
du Limoufin , du Périgord , de l’Auvergne , du
Rouergue , de la Guyenne, & même à Bordeaux. .
Le peuple, comme les personnes d’un rang fupé-
rieur, font également convaincus que cette préparation
rend la châtaigne un aliment favoureux,.
nourriffant, & fur-tout d’une très-facile digeftion.
Il n’eft donc pas étonnant qu’étant une fois parvenu
au moyen de préparer ainfi la châtaigne, on n’ait pas
recherché à en faire du pain ; car, quand même on
auroit réufli, les manipulations nécefTaires auroient
occafionné des frais & des foins qu’il eft avantageux
d’éviter. Outre cela , il eft à croire que la fubftance
farineufe de la châtaigne dans l’état de pain, auroit
fourni un aliment beaucoup moins agréable &
moins fain que fous fa forme naturelle.
Il n’eft pas plus queftion dans ces provinces de
faire cuire la châtaigne avec fon écorce dans l’eau
bouillante : on y eft bien inftruit que l’écorce & la
pellicule de la châtaigne fourniflant à l’eau dans
laquelle on la fait bouillir un extrait d’une grande
amertume , la châtaigne , en cuifant dans cette
liqueur, y contraâe un goût âcre & défagréable ,
& que d’ailleurs en cet état , elle n’eft pas d’une
facile digeftion.
On n y-fait pas plus d’ufage de ce's poêles percées
de trous , par le moyen defquelles on expofe les
châtaignes à la flamme du bois pour les rôtir. On
eft trop délicat pour ne pas fentir que le contaél de
la fumée communique aux châtaignes un goût d’em-
pyreume ïnfupportable , & trop économe pour ne
pas regretter comme un déchet & une perte confi-
dérable , la partie de la fubftance farineufe des châtaignes
qui brûle dans ces poêles.
On ne trouveroit pas même, dans ces provinces,
moins d’inconvéniens à faire cuire les châtaignes
fous la cendre chaude. La difficulté d’obtenir de
cette manière un point de cuifTon égal & convenable
, le rifque que l’on court de brûler les châtaignes
toujours d’un côté, font bien propres, ainfi
que les inconvéniens précédens , à faire fentir les
avantages d’une méthodefimpie, économique,par
laquelle on dépouille fûrement les .châtaignes de^ la
partie amère, qui y refte lorfque leur cuifion s’opère
par toutes ces méthcfdes défe&ueufes.
A r t . I V . De la maniéré de faire cuire les châtaignes
féchées à la claie , mais non dépouillées de leurs
écorces.
On enferme dans un fac la quantité de châtaignes
que l’on veut faire cuire, & on les bat comme nous
l’avons dit ci - deflùs , jufqu’à ce qu’on ait brifé
l’écorce & détaché la pellicule ; mais par les raifons
que nous avons expofées lorfque nous avons parlé
des inconvéniens qu’entraînoit la coutume où l’on
étoit dans certaines provinces de ne point dépouiller
de leurs peaux les châtaignes auflitôt qu’on les a
tirées du l'échoir, on doit fentir que cette opération
eft affez difficile, & ne peut fe faire que très-imparfaitement
, pour peu que l’écorce & la fubftance
farineufe des châtaignes féchées foient ramollies,
J’ajouterai ici, à cette occafion, que puîfqu’il faut
tôt ou tard dépouiller les châtaignes de leurs peaux,
il eft bien plus commode de le faire dans les cîr-
conftances favorables dont j’ai parlé , que d’être
expofé à réitérer chaque jour ces battages rudes &
pénibles , quand même on n’y trouveroit pas d’ailleurs
d’autres avantages.
Lorfque les châtaignes font bien dépouillées de
l’une & l’autre peau, on l^es met tremper dans de
l’eau tiède, où elles Séjournent toute la nuit ; elles
reprennent une certaine quantité d’eau, & fi elles
n’ont pas été ramollies &. ridées à un certain point,
elles reviennent à leur première forme : ©n jette
l’eau où elles ont trempé, & on les lave dans de
l’eau fraîche, après quoi on les fait cuire comme
nous l’avons dit des châtaignes blanchies, ( Art. II. )
C ’eft fur-tout en faifant cuire ces fortes de châtaignes
féchées & non dépouillées de leur peau , qu’il
faut avoir attention aux pratiques qui ont pour but
d’en extraire la partie amère, particulièrement fi les
châtaignes ont pris un goût de fumée & d ’empyreume
par la réaéfion de l’écorce fur la fubftance-farineufe.
Ilne.faut pas négliger non plus, par la même raifon,
de les faire bien riffoller dans le pot.
A r t . V . Manière de faire cuire les châtaignes féchées
& dépouillées de leurs peaux.
On fait chauffer de l’eau à un certain point, &
on la verfe fur les châtaignes sèches qu’on veut faire
cuire. A mefure que l’eau les pénètre , elles fe ra-
molliffent, fe renflent, & reprennent infenfiblement
leurs premières dimenfions. Quelques heures de
féjour dans l’eau tiède fuffifent pour produire ces
effets ; & cette préparation eft effentielle pour le
fuccès delà cuiflon des châtaignes , laquelle s’exécute
par les mêmes procédés que celle des châtaignes
vertes blanchies. ( Voye£ Articles II & III. ) Et lorf-
qu’elles font cuites avec ces attentions, elles ont le
même goût fucré & agréable que les châtaignes
fraîches.
Ces procédés ne font pas en ufage feulement
dans quelques provinces de France. Ils font connus
& fuivis très-exa&ement en Efpagne,ou les cajlanas
pilongas forment le principal aliment du peuple,
dans la partie montueufe des provinces de l’Eftra-
! madoure, de la Caftille & de Léon. Comment ces
diverfes pratiques ont-elles été trouvées} comment
ont - elles paffé dans des cantons fi éloignés ? Ces
queftions & tant d’autres qu’on peut faire fur cet
objet comme fur plufieurs femblabies découvertes ,
ne font pas aifées à réfoudre ; cependant je penche
plutôt à croire que ces procédés ont été tranfmis
d’un centre quelconque, qu’à fuppofer qu’ils ont été
découverts par des tentatives particulières en plufieurs
endroits à-la-fois.
A r t . V I . Manière de conferver les châtaignes en farine,
6» d’en faire cuire la fubjlance en pâte.
Les habitans des montagnes des environs de Luc-
ques & de Caftel-Nupyo en Tofçane , ceux de
certains cantons de la Corfe , font fécher leurs châtaignes
de la même manière que les peuples des
provinces d’Efpagne & de France dont j’ai parlé ;
mais outre cela , pour les conferver encore plus
long-temps, ils les concaffent & les font moudre
au moulin. La farine qui en provient, après avoir
été féchée «jvec foin, s’entaffe dans des pots de terre
qu’on bouche bien, & elle s’y conferve plufieurs
années. Dans le canton de Caftel-Nuovo , on a deux
fortes de farines. La blanche, qui eft fort douce &.
d’un goût agréable, mais qui fe garde à peine une
année entière. La grife , qui provient des châtaignes
féchées & un peu rôties, eft amère, & fe garde
pendant plufieurs années fans fe corrompre ; mais
cette confervation s’achète un peu chèrement, parce
que la defficcation forcée qu’on a fait fubir aux
châtaignes, en a infailliblement altéré la fubftance*
farineufe.
Pour faire ufage de ces fortes de farines , les
habitans de ces cantons les hume&ent d’un peu
d’eau, & en forment des efpèces de galettes , qu’ife
font cuire & fécher entre deux plaques de fer. Ces
galettes ont à peu près la forme de celles qui fe préparent
avec la farine de manioc, qu’on connoît dans
les îles de l’Amérique fous le nom de caffave ; mais
les galettes de châtaignes font beaucoup meilleures
que la caffave.
Dans l’île de Corfe on mêle à la pâte qui réfulte
de la farine de châtaignes détrempée , un peu de
levain ; il ne paroît pas que la fermentation
qui s’établit dans ce mélange, change entièrement
cette pâte en un pain léger : cependant, lorfque la
pâte eft cuite, elle a quelques y eu x , & mife dans
l’eau, elle y revient aifément & fe nfitonne ; mais
fi l’on compare le goût de ce prétendu pain avec
celui de la châtaigne cuite & mangée fous fa forme
naturelle , on doit bien regretter les foins qu’on a
pris pour dénaturer cet excellent fruit..
Fin du Tome premier*
Fautes à corriger dam les deux premières parties du Dictionnaire des Arts & Métiers,
Page 213 » ligne 13, première colonne, levereau : lifeç cavereau»
Page 3pS, lignes }'$, 20, 21■ , première colonne , rétablijfeç ces lignes, tranfpofées dans Vimpreffon , & Ufer
des efpaces dépaiffeurs indéterminées, parmi lefquels il y en avoit de très - fins. Ces efpa'ces portoient
quatre filets, qui, étant multipliés, formoient autant de hachures dans les filets de la. note.
Page 441, ligne 2 ? , première colonne , parer : life% paver.
Page y43 , ligne ly. , première colonne, archit&ure :: life^ architeélure.