gueffes auffi profondes les unes que les autres. On
doit donner plus de profondeur à celles de devant
qu’à celles de derrière,' afin que ces longueffes
forment des efpècesde gradins, comme on le voit
dans la culée a b cd, des fig 2 8c 3 de la p]'anche I.
Cela donne la facilité d’exploiter toutes les longueffes
en même temps^ ce qu’on ne pourroit pas
faire fi toutes avoient leur deffus dans le même plan.
La fig. 1 de la planche I I I> fervira à éclaircir tout
ce que nous venons de voir : elle repréfente la vue
en perfpeélive d’une culée , où plufieurs ouvriers
exécutent les plus effentielles des manoeuvres relatives
à fon exploitation.
Nous avons Vu qu’à mefure que les ouvriers d en
bas, c’eft-à-dire , ceux qui travaillent à foncer les culées
avoient divifé une étendelle en faix, ils portoient
ces faix à un dépôt environ à moitié chemin de la
culée à la fortie de la foife : c’eft à ce dépôt que
les ouvriers d’en haut viennent prendre les faix pour
lès porter dans leurs haillons , c’eft - à - dire, dans
les petites huttes où ils débitent ces faix, & où ils
donnent à l’ardoife fa dernière façon. Les uns 8c les
autres portent ce faix fur leur dos, prefque toujours
fans y mettre la main :~tel eft celui marqué a , fig.
2 , planche I I I ; celui marqué é , enfonce le bout de
fon faix fous un des bourfons de l’échelle, 8c monte
en même temps un bouffon de plus pour fe garantir
de quelque chofe qu’il entend tomber au defliis de
lui, &. même pour le retenir. Cette précaution eft
prefque toujours fuperflue , les ouvriers qui fentent
leur faix gliffer ayant ordinairement 1 attention , lorf-
qu’ils ne peuvent le retenir, de le jettet promptement
de côté •& dehors de l’échelle.
Comme les faix pèfent communément plus de
deux cents livres , les ouvriers , quand leur tour
vient de les porter, endoffent une efpècede farrau,
appellé bajjat, qui n’eft autre chofe qu’un vieil habit
dont le dos eft matelaffé. Tous les ouvriers , foit
d’en haut, foit d’en bas , ont auffi ce qu’ils appellent
waguettes. Ce font des morceaux de feutre qu’ils
attachent avec une courroie fur le devant de leurs
jambes. Ces waguettes fervetît à amortir les coups
qu’ils font fujets à fe donner contre les angles de la
pierre & contre les bourfons des échelles. ^
Les ouvriers fe fervent de chandelles pour éclairer
leur travail du dedans de la loffe -, mais ils portent
leur faix fans aucune lumière, foit dans les galeries,
foit fur les échelles ; à force de paffer par le même
endroit , il fe forme dans les galeries des efpèces
d’augets dans lefquels les ouvriers font couler leurs
pieds , ce qui les dirige dans leur marche.
Ce travail, que nous venons de décrire, fe trouve
en grande partie retracé dans \aplanche I I que nous
avons citée , 8c dont nous allons reprendre 8c
fuivre l’explication.
Fig.' 1 j plan & coupe d’une culée entièrement
foncée , 8c d’une autre à foncer enfuite ; on s eft
contenté de ponâuer celle-ci.
Fig. 2 , plan 8c élévation d’un crabotage, r, plan
d’un pain de noeuds. S , le même pain vu de face.
Pig. 3 , ouvrier qui travaille dans un crabotage de
côté, b c , perche fur laquelle il appuie fon pied pour
ne pas gliffer.
Fig. 4 , ouvrier qui travaille dans le fond d’un
crabotage de derrière, a , chandelle fixée dans un
morceau de terre graffe.
Fig. y , plan 8c élévation d’un ouvrage compofé
de trois longueffes H , I , L. a b , taille de devant,
marquée d fur l’élévation. cD , taille de derrière,
marquée s à l’élévation, e , a, taille de côté. C , tailles
en travers. S , manottes.
Fig. 6 , plan 8c coupe vd’une manotte marquée S
fur cette figure , comme fur \& figure y. a , coins places
dans leur tenure.
Nous venons de conduire les faix dans les haillons;
mais avant que d’expliquer la manière dont on
y façonne l’ardoife, il convient de dire un mot de
la nature de celle qu’on tire de cette carrière, 8c
même des autres carrières voifines. Il n’eft pas
moins effentiel d’indiquer les précautions qu’il faut
prendre pour 'donner à l’air de la foffe une libre circulation
, 8c pour fe débarraffer des eaux qui filtrent
à travers les délits de la pierre.
De toutes les ardoifes qui fe, tirent vaux environs
de Charleville, celle de Rimogne approche le plus
de celle d’Angers, tant par fa qualité què par fa
couleur qui eft d’un bleu très-foncé. Celle de Saint-
Louis au contraire .eft verdâtre , & parfemée d’une
infinité de petits grains métalliques ou au moins py-
riteux : auffi rencontre-t-on fouvent dans l’ardoifiève
de Saint-Louis, 8c dans les autres ardoifières fituées
fur les bords delaMeufe, de petites pyrites cubiques
couleur de cuivre, qu’on ne trouve point dans celle
de Rimogne. On ne trouve dans aucune de ces ardoifières
, ni coquilles ni impreffions de poiffons : ce
qui eft d’autant plus extraordinaire, qu’il y a dans
les terres voifines 8c dans les carrières de pierres à
bâtir des environs , beaucoùp de coquilles foffiles
ou pétrifiées. Le banc de Rimogne eft le plus épais
qu’on connoiffe dans le pays. Il eft plein & uniforme
: on y rencontre peu de crais ou cordons ;
c’eft ainfi que les ouvriers appellent des veines de
cailloux qui empêchent que la pierre ne fe débite
facilement 8c à profit. On y rencontre auffi peu
de délits , par comparaifon aux autres ardoifières
du voifinage. Ces délits, qui ne font autre chofe que
des fentes remplies d’une matière plus tendre ,
prennent , fuivant leur pofition par rapport à celle
du banc, différens noms qu’il ne faut pas ignorer
lorfque l’on veut conveffer avec les ouvriers 8c en
tirer quelques éclairciffemens fur leur travail. Ils
appellent naye ou laye tout délit vertical qui fe trouve
à peu près dans le fens de la longueur du banc.
Lorfque la la ye, au lieu de fe foutenir dans la verticale
, s’en éloigne en plongeant de Teft à l’oueft,
ou de l’oueft à l’eft , elle prend le «om d'avantage.
Le délit qui plonge dans le banc du nord au fud,
s’appelle rifieau > 8c celui qui y plonge en fens contraire
, c’eft-à-dire du fud au nord, s’appelle macqueric.
En général, on nomme délit en couteau ou en bée uant ^
tout délit qui n’eft pas à l’équerre fur la furface du
banc.
On a marqué tous ces différens délits fur un bloc
d’ardoife repréfenté fig. 3 de la planche I I I , à laquelle
on peut avoir recours. En voici l’explication
fui vie.
Planche I I I , la fig. 1 repréfente la vue en perf-
peétive d’une culée 8c de fes fept longueffes, x A , B ,
C , D , E , F , G ; on a marqué fur la longueffe
de devant G , les manotes qu’il faut faire pour placer
& battre les coins qui doivent détacher la pièce.
H, ouvrier qui travaille à une taille de côté de la
longueffe B; il eft affis fur un étapliau dont la queue
eft retenue contre le devant de la longueffe A , par
le moyen de la cheville n.
I , ouvrier qui travaille à faire une tenure fur le
devant de la longueffe A ; il eft affis fur un chevalet
dont on voit le pied m.
L , ouvriers qui frappent fur les coins placés au
devant de la longueffe D , afin de la faire lever.
0, perche fur laquelle l’ouvrier appuie un de fes
pieds, afin de ne pas gliffer.
M , ouvrier qui frappe fur une étendelle pour la
refendre fuivant la ligne c k 3 8c en détacher par
ce moyen un faix : on ne peut pas voir le coin
de fer placé entre cette étendelle 8c l’intérieur, environ
à fix pouces de leur devant.
e , petite échelle de quatre ou cinq pieds de longueur
, pour le fervice de la culée.
f , chevalet.
g r écope pour jeter l’eau.
é , échelle pour defeendre dans la culée voifine ,
d’où on monte enfuite par d’autres échelles jufqu’à
la fortie de la foffe.
forage de côté qui a été fait d’abord, d’avec le forage
de la dernière qui a été fait enfuite.
La fig. 2 repréfente la coupe d’une galerie inclinée,
dont la partie a , c ,g , Zt, fuppofée pratiquée
dans de mauvaife terre, a le ciel & les côtés entièrement
revêtus en charpente. La partie i , ƒ*, /,
taillée dans le grès, fe foutient feule.
a , ouvrier chargé d’un faix, 8c qui monte le long
de l’échelle ƒ , /.
b , autre ouvrier qui fourre le bout de fon faix
fous un des bourfons de l’échelle a , c , afin de fe
garantir de quelque chofe qu’il entend tomber au
deffus de lui.
La fig. 3 eft un bloc d’ardoife dont la furface A B
C D eft fuppofée parallèle au ciel de la carrière, 8c
fur lequel on a marqué tous les différens délits qui
'fe rencontrent dans cette pierre.
1 , 2, 3 , naye ou laye.
7 , 8 , 9 , 8c 4 , 5, 6 , avantages•
13 , 14, 15 , rifieau.
10, 1 1 , 12 , macquerie.
La'j%■ 4 repréfente la vue en perfpeélive départie
d une culée entièrement foncée , avec une petite
rigole a t a a } 8i une perche b e pour diriger,
dans Je canal e , les eaux qui filtrent du ciel & des
parois de cette culée.
Il faut avoir attention aux délits qui peuvent fe
rencontrer dans les piliers qu’on laiffe pour foutenir
le ciel ; car, comme ces piliers font inclinés à l’horizon
, une tranche comprife entre deux délits auffi
inclinés , pèut facilement gliffer même quand ces
délits font parallèles, 8c à plus forte raifon lorfqu’ils
forment un coin dont la tête eft du côté où le banc
plonge.
Lorfqu’on pouffe plufieurs culées à la fuite les
unes des autres fans leur donner aucune communication
, il eft allez ordinaire que l’air celle de circuler
dans toute cette partie , mais fur-tout dans
la dernière culée. On eft averti du danger qu’y
courent les ouvriers, par l’impoffibilité qu’il y a d’y
conferver de la chandelle allumée. Dans ce cas, il
faut ouvrir une communication entre la culée la plus
proche de celle où on ne peut pas relier fans danger
, 8c quelques anciens ouvrages ; c’eft le feul
moyen dont on fe foit fervi jufqu’à préfent pour entretenir
la circulation de l’air dans cette carrière ,
parce que les ouvrages y ont marché allez également
fur la largeur du banc, pour qu’il ait toujours été
facile d’ouvrir ces communications d’un ouvrage à
l’autre. Dans une carrière où on ne pourroit pas fe
les procurer, il faudroit avoir recours aux moyens
ufités en pareils cas dans les mines 8c autres fou-
terrains.
C ’eft beaucoup que d’avoir affuré le ciel de la
carrière, & d’avoir donné à l ’air de la foffe une libre
circulation ; mais il n’eft pas moins important de ne
point fe laiffer gagner par les eaux. Leur dérivation
eft la partie la plus délicate de l’exploitation d’une
ardoifière, tant par rapport à la dépenfe immenfe
qu’entraînent les épuifemens lorfqu’ils font mal conduits
, que parce que le peu d’intelligence de la plupart
des faéleurs à cet égard, met fouvent dans le
cas d abandonner les meilleures carrières. L’effentiel
eft de bien choifir l’emplacement des baffins où on
doit reunir les eaux & où les pompes doivent puifer.
Comme on fe fert communément de pompes af-
pirantes, ces puifards ou réfervoirs peuvent fe placer
à environ trente pieds au-deffus les uns des autres ;
mais il y a des circonftances locales qui forcent à les
multiplier bien davantage. C ’eft pour cela que dans
1 ardôifiere de Rimogne dont il s’agit ici, il y a dix-
fept pompes les unes fur les autres, pour le moins
de trois cents pieds de hauteur. Je ne parle que de
trois cents pieds , parce qu’il-n’a pas été néceffaire
d’élever les eaux jufqu’à l’entrée de la foffe ; elles
s’écoulent environ cent pieds au deffous de cette
entrée, par deux canaux fouterrains qui ont leur
iffue fur la croupe de la montagne. Ces fortes de
canaux coûtent ordinairement beaucoup de première
conftruélion, mais c’eft une dépenfe qui eft
bientôt regagnée; auffi doit-on commencer torfqu’on
ouvre’une ardoifière, par examiner tous les dehors ,
pour voir s’il n’y a pas moyen de fe procurer uni
pareil canal de décharge, qu’il faut toujours placer