
»_- chaux retournée. On la jette en cet état le plus dou-
» cernent que l’on peut dans l'eau de rivière, der-
»» rière une haie de charpente, pour empêcher qu’elle
» ne foit tourmentée & délayée par le flot & le cou-
7) rant. Elle y durcit en moins d’un an comme le plus.
v fort rocher , quoiqu’on n’y ait mêlé ni autres
iy pierres, ni moilons ; mais cela fait des maçon-
» neries très-couteufes. »
Pour les rendre un peu moins chères, on jette
dans ces coffres alternativement une brouette de
chaux retournée, & une brouette de moilons. Sans
autre précaution, ce mélange prend de même &
ïéuflit à former le rocher.
On fait de la chaux avec toutes fortes de bois ,
mais plus facilement avec les bois qui font une belle
flamme : les bois blancs font très-propres à cela. On
emploie aufli la tourbe, le charbon de terre oq la
houille ; fouvent auffi, dans les mêmes fours, conf-
truits dans cette v u e , on fait en même temps la chaux
& la brique ou fjt tuile*
On place les fourneaux , autant qu'on le peut,
fur-tout lorfque l’on travaille en grand, fur un tertre,
'afin que creufés, on puiffe avoir accès au pied &
au fommet avec facilité.
En général, le feu eft dirigé de deux manières
dans les chaux-fo-urs, félon les matières combufti-
bles & les pays : quelquefois on fait une vive flamme
, fous une maue de pierres foutenue ; c’eft fur-
tout lorfque l’on emploie du bois, des broffailles,
des bruyères, &c. D ’autres fois on fait un feu moins
flambant; c’eft lorfque l’on entremêle par couches,
avec 1À pierres, le bois coupé, le charbon de bois,
la tourbe, la houille, 6>c. La difpofition & Farrange
ment des fours eft différente, félon que l’on fe
fert d’un feu plus ou moins flambant ; & dans ce cas,
il faut un foyer : ou bien, fi on fait ufege d’un petit
fe u , les matières combuftibles font ftratifiées avec
les pierres.
M. Fourcroy deRamecourt , dans l’art chaufournier,
qu’il a décrit & publié en 1766, eft entré dans
tous les détails néceflaires fur la conftru&ion & la
conduite des fours de divers, pays. Il décrit les fours
«llipfoïdes de Lorraine à grande flamme , où l’on fait
la chaux âpre, qui fe durcit le plus promptement ;
les fours à chaux cubiques d’Alface , aufli à grande
flamme. Il donne enfuite la conftruéfion des fours de
la fécondé efpèoe, à petit feu, qui font en pyramide,
ou en cône renverfé, & que l’on emploie aufli
en Flandre & en diverfes provinces de France ; des
fours en demr-ellipfoïde renverfé , que l’on, fait à
.Tournai & ailleurs; des fours cylindriques, où l’on
fe fert du charbon de bois. Il détaille auffi la conduite
des fours coulant , cèft-à-dire , dont on if éteint
point le feu-, tant que dure la fabrication de la chaux
& le four : on en tire la chaux par le pied , à mefure
qu’elle fo fait, en rechargeant d’autant le four par
fon fommet.
Nous allons donner la description de la. méthode
que M, Fourcroy juge être *3
Fours en cône renverfé. ,
Tous les fours à chaux font femblables fur la
baffe-Meufe, l’Efcaut, la Scarpe, la L y s, dans la
Flandre maritime, & le Boulonnois : ils ne diffèrent
que par leur grandeur & quelques acceffoires, à
l’exception de ceux de Tournai, dont je parlerai en
particulier. On fait aux mêmes fours dans toute cette
étendue de pays, de la chaux de pierres dures, em-
marbrées quand on peut fe les procurer, & de la
chaux de pierres blanches &. tendres qui s’y trouvent
prefque par-tout. Ce font encore les mêmes fours
qui font en ufage à Vichi, à Lyon , en Dauphiné,
&. en plufieurs autres, provinces de France.
Dimenfions 6* conjtru&ion de ces fours.
Le vide ou intérieur de ces fours eft un entonnoir
: en Flandre on lui donne vingt à vingt-huit
pouces de diamètre par le bas. Voyez planches I & //,
figures 1 , 4 , p. Le diamètre augmente de quatre à
neuf pouces par pied de hauteur du four, jufqu’à ce
que Faxe ait acquis une hauteur proportionnée à
l’exploitation qu’on fe propofe : un petit four s’élève
jufqu’à fept ou huit pieds de hauteur, & peut avoir au
fommet cinq à fix pieds de diamètre ; au lieu qu’un
grand s’élève jufqu’à quinze & feize pieds, & aura au
fommet de huit à douze pieds de largeur d’orifice. Ailleurs
on leur donne par lé bas jufqu’à près de cinquante
pouces de diamètre. On fait donc de ces fours à chaux
qui ne contiennent qu’environ foixante-quinze pieds
cubes de matière à-la-fois pour des particuliers qui
veulent bâtir, & d’autres qui en contiennent jufqu’à
fix cens pieds. On joint auffi plufieurs de ces derniers
enfemble pour les entreprifes de grande confomma-
tion. Les proportions de tous ces grands & petits
fours, ne paroiffent déterminées que par le caprice
& les. idées particulières à chaque chaufournier, ou
même au maçon qui les conftruit. Le plus ou le moins
de talus à donner au pourtour de Fentonnoir, depuis
deux jufqu’à quatre pouces & demi par pied de hauteur
, dépend uniquement, dit le maçon, delafoli*
dité plus, ou moins grande du terrain fur lequel on
établit le four. 11 faut plus de talus fi le fond n’eft pas
ferme ; fi les-côtés étoient moins inclinés que d’un
fixième de leur hauteur, la maffe de pierre dont le
four fera rempli, tomberoit trop promptement au
fond, & y formeroit un poids capable d’ébranler
l’édifice. Si le four , félon-les chaufourniers, eft trop
évafé , le feu- ne peut en atteindre les bords. Il y a
lieu de croire que ces diverfes prétentions ne font
pas fans fondement, & que l’opération dufeu de ce
four n’exigeant pas une grande précifion dans fon
degré de chaleur, en peuteffeéfivementadmettre une
certaine latitude dans- le meilleur module de fes proportions!
, comme nous le verrons par lés- détailsw
Mais? par-tout-,. Fart du chaufournier m’a paru n’avoir
été éclàiré jufqu’à préfent ,-d’autrês lumières que de
la tradition locale des gens groffiers qui le pratiquent.
' ;
Le cône renverfé du four B G , figure 4 , eft porte
fur tin foyer cylindrique G , du même diamètre de
vingt à vingt-huit pouces, & de dix-huit de hauteur,
qui fert tout à-la-fois de cendrier , de décharge & de
foufflet pour le four. On pratique à ce foyer une ,
deüx , trois ou quatre gueules F , figures 4 & y , félon
la grandeur du four, chacune de quinze à feize
pouces de hauteur, & de douze ou treize de large ,
pour pouvoir y faire paffer aifément une pelle de fer
de l’efpèce de celles que Fon appelle efcoupes : chaque
gueule eft cintrée par fon fommet de deux pouces
, figure 7 , fur une barre de fer i de vingt-dinq
lignes de largeur & quatre à cinq lignes d’épaiffeur ,
qui en fupporte les claveaux ; & chacune eft encore
traverféeàlanaiffance de fon cintre par une fécondé
barre e , femblable & droite, le tout bien fcellé dans la
maçonnerie. On fcelle aufli un autre barre plus forte
£ à l'orifice inférieur de Fentonnoir , figure y , &
à peu près fuivant fon diamètre , fur laquelle ,
comme fur les barres horizontales des gueules, le
chaufournier fait porter les extrémités d’autres barreaux
volans F , pour y former un grillage quand il
en eft befoin.
La manoeuvre très-fréquente de charger ce four,
exige à fon fommet une plate-forme P * figure 3 ,
tout autour de Fentonnoir, & plus grande à proportion
que le four eft plus élevé. Il ne la faut pas
moindre que de largeur égale au diamètre fupérieur
du four; fi le four eft d’environ douze pieds de large
, l’édifice total fe trouvera de trente-cinq pieds
de diamètre, fur quinze à feize pieds d’élévation, ce
qui demande de la folidité dans la bâtiffe. Il faut donc
ou de bons revêtemensR, fig. 4 , tout autour pour
foutenir la pouffée des terres de la plate-forme & de
toute la pierre à chaux que l’on y amaffe, ou conf-
truire le tout en maçonnerie pleine, ou choifir ,fi on
le peut, fon emplacement contre up tertre, ou enfin
enfoncer le four entier dans les terres, comme
nous l’avons vu aux fours du premier genre. Dans
tous ces cas, il faut pratiquer au bas des grands fours
quelques galeries fuffifamment éclairées , tant pour
arriver aux gueules du four, que pour y dépofer la
chaux bien à couvert à mefure qu’on la défourne.
Pour monter fur la plate-forme, on doit y former une
rampe douce A , figure 3 , par laquelle les journaliers
puiffent continuellement rouler les matières à
la brouette.
Si le cône eft conftruit avec des briques, qui font
certainement l’efpèce de matériaux qui y convient
le mieux, fa maçonnerie eft fuflifante avec huit pouces
d’épaiffeur. Il y faut cependant plufieurs contreforts
pour qu’il ne fléchiffe pas, en cas que les terres
rapportées faffent quelque mouvement. Du refte,
ces fortes d’édifices n’ont rien de particulier, dont les
delfins ne puiffent faire entendre les détails,
Un petit four de cette efpèce, creufé dans la terre
& revêtu de briques, ne peut nulle part être cher à
conftruire : mais un grand, élevé en rafe campagne r
peut coûter , dans la Flandre maritime, jufqu’à
quinze & feize cens livres ; deux ou trois grands accolés.,
iroient à mille ou douze cens, livres, chacun,
le tout à proportion du prix des journées d’ouvriers
& de la brique, quj s’y vend jufqu’à douze livres le
mille.
" Charge de ce four en pierres dures•
Pour charger ce four, le chaufournier, après avoir
formé à l’orifice, inférieur de Fentonnoir le grillage
des barreaux volans, y defcend & y arrange trois
ou quatre bradées de bois bien fe c , qu’il recouvre
d’un lit de trois ou quatre pouces de houille en
morceaux gros comme le poing.
Si la houille deftinée pour ce four eft en pouflière,
& que la pierre à calciner foit dure , toute la pierre
doit avoir été réduite en morceaux de la groffeur du
poing tout au plus. On en a tranfporté fur la plateforme
un amas fuffifant pour la charge complète du
four, ainfi qu’une quantité proportionnée de houille.
Alors le chaufournier reçoit un panier rempli de ces
pierres que deux fervans lui defcendent, au moyen
d’une corde, & jette les pierres fur le lit de houille ,
puis un autre femblable panier : il range groflière-
ment ces pierres , le plus fouvent avec fon pied fans
fe baiffer, enforte qu’elles recouvrent toute la houille.
Sur ce lit de pierre qui s’appelle une charge, 8c
qui peut avoir trois à quatre pouces au plus d’épaiffeur,
il étend un Ht de houille, ou une charbonnée,
en vidant un panier qu’on lui defcend, comme ceux
de pierres. Le pouflier par fon choc en tombant s’in-
finue dans les joints des pierres, & les recouvre en-
•tiérement. Le chaufournier répète la même manoeuvre
des charges & charbonnées alternatives, jufqu’à
ce que le four foit totalement rempli. Il obferve feulement
de faire les charges un peu plus épaifles, à me»
fure qu’elles s’élèvent, & fur-tout vers l’axe du four,
où le feu eft fouvent le plus a&if. Ces charges forment
donc ordinairement une efpèce de calotte, & peuvent
avoir vers le fommet du four fept à huit pouces
d’épaiffeur autour de l’axe, au lieu de cinq à fix.
pouces près les bords de Fentonnoir. Pour le fervir
diligemmeut, il y a huit ou dix manoeuvres, munis;
de deux douzaines de mannes ou paniers qu’ils rem-
pliffent de pierres fur k plate-forme, & qu’ils vident
fucceflivement dans celui que l’on defcend au
fond du four , ainfi que la houille quand le chaufour•
nier le demande. 11 faut une heure pour arranger
dans le four , environ foixante-douze pieds cubes de
cette menue pierre.
Les mêmes journaliers font occupés à brifer le
moilon avec des marteaux , lorfqu’ils ne fervent
pas à la charge du four ou des voitures-qui viennent
chercher la chaux. Ce n’eft pas que de plus groffes
pierres ne fe calcinent également bien au feu de
houille , comme on le pratique quelquefois à portée
des carrières & des mines ; mais l’éloignement de l’une
& l’autre apporte néceffairement dès changemens dan*
là manipulation de cet atelier; c eft ce que j?ai remarqué
à dix lieues de Landrethun,. d’où l’on tire 1»
pierre & la houille à grands frais pour les fours à
chaux de MM. Thier ry, entrepreneurs dès ouvrai
ges du roi de France, ôtnégoçians à Dunkerque-,