
de la nobleffe du pays, dont le roi eft te chef ;
tnais les fettreas ne peuvent communiquer à per-
fonne la doctrine du vedam , ni enfeigner à le lire.
P l a n c h e XVIII. Bengale.
Les brahmes du royaume de Bengale emploient
les caractères que Von préfente ic i, lorfqu’ils écrivent
en langue famskretane. Ces caractères benga-
les s’écrivent comme les nôtres de gauche à droite ;
pour faciliter leur leCture , on a joint au bas de la
planche les liaifons les plus difficiles qu’on ne devi-
neroit point fans ce fecours : les autres font plus
aifées , & on a cru , pour cette r'aifon, ne pas devoir
en furcharger la planche. On fait que le royaume
de Bengale , autrement appelé Oulejfer & Jaganat, 1
eft fitué vers l’embouchure du Gange, au fond du
-golfe dit de Bengale ; fa ville capitale eft Daca ; il eft
dans la dépendance des états du Grand Mogol.
L’alphabet bengale que nous donnons ici eft tiré
d’un manufcrit de la bibliothèque du roi, n°. 283
des livres indiens. C’eft une efpèce de nomenclator
allez étendu, à la tête duquel fe trouve une grammaire
expliquée en latin.
P l a n c h e XIX. Teîongou ou Talenga.
Cette langue eft ainfi appelée de la province de
Talenga , autrefois la principale du puiffant royaume
de Decan. Cette province s’étendoit jufqu’à Gôa
qui appartient aux Portugais, & Vizapôur étoit fa
capitale : le Grand Mogol ayant étendu fes conquêtes
du côté du Nord , cette province a été partagée
entre lui & le roi de Décan : mais le roi de Décan
eft appelé feulement le roi de Vizapôur , & la province
de Talenga eft mife au nombre des provinces
de l’Indoftanqui obéiffent au Grand Mogol. Aujourd’hui
la ville capitale de cette province fe nomme -
Btder. Cette province de Talenga vaut plus de dix
millions de revenu au Grand Mogol. La langue talenga
fe nomme encore vulgairement le badega. Nous
avons à la bibliothèque du roi une grammaire &
d’autres ouvrages en cette langue.
P l a n c h e XX. Tamoul ou Malabar.
Les Malabars écrivent comme nous de gauche à
droite fur des feuilles de palmeras bravas, ou pal
mier, & c’eft une forte de gravure -, puifqu’ils fe
fervent pour écrire fur ces feuilles d’un ftylet long au
moins d’un pied ; cette langue eft appelée tamoule,
parce que les peuples des Indes orientales qui la pan-
lent s’appellent Tamouler ou Damuler ; on la nomme
encore fentamil, codundamil, & plus vulgairement
malabare, parce que les Européens confondent fous
ce dernier nom tous ceux qui habitent la côte de
Coromandel & de Malabar. Cette langue a cela de
commun avec l’anglois , que fes adjeétifs font indéclinables
, le fubftantif qui fe met toujours après l’adjectif
, déterminant feul fes genre , nombre & cas ;
elle a auffi des pronoms honorifiques. Cette langue
paroît belle & facile ; elle eft enrichie de beaucoup
d’ouvrages fort eftimés, dont on poffede un affez .
bon nombre à la bibliothèque du roi. Les millionnaires
danois ont fait imprimer une grammaire de
cette langue., & piufieurs autres ouvrages, enforte
qu’on a toute facilité pour l’apprendre.
P l a n c h e XXL Siamois & Bali.
La langue fiamoife a 37 lettres & la balie 33 ,
non compris les voyelles & les diphtongues qui
font en grand nombre , & ont leurs caractères particuliers
qui fe placent les uns devant la çonfonne ,
les autres après , enfin d’autres deftiis ou deflbus ,
mais qui toutes néanmoins ne fe doivent prononcer
qu’après elles.
La prononciation fiamoife eft très-difficile, & il
eft impoffible de la rendre exactement dans nos caractères
; c’eft une efpèce de chant à la façon des
Chinois ; car les fix premiers caraétères de leur alphabet
ne valent tous qu’un K plus ou moins fort
& diverfement accentué. Les accens aigus ou graves
que l’on a eu l’attention de marquer, font pour
avertir d’élever &. de baiffer la voix. Où ils élèvent
la voix , c’eft de plus d’une quarte , & pref-
que d’une quinte ; où ils la baiffént, ce n’eft guères
que d’un demi-ton. On a marqué également les lettres
afpirées.
Quant à l’alphabet bali, les lettres fur lefquelles
on a marqué un accent aigu , doivent être prononcées
d’environ une tierce majeure plus haut que
les autres ; les autres lettres fe prononcent d’une
façon monotone."
La langue fiamoife tient beaucoup du chinois >
elle paroît de même toute monofyllabique , & il y*
a lieu de penfer en effet qu’elle en eft un dialecte
particulier. Par exemple , dans les noms des mois
fiamois , tels que M. de la Loubère les donne dans
fa relation du royaume de- Siam, je retrouve presque
les mêmes noms que les Chinois leur donnent,
comme il eft aifé de s’en convaincre par la table
fuivante.
Noms fiamois.
Deüan a ï, mois premier .
Noms chinois
. . . y e .
Deüan tgii, mois deuxieme . . . eûlh.
Deüan fam, mois troijième. . . fan..
Deüan fii, mois quatrième . . . ffé.
Deüan haa, mois cinquième . . . où.
Deüan houk, mois fixième . . . . lou.
Deüan tfiet, mois feptième. . . . thfi.
Deüan peet,
Deüan câou,
mois huitième. . . . pa. ^
mois neuvième . . . lceoù.
Deüan fib , mois dixième. . . . fehi.
Deüan fib-et, mois onçièmé. . . . fehi-ye.
Deüan fib-fong, mois douzième . . . fchi-eulh.
La langue fiamoife a encore cela de commun
avec la langue chinoife & lesdangues du Tonquin ,
delà Cochinchine , &c. qu’elle eft fans conjugaifons
& déclinaifons ; fi on fe rappelle avec cela les traits
de la phyfionomie des Siamois qui eft toute chinoife
, on fe perfuadera aifément que les uns & les
autres ont une origine commune , ou du moins que
les Siamois font une colonie de Chinois.-
Quant au bali , c’eft la langue de la religion &
une langue morte qui n’eft entendue que desfavans,
c’eft-à-dire , de très-peu de monde. Cette langue ,
bien différente de la langue vulgaire de Siam, eft
enrichie d’inflexions de mots comme nos langues :
enfin, c’eft du bali que les Siamois ont emprunté
leurs termes de religion , de juftice , les noms de
charges, & tous les ornemens de leur langue vulgaire.
On croit pouvoir affurer que cette langue balie
a été portée dans le royaume de Siam par ces
pieux folitaires qui , à Siam , portent le nom de
ta la p o in s ; à la Chine & au Japon, celui de bonnes ;
en Tartarie. & aux Indes , ceux de lamas , de cha-
- menés ou famanes : ils y portèrent cette langue environ
l’an 544 avant Jefus-Chrift, avec le culte du
dieu connu dans tous ces pays de la haute Afie fous
les noms de boudha ou boutta , chaka 3. f o ou fo c h e - -
h iam e o u h i, fom m o n a co d om , &c. Avant, cçs religieux
babitoient l’Inde en deçà du Gange ; & même leur
dieu boudha, félon quelques-uns , étoit originaire
du Cafchemire , dans le voifinage de la Perfe ; ce
qui feroit foupçonner que cette langue balie, dont
il eft queftion , pourroit être l’ancien perfan appelé
pahalevi ou pahali. Le terme même de pagode eft tout
perfan , pout-gheda , c’eft-à-dire, temple d’idole , &
Je nom même de famanes peut dériver du perfan
faumeniphin, hermites : de plus amples connoiffan-
ces fur la langue balie décideront un jour ce point
de critique intéreffant.
P l a n c h e X X I I . Thibetan.
Le rouleau thibetan envoyé en 1722 à feu M.
l’abbé Bignon , par le czar Pierre le Grand, & dont
M. Faurmont l’aîné a fait la traduétion, m’a fervi
de modèle pour tracer les élémens de l’alphabet
thibetan. Je ne pouvois en choifir de plus beau;
il eft écrit avec une élégance & une netteté admirables.
L’arrangement de cet alphabet, fes dénominations
, les nombres cardinaux & le refte des remarques'qui
occupent le bas de la planche, font tirés
d’un manufcrit apporté du Thibet par un mif-
© fionnaire , contenant une efpèce de diétionnaire
italien - thibetan, à la tête duquel fe trouve une
inftruélion fur la leéture de cette langue. J’ai encore
fait ufage d’une feuille volante que j’ai trouvée
dans mes papiers , & qui vient, à ce que je penfe,
du P. Parrenin , jéfuite, millionnaire de la Chine.
Les Thibetans écrivent comme nous, de gauche à
. droite.
Le Thibet paffe parmi les Tartares poür être le
centre & le chef-lieu tant de leur religion que de
leurs fciences ; c’eft à Laffa où réfide le fouverain
pontife des lamas, qu’ils vont adorer le dieu fu-
prême dans le temple qui lui eft confacré ; c’eft auprès
de ce chef de leur hiérarchie, que les lamas
de tous les royaumes voifins vont s’inltruire de leur
théologie ôt recevoir les ordres.
P l a n c h e X X I I L Tartare Manicheoii.
Les Tartares Mantcheoux, aujourd’hui maîtres
de la Chine, fe fervent communément de ce ca*
raétère qu’ils tiennent des Tartares Mogols; les uns
& les autres anciennement n’écrivoient point, &
l’origine du caraétère que l’on préfente ici ne remonte
pas au-delà du règne de Genghizkan, empereur des
Mogols.
La horde dont Genghizkan étoit le chef, n’avoit
point de càraétères ; & ni ce prince, ni fes enfans
ne favoient ni lire, ni écrire , avant fon avenement
à l’empire. Tayang, roi des Naimans, avoit à fa
cour un feigneur igour apelé Tatatongko, qui gar-
doit le fceau de ce prince, & paffoit pour un habile
homme. Après la mort de Tayang ; Tatatongko
fut pris & mené à Genghizkan, qui apprit de lui
l’ufage du cachet royal. Tatatongko fe rendit en •
core plus utile aux Mogols, en introduifant chez
eux les caraétères igours qui ne furent point changés
jufqu’au règne de Côublaikan, qui ordonna, l’an
1266 par un édit public, que l’on fît ufage dans
tousTes tribunaux des car,aâ:ères faits par Pafepa ,
lefquels furent appelés les nouveaux caraétères
mogols.
Pafepa étoit un feigneur thibetan , rempli de mérite
, & dont les ancêtres , depuis dix fiècles ,
avoient été les principaux miniftres des rois de Thibet
, & des autres rois des différens pays qui font
entre la Chine & la mer Cafpienne. Pafepa fe fit
lama, & s’acquit une fi grande réputation que Cou-
blaikan l’attacha à fa cour l’an 1260, & le déclara
chef de tous les lamas. Côublaikan crut que
la grandeur & la gloire de fa nation demandoient
qu’elle eût des caraétères qui lui fuffent propres ,
& comme Pafepa connoiffoit nou-feulement les caraétères
chinois, mais encore ceux du Thibet appelés
Caraétères du tangout, ceux d’igour, des Indes
& de piufieurs autres pays fitués à l’occident
de la Chine , cet empereur le chargea de cette com-
miffion. Effeétivement Pafepa examina avec foin
l’artifice de tous ces caraétères, ce qu’ils avoient de
commode & d’incommode, & en traça mille , &
établit des réglés pour leur prononciation & la manière
de lés former. Coublai le récompenfa de fon
travail par une patente de regulo, remplie delouan-
ges* Malgré cela , les Tartares , accoutumés aux
caraétères igourseurent de la peine à apprendre
les nouveaux , & l’empereur fut obligé de renou-
veller fes odres pour être obéi. Il y a apparence
qu’après la mort de Coublai, les Tartares reprirent
leurs premiers caraétères comme étant plus faciles :
ce qu’il y a de certain , c’eft que nous ignorons aujourd’hui
quel pouvoit être cet alphabet compole
de mille élémens. H y a lieu de préfumer que Pafepa
avoit, comme dans la plupart des alphabets
indiens, lié les voyelles avec les confonnes, dont
i la multiplication avoit pu produire ce nombre de
mille caraétères ; car enfin il n’eft point de peuple
dont les organes puiffent produire pille fons différens.