lettre voifine. Cette opération par iaquëlle on dégage
la partie Taillante au canif, s’appelle crener.
Après que la lettre eft crtnlc, on la ratifie, St on
emporte avec le canif tout ce qu’il y a d’étranger au
corps depuis l’oeil jufqu’au pied. Ces deux opérations
fuppléent au frottement ; les lettres, crenées
& ratifiées , s’accollent & Te joignent aufli bien que
fi elles avoient été frottées. Les deux faces du ca-
raêtère que l’on frotte fur la meule , font celles qui
s’appliquent aux bancs du moule , quand on y verfe
le métal; on donne cette façon à ces.faces pour en
enlever le morfil ou la vive arete occafionnee,
tant par la face du blanc d’une des moitiés, que par
celle de la longue pièce de l’autre moitié.
Lorfque les lettres ont été frottées, ou crenées
& ratifiées , on les arrange dans un compofteur. Le
compofteur , défigné par la fig. $ , pl. IV de la fonderie
des caraêtères, eft une règle de bois entaillée,
comme on voit, fur laquelle on arrange les caraêteres 1
la lettre en haut, & tous les crans tournés du même
côté ; enforte qu’on a tous les a ranges de cette
manière , a, a , a, a , a , a , Si. non en celle-ci, vuv
& ainfi des autres lettres ; c eft ce que l’infpeélion
des crans ind;quera facilement. Les caraêteres, ainft
xangés dans le compofteur, font tranfportes fur la
règle de fer A B du juftifieur , fig. 3 , même planche 3
on les y place de manière que leur pied foit en haut,
& que le caractère porte fur la face horizontale du
juftifieur, qui n’eft lui —même; comme on voit,
qu’un compofteur de fer. A cette réglé , on en
applique une autre C D , qui a un epaulement en C ,
comme celui que l’on voit en B de la première piece,
fig. 3 ; cette règle a de plus en C & D , de petites
languettes qui entrent dans les mortoifes a, & b de
la figure 3 , enforte que quand les deux règles , fig. 3
& 4 , font appliquées l’une fur l’autre , elles enferment
exactement la rangée de caractères^ placée fur
la première réglé ; ainfi il n’y a que les pieds des
lettres qui excèdent d’environ une ligne au deflous
des règles de fer qui forment le juftifieur.
Le juftifieur, ainfi garni d’une rangée de caractères,
eft placé entre les deux jumelles A B , CD du
coupoir, qu’on voit fig. 1 , planche IV. Le coupoir
jeft une forte d’établi très - folide ; fur fa table font
fortement fixées la jumelle AB , qui eft une planche
(d’un bon pouce d epàiffeur, & la barre de fer E F ,
qui a un crochet E & un crochet F à chacune de fes
extrémités. Le crochet F eft taraudé & reçoit une
vis , au moyen de laquelle on peut faire avancer la
fécondé règle du juftifieur, que nous avons décrite
ci-defïus. ,
Les deux règles du juftifieur font Cerrees lune
contre l’autre par l’autre jumelle CD , repréfentée
par fa partie inférieure dans la fig- 2. AB > Ç D , font
deux fortes barres de fer , dont les crochets A , Ç ,
entrent dans la table du coupoir. B D eft une autre
barre de fer qui porte un écrou qui reçoit la vis F 9
E , que l’on tourne comme celle d un etau, par le
moyen du manche F , G . Tout cet aflemblage eft
£xé à la table du coupoir, enforte que la jumelle
CD tirée ou pouflee par la vis F E , pôut feule fe
mouvoir.
Il fuit de cette defcription du coupoir, que fi 1 on
tourne la vis EF , fig. 2 , on fera marcher la jumelle
mobile AB , vers la jumelle immobile C D , fig- 1 ,
& que par conféquent on fera appliquer les deux
règles du juftifieur contre la rangée de caraêteres
qu’elles contiennent. Mais pour ferrer les caraêteres
les uns contre lés autres, on fera tourner la vis Ff .
Cette vis fera couler la fécondé règle du juftifieur
le long de la rangée de caraêteres , jufqu’à ce que
fon épaulement L , fig. 4 , rencontrant la rangée de
caraêteres, les preffera & les pouffera vers l’épau-
lement B de la première pièce , fig. 3 , jufqu’à ce
qu’ils foient tous exactement appliqués les uns contre
les autres. Cela fait, il eft évident que les xaraêtères
formeront comme un corps folide contenu par fes
deux extrémités entre les épaulemens des deux pièces
du juftifieur, & félon fa longueur entre les mêmes
pièces, par l’aétion des deux jumelles.
Mais avant que de confolider ainfi la rangée de
caraêteres, on pafle un .morceau de bois dur fur leurs
extrémités Taillantes ou fur leurs pieds , afin de^ les
enfoncer toutes également, & d’appliquer leur tete,
ou la lettre, contre la furface de la règle horizontale
du juftifieur.
Lorfque tout eft ainfi difpofé , on coupe les ca-
raêtères avec le rabot, de la manière que nous allons
dire.
L’inftrument qu’on voit planche IV de la fonderie
en cara&ères, fig. d , eft appelé rabot. Il eft compofe
d’un fût de fer, qu’on voit fig. 10. Sous la partie
N O de ce fût , font’ arrêtés avec des vis les deux
guides C e , D f . Cet affemblage eft furmonté d’un
bois P Q qu’on voit fig. 8 ; ce bois fert de poignée
au rabot. Il fe fixe fur fa partie N O , fig-10 , comme
on l’y voit fixé fig. 6. Le fer AB du rabot fe place
fur la face inclinée du fût , par les deux vis GH
taraudées , & entrant dans les collets que le fer tra-
verfe, & qui font eux - mêmes fixés fur le fût par
la vis que l’on voit en R. Toutes ces pièces affem-
blées forment le rabot de la fig. 6. Les vis fe ferrent
avec le tourne-vis delà fig. 6 , même planche IV .
Quand on veut couper les lettres , on place le
rabot fur le juftifieur , enforte que les parties faillantes
des lettres foient entre les guides du rabot ; on hayfle
ou l’on baiffe le fer, qui eft un peu arrondi par fon
tranchant , enforte qu’il puifle emporter autant de
matière que l’on fouhaite.
Les réglemens ont ftatué fur la hauteur des lettres;
il eft ordonné que la lettre portera, depuis fa fur-
face jufqu’à l’extrémité de fon pied, dix lignes &
demie de pied - de - roi. Cette hauteur n’eft pas la
même par-tout ; la hauteur de Hollande a près d’une
ligne de plus que celle de Paris ; celle de Flandre,
& même de L y on , ont plus de dix lignes. Au refte,
lorfque des imprimeurs, fans aucun égard pour les
ordonnances , veulent des caraêteres au deflus ou au
dçffous de dix lignes Sf. demie, on a de petites piècçs
qu’on
qu’on ajufte au moule à fondre les caraêteres, entre
le jet & les longues pièces.
Ces pièces s’appellent haujfes ; félon que les haufles .
font plus ou moins épaiffes , un même moule-fert à
fondre des caraêteres plus ou moins hauts de papier ;
c’eft l’expreflion dont on fe fert pour défigner la
dimenfion dont il s’agit ici.
Le fer du rabot étant convexe, les caraêteres coupés
auront tous une petite échancrure concave , de
manière qu’étant pofés fur leurs pieds, ils ne porteront,
pour ainfi dire, que fur deux lignes, au lieu
de porter fur une furface. On a pratiqué cette concavité
aux pieds des caraêteres, afin qu’ils s’arrangent
mieux fur le marbre de la prefle, fur lequel expofant
moins de furface, ils font moins fujets à rencontrer
des inégalités.
Mais ce retranchement de matière n’eft pas le feul
qui fe fade avec le rabot; on eft contraint d’enlever
encore de l’étoffe au haut «du caraêlère, comme on
peut le voir en B,fig. 14 ; ce retranchement fe fait
des deux côtés aux lettres qui n’ont ni tête ni queue,
& feulement du côté oppofé à la queue, lorfque les
caraêteres en ont une. Le but de cette opération eft
de dégager encore mieux l’oeil du caraêlère. On voit
en effet , fig. 14, que le caraêlère B eft plus Taillant
que le caraêlère A q u o iq u ’ils aient été fondus l’un &
l’autre dans le même moule.
La machine repréfentée fig. 14, & qui contient
les deux caraêteres K & B dont nous venons de
parler, s’appelle juflification ,\ elle fert à connoître ,
par le moyen du petit réglet qu’on voit fig. 13, &
qu’on appelle jetton, fi les traits des lettres fe trouvent
tous fur une même ligne. Pour cet effet, après
avoir juftifié les lettres mm, que nous avons dit être
la première lettre que l’on fabrique , on place un a,
par exemple, entre les deux mm, en cette forte mam,
& l’on examine fi l’arête du jetton s’applique également
fur les trois caraêtères.
Le morceau de glace, figure 12, & fon jetton,
fig. 11 , fervent à jauger de la même manière les
épaiffeurs, & l’une & l’autre de ces deux machines
indique pareillement , par l’application du jetton ,
fi les traits des lettres fe trouvent tous exactement
dans la même ligne droite , comme nous venons de
dite.
AJfortiment des caraêtères.
On entend par une fonte de caraêtères d’ imprimerie,
un aflortiment complet de toutes les lettres majuf-
cules , minufcules ,■ accens , points , chiffres, &c.
récefiaires à imprimer un difcours., & fondues fur
un feul corps.
Le corps ëft une.épaiffeur jufte & déterminée,-
relative à chaque caraêlère en particulier ; c’eft: cette
épaiffeur. qui fait la diftance des lignes dans Ym livre ,
& qui donne le nom au caraêlère, & nom l’oeil de la
lettre ; cependant, pour ne rien confondre , on dit
fondre un Cicéro fur un corps de S. Auguflin , quand
on a pris ce mpyen,ppùr jetter plus de blanc entre
les lignes.
Arts & Métiers. Tome I. Partie /,
Mais pour fe faire une idée jufte de ce qu’on
appelle en fonderie de caraêtères ou en imprimerie,
corps , oeil & blanc, prenez une diftance ou ligne
quelconque ; fuppofez - la divifée en fept parties
égales par des lignes parallèles ; fuppofez écrite entre
ces lignes parallèles une des lettres que les imprimeurs
appellent courtes, telles que Va, le c , Vrn , & c .
car ils appellent lés lettres à queues, telles que le
p , le <7, le d , lettres'longues. Suppofez-la tracée
entre ces parallèles de manière qu’elle ait fa bafe
appuyée fur la troi-fième parallèle én montant, &
qu’elle touche de fon fommet la troifième parallèle
en defcendant, q,u ce qui revient au même , que des
fept intervalles égaux dans lefquels vous avez div.fé
la ligne, elle occupe les trois du milieu ; il eft évident
qu’il reftera au deflûs de ces trois intervalles-
occupés , deux efpacés vides , & qu’il, en reliera,
auffi deux vides au deflous. Cela bien compris, il
ne fera pas difficile d’entendre ce que c’eft que Vczïl,.
le corps, & le blanc. Le corps eft repréfenté par la
ligne entière ; Voeiloccupe les trois efpaces du milieu,
c’eft la hauteur même de la lettre; & on entend
par les blancs, les deux efpaces qui relient vides au
deflous & au deflus de l’oeil.
Exemple.
la ligne. AB représente
la hauteur
du corps ;
I CD , le blanc
d’enhaut; D E ,
l’oeil. EF , le blanc d’en bas. CD , forme, dans une
page imprimée , la moitié de l’efpace blanc qui eft
entre. Une ligne & fa fupériéure; & EF , la moitié
de l’efpace blanc qui eft entre la même ligne & fon
inférieure.
Il y a des lettres qui occupent toute la hauteur du
corps, telle eft f/Lconfonne avec fon point, comme
on voit dans l’exemple, les Q capitales en romain ,
& les f tk f e n italique, ainfi que les fignes ( , § , [ , &c.
Dans les lettres longues , telles que le d & le q,
il faut diftinguer deux parties, le corps & la queue ;
le corps occupe les trois intervalles du milieu, de
même que les lettres courtes, & la queue occupe,
les deux intervalles blancs, foit d’enhaut, foit d’en
bas, félon que cette queue eft tournée. Voyeç dans
l’exemple le d & le q. S’il fe trouvé dans une ligne
un q, & dans la ligne au deflous un d qui çôrref-?
ponde exaéleme.nt au q , il n’y aura point d’intervalle
entre les queues, les extrémités de ces queues fe
toucheront ; d’oii il s’enfuit que voilà la hauteur
relative des corps & celle des caraêtères déterminée.'
Que refteroit-il donc à faire pour que la fonderie &
l’imprimerie fuffent aflujetties à des règles conve-?
nables, finon de déterminer la largeur des lettres ou
caraêtères , relativement à leur hauteur ? c’eft ce que
perfonne n’a encore tenté. On eft convenu que la
hauteur du corps étant divifée en fept parties égales „
la hauteur du caraêlère, de l!m , par exemple,Teroit
de trois de ces parties ; quant à fa largeur, chacun
fuit fon goût & fa fantaifis ; les uns donnent au C4-*
P d 4