
matières qu’on veut mêler avec elle. Lorsqu’on
pourra s’en procurer avec autant de facilité , on
devra plutôt s’en fervir. On obfervera cependant
que le ciment de la terrafle, compofé avec de l’eau
de puits, a parfaitement réuffi ; & fi l’on en fait
diftin&ion, c’eft pour fatisfaire au goût de ceux qui
font jaloux d’opérer avec méthode & précifion.
Voici la proportion dans laquelle les trois matières
détaillées ci-deffus doivent être employées pour faire
de bon ciment. Ce font au moins celles qui ont toujours
conftamment réuffi, & dont le rapport eft le
plus {impie.
On aura une mefure quelconque ; par exemple ,
un vafe qui contiendra environ trois ou quatre pouces
cubes ( une mefure beaucoup plus grande feroit
une trop grande quantité de ciment, & il deyiendroit
trop dur dans l’auge pour qu’on pût l’employer en
entier ) ; on mêlera une mefure de chaux éteinte
avec une mefure & un tiers d’eau , & on la broiera
avec la truelle jufqu’à ce que la chaux foît parfaitement
divifée, & forme un lait fans aucun peloton:
cette chaux bien délayée, on y jettera cinq mefures
& un tiers de caillou pilé, ou tuileau, ou même un
mélange de cesdeux matières, comme trois parties de
caillou, & deux un tiers de tuileau ; on mêlera encore
parfaitement c es matières avec la chaux délayée. On
y ajoutera enfin une mefure de chaux vive & bien
pulvérifée , & l’on appliquera auffi-tôt le ciment,
après l’avoir bien remué avec la truelle.
Préparation du plancher pour recevoir le ciment.
Le plancher deftiné à former la terrafle, doit être
d’une force proportionnée à la . chargé qu’il aura à
foutenir, bien affemblé & étrefîllonnéoe fix pieds
en fix pieds, avec des taffëauxdans les entrevoux,
afin de lier toutes les folives enfemble. On lattera
énfuite avec de fortes lattes clouées, jointives fur
les folives , ou du bardeau. On établira 6c dirigera
fes pentes fuivant le local & l’égoût des eaux avec
iin aire de plâtre, à raifon de neuf à dix lignes dé
pente par toife au plus, & l’on fera carreler fur
ces pentes avec de très-bon plâtre pur & fans
pouffière , & du carreau ordinaire •; ou mieux
encore , du carreau en forme de brique , &
fabriqué exprès , pour être plus dur & former
une meilleure liaifon. ( On trouve de ces carreaux
briques & tous les matériaux néceffairés à la
fabrication du ciment, préparé? avec le plus grand
foin , au feul dépôt approuvé par l’auteur, rue
Copeau, au coin de celle neuve faiiit Etienne ,. pfes
le jardin du roi; chez M. Lavandier :9 audit -dépôt*
qui indiquera auffi des ouvriers au fait dé l’emploi de
ce nouveau ciment ).
Si l’on mêle un peu de fuie de cheminée dans le
plâtre , il deviendra infiniment plus dur, & le carrelage
en fera meilleur. On choifira auffi du carreau
dépoli- ; on fera même bien de le retournèr, afin
d ’avoir en dehors la furface la plus poreufe. Il faut
que le deffus du carreau {bit parfaitement bien dref-
fs* Eu cas de balèvres ou petites éminences x U faudroit
l’unir avec un grès bien dur, mais a fec. On
fera très-bien après le carrelage, d’attendre qu’il foit
parfaitement fec , 6c qu’il ait éprouvé , ainfi que le
plancher, tous les petits taffemens dont il fera fufcep-
tible.
C ’eft fur ce plancher ainfi carrelé, dreffé & féché,
qu’on appliquera le ciment par augées faites à mefure
, & dans la proportion ci-defïus indiquée, après
avoir humeélé lé carreau avec un peu d’eau mife au
pinceau ou avec une éponge. On le fervira pour ce,
d’une petite truelle d’acier, pointue & flexible , afin
de fentir l’épaiffeur qu’on donne à la couche de ciment,
qui n’aura, s’il eft poffible, qu’une demi-ligne,
&. fera bien égale ; mais elle ne doit jamais excéder
une ligne : c’eft fur cette épaiffeur la plus forte
qu’on a compté , lorfqu’on a dit plus haut qu’un
fac de caillou pilé , fourniroit environ fept ou huit
toifes de ciment. Si l’adreffe des ouvriers peut ne
donner par-tout qu’une demi-ligne d’épaiffeur, avec
la même quantité on couvrira une fuperficie double,
6c par conféquent de quinze à feize toifes, ce qui
deyiendroit très-peu difpendieux. Il faut garantir ce
ciment, pendant fon application, & même jufqu’à
ce qu’il foit entièrement fec , des rayons du foléil
& du haie des vents , ainfi que de la pluie; ce
qu’on peut pratiquer facilement pendant les travaux,
avec un paravent ou des nattes. Comme il eft très-
mince, il lui faut très-peu de temps pour durcir 8c
évaporer l’eau. Lorfque toute la terrafle fera finie,,
on y appliquera une .couche d’huile grade bien purifiée
, afin qu’elle sèche promptement ; ce qui ne
duré guères plus de trois à quatre heures par un
beau temps. On pourra renouvelîer cette opération
tous les ans au printemps, après avoir fait au ciment
les petites réparations que le taffement du plancher,
ou quelque autre caufe indépendante de fa nature
pourroient exiger. On voit, par la manière de l’appliquer
, que les crevafles on fraâures qu’il pourroit
éprouver, feroient réparées dans l’efpace de deux
heures, avec la plus grande facilité. On obviera à
ces inconvénient , en ayant foin de bien Conftruire
d’abord fon plancher. On pourroit peut-être même
employer avec fuccès , ces planchers en fer annoncés
dans les journaux , 6c préfentés à l’Académie
royale d’Architeéfure. Le but de celui qui les a imaginés
, eft très-lbtiable. Il mérite affurément qu’on en
rafle l’effaryÔt toutes les conjectures doivent être en
fayeur de cette utile invention.
Voilà l’énoncé de tous les procédés dont il faut
fè férvir pour compofér & employer le ciment que
M. d’Etienne expofe au public,, après avoir fait au
roi l’hommage de- cette découverte. Cet honneur
eft fans doute la récompenfe la plus flatteufe de foq.
travail ; & il s’applaudira chaqiie jour d’avoir pour-
fuivi, avec opiniâtreté, des: recherches pénibles,
mais couronnées par un fuccès auffi éclatant. Son
but, en publiant cette invention, n?eft point dé
deprifer aucunement les produirons & îe talent des
ârtiftes qui Font précédé' dans la même carrière.. U
s’empreffe au contraire de leur rendre la juftice quÂ
leur eft due. Leurs mémoires & leurs effais lui ont
beaucoup fervi pour compofér fon ciment, dont la
théorie autant que l’expérience confirment la foliu
dité. Telle eft la marche des arts & des fciences :
elle fe fait à pas lents, 6c chacun fuivant le fentier
qu’un prédéceffeur ardent lui a tracé, a quelquefois
lé bonheur de le devancer. S’il s’en applaudit, il
doit encore , pour le progrès des arts, fouhaiter
qu’un autre l’atteigne & le devance auffi dans la
même carrière. Tel eft le voeu de 1 auteur : il efpere
qu’il fera rempli. Déjà même il éprouve la fatis-
faflion de voir que plufieurs ârtiftes fe font appliqués
à fuivre fon procédé 6c à l’analyfer. Leurs utiles
©bfervations ont étendp le mémoire qu il prefente,
& leurs expériences vont achever de donner a ce
procédé, le degré de perfe&ion dont il eftfufceptible.
Chaque propriétaire pourra donc jouir bientôt
fur fa maifon, de l’agrément d’un jardin pareil à
celui de M. d’Etienne : le goût des ârtiftes en variera
les formes 6c les diftributions à l’infini. Ces
terraffes favoriferont les obfervations des aftrono-
mes. Chaque maifon offrira un afpeél différent, ou
une vue de plus ou moins d’étendue : elle prefentera
elle-même, à volonté, des objets curieux & inte-
reffans. On fera entrer dans leur décoration , des
baffins, des bofquets, des treillages. La fculpture
& la peinture pourront s’y difputer le prix, & s’uniront
avec le jardinage pour flatter agréablement la
vue. Quelles reffources pour les fêtes & les réjouif-
fances publiques! Les illuminations quelles occa-
fionnent peuvent devenir magiques, étant bien dirigées
: leurs bifarreries même, 6c leur irrégularité,
peuvent auffi fe trouver très-piquantes.
Qu’on fe repréfente maintenant le coup-d’oeil
féduifant qu’offriroit une chaîné de maifons, dont.
chaque terrafle feroit variée de forme, & enrichie
de verdure. Quel féduifant effet ! que d’avantages
multipliés en réfultecoient encore, indépendamment
de la vue pittorefque ! Un air plus pur circuleroit
dans les villes. Chaque propriétaire acquerroit le
terrein d’un jardin égal à la fuperficie de fes bâti—
mens.- Il épargnerait, en conftruifant, la dépenfe
d’un toit, objet trifte 6c difpendieux, non-feulement
pour l’établiffement, mais encore pour l’entretien.
Il feroit infiniment moins expofé aux incendies, ayant
la facilité de fecourir lui-même fa maifon par fa ter-
rafle, & pouvant auffi pratiquer un ou plufieurs-
réfervoirs. L’épargne du bois de charpente, dont le
prix augmente tous les jours, eft un avantage très-
confidérable, en ce qu’on peut faire fervir tous, ces
bois à d’autres ufages. La confommation du plomb
feroit beaucoup diminuée. Nous jouirions en France
d’un agrément qu’on avoit cru jufqu’à préfent réferve
pour l’heureufe Italie. Enfin cet ufage des anciens,
renouvellé de nos jours, honorerait fans doute ce
fiècle, ©h les vertus fur ta trône cherchent la vérité
, protègent les arts , 6c laiffent au génie le libre
pouvoir d’étonner F univers.
Après avoir rapporté prefque en entier le mémoire
de M» d'Etienne, nous pe devons pas omettre ici
les obfervations;que M. Patte, architeéVe de M. le
duc régnant des Deux-Ponts , à faites 6c publiées à.
ce fujet ; elles ne peuvent fervir qu’au progrès de
Fart, & à la fûreté des opérations. Elles doivent
même ajouter à l’importance de la découverte de
M. d’Etienne, par l’attention que le favant artifte
recommande dans la manière de fe fervir de fon
nouveau ciment.
Obfervations de M. Patte.
j> Le grand intérêt, dit M. Patte, que le public
paroît prendre au fuccès du ciment de M. d’Etienne,,
dans la perfuafion fans doute que par fon moyen il
feroit poffible de fupprimer les combles des maifons,
6c d’y fubftituer des terraffes qui en augmenteroient
l’agrément, 6c produiroient à la fois beaucoup d’économie
dans leur bâtiffe, me fait croire que l’on verra
avec plaifir le fentiment d’un homme de l’art fur le
degré de confiance que peut mériter fa découverte.
— Dans la plupart des bâtimens de quelque importance,
il eft d’ufage de faire porter les dalles de
pierre dont on couvre les terraffes, fur des voûtes 'y
6c en fuppofant que celles-ci aient opéré tout leur
taffement avant cette opération, fi les dalles font
de qualité impénétrable à l’eau , & fi les maftic*
deftinés à les unir font bons, on réuffit d’ordinaire
à rendre ces fortes d’ouvrages folides & durables.
Mais comme les voûtes exigent des épaiffeurs de
mur confidérables par rapport à leur pouffée, on fe
contente fouvent, par économie, de plaperles dalles
des terraffes direélement fur des planchers de charpente,
où Fon étend une aire de plâtre pour les recevoir,
en obfervant comme ci-devant de les jointoyer
avec de bon maftic. Il n’eft pas bien difficile
de juger qu’un pareil procédé ne lauroit avoir de
durée. Car les bois de ces planchers étant par Iæ
fituation des terraffes fujets à recevoir toutes les
impreffions de l’air, les communiquent de néceffité:
aux dalles qu’elles fupportent ; d’où il fuit que l’alternative
de l’humidité & de la féchereffe, du chaud
& du iroid , doit défunir de temps en temps les
dalles & brifer leur maftic, quelque excellent qu’iT.
foit, tantôt à un endroit, tantôt à l’autre ; de forte
qu’il faut fouvent avoir recours au maftiqueur, Sc
que pour peu qu’on apporte de négligence à ces
rétabliffemens,. l’eau filtre à travers les planchers «,.
endommage les plafonds 6c pourrit les bois». Per—
fonne n’igriore que ce font ces fortes de terraffes-
qui ont occafionné la ruine du Colyfée.— Quelquefois
, au lieu de dalles, on étend fur Faire ou le carreau
d’un plancher des tablés de plomb affemblées-
à bourrelets fuivant leur longueur ; mais ce moyen
qui eft très-difpendieux., 6c qui ne laiffe pas de lur-
charger un plancher , a auffi fes inconvçniens ; la
chaleur & la gelée font travailler les plombs, bouffer
6c écarter les foudures» — Orna.toujours penfé que
le vrai moyen de parvenir à conftrurre des. terraffes
folidement & à peu de frais, dépendoit dé trouver
un enduit de piment impénétrable à l’eau; mais cela.
n’eft pas ailé ? & voici pourquoi : comme il ente«..