
neaux , celles des forges 8c fonderies , craffes ;
fcories, mâche - fers, toutes celles qui font imprégnées
de' fubftances métalliques altérées par le feu ,
font également fufceptibles des entraves que ce
mélange des deux chaux leur prépare , & peuvent
donner un ciment de telle couleur que l’on pourra
defirer. On ne doit pas omettre pour le befoin la
pierre pilée , ces débris embarrailaos de la pierre
de taille , les gravats des démolitions , des conf-
truéHons originairement faites avec la chaux 8c le
fable.
La préparation du ciment ou mortier fe peut faire
de deux manières ; la première en délayant exactement
avec la chaux éteinte & 1 eau , les matières
de fable, de briques pilées, ou autres qu’on y veut
faire entrer, un peu plus claire que pour lemploi
ordinaire. C’eft en cet état qu’il faut jeter de la chaux
vive pulvérifée, en l’éparpillant 6c debroyant bien
pour s’en férvir incontinent.
La deuxième, eft de faire un mélange de matières
sèches, c’eft-à-dire, du fable, de la brique pilée
& de la chaux vive dans la proportion affignée ,
( mélange que l’on pourroit mettre dans des (acs en
dofe convenable pour une ou deux auges ) la chaux
éteinte d’une autre côté étant portée avec l’eau ,
on pourra faire à l’inftant du befoin , 8c même fur
l ’échafaud , la mixtion , comme l’on fait du plâtre,
en gâchant & détrempant le tout avec la truelle.
Si on travaille à des ouvragés dont l’enduit demande
de la précaution & des foins , & qu’on veuille
par conféquent que le ciment ne prenne pas auffi
vite ; au lieu de chaux v iv e , on emploie de la chaux
éteinte à l’air : on la reconnoît , parce qu’au lieu
d’être en pierre, elle fe réduit en poudre impalpable.
Il eft aifé de juger d’après les propriétés de ce
ciment, qui font d’être impénétrable à l’eau , d’en
foutenir le choc , de la contenir fans courroi de
g la ifed e prendre promptement une confiftance 8c
une ténacité furprenantes, fans gerçures ni crèvafles,
fans extenfion, ni retraite; il eft aifé de juger, difons-
nous , à combien d’ouvrages différens il peut être
employé , & quels nouveaux avantages il peut
fournir dans toutes les parties de bâtimens. On peut
avec des fimples cailloutages former des voûtes
aufiî légères que l’on voudra, fans craindre ni re-
tréciffement, ni furcharge ; des aqueducs, des conduites
d’eau bien appuyées & chargées fuffifamment
pour foutenir le poids de la colonne, pourront faire
élever ce liquide à la hauteur defirée.
Les canaux ou baffins, tous les ouvrages deftinés
à contenir le$ eaux, n’ont plus befoin déformais des
çontremurs , des courrois, des glaifes , des maftics
& d’une infinité d’autres matières toutes également
infuffifant.es, après une légère révolution, & toujours
très-difpéndieufes par la néceffité d’y revenir
fou vent. Toutes les conftruâjons fapjerraines dans,
les fortifications, comme dans l’architejfture civile,
peuvent devenir habitables & plus faines , jnême
«ni milieu des eaux. Nos caves fujertes aux inondations
par les crues d’eau; celles qui font cojiftfifttçj
fous des cours & autres lieux découverts qui eti
arrofent les voûtes; les foffes d’aifance , qui portent
l’infe&ion auffi loin que le permettent les couches
de terre a travers lefquelles elles fluent ; tout
cela demande les fecours de ce ciment, qui forme un
auffi puiffant obftacle à l'entrée qu’à la fortie des
liquides.
On peut faire avec ce ciment, comme d’un feut
jet, des auges, des. abreuvoirs pour les bafiecours,
des rcfervoirs contre les incendies, des citernes de
la plus grande falubrité dans les lortereffes , comme
dans les autres lieux oh Ion manque d au, des
terrafles, des plates-formes , des combles pour les
édifices On nejera plus obligé de donner aux murs
i’épai fleur qui eft né ce liai re pour porter le poids
énorme de ces dalles de pierre qui en entraînent la
chute , ou de ves tables de plomb fi difpendieufes,
qui ne remédient pas mieux les unes que les autres
à l’humidité & à l’infiltration des eaux.
Les couverts entiers pourront être formes d un
enduit de fimples lattes un peu approchées ;_ la plus
légère charpente fera fuffifante pour porter ce poids.
Mais de quel fecours cette matière ne fera- t-ellë pas
dans les lieux oh on n’a pour couverture des édifices
qu’un léger bardeau fi dangereux pour les incendies,
ou que des carrières de pierres plates, d’une fur-
charge fi prodigieufe ?
Les ornemens, tant intérieurs qu'extérieurs, des
bâtimens, peuvent emprunter de ce ciment avec la
folidité , la plus grande variété.
Il faudroit feulement avoir attention, d’un côté,'
que les crépis 6c les ornemens en relief ne foient
appliqués qu’à des murs biens fecs , d’autant que le
ciment pourroit concentrer des principes deftruc-
teurs, qui à la fin fe feroient jour ; 8c de l’autre ;
que ces ouvrages puiffent avoit acquis un entier,
defféchement avant la faifon des gelées.
Un pareil ciment, fur-tout celui oh l’on fait entrer
de la pierre pilée, eft une pierre fa&ice, qu’on peut
jetter au moule, & former de cette manière des
baluftres avec pilaftres , pour fervir d’appui fur les
terrafles, plates-formes, les rampes d’efcaliers avec
leurs plates-bandes, tablettes ; & pour la plus grande
folidité , ces fortes d’ouvrages peuvent avoir leur
noyau en fer groflier, tant pour les pilaftres que
pour les plates-bandes.
On peut auffi , foit dans des moules, foit fur la
roue du potier, faire des vafes d’ornemens, des pots
de fleurs & de fervice pour les jardins 8c parterres,
de telle couleur que l’on voudra.
M, Loriot n’ofe pas encore affurÇr que fti découverte
puiffe s’étendre à un art bien précieux & bien
intéreffant, celui de la fculpture, pour remplacer le
plâtre, les terres argilleufes 8c autres matières moins
folides, & fujettes à retraite 6c extenfion. 11 paroît
déjà indubitable que ce ciment eft très-propre à
obtenir le moule creux des figures que l’on y eut
copier. •
M. Patte , fâvant architeCte, 6c juge auffi écrire
que févère da#$ fçp mi , çonfifoie, par les oflferyaiions
vâtîofls 8c Tes expériences qu’il a faites, la bonté du
ciment de M. Loriot.
Toute la différence du nouveau ciment à l’ancien
, confifte, dit M. Patte, à ajouter dans ce dernier
une certaine portion de chaux vive, nouvellement
cuite Ôc réduite en poudre : mais c’eft unir
quement de la manière de faire cette addition que
dépend tout le fuccès. Pour obtenir le bon ciment,
fuivant le procédé ordinaire , il faut allier à peu
près les deux tiers, foit de bon fable de rivière,
foit de bon ciment, compofé de tuilefc concaffées
bien cuites, avec un tiers de chaux de bonne qualité
convenablement éteinte, & corroyer le tout en-
femble avec le moins d’eau poffible. Pour faire le
ciment à la manière de M. Loriot, on ajoute un
peu plus d’eau, pour le rendre plus liquide, Ôc on y met environ la cinquième partie de chaux vive
écrafée, paffée au tamis ; lorfque l’enduit eft fait,
on voit que la chaux vive fermente, qu’il fe fait
Une effervefcence dans toutes les parties, qu’il s’en
exhale des vapeurs qui mouillent le linge, 6c qu’en-
fin l’enduit s’échauffe au point d’y pouvoir à peine
fouffrir la main. Lorfqu’il y a trois jours que la chaux
eft cuite, on en augmente la dofe d’un quart de
plus que ce qu’on aurait mis ; Ôc le cinquième jour
on en met même une moitié de plus : ç’eft principalement
à la chaux nouvelle 6c à la dofe que
tient la réuffite ; lorfqu on n’éprouve point fuffifam-
tnent de chaleur, c’eft preuve qu’il n’y a pas affez
de chaux.
Un architeCte a obfervé de plus, que le ciment
fait à l’ordinaire, mais dans lequel il avoit fait employer
du vieux ciment tiré de décombres de bâ-
timens, 6c qu’il avoit fait piler 6c mélanger avec
foin , avoit pris fi rapidement, qu’auflitôt l’ouvrage
fini, il avoit pu faire couler les eaux, fans que
fon ciment en ait reçu le plus léger dommage ; ce
ciment a même acquis la folidité requife.
Qbfervations fur la préparation de la chaux pour le
ciment.
1 M. de Morveau , illuftre magiftrat & favant chi-
mifte de Dijon, en faisant employer le ciment de
M. Loriot, a imaginé un moyen pour rendre la préparation
moins dangereufe pour les ouvriers, plus
économique & plus fûre. Les ouvriers qu’on emploie
à écrafer la chaux vive , rejettent bientôt du
iang par le nez ; les particules de chaux vive qu’ils
refpirent malgré eux, produifent cet effet ; en vain
cherchent-ils a fe couvrir la bouche en travaillant;
cette opération n’y remédie qu’imparfaitement, 6c
même d’une manière qui rend le travail plus pénible
, puifqu’on ne diminue l’afpiration des parties
de la chaux, qu’en gênant confidérablement la ref-
piration ; comme on eft obligé de payer ces ouvriers
fort cher, il deviendra plus économique pour
les travaux en grand, de faire conftruire un petit
four, dans lequel on recalcinera la chaux qu’on aura
l^iffée éteindre à l’air,
Qn établira donc un petit four comme ceux d<j$
A r t s & ^iétiers* Tome Z, Partie /f, I
fonderies, de qilàtre pieds de long fur deux pieds
de large, Ôc un pied de haut, de forme ovale ou
elliptique , ouvert à fes deux extrémités ; l’une de
ces ouvertures fervira à la communication de la
flamme de la toquerie ou du lifard ; l’autre fera la
bouche du four, par laquelle la flamme s’échappera
dans la hotte de la cheminée, apres avoir circulé
dans l’intérieur ; c’eft par-là que l’ouvrier introduira
la chaux éteinte , la remuera avec un rable, ôc la
retirera lorfqu’elle fera fuffifamment calcinée.
Le four ainft difpofé, l’ouvrier aura fous fa main-
une grande caiffe remplie de chaux , que l’on aura
laiffée éteindre à l’air, dont on aura féparé avec un
rateau les pierres qui ne fe feront point éteintes à
l’air : il en jettera dans le four environ deux pieds
cubes ; il pouffera le feu jufqu’à ce qu’elle foit rouge,
ayant foin de l’étendre 6c de la retourner de temps
à autre, pour rendre la calcination plus égale , plus
prompte; cette portion calcinée, ilia remuera avec
fon rable ; il la fera tomber ou fur le pavé, ou dans
une caiffe de tôle,. Ôc procédera de même pour les.
fqu-rnées fucceflives.
Pour s’affurer qu’on a ramené la chaux vive à fon
état, il ne s’agit que de lui procurer le même poids
qu’elle avoit avant fon extin&ion. Ainft ayant pefé ,.
par exemple , iflo livres de chaux.vive en pierres,
ÔC avant toute extin&ion ( ce qui faità peu près deux
pieds cubes d’une bonne pierre dure bien calcinée ) ,
on la laiffera éteindre à l’air, féparément ; 6c quand
elle fera bien réduite en poudre , on la reportera
au four, pour la recalciner, jufqua ce qu’elle ait
perdu tout le poids qu’elle avoit acquis , Ôc qui fera
d’environ 6o livres. Il n’eft point de manoeuvre,
qui,, après avoir vu une ou deux fournées pareilles *
n’acquière l’habitude de connoître fans le fecours de
la balance, par la couleur de la chaux, par la durée
Ôc l’aâiyité du feu qu’elle aura éprouvée, quand 1*
I calcination fera à fon point.
C ’eft de la jufte proportion 8c de la qualité de la
chaux v iv e , comme nous l’avons vu dans le mémoire
de M. Loriot, que dépend la bonne qualité
du cimentÿ auffi in fifte -t-ilfu r la néceffité de fe
procurer de la chaux v iv e ; 8c quand il dit que
l’augmentation de la proportion de chaux vive fup-
p]ée à la qualité, & que M. Patte infifte auffi fur
cette augmentation de chaux v iv e , à mefure quelle
devient plus anciennede quelques jours, ils doivent
fentir que ce n’eft qu’un remède infidèle, dit M.-de
Morveau, un tâtonnement fujet à mille incertitudes ;
& quand on feroit sûr de trouver toujours exactement
la même fomme de parties abforbantes, en.
variant les dofes , je ne croirois pas encore que cela
fût entièrement indifférent, du moins à un certain
point, parce que la préfence d’une certaine portion
de chaux qui n’eft ni vive , ni fondue, qui n’eft plus
que de la pouflière de pierre, change néceffairement
la diftribution des parties compofantes ; d’qu je
conclus, d’après M. Loriot lui-même, que fes vue*
ne peuvent être bien remplies que par la méthode
[ quç je propofe, & que fi l’idée lui en fût venue* i|
Q q ï l