
un maillet; jùfqu’à ce que la balle, ainfi enveloppée,
porte fur la charge de poudre.
On les char ge : plus '■ ordinairement fans étoffé ni
peau y à balle nue , en obfervaht qu’elle foit d un
calibre plus fort que celui ;du canon : la balle entre
dans la bouche qu’on a élargie à deflein, & on ia
chaffe enfuite avec effort, par. le moyen de la ba-
•guette& du maillet, jufqu’à la charge de poudre;le
plomb cédant à la force avec laquelle il eft pouffe-,
la furface de la-balle perd fa forme fphériqùe, &
prend celle de. l’intérieur du cylindre:; en for te qu elle
devient une vis mâle, qui s’engrène exaélement dans
celle du canon. - •
M. Robins, Anglois , parle de ces fortes d’armes
•dans fes principes-d’artillerie , & paroît en faire
•beaucoup: de-cas :• il arrive1, dit-il, .lorfqu’ojntirè'le
icanon ,; .que la zone detitelé'e ;de la balle fuit la courbure
des raies , & acquiert ' par conféquènt, entre j
fon mouvement progreffif, un mouvement de rotation
autour de l’axe du cylindre ; & , -comme elle
le conferve encore au fortir du canon-y & quel axe
de ce mouvement coïncide avec celui de fa direélion,
la prefïion de la- réfiftance «fera égale dans toutes
les;parties de la furface quifepréfentera la première,
de forte qu’elle ne pourra cauféraucune declinâifon ; .
& , ce qui eft encore plus important, fi la furface du
devgnt de la.balle étoit difpbfée de maniéré que la
réfiftance .dût être plus forte dans une partie que
dans l’autre, ce mouvement de rotation obvieroit
encore à cet inconvénient ; car l’endroit où la re-
fiftance feroit la plus forte , tournant1 fans ceffe
autour de la ligne fuivant laquelle s’avancé le pro-
jeéliJe, la dédinaifoh qu’iloccafionneroit , s’il reftoit
conftàmment du même côté*, ne pourra plus-avoir
lieu, & la balle fera retenue à fa placé par les efforts
oppofés & égaux que ‘ fait y à chaque- inftant, là
-réfiftance dans le cours d’une révolution.:
On Concevra aifément comment ce mouvement
de rotation peut empêcher toutes les declinaifons
que la.réfiftançe. pourroit oecafionner, en exerçant,
fur les parties du devant de la balle,-des prêffions
différentes.'Si on fait attention ai ce qui arrive a une
Roupie loffqu’elle, tourne fur une pointe de fer , on
m’accordera que * fans ce mGuvement de rotation ,
la toupie ne pourroit refter droite un feul inftant^;
& , fi nous examinons comment cela fe fait, nous
trouverons que, quoique fon centre dé gravité ne
foit point-appuyé fur cette pointe , fa partie pefante
ne peut néanmoins l’entraîner par foneffort naturel,
parce que , durant chaque révolution- , le centre de
gravité pèfe-également fur toutes lés parties de là
furface de la toupie , dans des inftans immédiats &
confécutifs. Appliquons cet exemple à notre balle:
la force qui pouffe la toupie vers la terré, repré-
fentera cette prefïion que la^éfiftance exerce fur .une
partie de la furface du devant, avec plus de force
quë fur les .autres ;.Ôc on comprendra -comment,
pialgré. cette inégalité, la balle doit toujours fui vre
Ja même ligne. ,
J elle eft , ajoute M. Robjns, la théorie du mouvement
des balles tirées avec des canons rayés: l’expérience
le trouve d’accord avec nos fpéculations ;
car l’exaétitudé à laquelle parviennent ceux qui favent
manier ces pièces eft étonnante, même lorfque lés
balles font portées à de fi grandes diftances,que , fi
elles étoient tirées avec des canons ordinaires, on
ne pourroit pas , en vingt coups , frapper le but
auquel on vife.
Mais ce qu’il y a de plus' furprenant, c’eft que
la théorie d’une méthode fi fingulière & fi répandue
•foit reftée fi imparfaite1, qu’il me paroît qu’on ne l’a
point du tout comprife , & qu’on n’a jamais connu
le véritable avantage qu’on en pouvoit retirer , en
lui en füppofant d’autres que j’ai trouvés , par me’s
expériences , être purement imaginaires. Si l’on demande
en effet aux ouvriers ou à ceux qui font üfagè
de ces armes , à quelle intention & pour quel ufage
on fait des canons rayés , bn répondra que l’inflammation
de la poudre eft plus vive dans ees\ canons ,
à caufe de la plus grande réfiftance que lui oppofe
la balle, & que, par conféquènt, l’impulfion eft plus
forte que fi la même charge étoit dans un canon ordinaire
;& que d’ailleurs la balle tournant ainfi autour
de fon axe , & perçant l’air, eh quelque manière,
elle doit avancer beaucoup plus: aifément , & par
conféquènt être portée beaucoup plus loin qu’elle
ne le feroit par un autre canon.
M. Robiris confirme fes raifonnemens par des expériences
qui ne permettent pas de douter quë -les
raies des canons ne retardent là viteffe des balles ; &
qu’elles né confèrventhors du canoniaux mouvemént
de-rotation autour d’un axe coïncidant avéç celui
de l’ame du canon même. Tous cèux qui connoiffent
ces armes, conviennent eh effetqu’elles font infiniment
plus .juftès que toutes les autres, & c’eft un
avantage allez grand pour engager les phyficiehs’ &
les artiftes à chercher une manière plus commode
& plus prompte de les charger.
J’ai,avec des canons rayés tirés horizontalement,
frappé un but d’un pied de diamètre , à cent vingt
toiles de diftance , tandis qu’avec un canon ordinaire ,
également chargé , la balle àvoit baiffé de plus d’un
pied en parvenant au but. Il faut ofeférver «bailleurs
que la balle, n’étant pas parfaitement jufte au calibre
du canon ordinaire, fa direction eft déterminée par
le choc qu’elle reçoit de la paroi intérieure du canon
qu’elle , touche en fortant: elle peut donc s’élever,
s’abaiffèr, s’écarter à droite bu à gauche de la direction
qu’on a voulu lui donner : dans le premier cas,
elle paffera au-deffus du but ;' dans le fécond, elle n’y
atteindra pas 'dans les deux autres ; elle paffera à
côté ; & ,- dans • aucune des: quatre circonfiances,
elle ne le frappera : mais elle pourra paffer au-deffus
ou à côté, & aller tomber à une très-grande diftance
au-delà du b ut, au lieu que la balle de la carabine
n’éprouvant pas de -pareils écarts , le touchera: il ne
faut pas- en conclure que fâ portée eft plus longue ;
mais bien qüé 'fa 'dirëélion eft plus jufte , ainfi que
nous lavons fait2voir.
Un particulier induftrieux , nommé le fiêur Barrois,
a imaginé des canons d’une nouvelle efpèce qu’il
appelle canons filés. Sur un canon forgé, limé, &
dreffé à l’ordinaire. il tourne un fil de fer recuit, à
peu près delà groffeur'd’une plume de corbeau, qui
d’abord ne couvre qu’environ un pied du canon,
c’eft-à-dire , cette partie renforcée qu’on appelle le
tonnerre. Il foude cette couche de 61 de fer avec une
foudure compofée qui lui eft particulière , & dont
il fait un fecret. Cela fait, il blanchit à la lime cette
partie du canon, feulement pour le nettoyer, afin de
ne pas • affoibiir le nerf du fil dé fer ; & fur cette première
couche, il en foude une fécondé du même fil
de fer , mais qui embraffe les deux tiers du canon. Il
blanchit cette fécondé couche comme la première,
& en ajoute enfin une troifième qui couvre toute la
longueur du canon.
M, de Marolles , de qui nous empruntons cet article
& le fuivant, dans fon excellent Ejfaifur lachajje
aufufil-, obferveque , quant à la foîidité, le procédé
du fieur Barrois eft ingénieux & bien raifonné , &
peut équivaloir à celui qu’on emploie pour les candns
à ruban ; il a même connoiffance qu’un de ces canons
f ié s , qu’on a forcé à l’épreuve, s’eft tordu & a foufflé
fans crever ; mais les canons de cette efpèce font
d’ailleurs fujets à un inconvénient auquel il n’eft pas
pofïible dé parer. Il fë trouve néceffairement dans
le fil de fer qui les recouvre , quelques pailles &
défauts , indépendamment de quelques petits interfaces
qu’on peut fuppofer n’avoir pas été remplis
exaélement par la foudure ; & cela eft fi vrai, que
quand ces canons font finis , & qu’on veut les mettre
en couleur d’eau, le fer, en plusieurs endroits , cède
au frottement de la fanguine, & forme de petits
creux ; enforte que , pour éviter ces enfoncemens,
on eft obligé de paffer la pierre en travers fur le canon,
au lieu de la paffer en long. A plus forte raifon,
comment fe.dreffer un canon de cette efpèce , s’il
vient àfefauffer , fans rifquer d’y faire ces enfoncemens
, & fans le défigurer. Du refte , lorfqu’ils font
mis en couleur d’eau', leur couleur devient fingulière
, & préfente des nuances fort agréables.
Les canons d’Efpagne ont toujours été très - renommés
, tant à caufe de la' qualité fupérieure du
fer de ce royaume , qui eft le meilleur de l’Europe,
que parce qu’ils paffent pour être forgés avec plus
de perfection que par-tout ailleurs. On obfervera,
toutefois , qu’en fait de canons d’Efpagne , on ne fait
grand cas que de ceux qui fe fabriquent dans la
capitale , & leur réputation eft caufe qu’il s’en fabrique
beaucoup ailleurs avec les noms & lesmarques
des canoniers de Madrid, fur-tout en Catalogne &
en Bifcaye ; on les contrefait même à Liège, à Prague,
à .Munich , &c. & il eft aifé d’y être trompé.
Quoiqu’il y ait toujours d’excellens canoniers à
Madrid, cependant les canons les plus chers & les
plus recherchés des curieux en ce genre , font ceux
de quelques anciens maîtres, morts il y a déjà beaucoup
d’années, fans autre raifon peut-être que ce préjugé
allez ordinaire, qui fait que letemps & la diftance
hous en impofent. Ces maîtres font Nicolas B iz,
Arts & Métiers. Tome I. Partie 1.
mort en 17 14 , Juan Belen & Juan Fernandez fe
contemporains ; Diego. Efquibel, Alonzo Martinez’
Agora, Ortiz, Vaëra, Santos , Garcia , Targarone,
Cano, Zelâya , font des maîtres particuliers , mais
aufli fort eftimés. Ceux du temps préfent en réputation
font Lopez, Cenarro , Zeparra,Soler , Soto-,
&c.P
refque tous les canons qui fe font à Madrid ,font
forgés avec de vieux fers de mulet choifis ; & au
lieu d’être forgés avec une même lame & d’une feule
pièce comme en France & ailleurs , ils font de cinq
ou fix pièces , dont chacune eft travaillée à part ,
& qui fe foudent fuccefllvement l’une au bout de
l’autre fur la broche. Deux de ces pièces forment le
derrière , ou la partie renfoncée du canon, & font
faites de deux lames ; la première de fept à huit livres,
l’autre de quelque chofe de moins. Ces deux lames
font le produit de deux loupes de vieux fers, de
quinze à dix-huit livres chacune, chauffées , purgées,
corroyées & applaties fous le marteau, & doivent
encore diminuer des deux tiers ou environ, par les
chaudes néeeffaires pour les fouder & enfermer le
derrière du canon. Les trois ou quatre pièces reliantes
pour former le devant., fe forgent avec des lames
graduées & proportionnées pour le poids,à la place
qu’elle doivent occuper; elles ne peuvent pas employer
moins de quinze à dix-huit livres de ces vieux
fers ; d’où il paroît qu’il s’en emploie quarante à quarante
cinq livres pour un canon, dont le poids fortant
brut de la forge , ne doit être que de fix à fept livres.
Les avantages que les canoniers efpagnols prétendent
réfulter de cette méthode de forger les
canons par pièces , font , i° . de mieux façonner &
purger le fe r , en le forgeant ainfi en détail ; a°*
d’être à même, s’il fe trouve quelque paille , crevaffe
ou travers trop confidérable dans une pièce, de la
rebuter & d’en fubftituer une autre ; 30. de forger
plus près de la lime , en proportionnant la force de
chaque pièce à la place qu’elle doit occuper..
La longueur des canons d’Efpagne eftdepuistrente-
fix jufqu’àquarante pouces;leur poids, de trois livres
à trois livres & demie: le derrière du canon qui eft
à huit pans, emporte les deux cinquièmes de la
longueur. Environ à dix pouces de la culaffe, fe pofe
la mire ou vifière d’argent ; & à l’extrémité du canon
qui fe termine extérieurement un peu en trompe ,
eft le guidon, dont la hauteur ne doit point excéder
lafuperficie du fond de la mire.
Les canoniers d’Efpagne fe piquent de donner un
grand poli à l’ame de leurs canons. Qu’on ne croie
pas que cela ajoute rien à leur portée ; l’effentiel
d’un canon eft d’être, bien dreffé ; peu importe que
l’ame ait l’uni d’une glace : il y a plus , nos arque-
bufiers prétendent que ce grand poli nuit à la portée
du plomb, & le difpofe à s’éparpiller davantage ;
c’eft ce qu’on ne croit pas bien prouvé ; cependant,
épreuve faite , ayant tiré un canon qui, a deffein,
n’avoit point été fini à la mèche, & confervoit encore
tous les traits du foret, en concurrence avec un autre
canon fini, à charge & diftance égale, dans une main