
de papier, le canon brut a percé plus vigoureufement
que l’autre, & portoit par conféquent plus loin.
Au furplus, quelle que foit la réputation des canons
d’Efpagne , on s’en fert peu en France, où on ne
s’accommode point de leur forme , de leur poids ,
de leur longueur , fur-tout depuis qu’on a adopte
la méthode de faire les canons très-courts 8c fort
légers ; enforte qu’aujourd’hui, fi quelques perfonnes
veulent en avoir, c'eft plus pour la curiofite que-
pour l’ufage.
Pour ce qui eft de forger des canons avec de
vieux fers de cheval ou de mulet , cet ufage n’eft
pas particulier à l’Efpagne ; cela fe pratique auffi en
France 8c ailleurs ; & on ne peut difconvenir que
cette étoffe ne foit bien fupérieure au fer en barre,
( en fuppofant néanmoins que ces fers foient tries
8c choifis ) , attendu qu’une lame formée de l’affem-
blage de tant de pièces féparées, dont chacune a
déjà été chauffée & martelée à part, doit être mieux
purgée & corroyée, que celle qui eft forgée avec
du fer en barre. On fait auffi d’excellens canons avec
de vieilles faulx d’Allemagne.
Un bon canon ne crève point, hors les cas où il
eft mal chargé, ou chargé outre mefure ; mais il
eft en grand rifque de crever, s’il fe trouve du jour
entre la balle & la poudre, & toutes les fois que
la. communication de l’air renfermé entre la balle &
la poudre avec l’air extérieur, eft totalement interceptée.
Par exemple , fi de la neige ou de la terre
bouche exactement le canon, ou fi on tire un fuffl
dont le bout eft enfoncé dans l’eau , il ne peut manquer
de crever.
Un canon eft mal fabriqué, foit que le fer n’ait
pas été chauffé à propos, foit que quelque partie ait
été foudée imparfaitement , foit qu’il s’y rencontre
une paille profonde & pénétrante , foit enfin que,
faute de foin 8c d’attention en le limant, il fe trouve
plus d’épailTeur d’un côté que de l’autre; tous ces-
défauts.font dangereux, 8c peuvent occasionner de
funeftes accidens.
L’explofion de la poudre dans les armes à feu ,
ne peut fe faire fans y occafionner un mouvement
rétrograde , qu’on appelle le recul. Dans les fufils,
lorfque le recul fe fait trop fentir à l’épaule, on dit
que l’arme repouffe : c’eft un défaut qui peut provenir
de piufieurs différentes caufes : la plus ordinaire
eft lorfque le canon n’eft pas calibré également. En
effet, lorfque Yame fe trouve plus étroite dans une
partie du canon que dans l’autre , le feu fe trouvant
auffi plus ou moins refferré, doit exciter une commotion
par fon inégalité. Un canon eft encore fujet
au recul, s’il arrive que , faute d’avoir fait la culafle
affez longue , il eft quelques écrous qui ne foient
pas remplis.
Il repouffera , fi la lumièreln’eft pas couverte à
fleur de la culafle, 8c fi la poudre ne prend pas feu
précifément à l’extrémité defabafe: c’eft même pour
cela que, dans ces derniers temps , les arquebu-
fiers , pour plus de précifion , ont imaginé de fraifer
tes culaffes, 8c de les creufer en forme de dé, jufque
s vers le troifième filet ; enforte qu’en ouvrant
la lumière dans le canon , il s’en ouvre une autre
dans la culafle correfpondante au fond de ce dé.
On comprend qu’un canon fort léger doit donner
plus de recul qu’un canon plus étoffé en fer 8c plus
maflif.
Enfin , un canon monté fur une couche trop
droite, doit repouffer davantage que celui qui eft
monté fur une couche courbée , parce que la courbure
rompt 8c amortit l’effet du recul.
La culajfe eft la pièce de fer qui ferme l’orifice
inférieur du canon de fufil.
On y diftingue trois parties ; le bouton qu’on paffe
par la filière pour y fabriquer des filets du même
pas de vis que ceux de l’intérieur du tonnerre ; le
talon qui entre dans le bois au deflùs de la poignée
du fufii , 8c qui eft percé pour donner paffage à une
des grandes vis de la platine ; la queue percée à peu
près dans fon milieu pour recevoir une vis verticale
qui traverfe le bois au deflùs de la poignée, 8c va
I s’engager dans un écrou pratiqué dans la pièce de
détente ; cette vis fixe le canon dans fa pofition fur
le bois. Le bouton de la culajfe a huit lignes de longueur
, un peu plus de diamètre ; les filets doivent
en être v ifs , profonds 8c fans bavures. Le talon a
huit lignes de hauteur. Son épaiffeur en deffous eft
de deux lignes , 8c va en augmentant jufqu’à fix
lignes , qui font la largeur de la queue. La longueur
de la queue eft de deux pouces quatre lignes environ;
& l’extrémité en eft arrondie : fon épaiffeur auprès
du talon eft de quatre lignes , 8c , à fon extrémité,
de deux lignes.
Voyez planche 7, ( fufil de munition ) H , fig. 8 ,
une culafle de forge, 8c fig. 9 , 1 , une culajfe dont
le bouton a paffé par la filière.
Lorfque le canon F , fig. 6 , planche 1 , ( fufil de
munition ) a été fixé , dreffé 8c poli en dedans,
qu’il a été mis à fon calibre , 8c qu’il a été blanchi 8c
dreffé en dehors , il eft queftion de le tarauder pour
y adapter une culafle , de le garnir de fes tenons,
8c de percer la lumière.
L’ouvrier chargé de ces opérations, qu’on appelle
le garnijffeur , a dans fa boutique une efpèce de banc
ou d’établi, haut de quatre pieds environ, large de
quinze à dix-huit pouces , épais de trois ou quatre,
8c fixé folidement 8c horizontalement fur deux ou
piufieurs pieds , dont les extrémités inférieures font
enfoncées en terre. L’établi eft percé au milieu de
fa largeur, d’un trou de treize lignes de diamètre :
on fait entrer le canon dans ce trou , la, bouche en
bas, enforte qu’il fe trouve fixé dans une fituation
verticale , le tonnerre en haut, 8c excédant un peu
la fuperficie de l’établi. On introduit dans le canon
le faux tarau applati fur deux faces, 8c qui ne coupe
que par les deux autres côtés : cet outil doit être terminé
par un cylindre de cinq à fix pouces de long 8c
du même diamètre que celui de l’intérieur du canon :
ce cylindre n’a point de filets, mais il doit être rond
8c poli ; la partie qui a des filets fe trouve au deflùs
du cylindre 8c cet acier trempé, un peu conique,
enforte que ces filets augmentent infenfiblement de
diamètre, jufqu’à la tête de l’outil : cette tête eft
applatie pour entrer dans une mortoife pratiquée
au milieu d’un tourne-à-gauche, lequel eft un levier
de fer d’environ deux pieds 8c demi de longueur.
La tête du tarau étant placée dans la mortoife du
tourne-à-gauche, repréfente une tarière.
L’ouvrier paffe de l’huile avec^ une plume fur les
filets du tarau', 8c faififfant des deux mains les extrémités
du tourne-à-gauche, il taraude en tournant
8c détournant l’outil, jufqu’à ce que l’intérieur du
tonnerre ait huit filets ou pas de vis. Cette opération
n’eft qu’une préparation pour admettre le tarau
cylindrique qui doit donner les vrais filets au tonnerre
; & le cylindre qui termine l’outil 8c qui entre
dans le canon , n’eft deftiné qu’à affurer la dire&ion
du taraudage, maintenir l’outil dans une fituation
droite , & l’empêcher de pencher d’aucun côté.
Lorfque le taraudage a été ainfi ébauché , on
fubftitue au faux tarau , le tarau cylindrique, dont
la tête s’adapte auffi au centre du tourne-à-gauche :
l’ouvrier opère comme la première fois ; 8c Jorfque
le tarau a perfectionné les huit filets qui n’avoient
été qu’ébauchés par le premier outil, il dreffe à la
lime le derrière du canon.
Il arrive quelquefois que le taraudage fait fendre
le derrière du canon , mais ce n’eft guere que lorfque
le fer en eft aigre 8c qu’il a trop fouffert au feu,
ou lorfqu’on n’a pas pris la précaution d’employer
d’abord le faux tarau pour ébaucher les filets, ou
lorfque l’ouvrier a voulu brufquer 8c a été trop vite ;
quelles que foient les caufes de cet accident, le
canon ne peut être admis dans ce cas : il y auroit
cependant du remède, en coupant la partie fendue,
Ôc foudantà fa place une efpèce de virole à laquelle
on donneroit le même diamètre extérieur qu’au
tonnerre ; mais il faudroit forer enfuite le canon par
derrière dans toute la longueur qui auroit été mife
au feu , 8c diriger les forets fucceffifs , de manière
qu’ils n’agiffent que fur cette partie 8c pas plus
avant ; fans quoi on pourroit déranger la direâion
de f ame. Cette opération exigeroit tant de précau-
tiens pour être bien faite, qu’il paroît plus prudent
de ne pas la permettre.
L e gàrnijfeur étant pourvu de culaffes H,fig. 8,
planche 1 , ( fufil de munition ) qui ont été forgées
fur des dimenfions données ; le bouton fe paffe fuc-
ceffivement dans deux filières brifées , contenues 8c
fortement faifies dans un étoc, 8c qui ont exaéfement
le même pas de vis 8c la même quantité de filets que
les taraux avec lefquels on a taraudé le derrière du
canon ; la première filière commence, 8c la fécondé
finit Sc perfeélionne les filets. ( Voyez planche I ,
fig-9 ) ; on blanchit enfuite à la lime, le talon 8c la
queue de la culafle ; on dreffe l’extrémité du bouton,
8c on le place dans le canon, où on le fait arriver
a fond avec le tourne-à-gauche , en introduifant la
queue 8c le talon de la culafle dans la mortoife qui
eft au milieu de cet infiniment : le bouton de la
culafle a huit lignes de longueur 8c un peu moins
de neuf lignes de diamètre ; il doit être bien droit,
pour que la culafle, étant en place, ne penche d’aucun
côté : les filets du bouton, comme ceux du
tonnerre , doivent être vifs, profonds 8c fans bavures,
La lumière fe perce de deux manières 8c toujours
à froid , au foret ou au poinçon. Bien des gens
préfèrent le poinçon , parce qu’il comprime la matière
autour de lu i, 8c la lumière eft par-là moins
fujette à s’évafer.
On forme , à la lime, deux petits pans au tonnerre
du canon , l’un à droite où la lumière doit être
placée, lequel facilite l’ajuftement de la platine , dont
le rempart s’adapte 8c fe colle mieux au canon ainfi
applati, que s’il étoit rond ; le pan du côté oppofé
n’eft que pour la fymétrie : l’un 8c l’autre ne font
fenfibles que par leur arête fupérieure , 8c le canon
refte rond en deffous , ce qui ménage le bois qu’une
arête vive feroit fendre. Le centre de la lumière,
qui a une ligne foible de diamètre , .doit être à fept
lignes de l’arrière du canon , bien au milieu du pan :
trop baffe, elle feroit couverte par Tépaiffeur du
baflinet ; trop haute , elle excéderoit l’épaiffeur de
la batterie , 8c ne feroit pas couverte. On emploie
deux poinçons pour percer la lumière ; le premier
eft conique 8c d’un plus petit diamètre que celui que
la lumière doit avoir : en un ou deux petits coups
de marteau , le poinçon a traverfé l’épaiffeur du fer #
8c a fait une empreinte fur le bouton de la culafle
qui doit déborder d’une ligne fur le centre de la
lumière , puifqu’il a huit lignes de longueur. Il faU'Ç
alors détourner la culafle avec le tourne-à-gauche,
8c former fur le bouton , à l’endroit où le poinçon
Ta marqué , une entaille d’une ligne environ de profondeur
, pour ouvrir une communication de l’amorce
à la charge. On paffe enfuite dans la lumière le
fécond poinçon qui eft cylindrique , à très-peu près ;
on recherche avec un grattoir la bavure de l’intérieur
; on dreffé l’extérieur à la lime, 8c Ton remet
la culafle à fa place.
A vingt lignes de la bouche du canon , on brafe
en deflùs le tenon qui affujettit la baïonnette à fa
place.
A cinq pouces 8c demi de la bouche , en deffous,
on en brafe un autre de trois ou quatre lignes de
longueur 8c de deux d’épaiffeur , qui entre dans une
cavité pratiquée au devant du bois , pour fixer le
canon dans fa pofition.
Enfin , à fept pouces fix lignes de l’arrière, on en
brafe un troifième fous le canon ,8c on y adapte un
petit reffort d’acier qui, preffant l’extrémité de la
baguette, la contient 8c l’empêche de tomber, lorfqu’on
renverfe le fufil.
Lorfque la lumière du canon eft percée , qu’il eft
garni de fa culafle 8c de fes trois tenons , qu’il n’a
point de défauts qui puiffent le faire refufer , il eft
prêt à être éprouvé. Voyez \e canon G , fig. y , /?/. ƒ.
On éprouve les canons des fufils deftinés à armer
les troupes du R o i , fur un banc de charpente. V o y
planche I I I , ( fufil de munition )- fig. z.
N i j.