
on ne lui donne que des chaudes douces, & on le
bat à petits coups & très-rapidement, en obfervant
de tremper les marteaux dans l’eau ; le contraire du
chaud & du froid détache les pailles & refferre les
pores de la matière. On appelle cette dernière opération
repaffer le canon.
Lorfque le travail de la forge eft entièrement fini,
le canon a environ trois pieds huit pouces de longueur,
& pèfe environ fix livres. Voyez fig. 6 , F ,
planche I. Mais comme la lame préparée pour la
fabriquer n’a que trois pieds deux pouces , & pèfe
neuf livres, il eft évident qu’elle s’alonge de fix
pouces fous le marteau du canonier , & qu’elle
déchoit de trois livres : on coupe l'extrémité du
canon pour le réduire à trois pieds fix pouces qui
eft a&uellement la longueur prefcrite ; c’eft dans cet
état qu’il pâlie à la machine à forer.
Forage du canon.
Le canon étant foudé fur une-broche de fer qui
n’a que cinq lignes de diamètre , il eft néceflaire de
l’évider en dedans pour lui donner fon vrai calibre,
qui doit être de fept lignes dix points. Cette opération
ne peut fe faire, qu’en détail & fucceffivement,
en faifant palier dans l’intérieur du canon un certain
nombre de forets dont les diamètres aillent en augmentant.
Ces forets font d’acier trempé ; ils ont
environ dix pouces de longueur, font carrés & cou-
pans par leurs quatre arêtes , & ils font foudés à
une verge de fer , longue de trois pieds & demi ;
l’extrémité de cette verge, un peu applatie, entre
& eft maintenue dans une cavité pratiquée au centre
d’une lanterne horizontale qui lui donne le mouvement.
L’ufine où l’on fore les canons , eft garnie de
quatre lanternes horizontales & parallèles. Voyez
planche 11 >fig.2, L , (fufil de munition. ) Ces lanternes
portent chacune un foret N ; elles engrainent
à quatre rouets verticaux H , portés par un feul
arbre G. A l’extrémité de cet arbre , eft une groffe
lanterne horizontale qui reçoit fon mouvement d’un
grand rouet vertical porté par l’arbre même d’une
rou,e qu’un courant d’eau fait tourner. L’expérience
& l’ufage ont appris qu’il falloit paffer fucceffivement
vingt forets & deux mèches dans chaque canon pour
les mettre au calibre. Ces mèches ne diffèrent des
forets que par leur longueur, qui eft d’environ quinze
pouces, au lieu que les forets n’en ont que dix.
Le foret étant fixé exa&ement &. folidement au
centre de la lanterne dans une fituation horizontale,
il s’agit de faire avancer le canon à fa rencontre par,
un mouvement régulier, & de manière que l’axe
du canon &. celui du foret ne faffent exaélement
qu’une feule & même ligne : pour cela , on établit
à une jufte hauteur le banc de forerie ou de forage.
Ce banc eft un châffis horizontal E , planche I I ,
d’environ huit pieds de longueur, porté folidement
fur fix montans bien affujettis & enfoncés dans la
terre ; les deux plus longues pièces du châffis doivent
être parallèles & éloignées l’une de l’autre de
huit pouces ; elles font contenues dans leur parallélisme
& leur fituation horizontale , par des tra-
verfes fixées fur les montans ; la face intérieure de
chacune de ces pièces parallèles, eft creufée dans toute
fa longueur d’une rainure d’un pouce & demi de
profondeur , garnie d une lame de fer j ces deux ,
rainures , qui doivent être dans le même plan, forment
une couliffe dans laquelle gliffe un double T
de fer , qu’on appelle le fépé, fig. O,planche IL Cet
inftrument eft long de deux pieds trois pouces, &
large de onze pouces foibles ; enforte qu il peut
gliffer librement dans la couliffe , fans que le canon
Q , qu’il porte , puiffe fe détourner de la ligne des
axes. Deux anneaux de fer font fondes perpendiculairement
aux deux extrémités du fépé ; & c’eft
dans ces anneaux que l’on paffe le canon, Si qu on
l’affujettit dans fa vraie fituation avec de petits coins
de fer après quoi on place le fepe dans la couliffe
à l’extrémité du banc , le bout du canon dirige a la
lanterne. „
Une auge ou bac de pierre , F , règne au deilous
du banc de forage ÿ on l’emplit d eau, & elle fert a
rafraîchir le canon, qui s’échauffe affez tandis quon
le fore , pour empêcher de le manier aifement ;
cette auge fert encore à recevoir la limaille que l’on
fait fortir du canon à chaque foret qui y paffe
à rafraîchir le foret lui —même, quon trempe dans
l’eau lorfqu’on retourne le- fépé pour évacuer la
, limaille. v ■ .
Au deffus du banc de forage, eft une tringle de
bois garnie dans toute fa longueur de pointes de fer,
auxquelles on fufpend les forets ,.qui font a cet effet
percés à leur tête j tous ceux qui doivent paffer
dans le canon, au nombre de vingt-deux, y compris
les deux mèches , font places dans leur ordre.
le premier ou le plus petit auprès de la lanterne,
& le vingt-deuxième ou le plus gros à 1 autre extrémité
: c’eft ce qu’on appelle la trovffe de forets.
Les bancs de forage ne font que mieux & plus
folidement établis, s’ils font pofés fur un maffif de
maçonnerie , comme on le voit dans le profil, pl. I l ;
& c’eft ainfi qu’ils font conftruits dans les ufines de
la manufaôure de Charleville.
Toutes chofes étant difpofées, on paffe de 1 huile
le long de la couliffe, & fur le premier foret qu’on
introduit dans le canon : on donne l’eau à la roue qui
met la machine en mouvement j le foret tourne,
& l’on fait avancer le canon par le moyen d’un
petit levier coudé qui porte fur une partie relevée
à l’extrémité du fépé, la plusvoifine de la lanterne.
Les ouvriers appellent ce petit levier, figure P , la
crojfe. Les points d’appui fucceffifs , font des chevilles
verticales efpacées à quatre pouces l’une de
l’autre le long d'une des longues pièces du châffis,
la plus éloignée de l’ouvrier. Le canon avance d’un
mouvement direéf, ô c , fi lariiachine eft bien faite $
fans fortir de la ligne des axés.
Il faut avoir attention, lorfque le premier foret a
parcouru la moitié de la longueur du canon , de
retirer le fépé de la couliffe , en obfervant de le
retourner bout pour bout, enforte que le foret qui
étoit entré d’abord par la bouche du canon, entre
à cette fois par le tonnerre.
On en ufe ainfi pour les huit à dix premiers
forets , après lefquels ceux qu’on fait paffer dans
le canon , le parcourent tout entier & dans toute
fa longueur. On doit, dans la fuite de l’opération,
retirer le canon , & le fecouer deux ou trois fois
à chaque foret. Plus il approche de fon calibre , &
plus cette opération eft néceflaire ; il y a dans la
limaille des grains plus ou moins durs & plus ou
moins gros , qui , tournant avec le foret, forme-
roient dans l’intérieur du canon des traits circulaires
plus ou moins profonds, qu’on ne pourroit atteindre
& effacer , à moins de lui donner un calibre plus
grand qu’il ne doit l’avoir.
Lorfqu’on a fait paffer les huit à dix premiers forets,
il faut arrêter pour dreffer le canon en dedans ; on
fait paffer pour cela, dans le canon , un fil de laiton
très-mince, aux extrémités duquel on fufpend deux
poids, enforte que le fil foit bien tendu ; alors on
fixe l’oeil au tonnerre, & l’on préfente au jour le
bout du canon, qu’on fait doucement tourner fur
lui-même, pour appercevoir & marquer par dehors
les endroits où le fil ne porte pas. C ’eft ce qu’on
appelle dreffer au cordeau. On retire le f il, & l’on
dreffe à petits coups de marteau fur une enclume ;
on vérifie enfuite avec le f i l , & l’on répète jufqu’à
ce que l’ame du canon foit bien droite ; on le remet
dans les anneaux du fépé , & l’on y fait paffer deux
ou trois forets toujours huilés , après lefquels on
s’affure de nouveau avec le fil de laiton que l’intérieur
eft bien dreffé. Cette vérification ne peut être
trop fréquente, fur - tout lorfqu’on approche des
derniers forets, ainfi que la précaution d’évacuer la
limaille.
Lorfqu’on eft au bout de la trouffe, qu’il n’y a
plus que deux ou trois forets à faire paffer dans le
canon , & que l’on eft affuré que l’ame eft bien
droite, on commence à le dreffer en dehors : pour
icela , on introduit dans l’intérieur du canon un
; compas à longues jambes ; celle qui entre dans l’in-
1 terieur, porte à fon extrémité un cylindre de liège '
ou de quelque autre matière flexible, enforte qu’on
peut fixer le compas où l’on veut. La jambe qui
\ eft à l’extérieur, a un petit bouton un peu faillant
; a fon extrémité ; on ferre la charnière du compas
lorfque le bouton touche la furface extérieure du
\. cano.n 9 a^ors on ret‘re Ie compas, & l’on juge par"
1 éloignement du bouton au cylindre, quelle épaiffeur
[ a le canon au point où on l’a mefuré ; ce point eft
! marqué d’un trait de lime, & remettant le compas
dans fa première pofition, on le fait tourner lentement
pour connoître de quel côté le canon eft le
plus épais ; on marque les endroits les plus épais
d un trait de lime profond, & ceux qui leMont
moins, mais qui le font encore plus qu’ils ne doivent
etre, d un trait plus léger : on fuit ainfi depuis le
bout du canon jufqu’au milieu, & on le retourne
j>our faire la même opération depuis le tonnerre
jufqu’au milieu , en marquant toujours avec la lime
les endroits où on doit en ôter plus ou moins*
S’il falloit blanchir, dreffer & donner aux canons
leur forme extérieure à la lime, il faudroit y employer
une grande quantité de bras ; encore en
feroit-on très-peu , & ils ne feroient pas mieux qu’en
les paffant fur une meule, ainfi qu’on eft dans l’ufage
de le faire.
Ces meules font de grès 5 on les choifit, autant
qu’il eft poffible , fans fils ni défauts ; elles ont fix à
fept pieds de diamètre, & un pied d’épaiffeur ; elles
font verticales & portées par un axe de fer de
quatre pouces carrés , & dix pieds & demi de longueur
: à l’extrémité de cet ax e , eft une lanterne
horizontale qui engraine à un rouet vertical porté
par un arbre', à l’extrémité duquel eft une lanterne
que le grand rouet fixé à l’arbre de la roue à eau
fait tourner.
Ce grand rouet, comme on l’a v u , donne à fa
droite le mouvement à l’arbre qui fait tourner les
quatre forets , & à fa gauche, en fens contraire , à
l’arbre qui fait tourner la meule. Voyez planche I I I ,
fig. /. L’ouvrier émouleur eft debout à côté de la
meule fur une élévation de terre, lorfque la meule
eft neuve, & par conféquent plus haute ; mais que
l’on baille à mefure que la meule s’abaiffe elle-même
en s’ufant, afin que l’ouvrier foit toujours à la hauteur
qui lui convient pour appliquer commodément
le canon fur la meule. Il a eu foin d’introduire auparavant
un engin dans le tonnerre du canon. Cet
engin R eft un cylindre d’environ un pied de long,
traverfé à fon extrémité par deux autres cylindres
de huit à dix lignes de diamètre, & de quatorze ou
quinze pouces de longueur, qui fe croifent à angles
droits: ce font des efpèces de poignées parle moyen
defquelles il fait tourner à fon gré le canon fur la
meule.
Pour éviter les foubrefauts que le mouvement
rapide de la meule ne manqueront pas d’occafionner
fi le canon n’étoit pas arrêté par fon autre extrémité
, on fait entrer à force dans la bouche du
canon, un autre mandrin qui déborde de quelques
pouces, &: qui fe termine par un crochet S , lequel
s’engage à la volonté de l’ouvrier dans des chevilles
de fer T , que préfente à différentes hauteurs une
pièce de bois oblique, placée de l’autre côté de la
meule.
On vient de dire qu’il falloit que ces meules
fuffent fans défauts autant qu’il eft poffible, qu’elles
euffent des axes de fer, & que l’ouvrier devoit fe
placer debout & à côté de la meule, & non pas fe
! coucher deffus. Ces trois conditions font effentielles
pour éviter ou prévenir de très-grands inconvéniens,
& pour la perfeélion du travail dont il s’agit'. Si la
meule a des fentes, ou feulement des fils ou poils %
c’eft-à-dire , des difpofitions à fe fendre, fa force
centrifuge, qui eft proportionnelle à la viteffe de fa
rotation, fera détacher les parties qui n’ont point
affez de cohéfion ; fi l’ouvrier eft alors fur la meule
j au lieu d’être à côté5 ces parties détachées l’empor