
la montent dans les haillons, font les memes qui
refendent les faix en repartons & en pièces, & débitent
les pièces en ardoifes. Quand le travail du fond
de la foffe eft difficile , & que les ouvriers d’en bas
ne tirent pas allez de pierre pour entretenir ceux d en
haut, un ou deux de ceux-ci defcendentpour aider les
autres ; tout le couple même travaille en bas pendant
le temps que dure le crabotage ; & comme c eft une
opération qu’on a intérêt de hâter , & que tous les
huit ne peuvent cependant pas ordinairement y travailler
en même temps, ils reprennent fucceffivement
le travail qui fe continue par ce.moyen, jour & nuit.
C ’eft par cette raifon que tous les ouvriers den haut
favent travailler en bas, au lieu qu’il y a beaucoup
d’ouvriers d’en bas qui ne -favent pas travailler en
haut ; l’ouvrage fe fait cependant en commun ;
c’eft-à-dire , que ce que le maître de l’ardoifière paie
pour chaque mille d’ardoifes, qui eft livre a fon
faéleur, fe partage également entre tous les ouvriers
du couple. Quant aux cinq ou fix petits faifeleux
qui les fervent, & qui enlevent les décombres &
recoupes , tant au dedans qu’au dehors de la foffe,
ils n’ont d’autre paiement que ces mêmes recoupes
, & quelques morceaux de bonne pierre que
les maîtres-ouvriers leur donnent ; ils en font des
faifaux & de l’ardoife qu’il^jvendent a leur profit,
mais toujours au propriétaire de l’ardoifière , dont
le fa&eur feul peut vendre & débiter aux particuliers.
.,
On voit par tout ce qui précède, que le proprietaire
de l’ardoifière reçoit l’ardoife toute façonnée
diminuer, autant qu’il eft poffible, la dépenfe des
épuifemens , qu’on leur fait payer entre eux tous
la moitié de cette dépenfe pendant qu’ils travaillent.
C ’eft auffi pour la même raifon qu’ils font chargés ,
chacun en ce qui les concerne, de faire & entretenir
de la main des ouvriers , qui fe fourniffent d’outils
& de lumière. Il la leur paye même l’ardoife que
moitié de ce qu’il la vend ; mais il ne faut pas croire j
pour cela que cette fécondé moitié foit tout gain. Il
faut qu’il prélève deffus les droits dus au feigneur,
les premiers frais de l’ouverture de la foffe., 1 interet
de fes avances, les appointemens de fon faâeur, une
certaine fomme qu’il donne pour chaque crabotage qui
s’adjuge ordinairement au rabais, & toujours avec la
condition que les mêmes qui auront fait le crabotage
, exploiteront à leur profit la pierre qui fe trouvera
au deffous ; le propriétaire de l’ardoifière eft
encore tenu de la fourniture des bois neceffaires pour
les houres & hourdages & pour les étaiemens de la
fourniture & entretien des échelles , de la conf-
truélion & entretien des grands conduits fouterrains,
& de la fourniture & entretien des pompes. Quant
aux tireurs qui font agir ces pompes , il les paie
feul pendant tout le' temps qu’on ne travaille pas
dans la foffe ; mais il n’en paie plus que la moitié
quand une fois le travail de la foffe eft ouvert. Il
faut favoir , pour entendre ceci, que ce travail ne
va pas toujours. On le fufpend ordinairement depuis
la fauchaifon jufqu’après les moiffons , tant parce
que les ouvriers trouvent dans cette faifon a gagner
de plus fortes jou rn é e s en travaillant à la campagne
, que parce que s’ils travailloient toute l’année,
ils feroient plus d’ardoife qu’on n’en trouve à en
vendre. C ’eft pour intéreffer les maîtres-ouvriers à
les rigoles & les conduits pour diriger les
eaux au pied des pompes. La dépenfe des épuifemens
n’eft point confidérable à l’ardoifière de Rimogne. I
On n’y fait communément aller les pompes que
depuis quatre heures du matin jufqu’à neuf, au plus I
tard jufqu’à midi ; &. cela fuffit ordinairement juf-
qu’au lendemain.
Je n’ai pas cru devoir me borner aux details- de
l’art ; je fuis auffi entré dans ceux de la police du I
travail , parce que le but de ce Diéhonnaire eft I
d’étendre non-feulement les arts , mais encore le I
commerce ; & que c’eft de l’ordre & de 1 économie I
que dépend ordinairement le fuccès des grandes en- I
treprifes. Pour ne rien laiffer à defirer de ce qui
peut contribuer à en faire d’avantageufes en ce I
genre, je vais expliquer de quelle maniéré on doit I
s’y prendre pour exploiter un banc qui auroit beau- I
coup moins d’épaiffeur que celui de Rimogne.
AB C D , fig. 2 , p l IV , eft le profil de la partie
de devant d’un banc d’ardoife de douze ou quinze
pieds feulement d’épaiffeur, enfermé entre deux lits
de cailloux. Celui de deffous eft indifferent, mais il
faut abfolumeflt qu’il y ait en deffus unbanc foit de cailloux
, foit d’autre ardoife ou de pierre ; car, fi e etoit
de la terre ordinaire & fans confiftance, la depenfe
qu’il faudroit faire pour foutenir le ciel, coüteroit
I plus qu’un banc auffi peu épais ne pourroit rapporter.
Si le banc avoit plus de douze ou quinze
pieds d’épaiffeur, &. qu’il fût recouvert de mauvaife
terre, on pourroit facrifier une partie de ce banc
pour former un ciel. Suppofant donc qu’on puiffe
s-’en procurer un folide le long de B C , il faut commencer
par ouvrir vers le flanc de la montagne une
galerie dont l’entrée eft marquée EF au plan de la
même fig. 2 , & abc au profil.
Comme ces galeries coûtent beaucoup a faire ,
elles font ordinairement fort étroites & fort baffes ;
il fuffit que deux hommes puiffent y paffer à côté
l’un de l’autre en fe baiffant par rapport à la grande
inclinaifon des parois de la galerie , dont la coupe »
comme on le voit par la figure, eft un triangle
Cette première galerie doit être prolongée indéfiniment
vers le coeur de la montagne comme en K ,
afin de favoir fi le banc a affez de largeur pour qu’on
puiffe efpérer quelque profit à le travailler. On a
auffi attention de conduire cette galerie un peu en
montant, afin de diriger vers le dehors les eaux qui
viennent d’en haut, & qu’il eft effentiel de ne pas
laiffer tomber dans la partie inférieure,
Lorfqu’on s’eft une fois affuré que le banc mérite
la peine d’être exploité , on ouvre à un point tel
que H , une nouvelle galerie à l’équerre fur la première.
On lui donne fix pieds de largeur & autant
de hauteur que le banc , ciel réfervé, comme de
raifon, loriWon a trouvé néceffaire d’en laiffer un.
" Quand
Quand la pierre qui fort d’une galerie eft de bonne
qualité, on ne la pioche pas toute en décombres,
& on tâche d’en fauver quelques morceaux propres
à faire de l’ardoife ou au moins.des faifeeaux, comme
nous avons vu que font les craboteurs de Rimogne.
Cette fécondé galerie doit être inclinée fuivant le
banc : on la prolonge jufqu’à ce que l’on foit arrivé
à la bonne pierre dans laquelle on entre même de
vingt-fix pieds.
Suppofant donc que la pierre foit déjà de bonne
qualité au point H , il faudra donner à la galerie
vingt-fix pieds de G en I. On exploite enfuite les
maffes d’ardoife HIPK & LMNO de droite &. de
gauche de, cette galerie. Cette exploitation fe fait
par parties fucceflives de vingt pieds de largeur , en
commençant toujours vers le haut par un crabotage
de deux pieds, & en formant enfuite des longueffes
qui fe débitent par pièces & par étendelles comme
à Rimogne. On pouffe ce travail auffi loin qu’il eft
poffible, c’eft-à-dire, autant que la pierre fe trouve
bonne, ou qu’il ne fe rencontre pas des obftacles
qui forcent de s’arrêter. Il y a par exemple le long
de la Meufe des ardoifières dont le banc s’éténd fous
cette rivière. On voit aifément qu’il faut être arrivé
it une certaine profondeur avant que de pouvoir y
pouffer des galeries, & que fi on en établiffoit trop
peu au deffous du fond de la rivière, on courroit
rifque d’y être fubmergé en un inftant ; mais à une
certaine profondeur il n’y a plus aucun danger : auffi
tient-on qu’il y a dans l’ardoifière de Saint-Louis ,
beaucoup de ces galeries qui paffent fous la Meufe.
Quand on a une fois pouffé le travail auffi loin
qu’il a été poffible , de droite & de gauche de la
galerie HIML , on en ouvre une nouvelle IQ RM ,
lûivant l’inclinaifon du banc, comme la première ;
mais on lui donne trente-fix pieds de longueur, afin
qu’en exploitant encore de droite & de gauche fur
vingt-fix pieds de Q en S & de R en T , il puiffe refter
des piliers , ou plutôt des étais PISV & NMTX de
dix pieds d’épaiffeur. Cette largeur de vingt-fix pieds
doit cependant varier fuivant que le ciel eft plus ou
moins folide ; mais les.accidens ne font jamais bien
fréquens dans unbancdepeCi d’épaiffeur, par la facilité
avec laquelle on peut les prévenir & à peu de frais.
Indépendamment des piliers qu’on réferve quelquefois
à cet effet dans le fens de la longueur du
banc, on en fait encore dans le même fens avec les
décombres. J’ai déjà obfervé en parlant de l’ardoi-
fière de Rimogne, qu’une infinité de çirconftances
obligeoient à s’écarter dans la pofition &les.dimen-
fions des galeries & des piliers , de 1’o.rdre qu’on
s’étoit d’abord propofé ; on fait fouvent, par exemple
, fur- tout lorfqué le banc eft large, plufieurs
galeries parallèles à HQ R L , & on n’attend pas toujours
que les chambrées à droite & à gauche d’une
galerie foient entièrement foncées, pour la prolonger
& pour attaquer le banc à droite & à gauche
de ce prolongement : tout cela dépend de l’intelligence
& de la prudence de celui qui eft à la tête de
l’exploitation.
Arts & Métiers. Tome I. Partie I.
Ce que nous avons vu de la manière de ranger
les échelles & d’épuifer les eaux de l’ardoifière de
Rimogne, peut s’appliquer à toutes les autres ardoifières,
avec certaines modifications relatives aux
circonftances. Lorfque les eaux, par exemple , font
trop abondantes , on peut, au lieu de fimples pompes
à bras , fe fervir de machines plus compliquées ,
auxquelles on applique des chevaux : le vent, l’eau
même , font encore des agens qu’on peut employer
quelquefois avec fuccès. Ceci doit feulement s’entendre
de la machine fupérieure qui eft toujours la
plus chargée d’eau, & au pied de laquelle on conduit
& amène les eaux de toutes les galeries par les
moyens ordinaires. Je répète ici comme une chofe
très-effentielle, que le premier foin, lorfqu’on veut
ouvrir une ardoifière, doit être de chercher fi on
ne pourra pas fe débarraffer des eaux par quelque
conduit fouterrain qui ait fon débouché dans le
vallon voifin le plus profond. La feule attention
qu’on doive avoir, eft de bien s’informer jufqu’où
monte le débordement de la rivière qui paffe quelquefois
dans ce vallon, afin de tenir le conduit affez
élevé , pour que l’eau de cette rivière ne puiffe
jamais s’introduire dans la foffe.
Communément plus le banc eft couvert de terre,
plus il eft fain ; de forte que la pierre devient
meilleure à mefure qu’on s’enfonce, jufqu’à ce qu’elle
foit en quelque façon trop bonne, d’eft-à-dire, fi
dure qu’il n’eft plus poffible de la débiter en ardoifes.
C’eft par rapport à cette propriété qu’a ordinairement
le banc d’ardoife de devenir meilleur
à mefure qu’il eft plus couvert de terre, qu’il faut,
autant qu’on le peut, attaquer ce banc par le flanc,
afin de tomber tout de fuite dans le coeur. On doit
d’ailleurs chercher à conduire le chemin du fond de
lia foffe à fa fortie : on doit auffi, autant qu’on le
peut, placer cette fortie à portée d’un chemin facile
, & fur-tout de la rivière , fi elle eft navigable.
Les ouvriers qui excitent à ouvrir une ardoifière
ne manquent jamais de dire qu’ils ont trouvé le banc
qui a le plus de réputation dans le pays. Mais ,
outre que ces bancs , qui ont à la vérité quelquefois
beaucoup d’étendue, ne vont fouvent que jufqu’à
l’endroit où les ouvriers fuppofent l’ayoir trouvé ,
il n’eft poiqtdu tout certain que le banc qui a donné
de bonne pierre à un endroit, .en donne de pareille
une lieue plus loin. C ’eft tout au plus une pré-
fomption, ma-s à laquelle on ne doit pas fe livrer
inconfidérément. Quant aux moyens dont on peut
fe fervir pour reconnoître ce banc, que des bois ,
des terres cultivées, la rivière même ont fouvent
empêché de fuivre, le plus sûr eft la comparaifo-n
des couches de matière dont il eft recouvert ou fur
lefquelles il porte ; on doit les retrouver de même
nature, & rangées dans le même ordre. La com-
paraifon de leur épaiffeur augmente encore la certitude
, non que ces épaiffeurs foient par-tout les
mêmes ; mais communément elles ont entre elles
un rapport affez confiant.
M. Yialet ajoute qu’il ne croit .point devoir ter-.