
le plus bas qu'il eft poflible. On rejette auflî quelquefois
les eaux dans d’anciennes folles, qui fervent
pour lors de réfervoirs aux pompes fupérieures. Tel
eft le gouffre g , fig. 3 , planche I , où fe réunilfent
toutes les eaux inferieures aux quinzièmes pompes.
Il eft sûr que ce feroit une grande dépenfe que
d’avoir une fécondé fuite de pompes dans ces anciennes
culées abandonnées : mais il faut être bien
sûr des parois d’un pareil gouffre , qui inonderoit en
un inftant toute la partie baffe de la carrière, fi
jamais les eaux venoient à s’ouvrir un paffage vers
fon fond. On voit par-là combien il eft effentiel'
de n’en pas trop approcher les nouvelles culées,
qu’on fonce aux environs. Un plan exatt des anciens
ouvrages, feroit une chofe bien utile en pareilles
circonftances. Il eft bien étonnant que les
propriétaires des ardoilières n’aient point de pareils
plans , fans lefquels on court les rifques de faire de
grandes fautes', fur-tout lorfque les ouvrages dans
lefquels on veut éviter de tomber font fi anciens,
qu’il n’y a plus aucuns des ouvriers qui y ont tra-
.vaillé.
Comme les puifards reçoivent toujours, à mefure
qu?on monte, d’autres eaux que celles des pompes
inférieures , & que fouvent même plufieurs fuites
de pompes viennent fe décharger dans le même
puifard , non-feulement les pompes fupérieures deviennent
plus fortes à tirer, mais on eft même
obligé de les redoubler c’eft pour cela qu’on voit
fig. 3 , planche I , qu’il y a deux pompes numérotées
15 , qui'répondent à la 14e , & trois numérotées
17, qui répondent aux deux nomérotées 16.
Les nouvelles eaux fe conduifent dans les puifards,
par des rigoles qui partent d’autres petits puifards
où on les réunit de differentes manières très-fimples.
On fait par exemple dans les parois des galeries, de
petites rigoles a , fig. 4 , planche I I , par le moyen
défquelles on ramaffe toutes les eaux qui fourcillent
le long de ces parois & même du ciel de la carrière.
Lorfqu’il fe trouve en quelque endroit du c ie l,
comme en b, une petite fource qui couleroit le
long du plafond vers c , & qui, étant trop confidé-
rable pour être contenue dans la rigolé a , tomberont
dans le fond d , d’où il faudroit enfuite la
faire renyanter en e ; on dirige tout de fuite cette
fource vers e , en fixant folidement & verticalement
une grande perche liffe, b , e , le long de laquelle
l’eau coule d’elle-même.
Voilà tout le travail des ouvriers d’en bas, Nous
avons déjà même vu ceux d’en haut aller chercher
les faix à moitié chemin & les rapporter dans leurs
haillons , pour donner à l’ardoife fa dernière façon.
On trouvera 1 , J , planche 1 , n°. 2 , le plan & la
coupe d’un de ces haillons ; on y met les faix à
mefure qu’on les fort de la foffe ; il ne faut pas
même les y garder trop long-temps avant que
de les .débiter , car la pierre fe durcit à l’air au
point qu’il n’eft quelquefois plus poflible de la refendre.
Les puvriers d’en haut font les refendeurs & les
hacheurs ou rebatteurs. Les refendeurs divifent lerf
faix fur leur épaiffeur en repartons, ce qui fe fait à
l’aidé d’un gros cifeau K , planche I , n°. 2.
Ces repartons fe divifent encore en d’autres plus
minces avec un moyen cifeau ; & enfin, ceux-ci en
pièces d’en haut, foit avec le même moyen cifeau,
foit avec le cifeau fin, qui n’eft qu’un moyen cifeau
devenu plus délié à force d’avoir fervi.
La fig. 1, planche I V , repréfente l’intérieur d’un
haillon ; a eft un refendeur qui débite en repartons
un morceau de pierre qu’il place à cet effet entre
fes jambes, de manière qu’il foit ferré par le bas
entre fes talons, & par le haut entre fes genoux.
Outre la différence des cifeaux dont fe fert le refendeur
à mefure qu’il doit refendre des morceaux
plus minces, il y a encore un certain ménagement
à avoir dans la manière de s’en fervir. Il confifte
à frapper avec le maillet L , planche I } n°. 2 , fur
la tête du cifeau qui doit refendre les morceaux les
plus épais & les plus durs, à frapper plus doucement
avec le même maillet quand la pierre eft plus
mince & plus tendre; & enfin , và né chaffer le
cifeau qu’avec la paume de la main, lorfqu’on en eft
à la dernière divifion. Il faut aufli, à mefure que le
cifeau entre , le frapper de temps en temps lur la
tranche, pour détacher en même temps la pierre
fur toute fa largueur, fans quoi il feroit à craindre
qu’elle n’éclatât à l’endroit du cifeau. C ’eft toujours
par l’angle du faix ou du reparton , qu’il faut faire
entrer le cifeau; quelquefois l’angle s’éclate fous le
cifeau, qui fe rejette par ce moyen de côté , faiis
entrer dans la pierre ; on l’attaque pour lors par un
autre angle. Il y a encore un tour de main effentiel au
refendeur ; quand fon cifeau eft une fois arrivé au
tiers ou à moitié de fa pierre, fuivant qu’elle eft
plus ou moins épaiffe, il achève pour lors de l’en-
rpncer avec la main feulement, en l’agitant légè-r
rement de la droite à la gauche entre les deux
feuilles , qu’il fépare enfin tout-à-fait en éloignant
d’abord la tête du cifeau, & en la ramenant enfuite
fubitement vers lui.
Il faut avoir attention, à mefure que les repartons
s’aminciffent, de diminuer leur largeur fi elle eft
trop grande , parce qu’un morceau moins grand eft
toujours plus facile à refendre. Ce qu’on retranche
ainfi ayant , ne pourroit fervir de rien ; & fi le
morceau fe refendoit mal faute d’avoir fait ce retranchement
, il pourroit très-bien fe cafter de façon
qu’il ne feroit plus poflible d’en tirer une ardoifé
entière.
b, même fig. 1 de la planche IV , eft un hacheur
ou rebatteur ; c’eft lui qui prend les pièces d’en
haut des mains du refendeur, & qui les façonne en
ardoife d’échantillon. Il eft à califourchon fur une
efpèce de tréteau appelé cheval. La tête de ce cheval
eft traverfée' comme on le voit dans la figure, mais
encore mieux M, planche I , n°. 2 , par une efpèce
de petite planche qui fe nomme béquillon , & dont
la partie fupérieure qu’on nomme la bride, excède
la tête du cheval d’ényiron trois pouces. G’eft fui
îa bride que le rebatteur fépare de la pièce un
morceau propre à faire une ardoife, & qu’il façonne
enfuite cette ardoife. Il fe fert à cet effet d’un re-
battret N , planche I , j i ° . 2 , qu’il tient de champ de
la main droite, & dont le tranchant eft dirigé par
le parement de la bride du côté de ce rebattret.
Quand ce rebatteur tient de la main gauche un morceau
de pièce d’en haut, deftiné à former une ardoife
, cette ardoife fe trouve toujours entre la main
gauché & la bride , & tout ce qui eft à droite de
cette-bride , doit s’en aller en recoupes. Ces recoupes
tombent dans une efpèce de petite auge
appellée oifeau , ( planche IV ) qui fe place fous la
tête du cheval, & dont on voit Je deflin plus en
grand,fig. O , n°.2-; un petit faifeleux prend l’oifeau
lorfqu’il eft plein , & va le vider en dehors du
haillon, fig. C , planche IV. Ce font ces recoupes
qui ont formé les efpèces de petites montagnes
qu’on voit fur les fig i & 2 de la planche I.
Les hacheurs encore novices fè fervent de leur
rebattret pour donner à l’ardoife la longueur qui
lui convient ; c’eft pour cela que la longueur du
rebattret eft précifément de onze pouces, qui eft
celle de l’ardoife moyenne. Ils donnent à peu près
un pouce de plus à la grande , & un pouce de moins
à la petite: on peut aufli, dans la même vue, donner
à la bride la largeur de l’ardoife moyenne ;
mais quand un ouvrier eft une fois formé, il façonne
fon ardoife au fimple coup-d’oeil, fans jamais fe
tromper. On commence ordinairement par faire lè
bout ou le pied de l’ardoife qui doit être en ligne
droite, & enfuite les côtés qui le font aufli jufqu a
environ moitié de leur longueur ; & on finit par
la tête qui eft arrondie, quelquefois même affez irrégulièrement
: c’eft cette irrégularité de la tête qui
fauve les ouvriers. Us font cependant de l’ardoife
carrée qui a fes quatre angles à l’équerre : mais
elle eft beaucoup plus chère que l’autre, parce
qu’ëlle occaftonne bien davantage de déchet. On
fent que ce déchet feroit encore bien plus confidé-
rable, ; fi on.ne faifoit que de la carrée. Il paroît
même qu’on ne, multiplie pas affez les échantillons ;
ce qui fait perdre beaucoup de pierre, d’autant plus
qu’il faut toujours que la longueur d’ardoife foit
dans lè fens de la longueur du banc.
Il faut beaucoup de temps avant qu’un ouvrier ;
pùiffe devenir bon hacheur, non-feulement parce i
qu’il faut travailler fort vite à ce métier pour y ga- j
gner quelque chofe, mais encore parce qu’il faut à
cet ouyrier un coup-d’.oeil jufte pour voir fur le
champ en prenant une pièce, combien il en pourra
tirer d’ardoifes & de quel échantillon. Comme la
pierre eft au compte des ouvriers qui fe chargent
de la tirer , de la monter, de la débiter, de la façonner,
& de livrer enfuite pour un certain prix fixé
par le propriétaire de la carrière, on voit combien
1 ouvrier qui fait tirer le meilleur parti de fa pierre,
® davantage fur les autres. Le hacheur range les
ardoifes à .mefure qu’il les. fait, non-feulément par
échantillon, mais encore par. épaiffeur , parce que
dans le même échantillon il y a de la groffe, de la
moyenne & de la fine, fuivant que la pierre étoit1
plus ou moins épaiffe.
Les échantillons qui fe font à la çarrière de Ri-
mogne & dans beaucoup de celles des environs,
font la carrée , de douze pouces de long fur- huit de
largeur ; le barra, d’un pied fur fept pouces ; la démêlée,
de onze pouces fur fix ; & la flamande, de dix
pouces fur fix pouces & demi. La carrée feule a ,
comme nous l’avons déjà vu , fes quatre angles à
l’équerre ; les trois autres ont leur tête arrondie ;
mais lé barra &>lâ démêlée ne font faites que pour
avoir quatre pouces de pureau , c’eft - à - dire ,
qu’elles n’ont leurs côtés en ligne droite que jufques
à un peu plus de quatre pouces de leur pied , au
lieu que la flamande, quoique plus courte que les
autres, peut porter cinq pouces & demi de pureau ;
c’eft en quoi elle eft préférable. On fait aufli avec
les rebuts des faifeaux : c’eft le nom que l’on donne
a des ardoifes irrégulières par leur forme & par leur
epaiffeur ; elles fervent à couvrir les maifons du pays
& fe pofent fur un mortier de terre.
Tous les jours, le matin & le foir, les ouvriers
fortent du haillon l’ardoife qui' s’y trouve façonnée,
& la portent à leurs crêtes ou tr e ille s ; on nomme
ainfi de grandes files d’ardoife F , F , fig. 1 & 2 ,
p la n c h e 1 , où lés ardoifes font rangées par nature &
par échantillon ; elles y font aufli toutes comptées
& diviféçs par cent, comme on le voit en d,fig. 1,
p la n c h e IV ; c’eft-à-dire que chaque nouveau cent
faille en devant d’environ un quart de pouce fur
celui qui le précède. Les bouts de chaque crête font
retenus par un morceau d’ardoife fichée en terres
qu’on nomme p é ou p e y . C ’eft fur un des peys qu’on
décrit la quantité d’ardoifes qu’il y a dans chaque:
crête , & le nom du chef de, la bande à qui cette
crêté'appartient ; car, les ouvriers ne livrent leurs
ardoifes au faâeur que deux fois l’année , à la faint
Jean & à Noël. Cela n’empêche pas qu’on ne leur
donne de temps en temps des à-comptes , fuivant
qu’ils ont plus ou moins d’ardoifes de faites ; mais
ils répondent de la quantité jufqu a ce qu’elle ait
été livrée à une des deux époques fufdites, après
quoi elle eft au compte du maître ou au moins du
faâeur.
L’ardoifière de Rimogne occupe près de cent
vingt ouvriers, non compris le faéteur , & les maréchaux
employés à réparer les outils. On compte
parmi ces cent vingt ouvriers, cinquante maîtres
é c a jllo u s , & trente ou trente cinq-petits f a i f e l e u x
qui fervent les écaillous. Les autres font appelés
t ir e u r s , & font agir les pompes ; ce font prefque
toutes femmes & filles. Les'cinquante maîtres écaillous
font divifés en fix ou fept bandes, appelées
co u p le s . Un couple eft ordinairement compofé de
huit hommes, dont cinq travaillent en bas; ce,font
eux qui, comme nous l’avons déjà v u , féparent la
pierre du banc, la débitent en etendelle & en faix
& montent les faix, à moitié chemin. Les trois ouvriers
d’en haut, qui prennent la pierre au dépôt 64