; m.üs on connoît
bientôt que ce ne font que des cendres, fi on les
mêle avec un peu d’huile, car elles ne deviennent
guère plus brunes qu’auparavant, au contraire de
l'outremer qui devient fort brun : au feu elles deviennent
noires.
Bleu de Lackmus.
Lackmus eft le nom que les Allemands donnent
à une couleur bleue , femblable à celle qu’on tire
. du tournefol : elle vient de Hollande ou de Flandres.
Ceft un mélange compofé de chaux v iv e , de verd-
de gris, d’un per^de fel ammoniac, Ôc du fuc du
fruit de myrtille épaiffi par la co&ion. Quand ce
mélange a été féché , on le met en paftilles ou en
tablettes carrées. Les peintres en font ufage, & l’on
en mêle dans la chaux- dont on fe fert pour blanchir
les plafonds ôc l’intérieur des maifôns. Cela donne un
coup-d’oeil bleuâtre au blanc ; ce qui le rend glus
beau.
Bleu de Lêao.
On nomme léao, une efpèce de pierre bleue qui
*