
-rude, & il n eft pas rare d’entendre dire parmi nous
quelle eft plus propre à parler aux chevaux qu’aux
hommes ; mais c’eft une erreur de ceux qui n’en
connoiffent ni le prix , ni la beauté, & qui n’ont
jamais entendu parler que les Allemands les plus-
voifins de la France & de l’Italie , dont la prononciation
eft fort gutturale ; car dans la haute Saxe
& dans les autres bonnes provinces d’Allemagne ,
on ne remarque rien de femblable. L’allemand y a
acquis ce degré de perfeélion où la langue françoife
e f t montée fous le règne de Louis le Grand.
L’anglois, le hollandois , le danois & le fuédoîs
fourniflent fouvent des lumières pour l’intelligence
de la langue allemande. Les Hollandois & les A n-
glois fe fervoient d’abord des lettres allemandes ; '•
mais fur la fin du XVIIe fiècle, ils ceflerent d’en
faire ufage & adoptèrent les caraélères latins : pour
les Suédois & les Danois ils confervent encore aujourd’hui
les caractères allemands. La prononciation
des lettres allemandes eft telle : a , bé, dé, é, e f , y e ,
h a , i j yod y ca9 e l , m , en, o , pé9 cou, err 9 e jf, té 3
ou 9 fau, vé, ics 3 ip filo n 3 tfed.
P lan ch e X L Illyrien ou Efclavon & Servien.
Une grande quantité de nations, tant en Europe
qu’en Afie, parlent la langue efclavone; favoir, les
Sclavés eux-mêmes qui habitent la Dalmatie & la
Liburnie , les Macédoniens occidentaux , Epirotes ,
Bofniens , Serviens , Rafciens, Bulgares , Molda-
viens, Podoliens , Ruffes, Moscovites, Bohémiens,
Polonois, Siléfiens ; & en A fie , les Circaffiens ,
les Mingréliens, lesGazeriens, &c. Gefner compte
jufqu’à foîxante nations dont l’efclavon eft la langue
vulgaire. On peut dire en général qu’elle fe
parle dans toute la partie orientale de l’Europe juf-
qu’au Don ou Tana'is, excepté la G rèce, la Hongrie
& la Valachie; mais quoique toutes ces nations parlent
le même langage , elles ne fe fervent pas toutes
du même alphabet. Les unes fe fervent des caractères
illyriques ou dalmateSj inventés par faint
Jérôme ; les autres, des caractères ferviens , inventés
par faint Cyrille.. Les caractères illyriens font
fmguliers, &on y remarque très-peu de rapports avec
les alphabets que nous corinoiffons. Pour les ca-
reâères ferviens ils font grecs 9 à l’exception de
quelques-uns d’augmentation, quefaint Cyrille a imaginés
pour exprimer les différens fous du fervien.
Quant aux dénominations des élémens de ces deux
alphabets, elles diffèrent peu; on prétend qu’elles
font fignificatives.
L’alphabet de faint Cyrille porte le nom de Chiu-
rilbpça, celui de faint Jérôme s’appelle Buchui\a. Les
provinces fituées le plus à l’orient fe fervent des caractères
ferviens ; les autres provinces fituées vers
l’occident ont les caractères illyriens.
Moyfes Hebmasprimus exaravït litteras ;
Mente Phxnices fagaci condiderunt Atticas ;
Quas latïni feriptitamus edidit, Nicoflrata. .
Abraham Syras, & idem reperît Chaldaïcaf,
Ifis arte non minore protülit Ægyptias,
Gulfilas promfit Getarum quas videmus ultimas.
P l a n c h e s X I I & XIII. Arméniens.
Les Arméniens écrivent comme nous de gauche
à droite: ils ont 38 lettres. On préfente ici quatre
fortes d’écritures en ufage parmi eux. La première
appellée {akghachir ou fleurie fert pour les titres
des livres & le commencement des chapitres; ces
lettres repréfentent des fleurs & des figures d’hommes
& d’animaux ; c’eft pour cela qu’on les nomme
encore chelhhachir, lettres capitales, & chajfanachir,
lettres d’animaux.
La fécondé eft appelée erghathachir 3 écriture de
fer. Rivola prétend qu’ils l’ont appelée ainfi, parce
que cette écriture étant formée avec des traits plus
mâles, eft moins fujette à l’injure des temps ; mais
Schroder dit avec plus de vraifemblance qu’elle n’a
été appelée de ce nom, que parce que les Arméniens
fe fervoient anciennement d’un ftylet de fer
pour tracer cette écriture. Autrefois on écrivoit des
volumes entiers dans ce caractère ; aujourd’hui on
ne l’emploie plus, comme l’écriture fleurie, que
dans les titres des livres & des chapitres.
La troifième eft appelée poloverchir ou ronde, que
l’on emploie dans les plus beaux manuferits & dans
l’impreffion.
Enfin, la quatrième forte d’écriture, appelée no~
trehir ou curfive, fert dans le commerce ordinaire
de la v ie , dans les lettres , &c. Cette dernière écriture
a aufli fes majufcules qu’on a eu l’attention de
mettre dans les planches.
Les Arméniens reconnoifîent Haik, qui vivoit,
dit-on , avant la deftruétion de Babel, pour lè fondateur
du royaume d’Arménie , & le premier qui
ait parlé la langue haikanienne. Cet Haik eut un fils
nommé Armenak. Wahé étoit le'cinquante-troifième
& le dernier fuccefleur d’Haik : il fut défait par Alexandre
le grand , & ce royaume refta fous la domination
des Macédoniens, jufqu’à ce qu’un certain
arménien, nommé Arfchak , fë révolta contre les
Grecs du te^>s de Ptolémée Philadelghe, & fonda
l’empire des Arfacides qui finit en la perfonne d’A r-
tafehir, le 28e fuccefleur d’Àrfchak..La langue haikanienne
qui s’étoit confervée jufques-là dans fon
ancienne pureté, fut altérée parle mélange des Gen-
thuniens, peuples du Canaan , des Bâgratides &.
des Amatuniens, familles juives , des Medes , des
Arfacides mêmes , qui étoient Parthes , des Arra-
vielans, Alains de nation , des Chinois , &c. Jusqu'au
3 ® fiècle , les Arméniens n’eurent point de
caraCtères qui leur fuflent propres ; ils fe fervoient
indifféremment de ceux des Grecs, des Perfes &
des Arabes ; un certain Miefrob , miniftre & Secrétaire
de Warazdate &. d’Arface IV du nom ; entreprit
de leur donner un alphabet, à quoi il réufïit.
On fit une verfion de la bible, & on traduifit divers
livres, foit philofophiqnes', foit hiftoriques des
Grecs & des Syriens, ce qui fixa l’ancienne langue
haikanienne qui cefla d’être vulgaire quelques temps
après , & qu’on diftingua de la vulgaire, en l’ap-
pellant langue littérale ; car depuis ce temps-là le
royaume d’Arménie fut en proie aux Hagaréniens,
aux Sarrafins , aux Chorafmiens & aux Kalifes d’E- fypte, enfin aux Tartares qui , fous la conduite de
amerlan , fembloient devoir tout détruire ; enforte
que la .langue en ufage aujourd’hui dans l’Arménie
eft tellement éloignée de l’ancienne langue haika-
nienrte, qu’ils n’entendent plus cette dernière qu’à
force d’étude ; la vulgaire eft pleine de mots arabes,
turcs & perfans, &c.
Malgré ce que nous venons de dire fur Miefrob ,
j’ajouterai ici qu’Angelus Roccha , dans fon difeours
fur la bibliothèque du Vatican ; George , patriarche
d’Alexandrie ; Sixtus Senenfis , &c. reconnoiffent
faint Chryfoftome pour l’auteur des écritures en
langue arménienne , & pour l’inventeur des caractères
arméniens. Il eft certain que faint Chryfoftome
fut banni de Conftantinople par un édit de l’empereur
, & qu’il alla finir fes jours dans l’Arménie ; il
a pu donner aux Arméniens l’ufage des lettres grecques
, que ces peuples n’auront quitté que pour prendre
des lettres qui leur fuflent propres.
P l a n c h e XIV* Géorgien.
Les Géorgiens écrivent comme lès Arméniens &
comme nous de gauche à droite. Ils ont trois alphabets
dont les caraCtères fe reffemblent peu. Le
premier eft des lettres facrées majufcules ; le fécond
• eft des lettres facrées minufcules, lefquelles anciennement
étoient admifes pour majufcules dans l’écriture
vulgaire, mais dont on ne fe fert plus aujourd’hui.
Enfin le troifième alphabet eft des lettres vulgaires
, aujourd’hui en ufage parmi les Géorgiens ,
dont les majufcules font les lettres majufcules fa-
çrées du premier alphabet.
P l a n c h e s X V & XVI. Ancien Perfan.
Selon quelques écrivains , Dhohak , ancien roi
de Perfe , inventa les anciennes lettres perfannes
que nous préfentons ici dans les planches X V &
X V I ; d’autres en font honneur àFeridoun fon fuccefleur
; mais toutes ces traditions paroiffent fort
incertaines. Au refte je ne penfe point que ces caractères
foient les premiers qui aient été en ufage
parmi les Perfans , parce qu’ils n’ont aucune affinité
avec les caraCtères fyriens & phéniciens , &c. ce qui
devroit être , félon moi, pour conftater leur ancienneté.
Je dis plus , je crois que dans l’origine les peuples
qui habitoient cette vafte contrée n’eurent point
d’autres cara&ères que ceux des Syriensou Aflyriens,
puifque dans les temps les plus reculés on appeloit
du nom de Syrie , non-feulement le royaume qui
porte encore aujourd’hui ce nom , mais aufli l’Ar-
menie, la Perfe, & la plupart des autres pays afiati-
ques que Sem âvoit eus en partage.
La planche X V préfente l’alphabet des Gaures ou
adorateurs du feu ; cet ulph^bet eft compofé de
trente - neuf lettres ; je le donne tel que le hafard
me l’a offert dans les papiers de feu M. Pétis de la
Croix mon prédéceffeur ; j’y ai reconnu la main de
l’illuftre Pétis de la Croix fon père , qui avoit fé-
journé l’efpace de dix ans à Alep , à lfpahan & à
Conftantinople , & qui mourut à Paris en 1695.
La planche X V I contient aufli l’alphabet de l’ancien
Perfan , mais tel que les Anglois viennent de
le publier dans la nouvelle édition du livre de Re-
ligione veterum Perfarum, du doéleur Hyde ; ce dernier
alphabet ne contient que 29 élémens. Je laifle
au lecteur le foin de comparer ce dernier alphabet
avec le premier ; il y verra plufieurs différences con-
fidérables , par rapport à l’ordre , aux dénomma-^
tions, Sec. Il ne m’appartient point de décider auquel
de l’un ou de l’autre on doit donner la préférence
; j’en laifle le foin à un jeune voyageur fran-
çois arrivé depuis peu des Indes & de Baffora , oii
il a réfidé quelques années, & où il s’eft appliqué
particulièrement à l’étude de l’ancien perfan ; j’apprends
qu’il n’eft pas toujours de l’avis du doéteur
Hyde peut-être donnera-t-il la préférence au nôtre.
J’ai ajouté au bas de cette planche X V I le comraen-
ment du prétendu livre de Zoroaftre, que le chevalier
d’Ashvood a fait calquer fidèlement fur l’original
qui fe trouve dans la bibliothèque bodlienne , ÔC
qu’il envoya à Meilleurs Fourmont.
Grandan.
Outre les voyelles initiales, tous les alphabets
indiens ont des voyelles plus abrégées qu’ils joignent
avec les confonnes. L’alphabet grandan que
nous préfentons ici en manque , parce que l’on a
négligé à Pondicheri de les marquer : cependant nous
n’avons pas cru devoir omettre cet alphabet tel qu’il
eft , pour compléter le plus qu’il nous a été poflible
le nombre des alphabets indiens, & dans l’efpérance
que par la fuite quelqu’un fe trouvera à portée de
lui donner la perfeélion qu’il n’a pas.
P l a n c h e XVIL Nagrou ou H a n fc ret.
Les caraâères nagrous appelés encore hanferets
marates , gu^urates & famfcretans , font les caractères
de la langue favante des brahmes , que ces
religieux fe font un fcrupule de n’enfeigner qu’à
ceux qui fe deftinent à embraffer leur état. Ils s’écrivent
de gauche à droite ; j’ai tracé cet alphabet
en partie d’après celui du P. Henri Roth , grave
dans la Chine illuftrée de Kircher , & en partie
d’un manuferit envoyé de Pondicheri, contenant
quelques alphabets indiens , dont on avoit deffein de
graver les poinçons à Paris , pour établir des imprimeries
aux Indes , à l’exemple des Danois. C ’eft
en langue famfcretane qu’eft écrit le vedam , qui
eft le livre de leur lo i, dans lequel il eft marqué tout
ce qu’ils doivent croire & pratiquer. Un des privilèges
des brahmes eft de pouvoir enfeigner le vedam
à ceux de leur famille, & non à d’autres familles ou
tribus , excepté à celle des fettreas, la première eîi
dignité après celle des brahmes, & qui eft compofée
G SS ‘i