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fur la profondeur de la mine ; cette profondeur
eft tantôt grande , tantôt petite. Quelquefois e
fommet de la roche d’ardoife eft à la furface de la
terre , d’autres fois il en eft à une diftance allez con—
fidérable. . . ,
Auffitôt qu’on a découvert la colle, on lait lur
le plan de cette coffe dans fon milieu , une ouverture
d’environ neuf pieds de profondeur : c eft par
l’étendue de la roche qu’il faut déterminer fes autres
dimenfions. f .
Cette ouverture s’appelle première foncee.^ La foncée
n’a point par-tout exactement la meme profondeur.
On lui donne un peu de pente de lun
à l’autre bout du banc qu’elle forme. Cette pente
fur toute la longueur du banc peut aller a un pied ,
enforte qu’à l’extrémité du banc la foncee peut avoir
dix pieds de profondeur. On pratique cette pente
pour détermir.sf les eaux des four ces qùon peut
rencontrer , à la fuivre & a defcendre. ^
La moindre largeur qu’on puifle donner a la :
foncée , eft celle néceffaire pour qu’un ouvrier qui
y eft defcendu puiffe travailler fans etre gene.^
Mais , pour donner la connoiffa,nce de 1 exploitation
des ardoifières , nous ne pouvons mieux faire
que de rapporter deux excellens mémoires * tres-
détaillés, avec l’explication des planches qui fuivent,
l’un de M. Vialet, ingénieur des ponts & chauffées
de Caen, fur les ardoifières qui fe travaillent par
galeries couvertes le long de la Meufe, en prenant
celle de Rimogne pour exemple ; 1 ^ *
de Vauglie, ingénieur des ponts & chauffées des
provinces du Maine & d’Anjou, fur les ardoifières
qui s’exploitent près d’Angers , a ciel ouvert.
Premier mémoire fur les ardoifières qui fe travaillent
par galeries couvertes.
Les ardoifières fituées le long de la Meufe au
deffous de Charleville ont leur banc incline ; &
la roche mêlée de cailloux qui le couvre eft fi. dure,
qu’il feroit fouvent impoffible, ou au moins toujours
trop coûteux de le découvrir pour 1 exploiter a cicîl
ouvert : c’eft pour cette raifon qu’on les travaille
par galeries couvertes. ^ . .
On croit ne pouvoir rien donner de plus^ inf-
truéfif fur l’exploitation de ces fortes d ardoifières ,
que là defcription de celle de Rimogne, une des
plus confidérables du pays, avec le detail des differentes
manoeuvres qui s’y font depuis la fepara-
tiôn de la pierre d’avec le refte du banc , julqua .
ce que l’ardoife foit remife au faveur.
Ce fa&eur eft un commis prépofé par le propriétaire
de l’ardoifière pour veiller a fon exploitation,
recevoir ,1’ardoife dés ouvriers qui lmit
façonnée, & la débiter enfuite aux marchands, ceit-
à-dire, aux acheteurs à mefure qu’il s en prefente.
L’ardoifière de Rimogne eft fituee fur une hauteur
à quatre lieues oueft de Charleville. Son banc
que les ouvriers appellent la planche, a plus e
foixante' pieds d’épaiffeur ; mais^on ne 1 exploite que
fur quarante ou quarante-cinq pieds , tant parce qu il
faut réferver un ciel de bonne pierre, que parce
que fa partie inférieure , que les ouvriers nomment
pierre grenue, eft trop aigre & trop dure pour pouvoir
être débitée en ardoife. Ce banc eft incline
d’environ quarante degrés du nord au fud : il a outre
cela un devers de l’eft à l’oueft d’environ un demi-
pouce par pied ; on ne connoît point fa longueur.
Lorfque les ouvriers font arrivés à une^ certaine
diftance, ils aiment mieux fe jeter de cote que de
pouffer plus loin , tant par rapport-à ce que les épui-
femens feroient plus,confidérables, & ace que la
pierre y eft un peu grenue, que parce qu’ils auroient
trop haut à la monter; car le banc étant, comme
nous venons de le voir, incliné d’environ quarante
degrés, on ne peut pouffer en avant de quatre pieds,
qu’on ne defcende en même temps de près de trois.
La largeur du banc n’eft pas mieux connue que fa
langueur; on fait feulement quelle eft au moins
de foixante toifes , puifqu il y a desl galeries^ a
plus de trente toifes de chaque côté de celle du
milieu. - . - r
Le plus long difcours ne rendroit jamais qu imparfaitement
ce qu’on verra d’un coup d oeil avec
le fecours de la planche première, & de fes renvois.
On a marqué des mêmes lettres & des memes
chiffres les mêmes chofes qui fe trouvent répété es
dans le . plan fupérieur, la coupe verticale Ô4. le
plan des foûterrains. . ,
Toutes les échelles qui fervent aux ouvriers font
marquées par les lettres majufcules A , B , C , D ,
E , F , G , H , I , L , M , N , O , P , Q , R , S ,
T , V , X , Y , Z. A A , B B & C C , obfervant
que depuis le premier A a l’entree de la foffe, juf-
qués & compris l’avant - dernière indication B B ,
toutes ces échelles vont en defcendant. La derniere
C C remonte dans la dernière culée qu’on fonce ou
qu’on eft fuppofé foncer aéluellement.
Les pompes font numérotées 1 , 2 , 3 , 4 *
en commençant par celles du fond ; fur quoi il
faut obferver que la pompe 3 reçoit le au, non-
feulement de la pompe a ,mais encore de la pompe
2, a , qui a aufli une autre pompe de qui elle reçoit
l’eau. • #
La pompe 14 a, qui a deux pompes feulement
au deffous d’elle, fe décharge ainfi que celle 14
dans le gouffre 3 où il y a plus de deux cents pieds de
profondeur d’eau, mais dont on entretient le def—
fus au niveau du pied des deux pompes numérotées
15, qui portent l’eau aux deux numérotées 10,
& celles-ci aux trois numérotées 17 , d’où l’eau
s’en va par le canal ci-après.
a b , canal fouterrainqui paffe par des anciens ouvrages,
& dont l’eau va fe perdre fur la croupe de
la montagne du côté du village. ^
c d 9 autre canal fouterrain qui rie reçoit que les
eaux fupérieures au fommet de, l’échelle B , & qui
les conduit aufli dans le vallon du côté du village ,
mais plus du côté de l’eft.
.e, haillons ou petites huttes où travaillent les ouvriers
d’en haut, c’efbà-dire, ceux qui refendènt
1 les
les morceaux qu’on apporte d’en bas, donnent
à l’ardoife fa dernière façon.
f i crêtes ou treilles d’ardoife ; c’eft ainfi qu’on appelle
de longs tas d’ardoifes rangées par qualité &
échantillon. Telle eft la difpofition générale de la
planche I , dans laquelle, pour plus de clarté ., on a
joint quelques explications écrites ; & que d’ailleurs
nous allons faire mieux connoître encore dans la
fuite de-ce mémoire.
La fig. 1 de cette planche I , repréfente le plan
d’une partie du terrain fous lequel font les galeries.
La fig. 2 , eft une coupe fur la longueur de l’ar-
doiuère, & la troifième le plan d’une partie des
galeries. On croit devoir prévenir que. pour rendre
ces deflins plus intelligibles, on a été obligé de
prendre quelques licences, comme d’avoir fuppofé
dans fa coupe toutes les galeries fur une même
ligne, & d’avoir fait la projeélion des foûterrains
fur un plan parallèle au ciel de la carrière ; de forte
qu’on voit fur ce plan des foûterrains, & fur la
coupe beaucoup de chofes , qui à la rigueur n’au-
roient dû qu’y être ponétuées. Mais il a fallu éviter
la confufion qui en feroit réfultée.
On voit par la fig. 2 , que comme toutes les galeries
font inclinées fuivant le banc, on ne parvient
au bout, c’eft-à-dire au fond de l’ardoifière ,
qu’à l’aide de vingt-fix échelles plus ou moins grandes
qu’on a aufli marquées fur le plan, fig. 3 , & qui pro-
duifent enfemble environ quatre cents pieds de hauteur
perpendiculaire. Toutes ces échelles font jumelles
, c’eft-à-dire, qu’il y en a deux à côté l’une
de l’autre, afin que les ouvriers qui montent &
ceux qui defcerident ne fe caufent mutuellement
aucun embarras. Indépendamment de cette fuite
d’échelles, il y en a encore d’autres qui conduifent à
différentes galeries; car on tire en même temps de
la pierre d’ardoife dans plufieurs endroits du banc;
mais le plus fort atelier eft fuppofé dans la culée
a , b9 c y d , fig. 2 & 3.
On appelle culée un efpace quadrangulaire d’environ
foixante pieds de long, & de vingt ou vingt-
deux de largeur, qu’o.n creufe, & d’où l’on tire de
la pierre d’ardoife jufqu’à ce qu’on ait atteint la
pierre grenue. Pour lors on ne va pas plus loin, &
l’on dit que la culée eft entièrement foncée ; de forte
que foncer une culée n’eft autre chofe que d’en tirer
toute la pierre qui eft propre à faire de l’ardoife.
Suppofons, pour montrer comment fe fait ce travail,
que A B C D, fig. 1 , planche IIy foit le plan
d’une culée entièrement foncée, que E , F ,G , H
foit la coupe'i\i :1a longueur de cette même culée ,
& qu’il s’agifle d’en forer une nouvelle : on ne peut
le faire fur le derrière D C en prolongeant les côtés
A , D & B C , parce qu’il feroit à craindre que le
ciel ainfi en l’air fur une trop grande étendue ne
vînt à manquer. L’ufage eft de faire un forage de
côté a b D e de vingt-cinq pieds de face, fur une
largeur D e de vingt ou vingt-deux pieds : le fo-
fage. de .derrière D c de qu’on fait enfuite, forme
Arts & Métiers. Tome I. Partie I.
avec le premier une culée abcd pareille à celle
A B C D.
Les maffes r f^ A & cD C qu’on réferve,& derrière
lefquelles on vient enfuite travailler par
d’autres galeries, fe nomment piliers. Celui qui dirige
le travail doit veiller à ce qu’on n’affame pas
trop ces piliers : on leur donne communément vingt
pieds d’épaiffeur.
La fig, 2 de la planche / , & la fig. 1 de la planche
I I , font voir que les faces de devant & de derrière
des piliers ne font point verticales, ces piliers, étant
à peu près perpendiculaires fur le çiel de la carrière.
Les dimenfions qu’on vient d’indiquer pour les
forages, pour les culées ôc pour les piliers, font
celles qu’on donne le plus ordinairement, car l’ignorance
ou l’incapacité de ceux qui font chargés de
diriger le travail, l’avidité des ouvriers , & la qualité
plus ou moins bonne de la pierre dans telle ou
telle partie qu’on avoit d’abord deftinée pour y
foncer une culée, ou pour y réferver un pilier,
font autant de çaufes qui font varier la fituation ÔC
les dimenfions de ces culées ou de ces piliers. Au
lieu, par exemple , de faire toujours un forage entier,
on ne fait fouvent qu’un demi-forage. C ’eft
afoft qu’on appelle celui qui n’a que dix à onze
pieds de largeur , au lieu de vingt ou vingt-deux ;
çar la dénomination de demirfomge fo prend toujours
par rapport à fa largeur de l’eft à l’oueft, &
fans avoir égard au plus q u moins de longueur du
nord au fud. Un forage entrepris fur A B ou fur
ab , & fur D C ou de s’appelle un forage debout;
mais celui fur A B ou a b , vu la partie fupérieure
du banc, prend le nom particulier de forage de devant
y comme celui fur D C o u de. vers fa partie
inférieure s’appelle forage de derrière. Quant aux
forages entrepris fur D A & d a , ou fur C B &
cby on les nomme toujours, & fans aucune dif-
tinélion, forages de côté*
Un forage, foit debout, fait de côté, fe commence
toujours vers le ciel 4e la carrière. C e
commencement, de travail qui fe fait immédiatement
fous lç ciel, fe nommé crabotage ; &. comme
prefqüe toute la pierre qu’on tire d’un crabotage
tombe e.n pure perte, on le fait le plus petit, c’eft-
à-dire , le moins haut qu’il eft pomble 1 cette hauteur
eft ordinairement de deux pieds & demi.
Ainfi le crabotage-/Fm Z, y , planche 1 1 , n’a que
deux pieds & demi de i en F ; de forte que quand
il eft fini il forme une ,efpèc® de boîte de vingt-
cinq pieds de long, vingt-deux pieds de largeur,
& deux piçds 6g demi feufoment de hauteur, dans
laquelle on entre par le feul côté i F ml.
Avant de donner aucun détail fur la manière
dont fe. fait le-crabotage , & fur toutes les autres
manoeuvrès relatives à l’exploitation de cette ar-
doifière , il eft bon de prévenir qu’on trouvera
fur la planche. I , ,n°. 2 y les deflins.de tous les diffé-
rens outils qui fervent à cette exploitation. En voici
une première explication, dont on fera l’application
dans- la fuite de ce difcours.
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