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ceffa prefqu’entièrement apres la prife de Conftan- |
tinople par les Turcs, qui l’abolirent, fous le prétexte
que le bruit des cloches troubloit le repos
des âmes qui erroient dans <üair, mais par la crainte
qu’il ne fût à ceux qu’ils avoient fubjugués un
lignai en cas de révolte: cependant il continua au
mont Athos & dans quelques lieux écartés de la
Grèce. Ailleurs on fuppléa aux cloches par un ais
appelé fymandre, & par des maillets de bois, ou
par une plaque de fer appelée le fer facré, qu’on
frappoit avec des marteaux.
11 en eft de la fonderie des groffes cloches ainfi
que de la fonderie des canons, de l’art d’imprimer,
de l’invention des horloges à roue ou à foleil, de
la bouffole, des lunettes d’approche , du verre &
de beaucoup d’autres arts, dûs au hafard ou à des
hommes obfcurs ; on n’a que des conje&ures fur
l’origine des uns, & on ne fait rien du tout fur l’origine
des autres, entre lefquels on peut mettre la
fonderie des groffes cloches. On croit que l’ufage
dans nos églites n’en eft pas antérieur au fixième
fiède : il y étoit établi en 610; mais le fait qui le
prouve, favoir, la difperfion de l’armée de Clotaire
au bruit des cloches dé Sens , que Loup,
évêque d’Orléans , fit fonner , prouve aufli que les
oreilles n’étoient pas encore faites à ce bruit.
Au refte, la fonte des cloches eft un art plus
moderne de bien des fiècles que celui de la fonte
des ftatues, & plus ancien d’onze à douze cents
ans que celui de la fonte des canons.
L’Eglife, qui veut que tout ce qui a quelque
part au culte du fouverain Etre, foit confàcré par
des cérémonies, bénit les cloches nouvelles ; &
comme ces cloches font préfentées à l’églife ainfi
que les enfans nouveau- nés, qu’elles ont parrains
& marraines, & qu’on leur impofe des noms, on
a donné le nom de baptême à cette bénédiélion.
Le baptême des cloches dont il eft parlé dans
Alcuin , difciple de Bede & précepteur de Charlemagne
, comme d’un ufage antérieur à l’année 770 ,
fe célèbre de la manière fuivante, félon le pontifical
romain. Le prêtre prie; après quelques prières,
il dit: Que cette cloche foit fanêlifiée & confacrée,
au nom. du Père, du Fils, & du S. Efprit. Il prie
encore ; il lave la cloche en dedans & en dehors
avec de l’eau bépite ; il fait deffus fept croix avec
l’huile des malades , & quatre dedans avec le
chrême ; il l’encenfe, & il la nomme. Ceux qui
feront curieux de tout le détail de cette cérémonie,
le trouveront dans les Cérémonies religieufes de
M. T abbé Banier.
On a porté très-loin dans l’Occident la manie
d’avoir de groffes cloches ; & on en voit, particulièrement
dans quelques églifes de France, d’un
poids qui paroîtroit furprenant, fi , dans la Chine,
on n’en avoit fait encore de plus extraordinaires.
La groffe cloche de la cathédrale de Rouen, que
l’on nomme George-d' Amboife , & qui a été fondue .
fous le règne de Louis XII, paffe trente-fix milliers; 1
£elle de Paris ? appelée Emmanuelle, qui a été jetée
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en moule en 1682, fous le règne de Louis X IV ,
eft du poids de trente-un milliers ; mais le$ cloches
de Nankin & de Pékin^ dont le P. le Comte,
Jéfuite, a donné la dimenfion. & la pefanteur dans
fes mémoires, font bien plus confidérables. Celle
de Nankin' eft de cinquante milliers, & celle de
Pékin-dé plus de cent vingt milliers. Mais- pour
la matière & le fon, ces cloches font moins bonnes
que celles d’Europe.
La cloche de Mofcow pèfe, dit-on, foixante-
dix milliers.
- C’eft ordinairement fur les lieux & proche des
clochers que l’on fabrique les cloches qui font d’un
poids extraordinaire , pour éviter lesr Trais 1 de
tranfport. L’Emmanuelle de Paris fut fabriqrée dans
l’endroit nommé le terrein, près le cloître Notre-
Dame , où l’on a fait^depuis un jardin.
Après cet hiftorique, que nous avons rendu le
plus court qu’il nous a été pofiible, nous allons
paffer à la théorie de la fonte des cloches.
L’airain, qui autrefois ne fignifioit que le cuivre,
& dont on fe fert préfentement plus particulièrement
pour fignifier le cuivre jaune , fe dit encore
du métal dont on fait des cloches, & qu’on «nomma
auifi bronze. Ce métal fe fait le plus communément
avec dix parties de cuivre rouge & une partie
d’étain; on y ajoute aufli un peu de zinc.
Pour qu’une cloche foit fonore, il faut donner
à. toutes ces parties certaines proportions, que
nous allons examiner.
Le cerveau d’une cloche eft la partie fupérieure,
à laquelle tiennent les anfes en dehors & l’anneau
du battant en dedans. Cette partie de la cloche a
la forme à peu près femblable à celle de la partie
de la tête des animaux, que l’on nomme la cervelle.
C’eft la xaifon pour laquelle on lui a donné le nom
de cervéaù..
Là largeur du cerveau dépend de la longueur
du diamètre de la cloche. La règle eft de lui
donner fept bords & demi de diamètre , c’eft-à-dire
la moitié du diamètre de l’ouverture inférieure de
la cloche. A l’égard de fon épaiffeur, elle eft ordinairement
d’un corps ou d’un tiers de l’épaiffeur
du bord. Mais afin que les anfes foient plus folides,
on fortifie le cerveau, par une augmentation de
matière, qui a aufli un corps d’épaiffeur, & qu’on
appelle l'onde ou la calotte.
Le vafe fupérieur eft cette moitié de la cloche
qui s’élève au deffus des faujfures ; il faut entendre
par ce dernier mot, les points de la furface exté-
tieure & inférieure d’une cloche, où elle celle de
fuivre la même convexité. Les faujfures ont ordinairement
un corps d’épaiffeur, ou le tiers çlu bord de
la cloche. On les appelle faujfures ,■ parce que c’eft
fur cette circonférence de la cloche, que fe réunifient
les arcs des différens cercles dont la' courbure
extérieure de la cloche eft formée courbure qui,
par cette raifon, n’eft pas une ligne hontogène &
continue.
Vient enfwitç la gorge çu fourniture, qui n’eft que
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le renflement compris depuis les fauffures jufqu’au
bord ou arrondiffement de la cloche. Ce bord qu’on
appelle aufli pince owipaufe eft l’extrémité très-épaiffè
de la cloche , & l’endroit fur lequel frappe le battant.
La patte eft la partie la plus inférieure qui termine
la cloche en s’aminciffant.
Le bord, qui eft le fondement de toute la mefure,
fe divife en trois parties égales que l’on appelle corps,
& qui fervent, comme nous le dirons ci-après,
à donner les différentes proportions félon lefquelles
il faut tracer le profil d’une cloche , profil1 qui doit
fervir à en former le moule.
Le fon d’une cloche n’eft pas un fon fimple ; c’eft
"un compofé de différens tons rendus par les différentes
parties de la cloche, entre lefquels les fondamentaux
doivent abforber les harmoniques , comme
il arrive dans l’orgue : lorfqu’on touche à-la-fois
l’accord parfait ut, mi, fo l, on fait réfonner mi,
M ; mi , fol, f i ; fo l, f i , re ; cependant on n’entend
que ut, mi, fol, : . .
Le rapport de la hauteur de la cloche à fon diamètre
eft comme 12 à 15 , ou dans le rapport d’un
fon fondamental à fa tierce majeure ; d’où l’on conclut
que le fon de la cloche eft compofé principalement
du fon de fes extrémités ou bords, comme
fondamental du fon du cerveau qui eft à fon octave,
& de celui de la hauteur qui eft à la tierce du fondamental.
Mais il eft évident que ces dimenfions ne font
pas les feules qui donnent des tons plus ou moins
graves : il n’y a fur toute la cloche aucune circonférence
qui ne doiye produire un fon relatif à fon
diamètre & à fa diftance du fommet de la cloche.
S i , à mefure que l’on remplit .d’eau un verre, on
le frappe , il rend fucceflivement des fons différens.
Il y.auroit donc un beau problème à propofer aux
géomètres ; ce feroit de déterminer quelle figure
il faut donner à une cloche, quel eft l’accord qui
abforb'eroit le plus parfaitement tous lës fons particuliers
dù corps delà cloche, & quelle figure ilfau-
droit donner -à la-cloche pour que cet effet fût produit
le plus parfaitement qu’il feroit poflible. 1 ~
• Quand la folution de ce problème fe trouveroit
un peu écartée de fon réfultat dans la pratique , elle
n’en feroit pas moins utile. On prétend déterminer
le fon d’une cloche par fa forme & par fon poids ;
mais cela eft fujet à erreur : il faudroit faire entrer
en calcul Télafticité & la cohéfion des partiès de là
matière dont on les fond , deux élémens fur lefquels
on ne peut guère que former des conjectures vagues :
te que l’on peut avancer , c’eft que les fons de
deux cloches de même matière & d^ figures fem-
blables , feront entr’eux réciproquement comme des
racines cubiques de leurs poids ; c’eft-à-dire que fi
l’une pèfe huit fois moins que l’autre , elle formera
dans le même temps un nombre double de vibrations
; un nombre triple , fi elle pèfe 27 fois moins,
& ainfi de fuite.' -
■ Le P. Merfenne a prétendu démontrer que la
pratique des fondeurs étoit fautive à cet égard, &
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qu’ils ne pouvoient guère efpérer, même en fuppo-
fant l’homogénéité de matière & la fimilitude de
figure, le rapport qu’ils prétendoient établir entre
les fons de deux cloches , parce qu’ils n’obfervoient
pas dans la divifion de leur brochette ou règle , les
rapports harmoniques connus entre les tons de
l’oéfave.
On pourroit toutefois aifément conftruire une
table à trois colonnes, dont l’une contiendroit les
intervalles de Toélave, l’autre les diamètres des
cloches, & la troifième les touches du clavecin ou
du preftant de l’orgue , comprifes depuis la clé de
c-f o l - u t qui eft le ton des muficiens, jufqu’à l’oélave
au deffus, avec lefquelles des cloches femblables
feroient à Tuniffon ; il ne s’agiroit que de trouver
aéluellement quelque cloche fondue qui rendît le fon
d’un tuyau d’orgue connu, dont on fût le poids &
dont la figure fût bien exa&ement donnée. Le problème
ne feroit pas bien difficile à réfoudre : on
diroit une cloche pefant tant, & de telle Pgure ,
donne tel fon ; de combien faut - il diminuer ou
augmenter fon poids, pour avoir une cloche femblable
qui rende ou la fécondé, ou la tierce majeure
ou mineure, ou la quarte au deffus ou au deffous ,
& c .? ,
* Lorfque la table feroit formée pour une oéfave,
elle le feroit pour toutes les autres, tant ‘en deffus
qu’en deffous ; il ne s’agiroit que de doubler ou que
de diminuer de moitié les diamètres , & confervef
toujourslesjfimilitudes de figures. Ainfi, pour trouver
le -diamètre d’une cloche qui fonneroit l’oéîave
au deffus de l’oéiave de la table , on doubleroit le
diamètre de la cloche de la table répondante au fo l,
& l’on auroit le diamètre de celle qui fonneroit l’octave
au deffous de ce fol, Oude la clé de g-ré-fol dù
clavecin , ou l’uniffon du fol de quatre pieds de
l’orgue : fi on doubloit encore ce diamètre , on
auroit le fol de huit pieds : fi on doubloit pour la
troifième fois ce diamètre, on auroit l’uniffon du
feize-pieds ou du ravalement, oftuple de celui de la
table, ou le fon de la plus groffe cloche de Notre-
Dame de Paris, pris de bord en bord. En oéfuplant
pareillement le diamètre du la des tailles contenu
dans la table , on auroit le diamètre de la fécondé
cloche de Notre-Dame , ou de la première de. l’abbaye
de Saint-Germain-des-Prés, qui fonne le la
du ravalement.
On pourroit prendre celle de ces cloches qu’on
voudroit pour fondemént de la table il ne s’agiroit
que d’en bien connoître toutes les dimenfions ôt le
p o i d s . "
Pour prendre le diamètre d’une cloche, les fondeurs
ont un compas ; c’eft une règle de bois divifée
en pieds & pouces, & terminée par un talon ou
crochet que l’on applique à un des bords : il eft
inutile de s’étendre fur l’ufage de cette règle; il eft
évident que l’intervalle compris entre le crochet &
le point de la règle où correfpond l’autre bord de là
cloche, en eft le plus grand diamètre.
Après avoir donné la théorie des principales