
y eut boulangers de ville & boulangers de fauxbonrgs.
C e corps reçut fes premiers réglemens fous faint
Louis : ils font très-fages, mais trop étendus pour
avoir place ici. Le nom de gindre, qui eft encore
d’ufage, eft employé pour défigner le premier garçon
du boulanger. Philippe le Bel fit aufli travailler à la police
des boulangers, qui prétendoient n’avoir d’autre
juge que le grand pannetier. Ces prétentions durèrent
prefque jufqu’en 1350, fous Philippe de'Valois
, que parut un réglement général de police,
où celle des boulangers ne fut pas oubliée, & par
lequel i° . l’éleéfion des jurés fut transférée du grand
pannetier au prévôt de Paris ; i ° . le prévôt des
marchands fut appelé' aux élevions ; 30. les boulangers
qui feroient du pain qui ne feroit pas de
poids, paieroient foixante fous d’amende , outre la
confiscation du pain. Le fou étoit alors de onze fous
de notre monnoie courante. Henri III fentit aufli
l’importance de ce commerce , & remit en vigueur
les ordonnances que la fagefle du chancelier de l'Hôpital
avoit méditées.
Il n’eft fait aucune mention d’apprentiflage ni de
chef-d’oeuvre dans les anciens ftatuts des boulangers.
Il fuffifoit, pour être de cette profeflion, de demeurer
dans l’enceinte de la v ille, d’acheter le métier
du roi; & au bout de quatre ans, de porter
au maître boulanger ou au lieutenant du grand pannetier
un pot de terre neuf, Si rempli de noix Si
de nieulle, fruit aujourd’hui inconnu; cafler ce pot
contre le mur en préfence de cet officier, des autres
maîtres & des gindres, & boire enfemble. On
conçoit de quelle conféquence devoit être la négligence
fur un pareil objet : les boulangers la fentirent
eux-mêmes, & fongèrent à fe donner des ftatuts en
1637. Le roi approuva ces ftatuts ; & ils font la bafe
de la difeipline de cette communauté.
Par ces ftatuts, les boulangers font fournis à la ju-
riidicton du grand pannetier. Il leur eft enjoint d’élire
des jurés le premier dimanche après la fête des Rois ;
de ne recevoir aucun maître fans trois ans d’apprentiflage;
de ne faire qu’un apprenti à la fois; d’exiger
chef-d’oeuvre, &c.
Du grand Pannetier.
L*s anciens états de la maifon de nos rois font
mention de deux grands officiers, le dapifer ou fé-
nèchal, & le bouteiller 014 èchanfon. Le dapifer ou
fénéckal ne prit le nom de pannetier. que fous Philippe
Augufte. Depuis Henri II, cette dignité étoit
toujours reftée dans la maifon de Cofle de Briflac.
Ses prérogatives étoient importantes. Le grand pannetier
, ou fa jurifdicfion, croifoit continuellement
celle du prévôt de Paris; ce qui occafionnoit beaucoup
de conteftations, qui durèrent jufqu’en f 674,
que le roi réunit toutes les petites juftices particulières
à celle du châtelet.
Boulangers des fauxbourgs.
Les ouvriers des fauxbourgs étoient partagés, par
/apport à la police, en trois clafies ; les uns étoient
fournis à la jurande, & faifoient corps arec eeu*
de la ville; d’autres avoient leur jurande & communauté
particulières ; & il étoit libre d’exercer
toute forte d’art Si maîtrife dans le fauxbourg faint-
Antoine. En faveur de l’importance de là boulangerie
, on permit à Paris Si dans toutes les villes
du royaume, de s’établir boulanger dans tous les
fauxbourgs, fans maîtrife. On aflujétit les boulangers
de fauxbourgs, quant au pain qu’ils vendoient dans
leurs boutiques, à la même police que ceux de. ville ;
quant au pain qu’ils conduifoient dans les marchés,
on ne fut fi on les confondroit ou non, avec les
forains.
Cette diftin&ion des boulangers de ville, de fauxbourgs
Si forains, a occafionné bien des conteftations
; cependant on n’a pas ofé les réunir en communauté
, & l’on a laifle fubfiftér les maîtrifes particulières,
de peur de gêner des ouvriers aufli ef-
fentiels.
Boulangers privilégiés.
Les boulangers privilégiés font au nombre de douze,
& tous demeurent à Paris; il ne faut pas les confondre
avec ceux qui ne tiennent J^ur privilège que
des lieux qu’ils habitent. Les premiers ont brevet Si
font boulangers de Paris ; les autres font traités comme
forains.
Boulangers forains.
Les boulangers forains font ceux qui apportent du
pain à Paris, de Saint-Denis, Gonefle , Corbeil,
Villejuif, & autres endroits circonvoifins. Ces pourvoyeurs
fontd’une grande reflource; car deux cent
cinquante boulangers que Paris a dans fon enceinte,
& fix cent foixante dans fes fauxbourgs, ne lui fuf-
firoient pas. Elle a befoin de neuf cent forains, qui
arrivent dans fes marchés deux fois la femaine. Ils
ne venoient autrefois que le famedi. Il leur fut permis,
en 1366, de fournir dans tous les jours de marché.
Lis obtinrent ou prirent fur eux, au lieu d’arriver
dans les marchés, de porter chez les bourgeois :
mais on fentit & l’on prévint en partie cet incon-,
yénient.
Achat des bleds & des farines.
Deux fortes de perfonnes achètent des bleds Si
des farines ;. les boulangers, & les bourgeois Si ha-
bitans de la campagne : mais on donne la préférence
aux derniers, & les boulangers n’achètent que
quand les bourgeois font cenfés pourvus. Us ne
peuvent non plus enlever qu’une certaine quantité;
& pour leur ôter tout prétexte de renchérir le pain
fans caufe, on a établi des poids pour y pefer le
bled que reçoit un meunier , & la farine qu’il rend.
Il n’arrivoit jadis fur les marchés que des bleds ou
des farines non blutées : la facilité dû tranfport a
fait permettre l’importation des farines blutées.
Débit & marchés du pain.
Tout boulanger qui prend place fur un marché,
contraéle l’obligation de fournir une certaine quantîté
de pain chaque jour de marché, ou de payer
une amende. Il faut qu’il s’y trouve lui ou fa femme,
& que tout ce qu’il apporte foit vendu dans le jour.
Il lui eft enjoint de vendre jufqu’à midi le prix fixé ;
pafle cette heure, il ne peut augmenter, mais il
eft obligé de rabaifler pour faciliter fon débit.
Il lui eft défendu de vendre en gros à dés boulangers.
Les marchés au pain fe font augmentés à mefure
que la ville a pris des accroiflemens ; il y en a maintenant
plus de quinze; les grandes halles; les halles
de la tonnellerie ; la place Maubert ; le cimetière
faint Jean ; le marché neuf de la cité ; la rue faint
Antoine, vis-à-vis les grands Jéfuites; le quai des ■
Auguftins ; le petit marché du fauxbourg faint Germain
; les Quinze-Vingts ; la place du palais royal;
le devant de l'hôtellerie des bâtons royaux, rue
S. Honoré; le marché du Marais du Temple; le
devant du Temple ; la porte Saint-Michel, &c. Il fe
trouve , le mercredi Si le famedi de chaque femaine
, dans ces endroits, quinze cent trente-quatre
boulangers Si plus, dont cinq à fix cents ou forains
ou des fauxbourgs.
Profejfions incompatibles avec la boulangerie.
On ne peut être boulanger, méûnier & marchand
de grain parmi nous ; ainfi que chez les Romains.
on ne pou voit être pilote, marinier, ou mefureur.
Il n’eft pas n’eft néceflaire d’en rapporter la raifon.
Jours de marché.
Comme le pain eft la nourriture la plus commune
Si la plus néceflaire, le marché au pain fie
tient à Paris le mercredi & le famedi, quelques jours
qu’ils arrivent, excepté feulement l’Epiphanie, Noël,
la Touflaint, .& les fêtes de V ierge ; dans ce cas,
le débit fe fait le mardi & le vendredi. Quant au
commerce des boutiques, il n’eft jamais interrompu
; les boulangers font feulement obligés les dimanches
Si fêtes, de tenir les ais de leurs boutiques
fermés.
Nous croyons devoir faire précéder ce que nous
avons à dire fur les differentes parties de l’art de
la boulangerie, par les obfervations fur le pain, que
M. Macquer , célèbre académicien, fait dans fon
Qittionnaire* de Chimie.
T h é o r i e d u p a i n .
î» Les graines de tous lesrvégétaux font prefque
entièrement compofées des fubftances les plus propres
à la nourriture des animaux ; Si entre les graines,
celles qui contiennent une matière farineufe, font
encore plus agréables Si plus nourriffantes que les
autres; aufli lés animaux les recherchent & les mangent
ils par préférence à tous les autres.
L’homme, qui paroît deftiné par la nature à
manger de tout ce qui eft capable de nourrir, Si
plutôt même encore des végétaux que des animaux
, a , de temps immémorial, & dans prefque
toutes les parties de la terre, pris les graines farineufes
pour la bafe principale de fa nourriture : mais
comme ces graines ne peuvent être mangées que
difficilement par l’homme, dans l’état où la nature
les fournit, cet être intelligent Si induftrieux eft
parvenu par degrés , non-leulement à extraire la
partie farineufe, c’eft-à-dire, la feule qui foit nutritive
dans ces graines, mais enqore à la préparer
de manière qu’il en réfulte un aliment fain Si agréable»
tel qu’eft le pain.
Rien*ne paroît fi fimple au premier coup d’oeil,
que de moudre du bled, d’en féparer la farine ,
d’en faire une pâte avec de l’eau, & de faire cuire
cette pâte dans un four. Ceux qui font accoutumes
à jouir des plus belles inventions, fouvent fans
avoir jamais réfléchi à ce qu’il en a coûté pour les
perfeétionner, ne trouveront rien dans toutes ces
opérations que de fort commun Si de fort trivial:
il paroît cependant bien certain que les hommes ont
été pendant très-long-temps à ne manger que des
bouillies ou galettes vifqueufes , compares, peu
agréables au goût Si difficiles à digérer, avant que
d’être parvenus à faire du pain de bon goût Si de
bonne qualité, comme nous l’avons préfentement*-
Il a fallu inventer, & perfeétionner fucceflivement
les ingénieufes machines dont on fe fiert avec tant
d’avantage pour moudre le grain Si en féparer la
pure farine, prefque fans, peine Si fans travail ; il
a fallu que les recherches ou plutôt quelque hafard
heureux , dont un bon obfervateur aura profite ,
fiffent découvrir que la farine mêlée d’une certaine
quantité d’eau, eft fufceptible d’une fermentation
qui.en détruit prefque toute la vifeofité, excepté
la faveur, & k rend propre à faire un pain
léger très-agréable au go.ût, & très-facile a digerer.
Cette opération effentielle, d’où dépend la bonne
qualité du pain , eft entièrement du reflort de la
chimie.
C ’eft à l’heureufe invention de faire lever la pâte
avant de la cuire, qu’on doit attribuer la perfection
du pain. Cette opération confifte à garder un peu
de pâte, jufqu’à ce que, par une forte de fermentation
fpiritueufe qui lui eft particulière, elle fe foit
gonflée, raréfiée, & ait acquis une odeur Si une
faveur qui ont quelqué chofe de v if , de piquant,
de fpiritueux mêlé d’aigre, Si même défagréable.
On pétrit exaétement cette pâte fermentée , avec
de la pâte nouvelle.: ce mélange, aidé d’une chaleur
douce, détermine promptement cette dernière
à éprouver elle-même une pareille fermentation ,
mais moins avancée Si moins complète que celle
de la première. L’effet de cette fermentation eft de
divifer, d’atténuer la pâte nouvelle , d’y. introduire
beaucoup d’air ou de gas, qui, ne pouvant fe dégager
entièrement, à caufe de la ténacité Si de là
conftftance de cette pâte, y forme des yçux ou
petites cavités, la foulève, la dilate & la gonfle,
ce qui s’appelle la faire lever ; Si c’eft par cette
raifon qu’on a donné le nom de levain a la pâte
ancienne qui détermine toi^s ces effets.
Lorfque la pâte eft ainfi le y é e , elle eft en état
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