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ART DE L’ARQUEBUSIER.
. L ’A R Q U E B U S IE R ,q u ’on nommoit autrefois
artillier ou artilleur, eft l’ouvrier qui fabrique les
petites armes à feu , telles que font les arquebufes
les fufils, les moufquets, les piftolets ; qui en forge
les canons, qui fait les platines, & les monte fur
des fûts de bois.
L’art de l’arquebufier ne peut être très-ancien ,
puifqu’il n’a pu venir qu après l’invention de la
poudre à canon dans le quatorzième fiècle.
L’arquebufe, d’où l’ouvrier fabriquant a tiré fon
nom , a été ainfi appelée de deux mots italiens,
arco qui fignifie arc , & bujîo trou ; l’arquebufe eft
montée fur un fût ou long bâton: elle eft la plus
ancienne des armes à feu ; elle ne commença d’être
en ufage en France que fous le règne de Louis XII.
Cette arme devoit avoir, lelon Hanzelet, quarante
calibres de longueur, St'porter une balle d’une once
& fept huitièmes, avec aùtantpefant de poudre ;
elle fe montoit avec un rouet, & avoit une petite
ouverture par où le feu fe communiquoit à la poudre.
On faifoit encore autrefois ufage de petites arquebufes
dont le canon n’avoit qu’un pied de long. On
les appeloit pijlolets a rouet. On n’en trouve plus
que parmi les anciennes armes des arfenaux, &
dans lès cabinets par curiofité.
-Le rouet qui faifoit mouvoir tous les refforts de
l’arquebufe, étoit une petite roue d’acier qu’on ap-
-pliquoit contre la platine. Cette roue étoit traversée
dans fon centre par un -effieu. Au côté de l’entrée
de cet effieu, étoit attachée une petite chaîne
qui tehoit au reffort , & s’entortilloit autour de
F effieu à mefure qu’on le faifoit tourner ; une clé
.adaptée au bout extérieur de Feffieu , fer voit à
bander le reffort , &. à faire tourner le rouet de
gauche à droite. Cette clé faifoit par le même mouvement
retirer de deffusle baffinet de l’amorce une petite
couliffe de cuivre qui le couvroit : alors, pour peu
qu’on tirât la détente avec le doigt, comme on fait
aujourd’hui à un fufil, à un piftolet, on lachoit le
chien qui, étant armé d’une pierre, faifoit feu en
tombant fur le rouet d’acier, & fe communiquoit
à Famorce.
L’arquebufe à mèche étoit d’une conftru&ion fort
Simple. Cette arme ajuftée fur un bâton , portoit
à l’extrémité d’en bas du canon un chien nommé
ferpentin à caufe de fa figure : on attachoit une mèche
à la mâchoire du chien, & en preffant avec la main
une longue détente à peu près femblable à celle
d’une arbalète , on faifoit jouer une efpèce de baf-
cule intérieure qui abaiffoit le ferpentin garni de fa
mèche allumée fur le baffinet où il enfiammoit la
poudre.
Cette arquebufe étoit fi pefante , que le foldat qui
en étoit armé portoit en même temps un bâton ferré
en bas pour le fixer en terre, & garni en haut d’une I
fourchette fur laquelle il appuyoit fon arme, pour I
pouvoir la coucher en joue & tirer.
Cette arquebufe à mèche, rectifiée & rendue plus I
portative, s’appela dans la fuite moufquet.
L’arquebufe à croc eft encore une ancienne arme I
que l’on trouve dans la plupart des vieux châteaux. I
Elle reffemble allez à un canon de fufil ; & elle eft I
foutenue par un croc de fer qui tient à fon canon, I
lequel eft foutenu. par une efpèce de pied qu’on I
nomme chevalet. On s’ei^fervoit beaucoup autrefois E
pour garnir les créneaux & les meurtrières. On dit I
que le premier ufage qu’on fit de ces arquebufes fut I
dans l’armée impériale de Bourbon, qui chaffa Bo- [
nivet de l’état de Milan.
Mais cette arme eft fi maffive & fi pefante , I
que deux hommes fuffifoient à peine pour la porter. I
On ne s’en fert guère aujourd’hui que dans quel- I
ques vieilles fortereffes, faute de canons. Le calibre I
de l’arquebufe à croc eft plus gros que celui du fufil, E
& bien moindre que celui du canon. On charge I
cette arme de la même manière que le canon ; & I
l’on y met le feu avec une mèche. Sa portée eft I
plus grande que celle du fufil.
L’arquebufe ou fufil à vent eft une machine I
fervant à pouffer des balles avec une grande vio- I
lence, en n’employant que la force élaftique de l’air. I
Cette efpèce d’arme chargée d’air, a un effet qui I
ne le cède guère à celui des fufils ordinaires : mais I
en la déchargeant , elle rend beaucoup moins de I
bruit ; c’eft fans doute ce qui a donné lieu à la fable I
de la poudre blanche; ce qui doit s’entendre dans I
un fens allégorique d’une caufe qui n’eft pas fenfible I
aux yeux, comme l’air. En effet, le bruit ne venant I
point de la couleur de la poudre, mais étant une I
fuite néceffaire de l’explofion 'fubite dont elle eft I
capable, on doit croire que toute matière qui fe I
dilatera avec la même viteffe , qu’elle foit noire ou I
blanche, éclatera de même.
L’arquebufe à vent eft compofée de deux canons I
qui s’enchâffent l’un dans l’autre. On met une balle I
dans le canon intérieur, dans lequel, à l’aide d’une I
pompe , on conferve & preffe l’air qui y a été in*
troduit par la foupape près de la bafe de la pompe ; I
& cet air , condenfé, la tient exactement fermée. I
Tout auprès, il y a une fécondé foupape qui eft I
preffée en bas par un reffort fpiral, & dont la queue I
traverfe une petite boîte de cuir gras qui ne donne I
aucun paffage à l’air. Cette queue, qui fe recourbe, I
. fe jette en dehors de l’arquebufe dans une canne- I
lure ; deforte qu’on peut la mouvoir en dedans & I
en dehors par le moyen de la clé du fufil auquel elle
eft attachée. Dès qu’on tire cette queue en arrière, I
la foupape s’ouvre, & laiffe échapper l’air, qui, en I
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fortantpar la lumière, fituée au fond du canon, va
frapper la balle, qui en reçoit un degré de viteffe
égal à celui qu’auroit pu lui communiquer la poudre
d’une charge de fufil ordinaire.
Comme la clé ouvre & ferme la foupape fort
brufquement, il ne s’échappe du canon que très-peu
d’air ‘à-la-fois ; deforte que ce canon étant chargé
' d’une certaine quantité d’air comprimé , on peut
tirer plùfieurs coups de fuite , fans être obligé de
l recharger le fufiL
Pour cet effet, on met les autres balles dans un
[ petit canal , ou réfervoir , que l’on tourne par le
: moyen d’un robinet, pour les placer fucceffivement
dans la dire&ion du petit canon , ou pour les dé-
| placer lorfqu’on ne veut pas les tirer.
Mais le reffort de l’air diminuant à mefure qu’il
en fort, les dernières balles font pouffées beaucoup
plus foiblement. Cependant le huitième coup peut
: encore percer une planche de chêne épaiffe de fix
lignes , & placée à la diftance de vingt à vingt-cinq
pas. L’air & la balle font peu de bruit en fortant,
fur-tout fi le lieu où l’on eft n’eft point fermé : c’eft
un fouffle Violent, qu’on entend à peine à trente ou
quarante pas.
Lorfque l’extrémité d’une arquebufe n’a point la
forme d’une croffe de fufil, & qu’elle reffemble à
: une canne , on l’appelle une canne à vent. C’eft
Marin, bourgeois de Lizieux, qui eft réputé l’in-
| venteur de l’arquebufe à vent. 11 eft du moins le
premier qui ait préfenté une arquebufe à vent à
Henri IV. C ’eft donc mal-à-propos que l’on en
à attribué poftérieurement l’invention à quelques
ouvriers de Hollande.
Les arquebufes ou fufils à vent font des inftru-
mens plus curieux qu’utiles. La difficulté de les conf-
■ truire, celle de les entretenir long - temps en bon
état, les rend néceffairement plus chers, & d’un
fervicé moins commode & moins fur que les fufils
ordinaires. Le feul avantage qu’on y pourroit trouver
, c’eft-à-diré, celui de frapper fans être entendu,
pourroit devenir dangereux dans la fociété; & c’eft
| tinë précaution fort lage de reftreindre le plus qu’il
eft poffible l’ufage de ces fortes d’inftrumens. De
| plus, ils nont point la même force que les armes
a feu , & c’eft une chofe fort rare que les foupapes
; retiennent l’air affez conftamment pour garder longtemps
l’arquebufe chargée. On parlera plus particulièrement
du fufil à vent dans les inftrumens de phy-
| fique, comme un de ceux qui démontrent le plus
; fenfiblement la force élaftique de l’air.
L L’arquebufier fabrique & vend toutes fortes de
[fufils de chaffe, piftolets,, petites armes à feu, fufils
de munition, fufils-piques, & piques, &c. dont
nous allons parler fucceffivement.
. Un fufil de chaffe eft principalement compofé de.
|a culajje , d’un canon , des goupilles, d’une platine,
ffiupe garniture 3 d’une plaque , d’un f û t , & d’une
j baguette.
Le canon eft compofé de deux pièces effentielles ;
# YQîf ?, fon corps, ôc fa. culàjfe
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La culajfe eft une pièce de fer ou vis adaptée au
tonnerre du canon. Cette vis eft de la grofieur du
dedans du tonnerre du canon , pour en fermer
l’iffue , en s’y viffant comme dans un écrou. La face
extérieure de cette vis eft plate ; elle a par en haut
une quéue de fer qui fe pofe fur la poignée du bois
du fufil : le bout de cette queue eft percé d’un trou
à travers lequel paffe une vis qui affùjettit le canon
par en bas, & qui l’attache à la croffe. La face intérieure
eft unie ou peu concave, à l’exception d’ une
petite rainure qui y eft pratiquée en pointe par en
haut, & plus large par en bas. Cette rainure correfi
pond à la lumière du canon.
Les meilleurs canons fe forgent à Paris par des
maîtres de la communauté qui ne s’appliquent qu’à
cette partie, & qui en fourniffent les autres. Il en
vient auffi quantité de Sedan, de Charleville , d’A bbeville
, de Forez, de Franche-Comté , &c.
Les canons des belles armes s’ornent , vers là
culaffe, d’ouvrages de cifelure & de damafquinure
d’or ou d’argent, fuivant le génie de l’ouvrier & le
goût de celui qui les commande.
Le canon d’un fufil en eft la partie principale-.
C’eft ce tube de fer dans lequel on met la poudre
& le plomb, & qui dirige le coup où l’on veut qu’il
atteigne. Il ne paroît pas au premier coup d’oeil que
ce foit un ouvrage difficile que celui d’un bon canon ;
cependant il demande pour l’exécution des précautions
& de l’expérience. Sans les précautions , le-
canon péchant par la matière, celui qui s’en fervira
fera expofé à en être eftropié, ou peut-être même
tué ; fans l’expérience, la matière fera bonne, mais
étant mal travaillée , celui qui fe fervira du fufil-
fera peu fûr de fon coup , à moins que par une longue
habitude de fôn arme, il ne parvienne à en cônnoître
& corriger le défaut. Il y a des canons qui ne portent
qu’à peu de diftance ; d’autres portent où trop»
bas ou trop haut, ou à gauche où à droite. IF y en-
a qui ont lé recul très-incommode. On peut inviter
les phyficiens à tourner leurs vues de ce côté; à
s inftruire de la manière dont on forge les canons dè
fufil; & à chercher tout ce qui;peut contribuer à la
perfeéiion & à la bonté de- cette armes
Une des principales attentions que-doit-avoir celui
qui fait un canon de fufil, c’eft de. choîfir de bon fer;
Le meilleur po«?: cet ufage , doit être doux* liant „
& fans pailles..
On prendra environ fix pieds dè barre de ce fera,
de vingt - deux lignes de large , fur quatre lignes,
environ d’épaiffeur. Cette barre , pliée en trois 9
appelée par lès ouvriers maquette , fera chauffée ,,
foudée-, & bien Corroyée fous-le gros marteau, pour
en former- là lame -du- canon.
On- entend par la lame, un morceau dë fer plat
deftiné à être roulé ou tourné fur une longue broche j».
& à former le tube où canal du canon.
La broche fait ici-la fonélion d’une bigorne. C ’eft:
fur elle que fe fait l’opération la plus délicate ,. celle-
de fouder le canon ou la lame roulée félon toute-
fa longueur. On conçoit que fi cette foudure pécher