
de la mettre au Four tout le plus tôt qu’ils peuvent
apres fon extraéfion de la carrière ; ou bien ils l’ar-
rofent, ainft que le charbon, s’ils ont été obligés
de la laiffer fecher. Ces fours chargés en pierres
tendres, débitent davantage , confomment moins
de houille par rapport au volume de la pierre, ôc
ex-gent moins de monde pour leur fervice.
Leur rendage.
Le moins que fon en tire en vingt-quatre heures,
va à la moitié de leur charge. J’en ai fuivi
quelques-uns qui çontenoient chacun 540 pieds
cubes, & qui rendoient régulièrement 320 pieds
cubes de chaux vive par jour de douze à treize heures
de travail. On les pouffoit, quand on le vouloit,
a en rendre 400 pieds par jour. Il fuffit pour cela ,
le temps eft favorable, d’en tirer un peu plus par
le pied du four a chaque fois qu’on le décharge ; ou
de prolonger le travail à environ quinze heures, afin
de décharger le four trois fois par jour, au lieu, de
deux, & il n’en coûte pas plus de houille : f i le temps
eft pluvieux, ou qu’il faffe beaucoup de v en t, il
fuffit de faire les charbonnées un peu plus fortes ; car
il fe confomme plus de houille à tous les fours à
chaux par le vent & quand il pleut, que par un temps
ferein & calme. On peut pouffer de même le rendage
de ces fours en chaux de pierres dures, quand
on eft preffé.
Leur confommation en houille.
La pierre tendre de la Flandre maritime , me pa-
roit exiger 40 à 45 pieds cubes de la houille "du
Boulonnois , par toife cube, pour fa calcination.
Les différens rapports que j’ai eus du Hainaut,
font monter cette proportion entre 50 & 52 pieds
cubes de houille des foffes de Condé, quoique celle-
ci foit généralement reconnue beaucoup meilleure
& de moindre confommation pour les forges que
celle du Boulonnois. Mais il eft bon de remarquer
que la pierre tendre diminue dans le four beaucoup
plus que la pierre dure : il s’en rencontre que l’on
eftime perdre jufqu’à un cinquième de fon volume ;
enforte qu'il ne faut pas beaucoup moins de houille
pour fabriquer une toife cube de chaux de pierres
tendres, que pour une toife cube de chaux de pierres
dures. On eftime même en quelques endroits qu’il
faut pour l’une & pour l’autre également un quart
de houille , ou 5 4 pieds par toife de chaux.
Leur nombre d’ouvriers.
L’un des fours de 5 40 pieds cubes que j’ai fuivis,
étoit exploite chaque annee pendant huit mois par
trois hommes , y compris le chaufournier , & ils
coupoient toute la pierre avec des marteaux à tranche
, en éclats de la largeur des deux mains au
plus, tout le plus mince qu’ils pouvQÎent. La carrière
fur laquelle étoit le four, étoit exploitée par
quatre autres ouvriers qui en tiroient au bourriquet,
de plus de 3 0 pieds de profondeur, toute la pierre
aeceffaire pour le four 3 ces mêmes quatre carriers
aidoient encore à charger toutes les voitures qui
venoient enlever la chaux.
É On fait quelquefois à ces fours de la chaux de
pierres dures & tendres mêlées enfemble, & on les
lépare au fortir du four ; les chaufourniers difent que
cela ne réuffit pas toujours : il eft aifé de juger qu’il
en eft de ces différentes qualités de pierre , comme
je l’ai remarqué de celles d’une même efpèce &. de
différens volumes.
De la chaux brûlée.
Il arrive quelquefois dans les chaufours, que l’on
en retire de la chaux que l’on nomme brûlée ; c’eft
une pierre dure qui ne s’éteint ni à l’humidité de
l’air , ni par celle de l’eau, & qui ne fauroit opérer
la concrétion du mortier. Cela vient ou de ce qu’il
s’eft trouvé dans le four des matières vitrifiables, ou
de ce que des parties falines du bois fe font, unies
avec la pierre, ou de ce que le feu a été trop pouffé.
Cependant on ne remarque point que le feu de
houille , quelque foutenu qu’il foit , produife cet
effet; mais on brûle plus ordinairement la chaux en
ne l’éteignant pas avec une quantité fuffifante d’eau.
Six pouces cubes de chaux v ive , en pierre, exigent
dix-huit pouces cubes d’eau , forment un total,
en pâte, d’environ dix-huit pouces; l’eau que l’on
ajoutera de plus furnagera. Si la chaux vive eft
laiffée trop long-temps à l’air avant d’être éteinte,
ou qu’elle foit chariée de trop loin, elle fufe ou fe
réduit en pouffiere , & perd fon gluten. La meilleure
méthode, lorfque cela eft praticable, feroit d’éteindre
la chaux près des fours, & fort promptement.
Dans les temps d’orage, la chaux fufe plus vite à
l’air , fans doute à caufe de fon humidité. La chaux
une fois bien éteinte, fe conferve long-temps, mais
elle doit être couverte.
La chaux ainfi éteinte, peut recevoir plus ou
moins de fable, de ciment, de pouzzolane , fuivant
la nature de ces matières, ou félon la deftination
du mortier que l’on en forme. La chaux reçoit
moins des matières plus poreufes , comme Briques
ou tuiles pilées, ciment, terraffe de Hollande, qui
eft une pierre argileufe cuite, ou une forte de tuf
calcaire & calciné.
Si l’on veut que le mortier coule & rempliffe
les vides de la maçonnerie, il faut plus de chaux
& d’eau dans le mortier. Les maçonneries en briques
qui doivent réfifter à l’eau, demandent auffi
plus de chaux & un mortier plus clair. Avec les
pierres dures, hors de l’eau, le mortier peut être
plus épais avec moins de chaux. L’expérience locale
apprend aux ouvriers lés proportions qu’ils doivent
fuivre, & qui dépendent beaucoup de la nature de
la chaux.
Plus on bat, boule , remue , agite en tout fens
le mortier , plus .la chaux qui, y eft devient liquid
e , mieux elle s’unit avec le fable, & moins auffi
il y faut d’eau, C’eft ce travail qui fait le bon
mortier. Les anciens ne mettoient point d’eau dans
le mortier.
Les fables le plus purs font le meilleur mortier; les
(ableà terreux demandent moins de chaux, & font
le plus mauvais ouvrage.
- Si l’on fait du mortier avec la chaux & de la
tuile ou des briques pilées , que l’on choififfe les
mieux cuites, & celles qui n’ont pas été à la .pluie,
La pozzolane n’eft qu’une calcination des terres par
les volcans.
Les matières qui afpirent l’humidité du mortier ;
lui font perdre fon gluten. C ’eft par cette raifon
qu’il faut faire tremper les briques, mouiller certaines
pierres^ inonder ou bien laver un vieux mur que l’on
veut replâtrer, avant que d’y appliquer le mortier.
D'une efp'ece de chaufour.
Nous ajouterons à la defcription du chaux-four ',
que nous venons de rapporter , une note du rédacteur
des Arts » publiés à-Neuchâtel. Il y a , dit-il,
une méthode beaucoup plus Ample que je vois fuivre
autour de.moi pour faire la chaux. Elle eft
connue dans la Franche - Comté, dans le pays de
Vaud, dans le canton de Berne, dans le comté
de Neuchâtel & ailleurs.
On choiftt d’abord des cailloux qui fe trouvent
dans plufieurs rivières. Ils font d’un blanc fale &
d’une couleur matte : les ouvriers les reconnoiffent
au premier coup d’oeil. Si l’on craint de fe tromper,
on peut en faire l’effai en petit. On prend auffi des
pierres calcaires , très-communes dans nos montagnes.
Le choix de l’emplacement pour conftruire le
four, eft d’une grande importance. Nos ouvriers
prennent un endroit fur le penchant de quelque
colline, propre à garantir le four des vents violens
qui empêcheroient le travail. On creufe au pied de la
colline une foffe fphériquè, proportionnée à la quantité
de chaux que.l’on veut faire. On entoure cette
foffe de quartiers de rocs , propres à retenir la terré ,
& on y arrange les cailloux , de manière qu’il refte
par en bas une bouche affez grande pour allumer
le feu au deffous de cette efpèce de foffe. On fou-
tient la terre avec des pieux plantés en rond &
liés enfemble avec des branches pliantes de quelque
arbriffeau. On a foin de bien battre la terre
tout autour. Sur la bouche inférieure, & dans cette
efpèce de grand panier , l’on élève les cailloux &
les pierres à chaux en forme de pyramide, obfer-
vant de laiffer entre les pierres affez d’efpace pour
que l’aétion du feu puiffe s’étendre & fe développer
dans toute la fournée. Les cailloux bien rangés
font recouverts d’une bonne couche de terre bien
tappee , par-tout ou l’on ne veutpas laiffer des
events. On appuie tout le tour de l’édifice avec
de grandes perches pour retenir la terre , & on lui
donne une forme pyramidale.
Quelques ouvriers mettent le feu par en bas, pendant
qu’on travaille encore à arranger le fommet
de la pyramide. D’autres préfèrent d’attendre que
tout le chaux-four foit achevé. La conduite du feu
exige de l’habileté & de l’expérience, pour donner
d abord un feu vif & clair, pour le foutenir jufqu’à
la fin de la cuite, pour le diriger de façon qu’il
pénètre également dans toutes les parties du fourneau.
On recommande pour cet effet d’avoir du
bois bien fec , & en fuffifante quantité. Les brouf-
failles dont nos" baffes montagnes font couvertes „
font) fort propres à cet ufage. Il faut encore avoir
l’attention de choifir des pierres à chaux à peu près
de la même groffeur 8c d’une dureté égale , afin
que leur difpofition foit uniforme , & que la cuif-
fon fe faffe par-tout au même degré en même temps.
Après la cuiffon la chaux eft mife dans des tonneaux,
& vendue à des prix différens, fuivant les
lieux.
Dans les villes, ceux qui veulent bâtir achètent '
des chaufourniers la chaux qui leur eft néceffaire. Ils
n’y apportent point tout cet appareil de grandes méthodes
qu’il faut rapporter, non pour les répandre,
mais pour les Amplifier.
Chaux commune & fa cuiffon.
Elle eft faite avec les pierres calcaires & les
coquilles, lorfqu’on eft à portée d’en faire de grands
amas, comme dans le reffort de l’amirauté de Br eft,
où , même pendant les temps des chaleurs , lorfque
la pêche des huîtres ceffe par-tout ailleurs, on ne
laiffe pas de continuer , non pour le poiffon qui
ne vaut plus rien, mais pour les écailles , dont on
fait une chaux qu’on emploie à blanchir le fil 8f les
toiles qui s’embarquent à Landernau pour le commerce
d’Efpagne. Cette chaux peut être très-bonne
à cet ufage ; on peut auffi l’employer aux gros ouvrages
de maçonnerie : mais il eft d’expérience
quelle ne vaut rien à blanchir la furface des murs ,
& qu’elle s’écaïlle^,
Lorfqu’on fe feraaffuré delà préfence des pierres
calcaires- dans une contrée, alors on fongera à y
conftruire des fours à chaux. Pour cet effet, on
commencera par jeter des fondémens folides, qui
embrafferont un efpace de douze pieds en carré :
on fe fervira pour cette maçonnerie, qui doit être
ferme & folide , des pierres mêmes de la carrière ,
A elles y font propres ; on élévera ertfuite fur ces
fondemens la partie de l’édifice, qu’on nomme proprement
lé' four ou la tourelle. A l'extérieur la tourelle
eft carrée , ce n’eft qu’une continuation des
murs dont on a jeté les fondemens ; ces murs doivent
avoir une épaiffeur capable de réfifter à l’action
du feu.qui fe doit allumer en dedans, A l’intérieur,
la tourelle a la figure d’un fphéroïde alongé ,
tronqué par fes deux extrémités. Voye^planche III.
La figure première montre un four à chaux ati dehors
; & la fig. y , le même four coupé verticalement
par fa gueule en deux parties égales ; 1 , 2 , 3 ,4 ,
eft le fphéroïde ou la capacité du four. Il à douze
pieds de hauteur , quatre pieds & demi de diamètre
au débouchement, qui eft fur la plate-forme, c’eft-
à-dire à la diftance de 1 à 2 ; neuf pieds au milieu
, & Ax pieds au fond , c’eft-à-dire à la diftance
de 3 à 4. On unit la maçonnerie des quatre pieds-droits
avec celle de la tourelle, en faifant le rem-'
pliffage convenable. Au centre du plancher de la
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