
& c’eft en nettoyant ces ufines que ceux - cf la
ramaffent pour en faire de la colle ; on délaie deux
parties de cette farine dans trois parties d’eau , &
l’on met ce mélange dans une chaudière ou chaudron
à colle, fig. 12. Lorfqu’il a commencé à bouillir, en
moins d’un quart - d’heure la colle eft cuite fuffi-
famment : elle eft pour lors fort noire ; on la paffe
au tamis lorfqu’elle eft refroidie, & on en mêle une
cinquième partie avec les autres efpèces de colles
animales dont nous allons parler.
Les matières que les cartonniers emploient pour
faire les colles animales dont il nous refte à donner
la préparation , fe tirent principalement de l’atelier
des Mégiffiers. Ce font les ratiffures des peaux de
mouton & d’agneaux blanchies & parées fur le
paliiTau & à la lunette. Voyeç l’art de la M é g is s
erie ; on les nomme pejponnures. Cette matière ,
blanche, légère, frifée, compofée en partie de farine
& de débris de peaux, donne une colle très-bonne ,
& qui prend beaucoup de conftftance en fe refroi-
diffant.
Pour préparer la colle qu’on tire de ces matières,
on met dans une chaudière trois parties dè ratiffures
fur cinq parties d’eau , & jufqu’à ce que le mélange
bouille , on a foin de le remuer continuellement
avec un balai de bouleau bien rogné. On ne tient
guère la matière fur le bouillon qu’un quart-d’heure,
de peur qu’elle ne perde trop par l’évaporation ;
& fort fouvent même l’on eft obligé de réparer la
perte qu’une trop forte ébullition y occafionne, en
ajoutant de l’eau à mefure que la colle diminue :
cette colle eft fort blanche quand elle eft cuite ; on
l’emploie ordinairement deux jours après qu’elle eft
faite, parce que, fi on la confervoit plus long-temps,
elle fe durciroit trop : on prévient cet inconvénient
en la mêlant comme nous l’avons dit, à une cinquième
partie de colle de farine qui lui rend fa fluidité
, & on la paffe à travers la toîlë claire d’un tamis,
fig- 13 ; & malgré ces précautions , on eft obligé
quelquefois d’y ajouter de l’eau pour la rendre allez
fluide. Voyons maintenant quel eft l’ufage de cette
colle.
Les feuilles de carton qui de l’étendoir paffent
dans l’atelier des colleurs, font deftinées ou bien à
être collées les unes aux autres pour former des cartons
plus épais, ou bien à être couvertes avec des
feuilles de papier blanc auxquelles elles fervent d'âme ;
d’pù l’on peut diftinguer ici trois fortes de cartons
moulés avec des pâtes fecendaires : des cartons de
pur moulage ? des cartons de moulages collés , & des
cartons de moulage couverts de papier. Nous allons
fuivre les opérations du collage dans les deux der?
siières efpèces de cartons.
Lorfqu’on veut coller des feuilles de carton en?
femble, on commence par en former des tas fur
les mêmes principes que fuit le cartier dans fes me*
lages :v o y . Vart du C a r t ie r . Pour expofer avec ordre
toutes ces opérations , nous diftinguerons deux fortes
fie collages, celui des feuilles Amples & celui des
feui%s doubles aveç les fepilles Amples. Quant à
èe qui concerne le premier collage, on mêle les
feuilles en cet ordre. On met d’abord fur la table
une feuille de carton, ènfuite deux autres feuilles
qu’on pofe deffus cette première , de manière qu’elles
débordent de quatre doigts par une extrémité. Sur
ces deux feuilles on en place deux autres qui débordent
aufli de quatre doigts , mais par l’autre extrémité
: on continue de pofer ainfi toutes les feuilles
deux à deux, en les faifant déborder tantôt par une
extrémité & tantôt par l’autre ; enfin l’on termine
le tas par une feule feuille.
Lorfque les tas font ainfi préparés, le colleur;
debout devant une table, place à côté de lui un de
ces tas ; & de l’autre côté, le pot à colle & une broJJes
fig. 14, garnie de crins longs & flexibles. Il étend
la première feuille fur un ais ; puis trempant labroffe
dans la colle, il en charge abondamment & également
la face fupérieure de la feuille de carton : enfuite il
pofe deffus deux nouvelles feuilles : il charge de
colle la feuille fupérieure qu’il couvre de deux autres
feuilles , dont il colle encore la feuille fupérieure ;
& toujours dans le même ordre , il continue de
pendre les feuilles de carton deux à deux, & de
coller celle qui fe trouve deffus. Par ce moyen ,
il forme de nouveaux tas dans lefquels les feuilles
de carton fe trouvent collées deux à deux feulement.
Lorfqu’on a collé la valeur d’une réglée, on fou»
met çes tas à la preffe : on commence d’abord à
ferrer avec le levier, enfuite on fait agir le moulinet
, & par une preflion forte & vigoureufe , on
parvient à rendre le collage uniforme & bien intime
dans toute l’étendue de chaque feuille du tas. Comme
le fuperflu de la colle fort de toutes parts d’entre
les feuilfés de la réglée, l’ouvrier colleur prend un
carton d’une main, & de l’autre une petite planche
qui fait l’oflice de ratiffoire : il enlève tout autour
des faces de la réglée, les bavures de colle, & les
met fur le carton pour fervir à de nouveaux, col-,
lages,
Les cartons ainfi preffés & débarraffés de la colle
fuperflue , ne reftent fous preffe que le temps
qu’il faut au colleur pour coller la réglée fuivante :
pour lors,• il les retire delà preffe, fèpare auflitôt
les feuilles de la réglée qui font légèrement collées
enfemble par les bords, & les porte à l’étendoir.
Comme ils font affez épais pour fe foutenir fans fe
courber, on fe contente de les appuyer les uns
contre les autres fur le plancher des greniers, c’eft
ce que l?on appelle mettre en carré, comme nous
l’avons déjà remarqué, ci-deyant à l’article des éten-
doirs.
L’on difpofe les chofes de la même manière, fl
l’on veut coller des feuilles Amples avec des feuilles
doubles par la méthode précédente ; voici la fuite
des manoeuvres de : cette fécondé opération. On
commence par mêler les feuilles Amples avec les
feuilles doubles : on pofe d’abord fur un ais' une
feuille fimple , puis deux feuilles doubles qu’on
fait déborder par no bon* » puis deux feuilles
A m p l e s
Amples qui débordent par l’autre bout oppofé , 8t
ainfi de fuite ; & l’on finit le tas par une .feuille
fimple.
Veut-on coller ces tas de feuilles mêlées, on prend
la feuille fimple qu’on charge de colle, on la couvre
de deux feuilles doubles dont on colle la feuille fupérieure;
on place deffus d’eux feuilles Amples dont
on colle la feuille fupérieure , & en fuivant toujours
la même diftribution des feuilles & le meme
ordre dans le collage des feuilles fupérieures , on termine
le tas par la feuille fimple qu’on place fur ;la
feuille double qu’on a collée, enfuite on porte la
réglée fous la preffe , & de la preffe à l’étendoir, ainfi
que nous l’avons dit ci-deffus.
On fuit les mêmes manoeuvres dans toutes les
préparations ultérieures que reçoivent les cartons
relativement au collage. 11 faut mêler, coller,preffer,
étendre autant de fois qu’on veut redoubler les cartons ;
& l’on parvient ainfi à leur donner, par des additions
fucceflives, telle épaiffeur qu’on juge convenable.
Quant aux cartons qu’on veut couvrir avec des
feuilles de papier blanc ; c’eft toujours la même méthode
: nous croyons devoir fupprimer les détails
de ces manoeuvres comme inutiles ; nous paffons à
ce qui concerne là dernière préparation que l’on
donne aux cartons, je veux dire le Iffage.
A r t . X I I . D u L i s s a g e des cartons.
La liffe ou liffoire des cartonniers eft conftruite à
peu près de même que la liffe des cartiers que l’on
a décrite fort au long dans l'art du cartier-, mais elle
en diffère par une pièce qui me paroît très-effentielle,
c’eft-à-dire , par la boîte qui eft fixée à l’extrémité
inférieure de la perche , qui porte le corps propre
au liffage. Une langue fôlide au milieu de deux entailles
circulaires M , entre dans la mortaife de
l’extrémité de la perche L fig. 6 , 8c s’y fixe très-,'
felidement : cette boîte porte un cylindre de fer
poli O O , qui eft engagé à moitié dans un canal
concave , & qui excède de l’autre moitié : il fe meut
fur deux tourillons fixés dans deux pattes de fer attachées
aux deux bouts de la même boîte ; enfin ,
aux extrémités de la boîte , font deux poignées N
N qu’on nomme mains, & qui fervent à faire avancer
ou reculer la liffoire. Les autres pièces de l’équipage
ayant la même forme , & étant difpofées de même
manière que dans la liffe d\i\cartier, nous croyons
devoir renvoyer pour ces détails , à la defeription
de cet art.
Lorfqu’on veut liffer , on établit les cartons fur
.un bloc de marbre poli fig. 19 ; & en faifant mouvoir
le cylindre de fer qui appuie fortement fur les
feuilles , on le fait paffe r dans tous les fens fur le_
nfto d’abord , enfuite fur le verfo. L’effet de cette
opération eft non-feulement de rendre les cartons
plus minces & plus compactes , mais encore de
leur donner une fuperficie plus unie & luftrée à un
certain point. On a attention que les feuilles de pur
moulage qu’on tire de l’étendoir pour être foumifes
a la liffe, ne foient pas trop fèches ; car il faudroit
4 rts 6* Métiers. Tome L Partie //*
les Jiume&er un peu pour qu’elles puffent recevoir
convenablement l’effet de la liffe.
Le liffeur a toujours à côté de lui un poinçon qüî
lui fert à enlever les corps étrangers & les ordures-
qu’il apperçoit dans les cartons qu’il doit liffer.
Quant aux cartons de moulage couverts de papiers
blancs d’un feul côté ou des deux , on les prépare
différemment lorfqu’on fe propofe de les liffer. Pour
le fuccès de la liffe , il eft néceffaire que ces cartons
foient fecs , même chauffes 8t favonnés auparavant ,
comme nous avons vu qu’on le faifoit pour les
cartes ; & d’ailleurs le roulléau de fer poli de la
liffoire des cartonniers, ne produit pas fur les feuilles
de papier le même effet que la pierre à liffer des car-
tiers ; car la pâte de ces feuilles ne fe prête pas à
l’impreflion du rouleau aufli facilement que la pâte
mollaffe des cartons, qui cède très-fenfiblement à
mefure qu’on le promène deffus.
Il feroit donc à defirer qu’on changeât dans ce
cas la boîte de la liffoire : on éviterait encore par
ce changement un inconvénient auquel eft fujet le
rouleau de fer qui eft de noircir jutqu à un certain
point le papier blanc dont font couverts les cartons.
A r t . X I I I . D e s CARTONS de différentes grandeurs ,
& de leurs ufages.-
Nous croyons devoir donner en détail les dimen-
fions des différens cartons de moulage qui fe fabriquent
dans les cartonneries de Paris, & qui font connus
dans le commerce, & employés à quelques ufages.
Les efpèces lés plus communes fe réduifent à
quatre :
Savoir, largeur, longueur. *
Le Petit ais qui a . . 13 pouces fur 19 à 20
Le Catholicon . . . . 1 4 ............. fur 20 à 2 1
La Bible . . . . ./, .. 16 à 17 . . . fur 22
Le Saint-augujîin . . . 18 à 19 • • • fur 2 4
Ces dimenfions varient d’un pouce , & quelquefois
même d’un pouce & demi, par l’imperfedion
foit des formes, foit des langes.
Ces mêmes fortes fe fabriquent aufli dans des
dimenfions doubles de celles que nous venons d’indiquer
pour la largeur feulement, la longueur ref-
tant la même , parce que pour lors on ôte, comme
nous l’avons dit (art. VI . ) la barre du chdjjis, ail
moyen de laquelle ces fortes fe fabriquent dans une
largeur fimple.
Ainfi le petit ais a pour lors 26 pouces fur 20 , Sc
on l’appelle dans le commerce , le p<.tit ais fans
barre.
De même le catholicon fans barre a 28 pouces
fur 20 à 21.
La bible fans barre ou grande bible ,"a 32 pouces
fur 22. .
Quant au faint-augujîin , il ne fe fabrique pas
double de la même manière , parce que l’on rô
met pas de barre fur le châflis de fa forme , mais
on le fait double en renverfant une fécondé feuille
Qqq