
toujours. Il faut avoir l’attention de ne point trop |
ferrer les v is , fur-tout les deux grandes qui tiennent
la platine ; autrement on trouveroit, après quelques
mois, les bois fendus fur les râteliers des falles
d’armes.
Pour mettre aifément le fufil en joue & bien
ajufter l’objet que l’on vifé , il faut que la crolte ait
une certaine courbure qu on appelle la pente. Un a
peut être facrifié des avantages réels -à la guerre ,
aux grâces & au brillant des exercices de parade:
on vouloit les fufils droits ou très-peu pentes, parce
qu’ils fe portent aifément & font un meilleur effet
fur l’épaule du foldat ; mais étant ainfi montes, on
ne peut ni les mettre en joue ni ajufter. Un a
voulu aufli qu’ils euffent une certaine refonnance,
un cliquetis qui marquaient tous les temps d exercice
: pour l’obtenir , on a râpé les bois fous les
garnitures afin qu’elles balotalïent : on a fait rougir ,
par conféquent détrempé les baguettes , pour
qu’elles remuaient dans leur canal , quon elar-
giioit par ce moyen : on a noirci les bois avec des
comportions corrofives g qui les ont deieches &
caiés ; on a poli les canons avec des brumlloirs
d’acier tranchans , SL on les a tellement diminues
d’épaiieur, qu’ils font de venus, d’un dangereux g iff
vice : on a fait enfin tout ce qu’on a pu pour gâter
& rendre inutiles des armes, à la fabrication dei-
quelles on avoit apporté tous les foins que leur
importance exige; mais il y a tout lieu de croire
que l’on facrifiera fans regret ces prétendus agre-
jnens à des avantages reels.
De toutes les pièces qui entrent dans la compo-
fition du fufil, la plus importante eft fans contredit
le canon : s’il crève, 1 eftropie, il tue l’infortune
qui s’en fervoit avec confiance, & les malheureux qui
fe trouvent à portée, & dans la direaion dés éclats
qui s’en détachent. On ne peut donc apporter trop
de foin à la compofition & à là fabrication de la
maquette qui doit produire le canon.
On apoelle maq uette, une pièce de fer d’un échan-
tillon proportionné aux canons de fulil qu elledoit
produite. Cette pièce eft chauffée au foyer dune
groffe forge, & battue fous un gros marteau : on
peut la tirer au bout d’une barre de fer;, lorfqu on
en connoît bien la nature , & qu’on croit qu’il n’a
pas Kefoin d’être doublé, triplé & corroyé ; mais
plus ordinairement la maquette: fe fabrique avec
deux ou piufieurs morceaux de fer dont on fait une
étoffe. C ’eft fous un martinet que la maquette eft
étirée , change de forme , & produit une lame à
canon.
Le fer qu’on emploie à la fabrication des maquettes
dans les manufa&ures d’armes bien établies , éft
étiré en barres de dix à douze pieds, epaifles de
douze à quatorze lignes, & larges d'environ deux
pouces 8c demi. On cafte ces barres en morceaux
de onze pieds de longueur:; ce qui s’exécute en le
cifelant affez profondément à l’endroit où on veut
le cafter & en les expofant à faux à la chute dun
moùton du poids d’un millier, élevé à huit ou neuf
pieds. ' a j
On voit déjà que ce fer ne doit pas etre de la
nature de celui qu’on appelle fer tendre , qui cafte en
tombant fur le pavé , ou à un coup médiocre d’une
maffe à main, puifqu’il faut le cifeler, & la chute
d’un poids confidérable pour le cafter. Les maquettes
étant deftinées à produire des canons qui doivent
effuyer des épreuves violentes, doivent être faites
avec du fer fort, mais liant & facile à fouder. Il doit
aufli avoir la qualité de fe foutenir au feu , étant
néceffaire qu’il paffe par piufieurs chaudes fucceflives
& t r è s - v i v e s . . . . .
On réunit trois des morceaux de fer, de onze
pouces , dont nous venons de parler , en obfervant
de placer au milieu celui qui montre le grain de la
meilleure efpèce , petit, fans l’être autant que celui
de l’acier, & d’une couleur grife tirant fur le blanc.
On faifit avec une groffe tenaille ces trois morceaux
de fer pour les corroyer & fouder enfemble, apres
en avoir bien nettoyé les furfaces ; & Ion met la
partie qui n’eft pas embraffée par les mords des
tenailles, dans le foyer ou creufet d’une groffe forge
que je fuppofe équipée & outillée comme Celle
d’une chaufferie, & pourvue d’un martinet d environ
deux cents livres, indépendamment d un gros marteau
de fept à huit cents. >
L’arrangement des trois morceaux de fer qu’on
veut corroyer Sc fouder enfemble, n’eft ni indifférent
, ni arbitraire : la partie du milieu qu’on a choifie
la plus fufceptible d’acquérir du nerf & de la qualité
au feu & fous le marteau, fe trouve garantie par
les deux morceaux qui la couvrent de laétion trop
violente du feu , ou elle fe conférve & fe perfectionne
, fans s’altérer ni fe deffécher. Les deux
morceaux qui font plus expofés à l’a&ion du feu , la
baignent par l’efpèce de fufion qu’ils éprouvent, & la
rendent fufceptible de foutenir, fans fe brûler, les
chaudes vives qu’elle doit effuyer à cette première
opération & à la petite forge du canonier : cette
partie doit être ménagée* avec le plus grand loin ,
p.uifqu’elle doit former le canon ; le fer qui lui fert
d’enveloppe fe perdant en partie au feu, & les forets
emportant en dedans , & la meule en dehors,
prefque tout le refte,dorique le canon eft fini. On
emploie avec fuccès , pour cette partie du milieu ,
du fer fabriqué avec de vieilles ferrailles , ce qu on
peut appeler alors du fer refondu.
Il faut obferver que les trois morceaux de fer
que l’on veut fouder enfemble , foient fortement
faifis & ferrés dans la tenaille, de manière que les
quatre furfaces qui fe touchent -ne laiffent point de
vide entre elles , afin d’éviter qu’il s’y introduife
quelque corps étranger qui nuiroit à la foudure.
On conçoit aifément que cette mâffe qui a plus de
trois pouces d’épaiffeur, doit être bien pénétrée par
le feü, & n’en doit être retirée que très-blanche &
très-fuante, pour que les trois morceaux fe foudent
parfaitement. Ces trois morceaux pèfent enfemble
vingt-une à v ingt- deux livres ; on les met à plat
dans le creufet de la forge , d’où on les retire de
temps en temps , à mefure qu’ils chauffent, pour les
battre avec un marteau à main, afin de rendre le
contaél des furfaces bien exaâ dans tous les points.
On ne les retire du feu pour les porter fous le gros
marteau, que lorfque la maffe totale en eft intimement
pénétrée, & qu’elle eft étincelante blanche
& fuante. Cette opération fe fait au charbon de
bois, dont la qualité n’eft pas indifférente, & qui
doit être de bois léger , tel qu’on l’emploie aux
affineries dans les forges. La maffe eft étendue &
foudée fous le gros marteau ; après quoi on faifit
avec les tenailles la partie qui vient d’être travaillée,
& on met au feu celle qui n’y avoit pas encore
•été,laquelle eft chauffée, traitée, battue & foudée
comme l’autre , de manière que la pièce entière
forme une double maquette, qui a trois pieds huit
pouces de longueur, voyez planche I , figuré /, A ,
fufil de munition. Cette pièce pèfe environ dix-neuf
livres ; elle a quatre pouces de largeur à fon milieu,
& va en décroiffant jufqu’à fes deux extrémités ,
dont là largeur n’eft plus que de deux pouces fept
à huit lignes ; l’épaiffeur , au milieu > eft de fept
lignes, & aux extrémités , de cinq. La double maquette
eft le développement de deux cônes tronqués,
réunis par leur bafe.
Lés tables de l’enclume & du gros marteau doivent
être bien dreffées, & avoir une certaine longueur,
afin que le marteau tombant fur une certaine
étendue de fer , en faififfe une plus grande quantité
de points à-la-fois , au degré de chaleur requis pour
opérer la foudure.
La double maquette eft cifelée dans fon milieu &
caffée en deux par le moyen du mouton ; chacune
de fes parties s’appelle maquette, fig. 2; B , même pl.
La lame a canon fe fait ainfi avec une maquette
préparée à cet effet au gros marteau, & étirée au
martinet en deux chaudes. Voyez planche / , fig. y ,
C ,. ( fufil de munition. )
Les dimenfions de la lame à canon varient fui-
vant celles qu’on fe propofe de donner au canon
qu’elle doit produire. Celles qui font deftinées aux
canons de munition pèfent environ neuf livres ; leur
longueur eft de trois pieds deux pouces ; leur plus
grande largeur eft de cinq pouces , & elles vont en
diminuant jufqu’à l'extrémité , qui n’a que tro-is
pouces. Leur plus grande épaiffeur eft de cinq
lignes , & leur extrémité eft réduite à deux &
demie. La partie la plus épaiffe & la plus large,
eft deftinée à faire le tonnerre du canon; Les deux
bords ou lèvres de la lame, font rabattus en bifeau
fous le martinet. Lorfqu’elle a les dimenfions qu’on
vient d’indiquer, qu’elle eft fans crique & bien battue,
elle eft remifé au forgeur de canons ou canonier.
; Le canonier fajt un tube av^c cette jame ^ont
il croife les bords dans toute fa; longueur , lefquels
il foude par des chaudes fucceflives de deux pouces
en deux pouces. Voyez planche / , fig. 4, D.
Dans .cette opération , deux ouvriers appliquent
la moitié de la lame , chauffée couleur .de cenfe1.
Arts & Métiers. Tome I. Partie I.
fur une efpèce de gouttière creufée dans une pierre
dure ou dans un bloc de fer, & la frappant à coups
redoublés de la panne de leur marteau, ils l’enfoncent
dans cette gouttière , & la forcent de prendre
la forme demi-cylindrique ; après quoi, la portant
promptement fur l’enclume, ils achèvent d’en former
un tube en faifant croifer les bords, & ils continuent
enfuite fur l’autre moitié ce qu’ils ont fait fur la
première.:
Après cette préparation, le canonier met au feu
la lame ainfi roulée , la chauffe dans’ fon milieu ,
blanche & fuante, la retire du feu & la porte fur
l’enclume; il tient l’extrémité d’une main, & Soutient
l’autre avec fon marteau, fans quoi la pièce,
dont le milieu eft dans une efpèce de fufion, fe
fépareroit en deux parties. Le compagnon introduit
dans le tube une broche de fer un peu conique ,
dont le plus grand diamètre a environ cinq lignes.
Le maître & le compagnon frappent enfemble à
coups précipités la partie chauffée , qui eft d’un
pouce & demi à deux pouces de longueur tout au
plus ; cette même partie eft remife au feu une
leconde fois , chauffée au même degré , &. battue
avec la broche dedans. Si fenclume n’a point de
cavité fur fa table propre à recevoir la lame, tandis
qu’on la bat, on y en adapte une poftiche pour
donner la forme ronde à la pièce.
Le compagnon a piufieurs broches fous fa main,
afin de n’employer fucceffivement que celle qui a
une longueur fuffifante pour fervir de point d’appui
intérieur à là partie qu’on foude. La fig. y , E , de la
planche I , préfente un canon foudé au milieu fur
une certaine étendue..
Lorfque deux chaudes n’ont point opéré complètement
la foudure; on en donne une troifième;
après quoi on continue de fouder ainfi le canon ,
depuis le milieu jufqu’au tonnerre, en obfervant de
ne faire les chaudes que de deux pouces au plus,
& de boucher l’extrémité du tube avec de la terre
graffe ou du crotin de cheval, pour éviter de brûler
le fer en dedans, & empêcher qu’il ne s’y introduife
quelque corps étranger qui nuiroit à la foudure. Le
maître fait tomber ce bouchon lorfqu’il retire fs
pièce du feu , & a foin d’en frapper l’extrémité fur
une face de l’enclume ; ce qui s’appelle refouler :
cette précaution eft néceffaire , parce que la chaleur
dilatant la matière en tout fens , il faut la frapper
& preffer en tout fens pour en réunir les parties ÔC
éviter les crevaffes en travers.
Quand on eft parvenu aux dernières chaudes du
tonnerre., on le forge, & on achève de le fouder
fur une bigorne fixée à la face de l’enclume , ce qui
fait le même effet que la broche.
Lorfque.le canon eft refroidi, le canonier le prend
par le tonnerre 1 continue de le fouder depuis le
milieu , où il l’a= commencé , jufqu’à la bouche ,
avec le même procédé & ' lës mêmes précautions.
Le-canon, ainfi forgé & foudé dans toute fa longueur
, eft remis au feu & chauffé de nouveau d’un
bout à l’autre de deux pouces en deux pouces ; mais
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