C H E V A U X. ( Art des Marchands de )
j^ fo u s allons nous occuper dans cet article de
l’art de marchands établis à Paris, qui font trafic
des chevaux, foit de monture , foit dé carroffes ou
d’autres voitures.
On dira dans d’autres divifions ou dans d autres
articles de cet ouvrage, la maniéré d elever les
chevaux dans les haras , de les dreffet dans^ le
manège; quel eft lé_ traitement qui leur convient
dans leurs maladies ; comment on doit les equiper
& les employer dans leurs travaux, &c. Il ne s’agit
ici que de la connoiffaftce propre aux marchands
de chevaux, pour bien faire leur commerce.
Il faut mettre une grande différencè entre le
marchand qui eft inftruit St de bonne fo i, St le
maquignon qui ne cherche qu’à faire des dupes.
La connoiffance de la beauté & de la bonté
de cet animal fi utile à l’homme ; l’art de découvrir
fes vices , celui de diftinguer fes bonnes qualités,
font la fcience des marchands de chevaux,
& n’eft pas moins néceffaire à ceux qui veulent
fe garantir de la fraude des maquignons. C ’eft donc
à quoi l’on doit s’appliquer dans ce commerce , St
c’eft fous ce point de vue que nous devons examiner
l’art des marchands de chevaux.
Le cheval confidéré extérieurement, fe divife en
trois parties, (avoir, en avant-maih, en corps St en
arrière-main.
L’avant-main renferme la tête, le cou, le devant
du poitrail, le garot & les jambes de devant.
Le corps comprend le dos, les reins, le deflùs
du poitrail, les côtés , le ventre, les flancs a les
parties de la génération.
\d arrière-main comprend la croupe , la queue,
le fondement, la nature dans la jument, les hanches,
les feffes, St les jambes de derrière.
La tête comprend la nuque, le toupet, les oreilles
, la face dans laquelle on trouve le front, les
falières , les fourcils, les paupières , les cils, le
grand angle , le petite angle, les y eu x , les onglets,
le n e z , le chanfrein, les nazeaux, la bouche , la
lèvre fupérieure, la lèvre inférieure , la commif-
fure de la bouche-, le menton, Tes barres,.les
joues, la ganache, l’auge & les avives.
Le cou comprend le gofier, l’encolure St la crinière*
\ Le devant du poitrail comprend l’os de la poitrine ,
la follette St les aiffelles.
Le garrot eft formé de la partie fupérieure aux
épaules & poftérieure à l’encolure du cheval.
Les jambes de devant font compofées de l’épaule,'
de la pointe de l’épaule, du bras, de l’avant-
bras , des ars, du coude , de la châtaigne, du nerf,
du boulet, clu fanon, du paturon, de la couronne,
|du fabot compofé de la muraille St de la foie.
La muraille fe divife en muraille de la pince j
mitraillé des quartiers, St muraille des talons.
Là fo lè comprend la foie de la pince , la foie des
quartiers , la foie des .talons St de la fourchette.
La cuîjje comprend ie plat du dehors, le plat
du dedans , l’ame, le graffet, la jambe proprement
dite, le jarret, dans lequel eft compris le pli du
jarret St la pointe du jarret, le canon, le nerf, &
le refte comme à la jambè de devant.
G’eft de la difpofition de chacune de ces parties
& de leur enfemble » que dépendent la bonté St la
beauté du cheval. Nous examinerons ci-après en
quoi confifte leur feélle conformation particulière St
relative : cependant on n’a pu donner encore aucuns
principes fûrs pour ftatuer quand cet animal eft
conftruit parfaitement -, on eft fouvent trompé par
la plus belle apparence : combien de fois n’a-t-on
pas préféré, un laid cheval , St aveeraifon , à celui
dont la forme paroiffoit régulière St brillante ? Il
n’eft guères poflible de donner à cet égard des
réglés abfolues, d’autant que la deftination St l’emploi
d’un cheval, doivent principalement décider le choix.
En effet, un cheval de carroffe ne doit pas être
conftruit comme un cheval de felle ; celunci, comme
un cheval de bât, & ce dernier comme un limonier.
Nous allons marquer en général la différence qu’il
doit y avoir entre le cheval de carroffe St celui
de felle , c’eft-à-dire entre celui qui porte & celui
qui tire ; ce qui fervira de réglé pour le limonier
& le cheval de bât ; les proportions que nous donnerons
de ces deux premiers animaux, feront prifes
St de leurs ufages St de leurs mouvemens.
Afin ée procéder avec ordre , on confidérera le
cheval en a&ion fous deux points de vue; i° . dans
la totalité St la généralité de fes mouvemens ; 2°.
relativement aux mouvemens des jambes, l’animal
étant vu de profil.
Les allures de tous les chevaux font le pas, le
trot 9 & le galop mais tous n’exécutent point ces
mouvements avec la même facilité ; tous ne fe fervent
point également de ces allures. Un cheval qui
aura l’encolure épaiffe, la tête grofle, les épaules
chargées , ne galoppera" point avec la même ai-
fance que celui dont l’encolure fera déliée,les épaules
allégées ; fcette maffe ou l’avant-main fera plus aifée
à enlever dans ce dernier, car ce font les mufcles
du dos , qui font les principaux moteurs dans ce
mouvement : mais le premier trottera avec plus de
facilité, vu que dans le trot les mufcles extenfeurs
St flechiffeurs des jambes de devant entrent tous en
contraction, ce qui n’arrive point dans le temps
du galop. En général, on doit confiderer le corps
du cheval comme une maffe carrée, pofée fur
quatre colonnes dont la tête St l’encolure fervent
au mouvement de progreflion ; dans le repos, les I
quatre jambes fervent d’appui au refte du corps,
de façon que chacune porte un quart de pefanteur
de la maffe. -
Dans 1 e pas 9 les jambes fe meuvent tour-à-tour
en quatre temps , St opèrent les mouvemens de pro-
greflion de la maffe : mais chaque jambe fe décharge
tour-à-tour fur la voifine du quart qu’elle foutenoit
avant que d’être levée.
Le pas eft, la plus lente des, allures ; cependant
il peut être affez prompt dans un bon cheval, il faut
que le pas ne foit alorigé, ni raccourci ; la légéretéde
la démarche du cheval dépend de la liberté des épaules
& fe reconnoîtau port de la tête: s’il la tient haute
St ferme , il eft vigoureux & léger ; fi le mouvement
des épaules n’eft pas libre, la jambe ne fe
lève pas affez , St le cheval eft fujet à heurter
du pied contre le terrein ; fi les épaules font encore
plus ferrées , St que ,1e mouvement des jambes en
paroiffe indépendant, le cheval fe fatigue, fait des
chûtes, & n’eft capable d’aucun fervice. Le cheval
doit être fur la hanche , c’eft-à-dire hauffer les épaulés
St baiffer la hanche en marchant.
Quand le cheval lève la jambe de devant pour
marcher , il faut que ce mouvement foit facile' &
hardi, St que le genou foit affez plié : la jambe pliée
doitparôître comme foutenue en l’a ir , mais peu,
fans quoi elle rétomberoit trop lentement, St le
cheval ne feroit pas léger.
Quand la jambe retombe , le pied doit être ferme
& appuyer également fur la terre, fans que la tête j
foit ébranlée ; fi la tête baiffe quand la jambe re- tombe, c’eft ordinairement afin de foulagér l’autre j
jambe, qui n’eft pas affez. forte pour foutenir le j
poids - du corps ; défaut corifidéfablë, auffi bien que
celui de porter le pied en dehors ou en dedans;
quand le pied appuie fur le talon, c’eft marque
de foiblefle; s’il pofe fur la pince.:, l’attitude eft
forcée St fatigante pour le cheval.
On dit d’un chevai qu’il f o r g e , lorfque dans l’action
du pas ou dans celle du trot, il atteint &. frappe
avec la pince des pieds de derrière, la voûte de
fes fers de devant : ce' défaut annonce la foiblefle
de l’animal ; il eft affez ordinaire de voir des poulains
qui forgent.
Il ne fuffit pas que les mouvemens du cheval
foient en même temps fermes &: légers , il faut
qu’ils foient égaux St uniformes dans le train de
devant St celui de derrière. Le cavalier fentira des
feeouffes fi la croupe balance , tandis que les épaules
fe foutiennent : il en arrivera de même , s’il porte
le pied de derrière au-delà de l’endroit où le pied
de devant a pofé. Les chevaux qui ont le corps
court font fujets à ce défaut ; ceux dont les jambes
fe croifent,ou s’atteignent, n’ont pàs la.démarche
fure : en général, ceux dont le corps eft long, font
plus commodes pour le cavalier, parce' qu’il' fe-
trouve plus éloigné du centre du mouvement.
Les quadrupèdes marchent ordinairement en
portant à-la-fois, en avant, une jambe dè devant
& une jambe de derrière ; lorfque la jambèdroite
de devant eft partie, la jambe gauche de dèrrière fuit
St avance : ce pas étant fait, la jambe gauche de
devant part à fon tour, puis la jambe droite de
derrière, St ainfi de fuite. Comme leur corps porte
fur quatre points d’appui qui fèroiént aux anglës
d’un carré long, la manière la plus commode de
fe mouvoir eft d’en changer deux en diagonale,
de façon que le centre de gravité du corps de l’animal
ne fane qu’un petit mouvement , & refte toujours
à peu-près dans la direction des deux points
d’appui; qui ne font pas en mouvément.
Cette règle s’obferve dans les trois allures naturelles
du cheval, le pas , le trot, le galop. Dans
le pas y le mouvement eft à quatre temps & à trois
intervalles , dont le premier St le dernier font plus
courts que celui du milieu; fi la jambe droite de
devant a parti la première, l’inftant ftuvant partira
la jambe gauche de derrière, le troifîème inftant
la jambe gauche de devant, St le quatrième inftant
la jambe droite de derrière ; ainfi le pied droit de
devant pofera à terre le premier, le pied gauche
de derrière-lë fécond j le pied gauche de devant
le troifîème, St le pied droit de derrière le quatrième
& le dernier.
Dans le trot V les chdîes fe pàffent autrement ;
deux colonnes Ou jaftibès fë meuvent en même
temps, mais dans là diagonale du carré , c’éft-à—
dire de l’angle de devant à l’angle oppofé de derrière.
La différence qéi fe trouve dans le pas St dans
le trot, eftbien marquée ; dans la première alluré
le fardeau fe trouve partagé entre deux colonnes,
qui fervent alternativement de point d’appui & toujours
diagonalèment, ‘ aulieu que dans le pas la
colonne qui reçoit le poids de fa voifine, perd la
ligne de direction qu’ëllè avoit, St change fpn axe
de mouvement pour en prendre un autre.
Ainfi dans le trot il n’y a que deux temps & qu’un
intervalle : fi la jambe droite de devant part, la
jambe gauche de derrière part en même temps fans
aucun intervalle ; enfüite la jambe gauche de devant
& la jambë droite de derrière en même temps r
ainfi le pied droit'de devant & le pied gauche de
derrière pofent à terre enfemble, St le pied gauche
de devant avec le pied droit de derrière en même
, temps.
Dans le galop, deux colonnes fervent auffi de
foutien au rèfte de la machine , mais dans un fens
oppofé au tg-.ot ; ce font alternativement les jambes
de devant qui fe meuvent enfemble, enfuite celles
de derrière. Un cheval galopera avec d’autant plus
de viteffe qu’il portera’davantage fa maffe en avant »
i fes mouvemens feront moins raccourcis , & il y
aura moins de temps perdu; les coureurs n’agif-
| fent prefqüe point depuis le genou jufqu’en bas.
; Dans te galop t il y a ordinairement trois temps
St deux intervalles. Comme c’ eft une efpècé de
faut, où les parties antérieurès du cheval font ehaf-
fées par' lès- parties poftérieures j fi des deux jambes
J de devant, la droite doit avancer plus que la gauche?