
point d’appui folide aux bords de l’entonnoir qui
doit avoir été , par cette raifou , couronné de-bonnes
& fortes pierres , pour nôtre pas détruit en peu
de jours. H fait la même manoeuvre tout autour, &
rejette même vers l’axe avec une pelle les pierres de
la bordure , pour reformer le bombage au lieu d encuvement
; après quoi il répété la charbonnee & les
charges de p i e r r e s 'alternatives jufquau fommet du
four, comme le premier jour.
Lorfque le temps eft calme, & par là très-favorable
à l’égalité de la calcination dans toutes les parties du
four, le feu s’évafedavantage, & fe déclare encore
plus tôt aux bords que vers l’axe du four : alors, au
lieu de bombage, on charge les bords de quelques
pouces plus haut que le milieu.
Depuis le moment où l’on tire la première chaux ,
ce font toujours les mêmes mouvemens a recommencer
, tant que le four refte allume ; c eft-a-dire,
tant que dure la confommation de la chaux, que 1 on
foutire journellement , à mefure qu’elle fe fabrique
, comme on le- pratique aux fourneaux, ou
1 on fépare les métaux de leur minerai : aufli les
çhaufoumiers appellent • ils ces fours a chaux , fours
çoulans. On voit que l’opération a pour but ici ,
comme dans les fourneaux a briques , de faire
féjourner un certain degré de chaleur dans chaque
partie du four pendant un temps fuffifant ; & qu il
faut que le feu par fon intenfité, ou par fa duree ,
foit proportionné à la réfiftance de la pierre qui
fe calcine plus ou moins facilement, félon fon volume
& fa dureté ; que le chaufournier a fouvent à
vaincre les obftacles des vents, de la pluie & même
de la houille, qui tendent tous à déranger l’équilibre
néceffaire dans fon four. C ’eft a quoi font relatifs
tous ces procédés, qui font les memes, ou a
peu près, pour tous les fours que j ai vus de.ce
genre, & dont je ne détaillerai pas les petites différences*
Du c hommage de ce$ fours allumés.
Dans le cas d’une exploitation ordinaire, on ne tra*
vaille à ces fours à chaux ni la nuit, ni les dimanches
fêtes. On en tire tous les jours la chaux, le
matin & le foir, & quand le four eft rechargé , il
n’y a plus rien à y faire. Mais lorfque l’on doit paffer
yn jour entier fans en tirer, il faut difpofer le four
de façon à empêcher le feu de monter aufli vite
qu’à l’ordinaire. Cette précaution confifte à jeter au
centre de fa furface une çharbonnée de deux ou trois
pouces d’épaiffeur & de deux pieds de diamètre, que
le chaufournier entaffe en la piétinant, quélquefoîs
en la mouillant, & qu’il recouvre d’un lit de même
épaiffeur, formé des plus menus éclats de pierres :
enfuite il ferme toutes les gueules du four. L’ancien
chaufournier dont j’ai parlé, m’a dit à cette occa-
fion, qu’ayant été obligé quelquefois de fufpendre
fon travail, foit pour attendre de la pierre à chaux
bu de la houille, dont il manquoit, foit par quel-
qu’autre raifon, il avoit ralenti fon feu, au point
d’être dpu?ç jours entiers fans toucher au four, &
fans autre accident que d’avoir tout au plus quelques
pieds cubes de pierres mal calcinées. Il faut
alors fermer de même les gueules du four, & faire
fur le total de fa furface, ce que l’on fait feulement
autour de l’axe pour le chommage d’un feul four ;
c’eft-à-dire, ne laiffer fubfifter pour le feu, que le
moins d’évaporation poftible fans l’éteindre.
Lorfque les barreaux volans du grillage au pied
du four, ont été une fois enlevés pour l’extraélion
de la chaux, il n’eft plus néceffaire de reformer ce
grillage que tous les huit ou quinze jours, pour
nettoyer le cendrier : hors ce cas, la chaux porte
fur le fond du cendrier fans aucun inconvénient*
Quand il faut remettre ces barreaux en place, le
chaufournier les chaffe à coups de maffe a travers la
chaux par une des gueules , jufqu’a ce qu il les ait
affez enfoncés , pour être sûr qu’ils porteront fur la
traverfe de l’orifice du four , ou jufqu a ce qu ils
forcent par la gueule oppoiée ; & dès qu il a nettoyei
le cendrier, il arrache de nouveau ces barreaux.
Cet ufage eft meilleur que celui de conftruire, comme
à Valenciennes & ailleurs, un grillage dormant, qui
gêne fouvent la chute de la chaux, plie fous le fardeau
des pierres, &occafionne des dégradations a\j
four.
De la cendrée•
Le cendrier s’engorge de temps en temps par les
cendres de la houille qui s’y amaffent, fur-tout dans
les intervalles entre les gueules, & empêchent la
çhûte de la chaux. Le chaufournier met foigneufe-
ment ces cendres à part : elles font mêlées de beaucoup
de menus morceaux de chaux, q ui, avec les
fels fixes de la houille , les rendent propres a faire
un excellent mortier fuffifamment connu fous le
nom de cendrée. Comme on ne veut point en perdre,
on fe fert aux grands, fours d’une pelle perceé^ de
trous à paffer le bout du doigt, pour tirer la chaux
du four, & on en fait tomber toute la cendrée fur
un tas particulier, avant de mettre la chaux dans
lçs mannes pour la tranfporter. Cette cendree eft
eftimée pour enduire les citernes, les caves, &c,
même quoiqu’elle provienne de fours ou la chaux
faite de pierres blanches eft de peu de qualité, au
lieu que les cendres des fours à chaux ou 1 on brûle
du bois, ont été reconnues ne rien valoir dans la
bâtiffe. Il fort des fours à la houille, à peu près Une
mefure. de cendrée contre deux mefures de chaux ;
& elle fe vend, en plufieurs endroits, au moins
moitié du prix de la chaux.
Des déchets fur la chaux de ces fours*
Les chaufourniers domeftiques, qui ne travaillent
pas pour vendre la chaux , ont encore foin de trier
au fortir du four tous les morceaux qui contiennent
de la pierre non calcinée ; l’habitude la leur fait con-
noître à l’oeil, & jamais ils ne s’y méprennent au poids.
Ils les amaffent auprès du four, les arrofent d’un peu
d’eau, & en retirent tous les noyaux pour les remettre
au four, Le plupart d’entre eux rejettent aufli
comme.
dbtnme déchet, les roches du four, qu’ils appellent
la chaux brûlée. Dans la chaux qui fe vend , on laiffe
toutes ces non-valeurs, ainfi que celles dont le fabricant
même auroit peine à fe garantir, qui font
les veines de boufin, ou autres matières non calculables
, qui font fouvent mêlées avec la pierre ,
& qu’il feroit quelquefois trop coûteux d’en vouloir
féparer.
Par ce moyen, il n’y a pas de déchet pour les
chaufourniers marchands, fur la pierre dure qu’ils
corivertiffent en chaux : la toife de cette pierre leur
rend au moins une toife de chaux en menus morceaux.
Le déchet tombe en entier fur les gens qui
fachetent, & eft proportionné à la bonne foi du
chaufournier, qui peut y avoir épargné plus ou
moins la houille 8t fes foins. Quand on la fait faire
fous fes yeux fur les carrières, en choififfant toutes
pierres vives & bien nëttes, & avec une économie
bien entendue, il n’y a non plus aucun déchet : partout
ailleurs, & en paffant par les mains de commis,
on doit compter fur une diminution de la pierre,
que j’eftime d’un vingtième à un quinzième lur toutes
les «fpèces de pierres dures que j’ai vu calciner.
Du rendage, ou produit de ces fours en chaux.
Lorfqu’un tel four eft bien allumé, que la houille
eft égale ou homogène & de bonne qualité , il peut,
par un temps favorable, produire chaque jour en
chaux de pierre dure jufqu’à la moitié de la pierre
dont il eft chargé : quelquefois fon produit ne va qu’au
tiers ; & fi la houille eft de peu de force, il rend encore
moins. Un four de 6oo pieds cubes peut donc
fournir communément 1620 pieds cubes de chaux
par femaine de fix jours de travail, & expédie beaucoup
plus qu’aucun de ceux à grande flamme.
J’ai remarqué que les fours coniques du pays de
Liège , dont l’entonnoir a ordinairement quarante à
quarante-cinq pouces de diamètre par le bas, con-
fomment plus de houille que ceux de la Flandre, &
ne rendent par jour, rédu&ion faite, qu’un cinquième
de ce qu’ils contiennent. Cette obfervation , jointe
à la néceflité fréquente de gouverner le tirage ou
courant d’air du four, me fait croire qu’ils font
mieux conftruits lorfque cet orifice inférieur n’a
qu’environ vingt-quatre pouces de diamètre.
Des hommes nécejfaires à ces fours.
Un feul chaufournier avec douze ou quinze hommes,
peut conduire à-la-fois trois de ces plus grands foürs ,
dont il ne fait que les charbonnées, 6c commande
toutes les autres manoeuvres; mais il faut que la pierre
ait été toute brifée , ou qu’il y occupe encore douze
ou quinze enfans, & il lui faut fur chaque four au
moins ioo mannes toujours pleines de pierre, pour
que rien ne languiffe. Trois hommes fùffifent en tout
pour un petit four bougeois.
Confommation de la houille pour ces fours.
La proportion réduite entre la pierre dure & la
Arts 6* Métiers, Tome ƒ, Partie //,
houille néceffaire pour la convertir en chaux, me
paroît être de foixante à foixante-cinq pieds cubes
de houille par toife cube de pierres du toifé des carrières.
Malgré l’obfcurité que tous les chaufourniers
tâchent de répandre fur cette confommation, j’ai
reconnu que certaines pierres exigeoient jufqu’au
tiers de leur cube d’une même houille, dont d’autres
pierres ne demandoient qu’un fixième , quoique ces
deux extrêmes m’aient paru rares. Dans les houil-
lières du pays de Liège 6c du Hainant, on diftingue
deux qualités de houille, dont la moindre fe nomme
houille à chaux & à briques ; mais différentes épreuves
me font penfer que la houille la plus adtive n’eft pas
dangereufe au fuccès de la chaux, comme elle l’eft
dans les fourneaux à briques. Les effais de fa qualité
peuvent fe faire d’autant plus sûrement dans
chaque province par les chaufourniers, qu’il me
patoit n’y avoir rien à craindre dans ce four de
la part d’un excès de feu , comme on le verra
plus bas.
De la dépenfe pour fabriquer la chaux dans ces fours;
Les prix courans en 1765, aux fours à chaux dtf
Boulonnois , font :
Pour une toife cube de pierre tiré©
de- la carrière. . . . . . . . . . . 4 liv. 10 f;
Pour la brifer en éclat..........................6
Pour la brouetter au four................. 1
Pour 66 pieds, cubes au plus de
houille, à 7 fous. ..............................23 £
Pour la main-d’oeuvre de la calcination.............................
9
Total pour une toife cube de pierres
calcinées. . . . . ........................... 43. liv. 12 f.
En fuppofant qu’elle ne produisît que 200 pieds
cubes de bonne chaux triée , elle reviendroit à quatre
fous le pied cube.
Cette chaux fabriquée à Gravelines, Dunkerque
& Bergues avec les mêmes matières, y coûte
environ 10 fous le pied cube, fans y compendre
la conftruâion ou le loyer des fours ; & comme
les bois n’y font pas au deffous de 35 liv. la corde ;
mais fouvent plus chers , elle y reviendroit au
moins à 20 fous le pied, fi on la fabriquoit à la
grande flamme.
Charges & conduites de ces fours en pierres tendres.
Si c’eft en pierres tendres que l’on charge ces
fours, on peut en général les calciner en plus gros
morceaux que la pierre dure , & faire les charges
plus épaiffes. 11 fe rencontre des carrières dont la
pierre, quoique tendre, réfifte beaucoup à la calcination
, lorlqn’elle eft reftée long temps à l’a ir ,
& fur-tout au foleil. Les chaufourniers, bien moins
1 curieux de favoir fi la chaux n’en feroit pas meib
J leurç que d’y dépenfer moins de houille, ont foia
M ram